À mesure que les températures et les émissions continuent d’augmenter, la planète elle aussi ne cesse de battre de nouveaux records dangereux. À condition de détermination et de suivi, nous pouvons également – aux côtés des partenaires institutionnels et des autres gouvernements – commencer à accélérer nos foulées afin de devancer la crise climatique. Notre réussite dépendra de la prise en compte des données scientifiques récentes, ainsi que de la mobilisation d’un effort conjoint et collectif de la part des gouvernements et des citoyens.
Au mois de mars, les plus grands spécialistes mondiaux du climat et un certain nombre d’États ont approuvé le tout dernier rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Une fois de plus, le message du GIEC était sans équivoque : les êtres humains ont modifié la planète de manière permanente, et le réchauffement climatique tue d’ores et déjà des populations, détruit la nature, et appauvrit le monde. Alors que les pays africains sont ceux qui ont le moins contribué au problème, ils subissent l’essentiel des dégâts. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Afrique représente moins de 3 % des émissions de dioxyde de carbone liées à l’énergie, et 600 millions d’Africains – un chiffre inacceptable – n’ont toujours pas accès à l’électricité.
Le changement climatique est un problème commun qu’il appartient à la communauté mondiale de résoudre en travaillant de concert, en particulier compte tenu de la charge disproportionnée qui pèse sur ceux qui en sont les moins responsables. Lors du récent déplacement d’Olaf Scholz au Kenya, le chancelier allemand et moi-même avons discuté des moyens de remédier à la crise climatique. Au travers du partenariat Allemagne-Kenya pour le climat et le développement, nos deux pays se sont engagés à approfondir leur collaboration en matière de développement résilient face au climat et d’énergies renouvelables, notamment en soutenant la production d’hydrogène vert et l’agriculture durable.
Nous sommes encore loin de l’objectif de limitation du réchauffement planétaire à 1,5°C, même à 2°C, tel qu’envisagé par l’accord de Paris sur le climat. La crise climatique ne se résoudra pas d’elle-même. Au contraire, nous devons faire en sorte que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) atteignent leur pic avant 2025 au plus tard, puis qu’elles diminuent d’au moins 43 % d’ici 2030.
C’est cette année qu’il nous incombe de conduire cette transformation. La prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28) de novembre-décembre, offre l’opportunité d’accélérer la transition énergétique, d’insister intensément sur la croissance des énergies renouvelables, et de nous engager à sortir de l’ensemble des énergies fossiles – à commencer par le charbon.
Le Kenya est en voie d’atteindre ces objectifs. Nous générons d’ores et déjà 92 % de notre électricité à partir de sources écologiques, et nous nous sommes engagés à atteindre 100 % d’électricité verte d’ici 2030. De même, les énergies renouvelables ont produit 46 % de l’électricité de l’Allemagne en 2022, et le gouvernement allemand s’est engagé à faire passer cette part à 80 % d’ici 2030. Aspect essentiel, non seulement ces engagements aboutiront à une électricité propre ainsi qu’à un environnement plus sûr, mais ils permettront également de créer des emplois, d’attirer des investissements, tout en rendant nos économies plus sécurisées et plus résilientes face à la volatilité des prix du gaz et du pétrole.
Mais il est important que nous menions cette course en équipe. D’après l’AIE, le ratio mondial des investissements dans les énergies propres par rapport aux investissements dans les énergies polluantes devra être multiplié par six d’ici 2030 (pour passer de 1,5/1 à 9/1).
À condition d’un solide partenariat entre l’Afrique, l’Europe et le reste de la communauté internationale, le Kenya – fort de ses ressources abondantes – peut apporter des contributions significatives à la décarbonation ainsi qu’à la transition mondiale vers une économie zéro net. Nous devons libérer la finance et les investissements climatiques, afin que nous puissions exploiter notre potentiel de croissance économique verte. Pour ce faire, il nous faudra néanmoins rectifier l’actuel système financier international, qui se révèle inadéquat dans la gestion équitable de crises mondiales à facettes multiples, de la pandémie de COVID-19 jusqu’à l’urgence climatique, en passant par la détresse des pays du Sud sur le plan de la dette.
Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui aura lieu à Paris le mois prochain, confère à l’Europe l’opportunité de mobiliser un soutien à l’appui de la réforme du système financier international. La communauté mondiale doit reconnaître notre potentiel de contribution à la résolution de problèmes planétaires, et prendre des mesures pour garantir des résultats gagnant-gagnant. Cela signifie fournir un accès à des financements abordables, adéquats et durables, apportés en temps et en heure.
Parallèlement à nos efforts de réduction des émissions, nous devons également préparer nos populations, ainsi que nos systèmes de logement, d’agriculture et d’alimentation, aux températures croissantes et aux événements météorologiques extrêmes. L’accomplissement de l’engagement pris durant la COP26 de 2021, consistant à doubler d’ici 2025 les financements mondiaux d’adaptation au climat, demeure indispensable à la préservation des populations et de la nature. Le dernier rapport du GIEC est sans détour : le changement climatique ainsi que l’insuffisance des efforts d’adaptation et d’atténuation font reculer les progrès du développement, et mettent à mal la stabilité économique.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que l’adaptation a ses limites, et que le changement climatique menace d’ores et déjà aujourd’hui la vie de plusieurs millions de personnes. Comme le souligne le GIEC, réduire les émissions de GES de 43 % au cours de cette décennie, et stabiliser le réchauffement climatique à 1,5°C, ou en dessous, demeure notre meilleure chance de maintenir le problème à un niveau gérable. Le sommet sur le climat qui aura lieu au Kenya en septembre offre une chance majeure de démontrer l’engagement du continent, son potentiel et ses opportunités de gestion de la crise climatique. Il incombe à tous les gouvernements d’agir en convenant de la sortie d’énergies fossiles consommées à un rythme effréné. Nous avons besoin de réformes pour rendre nos institutions et systèmes financiers plus adaptés à l’objectif. Ne devons enfin prendre au sérieux l’action climatique. Pour reprendre une formule employée par Eliud Kipchoge, la clé de la réussite consiste à « joindre les foulées à la parole ».
Traduit de l’anglais par Martin Morel
William Ruto est président du Kenya.
© Project Syndicate 1995–2023
Au mois de mars, les plus grands spécialistes mondiaux du climat et un certain nombre d’États ont approuvé le tout dernier rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Une fois de plus, le message du GIEC était sans équivoque : les êtres humains ont modifié la planète de manière permanente, et le réchauffement climatique tue d’ores et déjà des populations, détruit la nature, et appauvrit le monde. Alors que les pays africains sont ceux qui ont le moins contribué au problème, ils subissent l’essentiel des dégâts. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Afrique représente moins de 3 % des émissions de dioxyde de carbone liées à l’énergie, et 600 millions d’Africains – un chiffre inacceptable – n’ont toujours pas accès à l’électricité.
Le changement climatique est un problème commun qu’il appartient à la communauté mondiale de résoudre en travaillant de concert, en particulier compte tenu de la charge disproportionnée qui pèse sur ceux qui en sont les moins responsables. Lors du récent déplacement d’Olaf Scholz au Kenya, le chancelier allemand et moi-même avons discuté des moyens de remédier à la crise climatique. Au travers du partenariat Allemagne-Kenya pour le climat et le développement, nos deux pays se sont engagés à approfondir leur collaboration en matière de développement résilient face au climat et d’énergies renouvelables, notamment en soutenant la production d’hydrogène vert et l’agriculture durable.
Nous sommes encore loin de l’objectif de limitation du réchauffement planétaire à 1,5°C, même à 2°C, tel qu’envisagé par l’accord de Paris sur le climat. La crise climatique ne se résoudra pas d’elle-même. Au contraire, nous devons faire en sorte que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) atteignent leur pic avant 2025 au plus tard, puis qu’elles diminuent d’au moins 43 % d’ici 2030.
C’est cette année qu’il nous incombe de conduire cette transformation. La prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28) de novembre-décembre, offre l’opportunité d’accélérer la transition énergétique, d’insister intensément sur la croissance des énergies renouvelables, et de nous engager à sortir de l’ensemble des énergies fossiles – à commencer par le charbon.
Le Kenya est en voie d’atteindre ces objectifs. Nous générons d’ores et déjà 92 % de notre électricité à partir de sources écologiques, et nous nous sommes engagés à atteindre 100 % d’électricité verte d’ici 2030. De même, les énergies renouvelables ont produit 46 % de l’électricité de l’Allemagne en 2022, et le gouvernement allemand s’est engagé à faire passer cette part à 80 % d’ici 2030. Aspect essentiel, non seulement ces engagements aboutiront à une électricité propre ainsi qu’à un environnement plus sûr, mais ils permettront également de créer des emplois, d’attirer des investissements, tout en rendant nos économies plus sécurisées et plus résilientes face à la volatilité des prix du gaz et du pétrole.
Mais il est important que nous menions cette course en équipe. D’après l’AIE, le ratio mondial des investissements dans les énergies propres par rapport aux investissements dans les énergies polluantes devra être multiplié par six d’ici 2030 (pour passer de 1,5/1 à 9/1).
À condition d’un solide partenariat entre l’Afrique, l’Europe et le reste de la communauté internationale, le Kenya – fort de ses ressources abondantes – peut apporter des contributions significatives à la décarbonation ainsi qu’à la transition mondiale vers une économie zéro net. Nous devons libérer la finance et les investissements climatiques, afin que nous puissions exploiter notre potentiel de croissance économique verte. Pour ce faire, il nous faudra néanmoins rectifier l’actuel système financier international, qui se révèle inadéquat dans la gestion équitable de crises mondiales à facettes multiples, de la pandémie de COVID-19 jusqu’à l’urgence climatique, en passant par la détresse des pays du Sud sur le plan de la dette.
Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui aura lieu à Paris le mois prochain, confère à l’Europe l’opportunité de mobiliser un soutien à l’appui de la réforme du système financier international. La communauté mondiale doit reconnaître notre potentiel de contribution à la résolution de problèmes planétaires, et prendre des mesures pour garantir des résultats gagnant-gagnant. Cela signifie fournir un accès à des financements abordables, adéquats et durables, apportés en temps et en heure.
Parallèlement à nos efforts de réduction des émissions, nous devons également préparer nos populations, ainsi que nos systèmes de logement, d’agriculture et d’alimentation, aux températures croissantes et aux événements météorologiques extrêmes. L’accomplissement de l’engagement pris durant la COP26 de 2021, consistant à doubler d’ici 2025 les financements mondiaux d’adaptation au climat, demeure indispensable à la préservation des populations et de la nature. Le dernier rapport du GIEC est sans détour : le changement climatique ainsi que l’insuffisance des efforts d’adaptation et d’atténuation font reculer les progrès du développement, et mettent à mal la stabilité économique.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que l’adaptation a ses limites, et que le changement climatique menace d’ores et déjà aujourd’hui la vie de plusieurs millions de personnes. Comme le souligne le GIEC, réduire les émissions de GES de 43 % au cours de cette décennie, et stabiliser le réchauffement climatique à 1,5°C, ou en dessous, demeure notre meilleure chance de maintenir le problème à un niveau gérable. Le sommet sur le climat qui aura lieu au Kenya en septembre offre une chance majeure de démontrer l’engagement du continent, son potentiel et ses opportunités de gestion de la crise climatique. Il incombe à tous les gouvernements d’agir en convenant de la sortie d’énergies fossiles consommées à un rythme effréné. Nous avons besoin de réformes pour rendre nos institutions et systèmes financiers plus adaptés à l’objectif. Ne devons enfin prendre au sérieux l’action climatique. Pour reprendre une formule employée par Eliud Kipchoge, la clé de la réussite consiste à « joindre les foulées à la parole ».
Traduit de l’anglais par Martin Morel
William Ruto est président du Kenya.
© Project Syndicate 1995–2023