Banques : Entre résilience de la place de Dakar, exigences du marché et de conformité, le curseur navigue

Lundi 11 Novembre 2024

Le secteur bancaire sénégalais a été une nouvelle fois résilient en dépit d’un environnement économique difficile. Deuxième place de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) après la Côte d’Ivoire, il fait toutefois face à un point critique de son chemin lié aux exigences de plus en plus renouvelées du marché pour rehausser la qualité de la relation et renforcer la protection des clients, dans un univers tout aussi concurrentiel.


Les chiffres à fin décembre 2023 révèlent que les 4/5 de la population adulte au Sénégal n’ont pas accès aux services bancaires, sur un ratio quasi-identique de la population jeune. En effet, le taux de bancarisation strict du Sénégal en 2023 qui s’est situé à 22,39%, est encore faible comparé à d’autres autres pays de la sous-région, notamment la Côte d’Ivoire qui a atteint un niveau de 31,2% pour une moyenne de l’UMOA estimée à 25,6%.
 
C’est à ce titre que le modèle de « Agency banking », pourrait être un moyen rentable pour les banques sénégalaises de fournir des services financiers numériques, dans les zones les plus reculées grâce à un réseau d'agents diversifié.

Toutefois, en regardant la structure du portefeuille clientèle bancaire, il est relevé une prédominance des comptes « personnes physiques » avec un nombre de 2 604 853 clients représentant une part de91,90% du total sur ceux ouverts par les personnes morales (229 529), qui ressort une proportion plus faible (8,10%). Ce qui laisse transparaitre que l’impact de la contribution des banques sénégalaises sur le financement de l’économie (31,1%) est moins bien ressenti, à cause d’une certaine rigidité de l’offre.

 D’ailleurs à l’analyse, il apparait  la prédominance des crédits à court terme (3764,97 milliards ; 49,20%) dans le portefeuille bancaire (7651,64 milliards de FCFA).

Dès lors, il est tout à fait légitime de se poser la question du caractère marginal du crédit-bail dans le portefeuille bancaire avec un volume de financement qui a connu une dégradation continue durant ces trois dernières années, passant de 1,13% en 2021 à 0,93% en 2022 et 0,69% en 2023.

Pour un secteur présentant un caractère oligopolistique avec quatre (04) banques de type établissements bancaires d'importance systémique (EBIS) détenant 30,0% des actifs, 29,7% des emplois, 30,4% du portefeuille de crédits, 32,5% des ressources et 32,1% du volume des dépôts, l’activité bancaire est demeurée rentable, si l’on se réfère au résultat net global du secteur en 2023, qui s’est accru de 41,40% en s’établissant à 209,89 milliards, contre 148,42 milliards de FCFA en 2022.

Autre acquis à consolider, la qualité de portefeuille des banques s’est améliorée grâce au renforcement du dispositif de gestion des risques et à la mise en œuvre du dispositif de médiation conciliation. En effet, les créances en souffrances brutes se sont situées à 683,49 milliards à fin décembre 2023 contre 719,81 milliards de FCFA, se traduisant ainsi par un repli de 5,0% sur la période susvisée. Enfin, la solidité du secteur bancaire est aujourd’hui, confortée, d’une part, par la consolidation de la collecte des ressources qui se situe à 3,7%, et d’autre part, par une nette amélioration du niveau du coût du risque passant de 85,01 milliards de FCFA en 2022 à 19,16 milliards en 2023, traduisant une certaine capacité de maîtrise des risques du portefeuille.

C’est ce qui permet de dire que la situation prudentielle du secteur bancaire est en conformité avec les normes réglementaires. A cette sorte d’embellie, il faut aussi ajouter, que les principaux ratios d’exploitation bancaire, c’est-à-dire, le taux de rentabilité des actifs, le coefficient de rentabilité et le taux de marge nette, sont globalement au vert.

Ce dynamisme s’est accompagné d’une amélioration du coefficient d’exploitation grâce à une bonne maîtrise des coûts et une gestion prudente des risques, permettant de réaliser un résultat net sous-jacent.

Pour autant, ce décor reluisant exige à consentir davantage d’efforts pour un respect de la norme de division des risques.

Bref, le tableau serait incomplet, si on ne pointe pas en même temps, le fait qu’il y’a eu un renchérissement du coût du crédit, consécutif à la hausse des taux directeurs, qui impacte le niveau de financement de l’économie, dans un contexte où, la trésorerie bancaire subit une tendance continue de son déficit structurel qui pointe à -784,93 milliards en fin 2023 contre - 443 050 milliards en 2022.

En même temps, le Produit Net bancaire (PNB), qui mesure la valeur ajoutée des banques, a connu une baisse de 5% justifiée en grande partie par le contexte de volatilité des taux d’intérêt et par le recul des produits d’exploitation sur les opérations de la banque de détail.
L'arrivée de nouveaux acteurs et la digitalisation du secteur bancaire pourrait intensifier la concurrence, ce qui risque dans le futur de peser lourdement sur les marges bancaires.  

Avec des cibles plus spécifiques, le secteur de la microfinance a contribué à l’élargissement de l’accès et de l’utilisation aux services financiers, mais n’est pas en reste à l’examen de certaines normes prudentielles et de sa faible contribution au financement de l’économie.

L’examen des indicateurs d’activité laissent entrevoir une augmentation du sociétariat avec un nombre de clients et membres qui est passé de 3 923 775 à 4 306 771, soit une progression de 10,2% combinée à une hausse du taux d’inclusion financière du secteur de la microfinance de 19,7% en 2023.

Ces tendances favorables sont corroborées d’une part, par la hausse de 16,2% des dépôts clientèle de la microfinance avec une prédominance de la maturité à vue (45%), mais aussi par la qualité du portefeuille des institutions de microfinance qui s’est améliorée en 2023 de 1,45 point, pour ressortir à 5,08%, se situant au-dessus de la norme réglementaire de 3%. Cette tendance à la hausse de l’activité de crédit est toutefois atténuée par la faible contribution du secteur de la microfinance dans le financement de l’économie, qui tourne autour de 5%.

L’autre contraste à relever sur cette dynamique, est la baisse de 3% du niveau de capitalisation des institutions de microfinance. D’ailleurs, à titre illustratif, la norme d’autosuffisance opérationnelle n’est pas respectée par les institutions de microfinance.
 
Au demeurant, il convient de souligner que l’accès aux services financiers, et leur utilisation au Sénégal, sont essentiellement portés par la monnaie électronique, à la faveur de la digitalisation.
 
Ces innovations technologiques et l’essor du digital continuent à refaçonner le paysage des services financiers et le comportement des usagers et à offrir de nouvelles opportunités pour accélérer l’inclusion financière.
 
Le taux d’utilisation des services de monnaie électronique est ressorti à 59.86% en 2023 alors que le Taux Global d'Utilisation des Services Financiers correspondant au taux d’inclusion financière, est évalué à 83,30% en 2023, ce qui signifie que le Sénégal dépasse de loin la moyenne des pays de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui est de 71,4%.
 
Mais les chiffres alertent sur les risques qu’encourent les usagers et clients, malgré les dispositifs de sécurité misent en place. En effet, 90% des utilisateurs ont été exposés au moins à un risque associé à l'usage des Services Financiers Numériques (SFN) (fraude, arnaque, escroquerie, etc.).  
 
Un des défis majeurs qui se présente comme alternative pour tout l’écosystème, comme le pensent certains experts du secteur, est de s’orienter résolument vers une identification unique des usagers des services financiers.
 
Il est aussi essentiel d’améliorer le dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LBC/FT) en renforçant les mécanismes de contrôles et la coopération internationale, de mieux intégrer dans les modèles de gestion des banques avec le développement de stratégies d'adaptation et de mitigation des risques liées aux changements climatiques.
 
Le renforcement de la protection des consommateurs reste une grande préoccupation notamment sur les questions liées à la transparence, à la qualité des services et à la confidentialité des données personnelles de même que la bonne gouvernance d'entreprise qui demeure essentielle pour prévenir les risques de fraude, de réputation et de conformité.
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