En octobre 2014, le Président Blaise Compaoré avait instruit le parlement burkinabé de modifier la constitution afin de lui permettre de briguer un troisième mandat. Prenant les devants, des dizaines de milliers de manifestants en colère descendent dans les rues. Résultat: une Assemblée nationale brulée et un président de la République en fuite, s’évadant à l’aide d’un hélicoptère de l’armée française.
Entre juin et août 2015, le Président Nkurunziza du Burundi, de connivence avec la Cour Suprême, a profité d’une ambiguïté dissimilée dans la Constitution pour briguer un troisième mandat. Un acte qui va déclencher de violentes émeutes poussant des milliers de citoyens effrayés à trouver refuge dans les pays voisins. Bien que Nkurunziza ait été déclaré «vainqueur» d’une élection que tous les grands partis politiques de son pays avaient boycottée, il continue à faire face à une opposition farouche de la part de ceux qui l’accusent de violer la volonté du peuple qui refuse qu’un Chef d’Etat reste au pouvoir au delà de deux mandats. L’élément significatif dans la crise burundaise est l’absence d’une démarche éthnisciste au cours de la lutte contre ce forfait de Nkurunziza. Les citoyens hutus et tutsis se sont unis pour s’opposer à l’usurpation du pouvoir par le président.
Les tensions notées au Burundi ne baissent pas d’intensité à l’image des émeutes connues au Burkina.
Cependant, si le Président Joseph Kabila en République Démocratique du Congo persiste à vouloir violer la Constitution de son pays rien que pour rester au pouvoir au delà de l’expiration de son mandat en décembre 2016, l’instabilité au Burkina et au Burundi seront presque insignifiants.
Kabila a promis que l’élection présidentielle aura lieu, comme prévu, le 16 novembre 2016. La commission électorale indépendante a publié un calendrier électoral devant conduire à ce scrutin. Pourtant, rien n’a été mis en place pour matérialiser ce planning. Dans les cercles politiques on pense qu’il s’agit d’une volonté délibérée de glissement pour retarder l’élection sur une échéance indéfinie.
En janvier 2015, Kabila a suggéré de procéder à un recensement général de la population avant la tenue des élections. Un défi presque impossible à relever dans un pays de plus de 60 millions d’habitants avec des infrastructures dont l’état de délabrement est dans une situation très avancée. Cette idée de recensement en elle même a provoqué des émeutes à Kinshasa, la capitale ainsi que dans d’autres grandes villes avec comme résultat la mort de centaines de citoyens, tués par les forces de sécurité qui ont fait preuve de brutalités meurtrières extrêmes.
En août 2015, la commission électorale, une fois de plus, prépare lentement des élections locales et municipales pour la fin de l'année. Dans un pays dont la superficie et la population sont aussi importantes, tenir des élections dans des milliers de localités retardera sans aucun doute l’élection présidentielle de plusieurs années. Ce qui provoquera certainement une réaction populaire hostile. De plus, Kabila a découpé les onze anciennes provinces du pays pour en faire vingt-six. Une ruse qui ne fait que compliquer les choses. Un ensemble d’actes qui confirme que tout ce qui retarde la tenue inévitable de l’élection présidentielle, est à l’avantage de Joseph Kabila.
Entre autres agissements visant à retarder l’élection présidentielle, figure l’aspect financier. Au moment où le gouvernement du Président Kabila détourne quatre-vingt pourcent des recettes d’exportation des minerais du pays, une portion incongrue d’argent est annoncée pour financer la tenue d’élection. L’enveloppe requise pour l’élection s’élève à 1,5 milliard de dollars américains, selon l’estimation actuelle de la commission électorale. Une somme faramineuse et totalement exagérée. La communauté internationale qui s’est engagée depuis 2006 dans le financement des élections en RDC va certainement refuser de débourser une telle somme.
Ainsi, en ce mois d’août 2015, les perspectives de tenue d’une élection présidentielle, comme prévu en novembre 2016, deviennent de plus en plus incertaines. Le gouvernement américain est catégorique sur l’obligation constitutionnelle de tenir cette élection en novembre 2016. Washington ne va pas attendre le mois de juillet ou d’août 2016 pour faire pression sur le régime de Kabila. Si aucun préparatif n’est visible d’ici fin 2015, le gouvernement américain entamera sans doute des discussions avec ses partenaires européens pour imposer des sanctions sur la famille de Kabila et son cercle immédiat de proches conseillers.
Il est peu probable que l’opposition congolaise attende jusqu'à fin 2015 pour prendre des mesures contre le régime de Kabila lorsque le retard fatidique de la tenue de l’élection présidentielle deviendra de plus en plus évident. L’opposition est confiante car la donne politique interne dans ce pays a changé depuis les élections de 2006 et de 2011. Lors de ces deux joutes, Kabila jouissait du soutien de la population dans différentes régions du pays, surtout dans sa province natale du Katanga.
Alors que l’élection prévue pour 2016 pointe à l’horizon, il est clair, à présent, qu’il ne dispose que de peu de soutien, où que ce soit en RDC. Son gouvernement n’a pas réussi à réaliser de bons résultats dans la lutte contre la pauvreté malgré les importants niveaux d’exportation de minerais aux prix les plus élevés de l’histoire. De plus, son régime n’a pas réussi à ramener la paix dans les provinces frontalières orientales du Nord Kivu et Ituri, où les milices rebelles soumises à des gouvernements étrangers et les unités indisciplinées de l’armée nationale, pillent et violent sans relâche.
Au fur et à mesure que les jours passent sans que le Président Kabila n’affiche sa volonté de quitter le pouvoir selon la Constitution, il est fort probable que le peuple de la RD Congo prendra son destin en main. Ce qui est une perspective très inquiétante. Mais il est aussi important de signaler que l’instabilité dans ce pays risque de déborder dans les pays limitrophes notamment l’Angola dont la frontière Nord est dangereusement proche de Kinshasa.
Washington, le 26 août 2015
Herman J Cohen, est ancien Sous Secrétaire d'Etat américain chargé des affaires africaines dans l'Administration Bush entre 1989 et 1993.
Entre juin et août 2015, le Président Nkurunziza du Burundi, de connivence avec la Cour Suprême, a profité d’une ambiguïté dissimilée dans la Constitution pour briguer un troisième mandat. Un acte qui va déclencher de violentes émeutes poussant des milliers de citoyens effrayés à trouver refuge dans les pays voisins. Bien que Nkurunziza ait été déclaré «vainqueur» d’une élection que tous les grands partis politiques de son pays avaient boycottée, il continue à faire face à une opposition farouche de la part de ceux qui l’accusent de violer la volonté du peuple qui refuse qu’un Chef d’Etat reste au pouvoir au delà de deux mandats. L’élément significatif dans la crise burundaise est l’absence d’une démarche éthnisciste au cours de la lutte contre ce forfait de Nkurunziza. Les citoyens hutus et tutsis se sont unis pour s’opposer à l’usurpation du pouvoir par le président.
Les tensions notées au Burundi ne baissent pas d’intensité à l’image des émeutes connues au Burkina.
Cependant, si le Président Joseph Kabila en République Démocratique du Congo persiste à vouloir violer la Constitution de son pays rien que pour rester au pouvoir au delà de l’expiration de son mandat en décembre 2016, l’instabilité au Burkina et au Burundi seront presque insignifiants.
Kabila a promis que l’élection présidentielle aura lieu, comme prévu, le 16 novembre 2016. La commission électorale indépendante a publié un calendrier électoral devant conduire à ce scrutin. Pourtant, rien n’a été mis en place pour matérialiser ce planning. Dans les cercles politiques on pense qu’il s’agit d’une volonté délibérée de glissement pour retarder l’élection sur une échéance indéfinie.
En janvier 2015, Kabila a suggéré de procéder à un recensement général de la population avant la tenue des élections. Un défi presque impossible à relever dans un pays de plus de 60 millions d’habitants avec des infrastructures dont l’état de délabrement est dans une situation très avancée. Cette idée de recensement en elle même a provoqué des émeutes à Kinshasa, la capitale ainsi que dans d’autres grandes villes avec comme résultat la mort de centaines de citoyens, tués par les forces de sécurité qui ont fait preuve de brutalités meurtrières extrêmes.
En août 2015, la commission électorale, une fois de plus, prépare lentement des élections locales et municipales pour la fin de l'année. Dans un pays dont la superficie et la population sont aussi importantes, tenir des élections dans des milliers de localités retardera sans aucun doute l’élection présidentielle de plusieurs années. Ce qui provoquera certainement une réaction populaire hostile. De plus, Kabila a découpé les onze anciennes provinces du pays pour en faire vingt-six. Une ruse qui ne fait que compliquer les choses. Un ensemble d’actes qui confirme que tout ce qui retarde la tenue inévitable de l’élection présidentielle, est à l’avantage de Joseph Kabila.
Entre autres agissements visant à retarder l’élection présidentielle, figure l’aspect financier. Au moment où le gouvernement du Président Kabila détourne quatre-vingt pourcent des recettes d’exportation des minerais du pays, une portion incongrue d’argent est annoncée pour financer la tenue d’élection. L’enveloppe requise pour l’élection s’élève à 1,5 milliard de dollars américains, selon l’estimation actuelle de la commission électorale. Une somme faramineuse et totalement exagérée. La communauté internationale qui s’est engagée depuis 2006 dans le financement des élections en RDC va certainement refuser de débourser une telle somme.
Ainsi, en ce mois d’août 2015, les perspectives de tenue d’une élection présidentielle, comme prévu en novembre 2016, deviennent de plus en plus incertaines. Le gouvernement américain est catégorique sur l’obligation constitutionnelle de tenir cette élection en novembre 2016. Washington ne va pas attendre le mois de juillet ou d’août 2016 pour faire pression sur le régime de Kabila. Si aucun préparatif n’est visible d’ici fin 2015, le gouvernement américain entamera sans doute des discussions avec ses partenaires européens pour imposer des sanctions sur la famille de Kabila et son cercle immédiat de proches conseillers.
Il est peu probable que l’opposition congolaise attende jusqu'à fin 2015 pour prendre des mesures contre le régime de Kabila lorsque le retard fatidique de la tenue de l’élection présidentielle deviendra de plus en plus évident. L’opposition est confiante car la donne politique interne dans ce pays a changé depuis les élections de 2006 et de 2011. Lors de ces deux joutes, Kabila jouissait du soutien de la population dans différentes régions du pays, surtout dans sa province natale du Katanga.
Alors que l’élection prévue pour 2016 pointe à l’horizon, il est clair, à présent, qu’il ne dispose que de peu de soutien, où que ce soit en RDC. Son gouvernement n’a pas réussi à réaliser de bons résultats dans la lutte contre la pauvreté malgré les importants niveaux d’exportation de minerais aux prix les plus élevés de l’histoire. De plus, son régime n’a pas réussi à ramener la paix dans les provinces frontalières orientales du Nord Kivu et Ituri, où les milices rebelles soumises à des gouvernements étrangers et les unités indisciplinées de l’armée nationale, pillent et violent sans relâche.
Au fur et à mesure que les jours passent sans que le Président Kabila n’affiche sa volonté de quitter le pouvoir selon la Constitution, il est fort probable que le peuple de la RD Congo prendra son destin en main. Ce qui est une perspective très inquiétante. Mais il est aussi important de signaler que l’instabilité dans ce pays risque de déborder dans les pays limitrophes notamment l’Angola dont la frontière Nord est dangereusement proche de Kinshasa.
Washington, le 26 août 2015
Herman J Cohen, est ancien Sous Secrétaire d'Etat américain chargé des affaires africaines dans l'Administration Bush entre 1989 et 1993.