Diène Farba Sarr, ministre de la Promotion des investissements et des Partenariats: « Le Pse est porteur d’un nouveau paradigme qui transcende la réduction de la pauvreté »

Lundi 17 Mars 2014

Le Plan Sénégal émergent (Pse) constitue une « rupture fondamentale » dans la mesure où il ne se limite pas à faire reculer la pauvreté, mais à améliorer le revenu par habitant, à rééquilibrer la balance des paiements, et à mieux répartir l’activité dans le pays, explique le ministre de la Promotion des investissements et des Partenariats, Diène Farba Sarr. Dans cette interview, il revient sur les avancées des réformes visant à attirer les investisseurs.


Diène Farba Sarr, ministre de la Promotion des investissements et des Partenariats
Diène Farba Sarr, ministre de la Promotion des investissements et des Partenariats
Monsieur le ministre, quels principaux enseignements tirez-vous de la réunion du groupe consultatif de Paris, pour le Sénégal?
Avant d’évoquer les enseignements de la rencontre de Paris, il me parait utile de rappeler quelques éléments de contexte économique. Comme vous le savez, durant les prochaines années, le programme de gouvernement sera marqué par la mise en œuvre des ambitions déclinées dans le Plan Sénégal émergent (Pse). Ce plan a pour objet de mettre notre pays sur la rampe de l’émergence économique, à travers la transformation de la base productive, permettant une exploitation optimale de nos atouts et potentialités. De même, le Pse a pour ambition de créer un nouveau paradigme économique qui transcende la seule exigence de réduction de la pauvreté. De ce point de vue, il constitue une rupture fondamentale, car les mesures de politique économique étaient jusqu’ici axées sur la réduction de la pauvreté. Notre programme se veut un accélérateur de croissance partagée, visant l’amélioration significative du revenu par habitant, le rééquilibrage de la balance des paiements et surtout une meilleure répartition géographique et spatiale de l’activité.
A cet effet, notre pays avait entrepris de soumettre les besoins de financement y afférents aux bailleurs de fonds et aux investisseurs privés, à travers la tenue d’une réunion d’un Groupe consultatif les 24 et 25 février 2014 à Paris. En engageant cette démarche de mobilisation de ressources, le Sénégal s’inscrit dans une tradition qui s’est révélée concluante par le passé, reflétant la confiance historique qu’il inspire auprès de la communauté financière internationale. L’édition 2014 du Groupe consultatif a été marquée du sceau de l’innovation, à travers la tenue, pour la première fois, d’une journée exclusivement consacrée au secteur privé, en vue de susciter une participation à la réalisation des projets en Partenariat public-privé (Ppp) et un intérêt aux opportunités offertes par les filières de production de notre pays. Sur le plan sectoriel, nous avons souhaité inviter nos partenaires à partager notre ambition de réduire drastiquement le déficit alimentaire, justifiant la place centrale de l’agriculture dans nos besoins de financement.
Sur la base de tous ces enjeux, nous pouvons considérer que la rencontre de Paris a été une totale réussite, tant sur le plan de la mobilisation que sur l’organisation. Nous avons engrangé des engagements au-delà de nos attentes. Pour rappel, ces engagements au titre des projets privés, se sont établis à plus de 3.000 milliards de FCfa alors que nos besoins pour le secteur privé se chiffraient à 1.111 milliards. De même, sur une participation escomptée de 850 investisseurs environ, nous avons pu enregistrer prés de 1.500 participants. Tous ces résultats reflètent la crédibilité de notre pays au sein de la communauté financière internationale. Bien entendu, cette crédibilité est incarnée par la vision d’un homme, le président Macky Sall, qui a su donner les orientations pertinentes en vue de la tenue de cette rencontre avec le succès que vous savez. Plus généralement, les résultats de Paris témoignent de la stabilité sociopolitique du Sénégal, de la qualité de ses institutions et de la rentabilité financière et économique des projets qui ont été soumis au secteur privé international.
On entend beaucoup parler de Ppp depuis quelques temps. Que veut dire cette expression ?
Le Ppp est un contrat par lequel l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée, en fonction de la durée d'amortissement des investissements, une mission de construction, d'entretien, de maintenance et d'exploitation d'équipements ou de biens immatériels, au titre de la fourniture de services publics traditionnellement dévolue à la puissance publique. De ce fait, cette modalité constitue une solution alternative à la faiblesse des ressources publiques, en ce qu'elle permet de réaliser des ouvrages collectifs sans recours au budget national, les financements devant être produits par l'adjudicataire du marché qui s'assure des paiements à travers les amortissements relatifs à l'exploitation de l'ouvrage.
Les Ppp, qui ont connu un essor dans les pays émergents, peuvent ainsi tenir une place importante dans la stratégie de développement des infrastructures de base telles que les routes, les hôpitaux, l’eau et l'assainissement au sein de pays en développement comme le nôtre. Le projet le plus emblématique en Ppp au Sénégal est l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio long de 32 kilomètres.
Justement, le gouvernement s’est récemment attelé à la modification de la loi sur les Ppp. Quel est l’objectif poursuivi ?
Dès son arrivée au pouvoir, le président Macky Sall a procédé à une évaluation exhaustive de certains mécanismes économiques qui structurent la vie des affaires au Sénégal. Dans ce cadre, l’analyse de la loi N° 2004-13 du 1er mars 2004 relative aux contrats de Construction-exploitation-transfert d’infrastructures, dite loi Cet, a mis en lumière la nécessité de l’adapter aux exigences d’une croissance économique soutenue dans les ambitions du Pse. Notre pays fait face à un besoin croissant de financement d’ouvrages ou d’équipements. Pour satisfaire cette exigence, il a été jugé nécessaire de procéder à une réforme de la loi, jusqu’ici confinée aux seules infrastructures, en l’étendant aux autres secteurs. Globalement, la nouvelle loi permet l’élargissement du champ d’application de la loi pour couvrir l’ensemble des secteurs prioritaires ; le renforcement de la participation du secteur privé national pour lancer de véritables champions mais aussi de créer des emplois. Elle permet aussi la mise en place de mesures incitatives pour les entreprises de l’Uemoa ; l’assouplissement des conditions et modalités de traitement des offres spontanées, en vue de permettre une meilleure captation des opportunités d’investissements.
Ces recommandations ont inspiré l’adoption de mécanismes permettant à l’administration de mener à bien ses missions dans la quasi-totalité des secteurs de l’action publique : social, économique et fiscal, aménagement du territoire, éducation, culture et sport. Il est également apparu opportun, ultérieurement, d’intégrer aux contrats de partenariat public-privé les conventions d’occupation du domaine public constitutives de droits réels et le bail emphytéotique qui permettent à l’administration de valoriser son patrimoine immobilier, soit en lui procurant des ressources directes, soit en lui évitant d’engager des dépenses excessives. La nouvelle loi consacre désormais l’ancrage de la pratique des Ppp au Sénégal pour la réalisation de grands ouvrages structurants, tout en présentant l’avantage de ne pas exercer de pressions sur les finances publiques.
Quelles sont les réformes qui ont été faites dans l’environnement des affaires durant la période récente pour améliorer la destination Sénégal ?
Je voudrais d’abord souligner que le Sénégal a fait du secteur privé le moteur de la croissance. A cet titre, des  réformes d'envergure ont été entreprises en vue de libéraliser les économies et d'alléger les formalités relatives à l'investissement. Ainsi, les politiques d'intervention de l'Etat, de protection des secteurs ont fait place à une approche axée sur l'ouverture et la libéralisation de l’économie, la promotion de la concurrence et le maintien d'un climat favorable à l'investissement privé. Des mécanismes du marché ont été institués et les régimes fiscaux ont été rationalisés, tandis que la libéralisation du commerce extérieur a connu des progrès sensibles.
Le gouvernement a pris la pleine mesure de l’importance des réformes à mener pour renforcer l’attractivité de notre pays pour les investisseurs privés. Dans ce cadre, l’Etat a adopté un nouveau Programme de réformes pour l’amélioration de l’environnement des affaires et de la compétitivité (Preac), pour la période 2013-2015. Ce programme a pour principal objectif d’inscrire le Sénégal dans les dix meilleures performances en Afrique en termes d’attractivité. Il s’articule autour d’une cinquantaine de mesures prioritaires dont plus d’une trentaine revêtent un caractère structurel et innovant. Ainsi, les performances du Sénégal en création d’entreprise s’améliorent davantage, puisque le délai d’enregistrement de la Société à responsabilité limitée est passé de deux à un jour.
Dans le domaine du commerce transfrontalier, l’avancée majeure a sans doute été l’achèvement du processus de dématérialisation de la procédure de dédouanement en mars 2013. La généralisation de la procédure automatique de dédouanement pour les démarches administratives d’import/export au port autonome de Dakar avec le système Gainde intégral permettent désormais un gain d’un jour sur les délais de 12 jours à l’export et de 14 jours à l’import.
Par ailleurs, les procédures de facilitation de l’obtention du permis de construire seront allégées avec l’installation de guichets uniques de dépôts et d’instruction des demandes et l’opérationnalisation du projet de dématérialisation des procédures. Dans le même ordre d’idées, il a été institué, en synergie avec les concessionnaires, une procédure fusionnelle permettant aux  entreprises par une seule démarche, d’obtenir le raccordement à l’eau, l’électricité, le téléphone et  l’assainissement. Les transactions immobilières sont allégées au Sénégal, avec la suppression de l’autorisation de transaction, permettant de réduire de moitié les délais des opérations de transfert de propriétés des biens immeubles. Cette mesure est complétée par l’opérationnalisation de la procédure fusionnée (enregistrement et publicité) dans toutes les conservations de Dakar. Pour l’accès au crédit, un dispositif innovant est constitué d’un Fonds souverain des investissements stratégiques (Fonsis), d’un Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) et d’une banque dédiée au financement des Pme/Pmi (Banque nationale pour le développement économique, ndlr) qui constituent plus de 80 % du Pib. La  loi sur les Bureaux d’informations relatives au crédit a été adoptée afin d’améliorer la disponibilité de l’information  et contribuer à alléger la contrainte de la garantie. Pour la proche période, l’Etat s’attèle à parachever la mesure de fixation du capital minimum d’un franc symbolique pour la Sarl, en ligne avec une recommandation du Conseil des ministres de l’Ohada qui en donne la prérogative aux Etats membres. Dans le souci de consolider les acquis, madame le Premier ministre a engagé les administrations habilitées à accélérer la cadence sur le processus de remontée du Sénégal dans le rapport Doing Business. A cet effet, un comité de veille a été institué avec pour mission principale d’assurer un suivi rapproché des diligences y relatives. Déjà, je puis vous dire que les indicateurs portant sur l’accès au crédit et le raccordement à l’électricité ont été réalisés à 90 %.  
Après le succès de Paris, quels sont les principaux défis qui se posent au Sénégal ?
Le président Macky Sall l’a clairement dit. Il s’agit de la mise en œuvre des projets et programmes. En particulier, le défi le plus urgent porte sur une nécessaire modernisation de notre appareil administratif par le renforcement de la célérité dans les procédures. En tout état de cause, il importe de définir un dispositif propre à garantir la réalisation des projets. C’est pour cette raison que le président de la République appelle à des mécanismes innovants en la matière. La création d’un ministère chargé du suivi du Pse participe de cet effort. Le défi est également plus holistique, dans la mesure où la mise en œuvre des ambitions économiques requiert la participation de toutes les forces vives de la Nation. En particulier, je voudrais souligner la nécessité d’une discipline collective, d’une inclusion des collectivités locales et surtout d’une administration orientée vers l’émergence.
Le Soleil
 
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