Le spectacle est inédit dans les annales de la recherche d’emplois au Sénégal. Le Stade Iba Mar Diop, situé sur l’avenue Blaise Diagne, au mois de février, transformé en une sorte de « Pôle Emploi » à la Sénégalaise, pour les dépôts de dossiers de recrutements dans la fonction publique. Au finish, la résorption du chômage n’est pas pour demain, car sur les quelques 5.500 recrutements annoncés, le ministre de la Fonction publique, Mansour Sy déclare qu’au 18 mars 2013, ses services ont enregistré 115.000 demandes et se projette autour des 125.000 dépôts d’ici la fin du mois de mars. Ainsi, sur les 300.000 emplois annoncés par le président Macky Sall d’ici 2017, les 5.500 recrutements prévus pour cette année 2013, dans l’administration sénégalaise, très courus par la pléthore de diplômés sans emploi, suscitent espoirs et méfiance.
Moustapha Diop, titulaire d’un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) en Sciences économiques, rencontré dans les allées de l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop), nous confie que « bien que j’ai fait acte de candidature, je reste pessimiste pour la bonne et simple raison que sur la liste des postes à pourvoir, je ne vois pas de poste correspondant à mon profil ». Il déclare que les recrutements envisagés « c’est seulement de la mascarade pour amadouer les jeunes », car « les effectifs destinés à l’armée et aux sortants de l’ENA (Ecole nationale d’Administration) sont toujours de mise au sein de l’administration sénégalaise ». Toutefois, l’annonce faite par le Chef de l’Etat est pour d’autres, une aubaine à ne pas négliger. C’est le cas de Ndèye Marième Ndiaye, titulaire d’un Master en droit privé, qui indique que, « j’ai déposé pour tenter ma chance. Cela fait trois ans que je suis à la recherche d’un emploi ». Elle poursuit pour dire que « l’annonce du Chef de l’Etat m’a redonné espoir, et je reste optimiste tout en espérant que les recrutements se feront dans la plus grande transparence ». Cette ruée vers la fonction publique est une preuve si besoin en est de l’ampleur du sous-emploi dans notre pays. Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), dans son document intitulé « Situation Economique et sociale du Sénégal » en 2011, le nombre de chômeurs s’établit à 460.734 personnes en 2011, soit un taux de chômage de 10,2 %. Le taux de chômage est pratiquement resté stable par rapport à 2005 où il était estimé à 10,0%, souligne l’ANSD. Elle renseigne en outre, qu’au Sénégal, le phénomène du chômage des femmes est de 13,3% et celui des jeunes de 15-24 ans de 12,7%. Dans le même sillage, le sous-emploi reste élevé avec un taux de l’ordre de 32,0%, soit à peu près, un actif occupé sur trois est en situation de sous-emploi. Par ailleurs, constate l’ANSD, le taux d’activité est de 48,8% en 2011, alors qu’il était de l’ordre de 50,7% en 2005. Ainsi, selon l’ANSD, le secteur de l’emploi au Sénégal a connu de réelles difficultés au cours des dernières années, malgré la volonté affichée par les autorités publiques de mettre l’emploi au cœur des politiques de développement. Le Sénégal a adopté en mars 2010, son deuxième Document de politique de l’emploi pour la mise en œuvre de la Nouvelle politique Nationale d’emploi (NPNE), qui vise la création de 725.000 emplois modernes d’ici 2015, rappelle l’ANSD.
Face à la demande : la politique d’insertion
Le chantier de l’emploi constitue une priorité nationale eu égard à ses impacts sur l’insertion sociale et sur le développement socio-économique du pays. Fort de ce constat, l’Etat du Sénégal a entrepris plusieurs politiques d’insertion des jeunes allant de la mise en place de certaines structures comme l’ANEJ (Agence nationale pour l’Emploi des jeunes), l’AGEP(Agence pour l’emploi des jeunes des banlieues) et le FNPJ ( Fonds national de Promotion des jeunes), entre autres, mais aussi avec le secteur privé. L’entreprise étant un des puissants « bras armés » de toute nation qui voudrait tourner vers la croissance économique et le progrès social durable. Le Ministère de la Fonction publique à travers ses démembrements a établi des partenariats avec le secteur privé sénégalais. Ainsi, la Direction de l’emploi a signé une convention avec les entreprises privées pour participer à l’insertion des jeunes. A ce jour, plus de 292 entreprises privées adhèrent à cette convention. Cette convention leurs permet de bénéficier d’une réduction de la cotisation sociale, et de ne plus avoir à payer l’impôt sur l’allocation entre autres. En retour, l’Etat peut compter sur ces entreprises pour l’insertion des jeunes diplômés. A ce propos, plus de 80% des entreprises privées recrutent leur personnel par le biais de la direction de l’emploi. Selon les statistiques, depuis la mise en place de la convention plus de 15.000 jeunes ont été insérés dans le secteur privé.
Malgré ces efforts le taux de chômage reste élevé. La problématique de l’emploi demeure et s’amplifie d’année en année. Selon un interlocuteur la Division chargée du recrutement au sein de l’Administration Sénégalaise, « tous les jeunes qui ont déposé ne pourront pas être recrutés au sein de l’administration ». Sur ce recrutement dans la fonction publique, des grincements se font jour et certains demandeurs d’emploi parlent de promesses non tenues. En effet, le Regroupement des diplômés sans-emplois du Sénégal (RDSES), en conférence de presse le 26 juillet dénonce un certain « statut quo qui prévaut sur l’emploi au Sénégal ». Selon Babacar Ndour, coordonnateur du Rdses, « l’heure est venue de se demander ce qui a été réellement fait pour réduire le taux de chômage des jeunes, car le constat est qu’il y a un manque de volonté de prendre en charge de manière efficiente la question de l’emploi des jeunes ». Pour faire bouger les choses, le Rdses envisage d’organiser une manifestation le 20 août à la Place de l’Obélisque.
L’alternative d’une formation de qualité
Au Sénégal, la formation professionnelle n’est pas trop développée. Les offres d’emploi ne correspondent pas souvent avec le profil des candidats. De l’avis de notre interlocuteur à la division chargée du recrutement au sein de l’administration, « les dossiers des candidats ne sont pas en conformité avec le profil recherché ». Dès lors, il urge de revoir la formation des jeunes. « Les formations ne sont pas intéressantes. Il est impératif d’orienter la formation des jeunes vers une certaine spécialisation, afin de leur permettre d’être plus opérationnels au sortir des enseignements ».
Pour François Murangira, directeur du Bureau International du Travail (BIT), à Dakar « il faut des politiques actives, pour privilégier la formation professionnelle et technique ». Selon lui « il y a un problème d’adéquation emploi/ formation, on forme les jeunes dans des filières qui ne sont pas en conformité avec les besoins du marché ». C’est pourquoi, « il faut former les jeunes dans des métiers d’avenir comme, l’agriculture, l’industrie, les mines, le tourisme etc., qui peuvent se développer dans les années à venir», souligne-t-il. Pour ce faire « il faut que les acteurs réfléchissent pour mettre en place des formations qui répondent aux besoins du marché de l’emploi », recommande-t-il. Les propositions du directeur du BIT semblent être une alternative au chômage en croire M. Ndiaye, enseignant formateur en Economie & Gestion à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Il est d’avis « qu’il faut que l’Etat oriente sa jeunesse vers la formation professionnelle, car la formation générale est saturée et tout le monde ne peut pas travailler dans un bureau ». Pour l’heure, souligne-t-il « l’Etat doit diversifier l’enseignement ». Pour se faire « il faudrait dès l’obtention du BEFM, orienter l’élève vers les métiers d’avenir, ce qui lui permettra d’avoir un baccalauréat technique en maçonnerie, en menuiserie, en mécanique etc. » propose-t-il. Ainsi, « cette personne pourra, après sa formation, être opérationnel », soutient M. Ndiaye. Dès lors, « la création de centres de formation professionnelle sectoriels, tels que ceux du BTP, de l’Agro-industrie et des Acteurs portuaires et dans tous les secteurs d’activités porteurs de croissance, devient impératif » estime-t-il. Par ailleurs, il convient de souligner que beaucoup de sortants de centres ou d’écoles de formation professionnelle, n’arrivent pas à avoir une insertion professionnelle. On se souvient encore des péripéties des élèves sortants de l’Ecole d’Agriculture et d’horticulture de Ziguinchor, qui après leur « longue marche » de la Capitale du Sud à Dakar, ont engagé une grève de la faim, pour un recrutement dans la fonction publique et au finish que des promesses des autorités. C’est pourquoi, le Collectif National pour l’emploi, qui regroupe plusieurs associations de jeunes diplômés, pense que seul la lutte fera de la question de l’emploi « une priorité nationale avec les stratégies et investissements nécessaires » et non uniquement « une promesse politicienne que les régimes successifs du 19 mars 2000 et du 25 mars 2012 ne cessent de promulguer».
Amy Diallo
Moustapha Diop, titulaire d’un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) en Sciences économiques, rencontré dans les allées de l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop), nous confie que « bien que j’ai fait acte de candidature, je reste pessimiste pour la bonne et simple raison que sur la liste des postes à pourvoir, je ne vois pas de poste correspondant à mon profil ». Il déclare que les recrutements envisagés « c’est seulement de la mascarade pour amadouer les jeunes », car « les effectifs destinés à l’armée et aux sortants de l’ENA (Ecole nationale d’Administration) sont toujours de mise au sein de l’administration sénégalaise ». Toutefois, l’annonce faite par le Chef de l’Etat est pour d’autres, une aubaine à ne pas négliger. C’est le cas de Ndèye Marième Ndiaye, titulaire d’un Master en droit privé, qui indique que, « j’ai déposé pour tenter ma chance. Cela fait trois ans que je suis à la recherche d’un emploi ». Elle poursuit pour dire que « l’annonce du Chef de l’Etat m’a redonné espoir, et je reste optimiste tout en espérant que les recrutements se feront dans la plus grande transparence ». Cette ruée vers la fonction publique est une preuve si besoin en est de l’ampleur du sous-emploi dans notre pays. Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), dans son document intitulé « Situation Economique et sociale du Sénégal » en 2011, le nombre de chômeurs s’établit à 460.734 personnes en 2011, soit un taux de chômage de 10,2 %. Le taux de chômage est pratiquement resté stable par rapport à 2005 où il était estimé à 10,0%, souligne l’ANSD. Elle renseigne en outre, qu’au Sénégal, le phénomène du chômage des femmes est de 13,3% et celui des jeunes de 15-24 ans de 12,7%. Dans le même sillage, le sous-emploi reste élevé avec un taux de l’ordre de 32,0%, soit à peu près, un actif occupé sur trois est en situation de sous-emploi. Par ailleurs, constate l’ANSD, le taux d’activité est de 48,8% en 2011, alors qu’il était de l’ordre de 50,7% en 2005. Ainsi, selon l’ANSD, le secteur de l’emploi au Sénégal a connu de réelles difficultés au cours des dernières années, malgré la volonté affichée par les autorités publiques de mettre l’emploi au cœur des politiques de développement. Le Sénégal a adopté en mars 2010, son deuxième Document de politique de l’emploi pour la mise en œuvre de la Nouvelle politique Nationale d’emploi (NPNE), qui vise la création de 725.000 emplois modernes d’ici 2015, rappelle l’ANSD.
Face à la demande : la politique d’insertion
Le chantier de l’emploi constitue une priorité nationale eu égard à ses impacts sur l’insertion sociale et sur le développement socio-économique du pays. Fort de ce constat, l’Etat du Sénégal a entrepris plusieurs politiques d’insertion des jeunes allant de la mise en place de certaines structures comme l’ANEJ (Agence nationale pour l’Emploi des jeunes), l’AGEP(Agence pour l’emploi des jeunes des banlieues) et le FNPJ ( Fonds national de Promotion des jeunes), entre autres, mais aussi avec le secteur privé. L’entreprise étant un des puissants « bras armés » de toute nation qui voudrait tourner vers la croissance économique et le progrès social durable. Le Ministère de la Fonction publique à travers ses démembrements a établi des partenariats avec le secteur privé sénégalais. Ainsi, la Direction de l’emploi a signé une convention avec les entreprises privées pour participer à l’insertion des jeunes. A ce jour, plus de 292 entreprises privées adhèrent à cette convention. Cette convention leurs permet de bénéficier d’une réduction de la cotisation sociale, et de ne plus avoir à payer l’impôt sur l’allocation entre autres. En retour, l’Etat peut compter sur ces entreprises pour l’insertion des jeunes diplômés. A ce propos, plus de 80% des entreprises privées recrutent leur personnel par le biais de la direction de l’emploi. Selon les statistiques, depuis la mise en place de la convention plus de 15.000 jeunes ont été insérés dans le secteur privé.
Malgré ces efforts le taux de chômage reste élevé. La problématique de l’emploi demeure et s’amplifie d’année en année. Selon un interlocuteur la Division chargée du recrutement au sein de l’Administration Sénégalaise, « tous les jeunes qui ont déposé ne pourront pas être recrutés au sein de l’administration ». Sur ce recrutement dans la fonction publique, des grincements se font jour et certains demandeurs d’emploi parlent de promesses non tenues. En effet, le Regroupement des diplômés sans-emplois du Sénégal (RDSES), en conférence de presse le 26 juillet dénonce un certain « statut quo qui prévaut sur l’emploi au Sénégal ». Selon Babacar Ndour, coordonnateur du Rdses, « l’heure est venue de se demander ce qui a été réellement fait pour réduire le taux de chômage des jeunes, car le constat est qu’il y a un manque de volonté de prendre en charge de manière efficiente la question de l’emploi des jeunes ». Pour faire bouger les choses, le Rdses envisage d’organiser une manifestation le 20 août à la Place de l’Obélisque.
L’alternative d’une formation de qualité
Au Sénégal, la formation professionnelle n’est pas trop développée. Les offres d’emploi ne correspondent pas souvent avec le profil des candidats. De l’avis de notre interlocuteur à la division chargée du recrutement au sein de l’administration, « les dossiers des candidats ne sont pas en conformité avec le profil recherché ». Dès lors, il urge de revoir la formation des jeunes. « Les formations ne sont pas intéressantes. Il est impératif d’orienter la formation des jeunes vers une certaine spécialisation, afin de leur permettre d’être plus opérationnels au sortir des enseignements ».
Pour François Murangira, directeur du Bureau International du Travail (BIT), à Dakar « il faut des politiques actives, pour privilégier la formation professionnelle et technique ». Selon lui « il y a un problème d’adéquation emploi/ formation, on forme les jeunes dans des filières qui ne sont pas en conformité avec les besoins du marché ». C’est pourquoi, « il faut former les jeunes dans des métiers d’avenir comme, l’agriculture, l’industrie, les mines, le tourisme etc., qui peuvent se développer dans les années à venir», souligne-t-il. Pour ce faire « il faut que les acteurs réfléchissent pour mettre en place des formations qui répondent aux besoins du marché de l’emploi », recommande-t-il. Les propositions du directeur du BIT semblent être une alternative au chômage en croire M. Ndiaye, enseignant formateur en Economie & Gestion à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Il est d’avis « qu’il faut que l’Etat oriente sa jeunesse vers la formation professionnelle, car la formation générale est saturée et tout le monde ne peut pas travailler dans un bureau ». Pour l’heure, souligne-t-il « l’Etat doit diversifier l’enseignement ». Pour se faire « il faudrait dès l’obtention du BEFM, orienter l’élève vers les métiers d’avenir, ce qui lui permettra d’avoir un baccalauréat technique en maçonnerie, en menuiserie, en mécanique etc. » propose-t-il. Ainsi, « cette personne pourra, après sa formation, être opérationnel », soutient M. Ndiaye. Dès lors, « la création de centres de formation professionnelle sectoriels, tels que ceux du BTP, de l’Agro-industrie et des Acteurs portuaires et dans tous les secteurs d’activités porteurs de croissance, devient impératif » estime-t-il. Par ailleurs, il convient de souligner que beaucoup de sortants de centres ou d’écoles de formation professionnelle, n’arrivent pas à avoir une insertion professionnelle. On se souvient encore des péripéties des élèves sortants de l’Ecole d’Agriculture et d’horticulture de Ziguinchor, qui après leur « longue marche » de la Capitale du Sud à Dakar, ont engagé une grève de la faim, pour un recrutement dans la fonction publique et au finish que des promesses des autorités. C’est pourquoi, le Collectif National pour l’emploi, qui regroupe plusieurs associations de jeunes diplômés, pense que seul la lutte fera de la question de l’emploi « une priorité nationale avec les stratégies et investissements nécessaires » et non uniquement « une promesse politicienne que les régimes successifs du 19 mars 2000 et du 25 mars 2012 ne cessent de promulguer».
Amy Diallo