« L’Afrique dispose d’énormes potentialités dans le domaine des énergies renouvelables »

Dimanche 22 Juin 2014

Thierno Bocar Tall, issu de la BIDC, est à l’origine du FABER, le Fonds Africain des Biocarburants et des Energies Renouvelables, un projet qu’il a porté et mené avec constance et d’opiniâtreté, et qui rencontre aujourd’hui un succès remarquable à travers la SABER dont il est président directeur général. Entretien.


Thierno Bocar Tall, président directeur général de SABER
Thierno Bocar Tall, président directeur général de SABER
D’où vient cet intérêt pour les nouvelles technologies ?
Thierno Bocar Tall : L’Afrique dispose d’un instrument pour non seulement financer son développement économique durable, mais aussi pour bénéficier de ce qu’offre le Protocole de Kyoto, particulièrement en ce qui concerne le Mécanisme de développement propre (MDP).
Comment voyez-vous l’avenir énergétique du continent africain ?
TBT : Tout le monde est d’avis que la sécurité et la maîtrise d’une énergie durable sont réellement un facteur de croissance économique de notre continent. L’Afrique dispose d’énormes potentialités dans le domaine des énergies renouvelables (solaire, géothermie, biomasse, hydroélectricité) pour assurer sa propre sécurité et son indépendance énergétique. C’est pour dire que l’avenir est réellement prometteur si nous le prenons dans ce sens.
Les mentalités, les décideurs sont-ils prêts pour cette transition énergétique ?
TBT : Oui en effet, dans tous les programmes de stratégies de développement et promotion du secteur énergétique, il est pris en compte les énergies renouvelables. J’en veux pour preuve le programme de l’UEMOA dénommé IRED (Initiative Régionale pour les Energies Durables) qui s’appuie sur une vision à l’horizon 2030, déclinée en trois objectifs stratégiques : (i) faire passer le taux d’électrification dans l’espace UEMOA de 17 % en 2007, à 80 % en 2020 et à 100 % en 2030 (accès universel au service de l’électricité) ; (ii) réduire le prix moyen de l’électricité dans l’espace UEMOA à 30 FCFA le KWh à l’horizon 2030 ; (iii) accroître la proportion des énergies renouvelables et durables (hydroélectricité, solaire, éolien) dans le parc de production de 36 % en 2007 à 82 % en 2030.
Avez-vous rencontré des obstacles pour l’élaboration de ce projet ?
TBT : Pour une première précision, le FABER qui est devenu aujourd’hui le FAER est dédié au financement de l’énergie durable. Au démarrage, il y avait beaucoup d’obstacles, particulièrement d’ordre technique, financier et communicationnel. Il fallait d’abord faire un travail de titan pour faire passer le projet, aussi bien au niveau des politiques, des institutions de financement que des partenaires au développement. Ce fut le cas avec la Banque africaine de développement (BAD), qui, en compagnie de la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) et de la Banque ouest africaine de développement (BOAD) ont amené ce projet à la réalité, avec son lancement le 13 mars 2014 à Nairobi pour un capital initial de 105 millions USD et qui sera porté à 200 millions USD d’ici la fin 2014.
Très vite, en 2009, le Fonds est devenu une Société Anonyme, dénommée SABER (Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renouvelables). Pourquoi ?
TBT : Je précise que l’objectif initial était la création du Fonds Africain des Energies Renouvelables (FAER) ; mais pour ce faire, il faut une société de gestion pour gérer le fonds et c’est dans ce cadre que nous avons créé la Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renouvelables (SABER) qui nous a permis d’ailleurs de mener d’autres activités comme l’intervention dans le secteur public et le financement des PME/PMI à travers un instrument qui sera mis en place d’ici la fin de l’année 2014.
Dans la foulée de la création de la SABER, il a été signé un accord de siège à Lomé avec l’Etat togolais. Y a-t-il une raison particulière à ce choix ?
TBT : Permettez-moi tout d’abord de remercier les autorités togolaises pour avoir signer l’accord de siège avec ABREC/SABER. Ce qui lui permet d’atteindre de manière optimale les objectifs que ses actionnaires lui ont assigné. Parmi ces objectifs, on peut citer l’assistance technique aux Etats actionnaires de l’institution et plus particulièrement les partenariats stratégiques de développement avec la Commission de l’UEMOA et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS).
Qui sont les parties prenantes de la SABER ? Les investisseurs ?
TBT : La SABER dispose de 21 actionnaires (14 Etats membres de la CEDEAO plus le Tchad et 6 institutions financières dont la BIDC qui l’une des institutions promotrices de cette initiative). La SABER dispose par ailleurs d’un partenaire stratégique qui est la BOAD qui lui a accordé un soutien institutionnel. Je remercie au passage, tous ceux qui ont cru à cette initiative dès le départ
Comment les multinationales de sources d’énergie fossile, autrement dit les pétroliers, voient-elles votre initiative ?
TBT : Les besoins sont tels qu’il ne peut qu’y avoir de complémentarité compte tenu de la disponibilité limitée des ressources naturelles. Pour beaucoup de pays africains, le taux d’accès à l’énergie est de 25 % ; et que faire des 75 % restants ? A mon avis, c’est une réalité, l’énergie renouvelable est une alternative pour combler ce gap et assurer le développement économique durable.
Je précise par ailleurs que même les multinationales productrices de pétrole sont confrontées aux défis du changement climatique et elles sont toutes en train de développer des initiatives sobres en carbone. Je peux donc affirmer qu’il peut exister des complémentarités entre les deux démarches.
Le lancement officiel de la société a eu lieu très récemment en 2009. Pourquoi ce délai si long de 5 ans entre sa création et son lancement ?
TBT : Je précise que vous confondez la SABER et le FAER qui est la nouvelle dénomination. La SABER a démarré ses activités depuis 2010. Et depuis lors, nous avons contribué à la réalisation de beaucoup de projets en Afrique de l’Ouest (lampadaires solaires, biomasse, mini centrales, etc.) et nous sommes l’agence d’exécution de l’UEMOA dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (PRODERE). L’objectif qui consistait en la création du fonds a été réalisé le 13 mars 2014 après cinq ans, ce qui n’est rien du tout dans la vie d’un projet. Mais durant cette période, il y a eu des études de création d’un fonds, les tours de table pour convaincre les institutions, surtout dans un secteur nouveau comme les énergies renouvelables. En plus des obstacles que j’avais cités précédemment, l’obstacle d’ordre institutionnel est aussi un défi majeur. Pour investir dans des projets privés de centrales solaires ou géothermiques, il faut que le pays hôte dispose d’un cadre réglementaire approprié et d’un tarif d’achat attractif. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des pays en Afrique de l’Ouest.
Avez-vous pu, lancer des projets ?
TBT : Au 31 décembre 2013, nous avons réalisé beaucoup de projets parmi lesquels on peut citer la réalisation :
·         de 10 000 lampadaires en Sierra Léone ;
·         de 6000 lampadaires en Guinée/Conakry ;
·         d’une étude pour une centrale de 10 MW au Niger ;
·         d’études pour 10 000 lampadaires dans les régions du Togo ;
·         d’études pour deux centrales de 5 MW chacune, au Togo et au Bénin.
Mais le fait le plus marquant en 2013 est la mise en œuvre du Programme de développement des energies renouvelables et d’efficacité énergétique (PRODERE). En effet, l’UEMOA et la SABER ont signé le 02 mai 2013 une convention de Maîtrise d’ouvrage déléguée (MOD) pour la réalisation des études de faisabilité, de la fourniture et de l’installation d’équipements solaires et de lampes à basse consommation dans les Etats membres de l’Union.
Je précise également que le FAER couvre toute l’Afrique subsaharienne. On vient d’approuver un projet de 20 MW en Ethiopie. D’autres projets suivront très bientôt en Afrique de l’Ouest. Pour votre information, le FAER finance des projets d’énergie renouvelables dont la puissance installée est comprise entre 10 et 50 MW et le coût compris entre 30 et 100 millions USD.
Maintenant que le FAER est officiellement lancé, cela vous ouvre-t-il des nouvelles opportunités ?
TBT : Dès lors que le Fonds, qui était l’un des objectifs, est opérationnel et dont la gestion est confiée à Berkeley Energy à la suite d’un appel d’offres lancé par la BAD et la SABER, notre institution se fixe comme prochain objectif de lancer un fonds de moindre envergure qui est dédié au financement des PME/PMI et au lancement des technologies vertes. Pour ce faire, la SABER va mettre en place une filiale, « ABREC Capital », qui sera la société de gestion de l’AGDF (African Green Development Fund), destiné au financement des PME/PMI ; il financera le projets d’une valeur comprise entre 500 000 et 2 millions USD.
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de la Phase II du PRODERE, le secteur privé sera impliqué dans le financement des projets de centrales solaires de puissance totale de 160 MW, soit en production indépendante de l’électricité (IPP) ou en partenariat public-privé (PPP). A cet égard, la Commission de l’UEMOA et la SABER vont créer une facilité qui sera destinée à appuyer les investissements privés dans ce sens. Les autres chantiers consistent à poursuivre les projets que nous avons dans notre pipeline aussi bien ceux en cours de réalisation que les mini-centrales à réaliser au Tchad.
 Ecofin
Actu-Economie


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