L'enquête a également démontré que ces services offshores ne sont pas l'apanage des paradis fiscaux les plus célèbres. Des acteurs internationaux de la normalisation comme les États-Unis et le Royaume-Uni (directement et par le biais de ses territoires d'outre-mer) se sont révélés être des acteurs financiers offshores majeurs, illustrant l'hypocrisie sous-jacente des discussions sur les réformes au cours de la dernière décennie. Et les Pandora Papers contiennent des preuves supplémentaires que les centres financiers asiatiques sont également devenus des acteurs offshores importants, accentuant ainsi la nature mondiale du problème.
Certaines initiatives africaines ont fait preuve d'un leadership précoce dans l'évaluation de la question et dans l'élaboration de solutions potentielles. Le Forum sur l'administration fiscale africaine, créé en 2008 et qui comprend 38 États africains, est un acteur remarquable sur les questions de réforme fiscale. Le Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d'Afrique, un effort conjoint de l'Union africaine et de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, s'est réuni pour la première fois en 2012 et a produit un rapport qui a été au centre de nombreuses discussions en 2015. À cette époque, il semblait que la finance offshore allait faire partie intégrante des discussions de l'Union africaine. Malheureusement, elle est en train de disparaître de l'ordre du jour.
Au cours des dernières années, le leadership dans la lutte contre la fraude fiscale internationale semble avoir migré vers des organisations internationales telles que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et l'OCDE, qui a lancé son Programme sur la transparence fiscale en Afrique en 2014. Sur le continent lui-même, les médias indépendants jouent un rôle plus important : les Pandora Papers ont impliqué 53 journalistes africains travaillant dans 18 pays, souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Les organisations de la société civile telles que Tax Justice Network Africa sont également actives dans ce domaine. Mais les gouvernements africains et les organisations internationales basées en Afrique se sont abstenus d'initiatives d'envergure.
Par conséquent, il n'existe pas d'organisme multilatéral africain à même de donner le ton sur ce problème. En outre, les organisations africaines qui y travaillaient activement il y a cinq ans ont choisi de faire profil bas, si l'on nous passe l'expression. Quasi tout le monde s'accorde à dire qu'une majorité de riches et de puissants sur le continent africain n'éprouvent que très peu de remords, dès lors qu'il s'agit de faire ce qui leur est permis : déplacer, cacher et protéger leurs actifs. En outre, leurs avocats et leurs conseillers financiers soulignent que de nombreuses pratiques de ce type sont non seulement légales, mais communes aux multinationales actives en Afrique, en particulier dans les industries extractives. Selon cette ligne de raisonnement, il n'y a aucune raison pour que les Africains ne se servent pas de stratégies qui sont répandues dans le système financier mondial.
Ce manque de préoccupation des États africains quant au financement illicite est renforcé par la perception selon laquelle, dans la plupart des pays, la plupart du temps, l'évasion fiscale n'est pas une question qui relève de l'opinion publique. Au mieux, les dirigeants supposent que toute incidence de ce problème sur la confiance de l'opinion publique reste gérable. Ce point de vue est certainement erroné, en particulier en ce qui concerne les jeunes électeurs, mais il façonne pourtant leur approche évasive.
Nous nous réjouissons fortement du rôle tenu par les organisations extérieures et les acteurs de la société civile africaine dans la lutte contre la fraude fiscale internationale offshore. Mais le manque d'initiative des gouvernements africains sur cette question est regrettable. Ce qui est inquiétant, c'est que l'absence de réponse africaine solide et collective invite les tiers à façonner le processus de réforme, d'une manière qui continuera très probablement à favoriser les principales puissances industrielles. Cette tendance est déjà visible dans la manière dont la méthode de dénonciation publique des paradis fiscaux cible invariablement les micro-États et ignore les principaux catalyseurs des flux financiers illicites, comme les États-Unis et le Royaume-Uni.
Bien que certains États africains ne soient jamais à l'avant-garde des efforts de réforme dans ce domaine, ceux qui ont été victimes de tels flux doivent se faire entendre et œuvrer de concert à la promotion d'une action mondiale. Les efforts actuels comprennent le Réseau parlementaire africain sur les flux financiers illicites et la fiscalité (APNIFFT), qui compte des représentants de 11 pays. D'autres organisations qui ont joué un rôle important auparavant, comme l'Union africaine et la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies (CEA), pourraient également réaffirmer la vigueur de leur engagement. Des efforts multilatéraux, tels que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui bénéficie actuellement d'un fort soutien intergouvernemental, pourraient être utilisés comme véhicules pour normaliser la réglementation fiscale et éviter un nivellement par le bas qui attire les investissements directs internationaux.
Les flux financiers illicites privent les gouvernements des ressources nécessaires à la fourniture de biens publics – éducation, services de santé, commerce et infrastructures de communication – qui sont essentiels à la croissance économique et à la prospérité à long terme. L'intérêt de l'Afrique dans la lutte contre ce phénomène est aussi évident que la nécessité pour le leadership africain de réussir dans cette tâche.
Carlos Lopes, professeur à l'École Nelson Mandela de gouvernance publique de l'Université du Cap, ancien vice-président du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d'Afrique. Ricardo Soares de Oliveira, professeur de politique internationale de l'Afrique à l'Université d'Oxford.
© Project Syndicate 1995–2021
Certaines initiatives africaines ont fait preuve d'un leadership précoce dans l'évaluation de la question et dans l'élaboration de solutions potentielles. Le Forum sur l'administration fiscale africaine, créé en 2008 et qui comprend 38 États africains, est un acteur remarquable sur les questions de réforme fiscale. Le Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d'Afrique, un effort conjoint de l'Union africaine et de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, s'est réuni pour la première fois en 2012 et a produit un rapport qui a été au centre de nombreuses discussions en 2015. À cette époque, il semblait que la finance offshore allait faire partie intégrante des discussions de l'Union africaine. Malheureusement, elle est en train de disparaître de l'ordre du jour.
Au cours des dernières années, le leadership dans la lutte contre la fraude fiscale internationale semble avoir migré vers des organisations internationales telles que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et l'OCDE, qui a lancé son Programme sur la transparence fiscale en Afrique en 2014. Sur le continent lui-même, les médias indépendants jouent un rôle plus important : les Pandora Papers ont impliqué 53 journalistes africains travaillant dans 18 pays, souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Les organisations de la société civile telles que Tax Justice Network Africa sont également actives dans ce domaine. Mais les gouvernements africains et les organisations internationales basées en Afrique se sont abstenus d'initiatives d'envergure.
Par conséquent, il n'existe pas d'organisme multilatéral africain à même de donner le ton sur ce problème. En outre, les organisations africaines qui y travaillaient activement il y a cinq ans ont choisi de faire profil bas, si l'on nous passe l'expression. Quasi tout le monde s'accorde à dire qu'une majorité de riches et de puissants sur le continent africain n'éprouvent que très peu de remords, dès lors qu'il s'agit de faire ce qui leur est permis : déplacer, cacher et protéger leurs actifs. En outre, leurs avocats et leurs conseillers financiers soulignent que de nombreuses pratiques de ce type sont non seulement légales, mais communes aux multinationales actives en Afrique, en particulier dans les industries extractives. Selon cette ligne de raisonnement, il n'y a aucune raison pour que les Africains ne se servent pas de stratégies qui sont répandues dans le système financier mondial.
Ce manque de préoccupation des États africains quant au financement illicite est renforcé par la perception selon laquelle, dans la plupart des pays, la plupart du temps, l'évasion fiscale n'est pas une question qui relève de l'opinion publique. Au mieux, les dirigeants supposent que toute incidence de ce problème sur la confiance de l'opinion publique reste gérable. Ce point de vue est certainement erroné, en particulier en ce qui concerne les jeunes électeurs, mais il façonne pourtant leur approche évasive.
Nous nous réjouissons fortement du rôle tenu par les organisations extérieures et les acteurs de la société civile africaine dans la lutte contre la fraude fiscale internationale offshore. Mais le manque d'initiative des gouvernements africains sur cette question est regrettable. Ce qui est inquiétant, c'est que l'absence de réponse africaine solide et collective invite les tiers à façonner le processus de réforme, d'une manière qui continuera très probablement à favoriser les principales puissances industrielles. Cette tendance est déjà visible dans la manière dont la méthode de dénonciation publique des paradis fiscaux cible invariablement les micro-États et ignore les principaux catalyseurs des flux financiers illicites, comme les États-Unis et le Royaume-Uni.
Bien que certains États africains ne soient jamais à l'avant-garde des efforts de réforme dans ce domaine, ceux qui ont été victimes de tels flux doivent se faire entendre et œuvrer de concert à la promotion d'une action mondiale. Les efforts actuels comprennent le Réseau parlementaire africain sur les flux financiers illicites et la fiscalité (APNIFFT), qui compte des représentants de 11 pays. D'autres organisations qui ont joué un rôle important auparavant, comme l'Union africaine et la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies (CEA), pourraient également réaffirmer la vigueur de leur engagement. Des efforts multilatéraux, tels que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui bénéficie actuellement d'un fort soutien intergouvernemental, pourraient être utilisés comme véhicules pour normaliser la réglementation fiscale et éviter un nivellement par le bas qui attire les investissements directs internationaux.
Les flux financiers illicites privent les gouvernements des ressources nécessaires à la fourniture de biens publics – éducation, services de santé, commerce et infrastructures de communication – qui sont essentiels à la croissance économique et à la prospérité à long terme. L'intérêt de l'Afrique dans la lutte contre ce phénomène est aussi évident que la nécessité pour le leadership africain de réussir dans cette tâche.
Carlos Lopes, professeur à l'École Nelson Mandela de gouvernance publique de l'Université du Cap, ancien vice-président du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d'Afrique. Ricardo Soares de Oliveira, professeur de politique internationale de l'Afrique à l'Université d'Oxford.
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