Que faut-il que nous fassions pour atteindre cet objectif ambitieux ? Tout d'abord, nous devons aborder ce partenariat UE-UA avec modestie. L'Afrique est un continent aussi grand que les États-Unis, le Mexique, la Chine, le Japon, l'Inde et une grande partie de l'Europe réunis. Avec 54 pays, quelque 2 000 langues, et un éventail diversifié tant d'opportunités que de problèmes, le continent ne peut être traité comme une entité homogène.
Deuxièmement, nous devons être réalistes. Entre afro-pessimisme et afro-optimisme, je prône l'afro-réalisme. Avant de parler de croissance économique et de relations commerciales, l'Europe doit montrer qu'elle peut contribuer à développer la paix, à la sécurité et à la bonne gouvernance dans les pays africains. Avant de parler de dividende démographique, il nous faut prendre conscience de l'ampleur des difficultés qu'une croissance démographique incontrôlée peut créer dans les sociétés. D'ici 2030, 30 millions de jeunes arriveront chaque année sur le marché du travail africain. Pour générer des emplois durables pour eux, l'éducation de base doit devenir une priorité absolue.
Par ailleurs, tout en soutenant la transition vers les énergies vertes et le développement durable, nous devons contribuer à garantir l'accès aux services de base sur un continent où près de la moitié de la population n'a pas d'électricité et doit mener une bataille quotidienne pour l'accès à l'eau et à la nourriture. Et tout en aidant les pays africains à développer leur capacité de produire des vaccins dans le futur, nous devons également contribuer à accélérer la vaccination dès aujourd’hui. Plus de 90% de la population du continent n'est toujours pas vaccinée contre le COVID-19.
En réfléchissant à ces questions, nous, Européens, ne devons pas commettre l'erreur de croire que nous pourrions imposer un programme à l'Afrique. Nous ne devons pas non plus ignorer les réalités immédiates et les contraintes à court terme auxquelles est confrontée la grande majorité des Africains. C'est d'autant plus vrai que la pandémie du COVID-19 a aggravé les fragilités du continent. Au Sahel, l'insécurité augmente en même temps que l'instabilité politique. La Corne de l'Afrique, où nous avions assisté à des transitions démocratiques prometteuses il y a seulement deux ans, est aujourd'hui profondément déstabilisée. Et plusieurs pays africains sont à nouveau entrés dans la spirale de la dette.
La pandémie a également accéléré la concurrence géopolitique en Afrique, au-delà des opportunités d'investissement et de commerce, sur les valeurs et les modèles de gouvernance. Nous nous trouvons confrontés à d'autres acteurs mondiaux dont les méthodes et les agendas sont très différents des nôtres. Nombre d'entre eux n'hésitent pas à recourir à des campagnes massives de désinformation et à d'autres formes de guerre hybride pour saper l'influence européenne.
Malgré ces difficultés, nous avons de bonnes raisons de vouloir faire de l'Europe le partenaire de choix de l'Afrique. La première est que les problèmes de l'Afrique sont nos problèmes. Le terrorisme et l'insécurité ne connaissent pas de frontières. Le Sahel n'est pas aussi éloigné de l'Europe qu'il n'y paraît parfois, et l'instabilité dans la Corne de l'Afrique menace l'une des plus importantes routes commerciales du monde. Et puis il y a le changement climatique, qui créera inévitablement de nouvelles vagues de migration à mesure qu'il détruira les moyens de subsistance des populations et rendra leurs territoires inhabitables.
Notre objectif est également motivé par la richesse des potentialités offertes par le continent. Les économies et les sociétés africaines sont jeunes et dynamiques. Avec le vieillissement de nos sociétés, nous devrons tôt ou tard compter sur elles. L’Afrique dispose également d'une abondance de matières premières et d'un immense potentiel pour déployer et aider à produire de l'énergie renouvelable.
Enfin, nous devons penser en termes géopolitiques. Avec une population qui devrait atteindre 2,5 milliards d'habitants d'ici 2050, l'Afrique est une force mondiale montante. Un partenariat plus étroit permettrait à l'Europe et à l'Afrique d'exercer ensemble une influence bien plus grande sur la scène globale, en donnant une impulsion au multilatéralisme, un modèle que les deux partenaires soutiennent.
Pour réussir, nous aurons besoin d'un agenda positif basé sur des priorités communes. Sans éluder les difficultés, nous devons nous concentrer en effet sur l'obtention de résultats concrets et rapides. L'Afrique n'a besoin ni de charité ni de coups médiatiques. Elle a besoin d'une coopération et de partenariats qui profitent réellement à ses habitants.
À cette fin, l'UE devra combiner les forces de ses États membres, de ses institutions financières, des banques de développement et des agences. La pandémie a donné corps à la notion de "Team Europe", et cette façon de travailler doit devenir une habitude pour éviter une stratégie trop fragmentée et tous les problèmes qui en découlent.
En Afrique, comme ailleurs, l'UE n'a de poids que lorsque nous travaillons ensemble. Il ne s'agit pas seulement d’ailleurs des institutions et des gouvernements de l'UE, mais aussi de la société civile et du secteur privé, afin de mieux coller aux dynamiques de terrain.
L'avenir de l'Europe se jouera pour une part non négligeable en Afrique. Là-bas et ailleurs, nous devons aussi mieux défendre le projet européen en démontrant que la valeur ajoutée de l'UE dépasse celle des autres puissances mondiales. Le sommet de ce mois-ci doit être le point de départ d'un nouveau partenariat entre nos deux continents.
Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est vice-président de la Commission européenne pour une Europe plus forte dans le monde.
© Project Syndicate 1995–2022
Deuxièmement, nous devons être réalistes. Entre afro-pessimisme et afro-optimisme, je prône l'afro-réalisme. Avant de parler de croissance économique et de relations commerciales, l'Europe doit montrer qu'elle peut contribuer à développer la paix, à la sécurité et à la bonne gouvernance dans les pays africains. Avant de parler de dividende démographique, il nous faut prendre conscience de l'ampleur des difficultés qu'une croissance démographique incontrôlée peut créer dans les sociétés. D'ici 2030, 30 millions de jeunes arriveront chaque année sur le marché du travail africain. Pour générer des emplois durables pour eux, l'éducation de base doit devenir une priorité absolue.
Par ailleurs, tout en soutenant la transition vers les énergies vertes et le développement durable, nous devons contribuer à garantir l'accès aux services de base sur un continent où près de la moitié de la population n'a pas d'électricité et doit mener une bataille quotidienne pour l'accès à l'eau et à la nourriture. Et tout en aidant les pays africains à développer leur capacité de produire des vaccins dans le futur, nous devons également contribuer à accélérer la vaccination dès aujourd’hui. Plus de 90% de la population du continent n'est toujours pas vaccinée contre le COVID-19.
En réfléchissant à ces questions, nous, Européens, ne devons pas commettre l'erreur de croire que nous pourrions imposer un programme à l'Afrique. Nous ne devons pas non plus ignorer les réalités immédiates et les contraintes à court terme auxquelles est confrontée la grande majorité des Africains. C'est d'autant plus vrai que la pandémie du COVID-19 a aggravé les fragilités du continent. Au Sahel, l'insécurité augmente en même temps que l'instabilité politique. La Corne de l'Afrique, où nous avions assisté à des transitions démocratiques prometteuses il y a seulement deux ans, est aujourd'hui profondément déstabilisée. Et plusieurs pays africains sont à nouveau entrés dans la spirale de la dette.
La pandémie a également accéléré la concurrence géopolitique en Afrique, au-delà des opportunités d'investissement et de commerce, sur les valeurs et les modèles de gouvernance. Nous nous trouvons confrontés à d'autres acteurs mondiaux dont les méthodes et les agendas sont très différents des nôtres. Nombre d'entre eux n'hésitent pas à recourir à des campagnes massives de désinformation et à d'autres formes de guerre hybride pour saper l'influence européenne.
Malgré ces difficultés, nous avons de bonnes raisons de vouloir faire de l'Europe le partenaire de choix de l'Afrique. La première est que les problèmes de l'Afrique sont nos problèmes. Le terrorisme et l'insécurité ne connaissent pas de frontières. Le Sahel n'est pas aussi éloigné de l'Europe qu'il n'y paraît parfois, et l'instabilité dans la Corne de l'Afrique menace l'une des plus importantes routes commerciales du monde. Et puis il y a le changement climatique, qui créera inévitablement de nouvelles vagues de migration à mesure qu'il détruira les moyens de subsistance des populations et rendra leurs territoires inhabitables.
Notre objectif est également motivé par la richesse des potentialités offertes par le continent. Les économies et les sociétés africaines sont jeunes et dynamiques. Avec le vieillissement de nos sociétés, nous devrons tôt ou tard compter sur elles. L’Afrique dispose également d'une abondance de matières premières et d'un immense potentiel pour déployer et aider à produire de l'énergie renouvelable.
Enfin, nous devons penser en termes géopolitiques. Avec une population qui devrait atteindre 2,5 milliards d'habitants d'ici 2050, l'Afrique est une force mondiale montante. Un partenariat plus étroit permettrait à l'Europe et à l'Afrique d'exercer ensemble une influence bien plus grande sur la scène globale, en donnant une impulsion au multilatéralisme, un modèle que les deux partenaires soutiennent.
Pour réussir, nous aurons besoin d'un agenda positif basé sur des priorités communes. Sans éluder les difficultés, nous devons nous concentrer en effet sur l'obtention de résultats concrets et rapides. L'Afrique n'a besoin ni de charité ni de coups médiatiques. Elle a besoin d'une coopération et de partenariats qui profitent réellement à ses habitants.
À cette fin, l'UE devra combiner les forces de ses États membres, de ses institutions financières, des banques de développement et des agences. La pandémie a donné corps à la notion de "Team Europe", et cette façon de travailler doit devenir une habitude pour éviter une stratégie trop fragmentée et tous les problèmes qui en découlent.
En Afrique, comme ailleurs, l'UE n'a de poids que lorsque nous travaillons ensemble. Il ne s'agit pas seulement d’ailleurs des institutions et des gouvernements de l'UE, mais aussi de la société civile et du secteur privé, afin de mieux coller aux dynamiques de terrain.
L'avenir de l'Europe se jouera pour une part non négligeable en Afrique. Là-bas et ailleurs, nous devons aussi mieux défendre le projet européen en démontrant que la valeur ajoutée de l'UE dépasse celle des autres puissances mondiales. Le sommet de ce mois-ci doit être le point de départ d'un nouveau partenariat entre nos deux continents.
Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est vice-président de la Commission européenne pour une Europe plus forte dans le monde.
© Project Syndicate 1995–2022