Mais il y a des raisons de douter de la sincérité de l'initiative française visant à rétablir les relations avec ses anciennes colonies africaines, en particulier compte tenu de l'intervention de Macron dans la création d'une nouvelle monnaie commune pour l'Afrique de l'Ouest.
En juin 2019, après près de 30 ans de discussions et de multiples échéances non respectées, les 15 membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont annoncé que leur nouvelle monnaie prévue, baptisée éco, serait introduite en 2020. Mais lors d'une conférence de presse commune en décembre avec le Président Alassane Ouattara de Côte d'Ivoire, Macron a déclaré qu'en 2020, les huit pays francophones d'Afrique de l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) retireraient leur monnaie commune, le franc CFA d'Afrique de l'Ouest, pour la remplacer par une nouvelle monnaie – également appelée éco. Cette déclaration a surpris les sept autres pays de la CEDEAO, principalement anglophones, puisqu'elle contredit directement la feuille de route pour une nouvelle monnaie fixée six mois auparavant.
En surface, il y a une certaine logique à ce nouveau développement. Les huit pays francophones partagent déjà une monnaie, donc théoriquement ils doivent être mieux préparés à faire partie d'une Union monétaire. Après la déclaration de Macron, il a été question que les sept autres pays commencent d'abord par former une Union monétaire entre eux. Une fois que cette Union aura fait ses preuves, il sera beaucoup plus facile pour ces pays de rejoindre l'éco. Mais dans la pratique, la création de l'éco ouest-africain sert à créer des relations plus étroites entre ces pays et la France, plutôt qu'avec leurs voisins africains.
En plus de changer le nom de la monnaie ouest-africaine, la déclaration de Macron et Ouattara stipulait que les pays utilisant le nouvel éco ne seraient plus tenus de conserver la moitié de leurs réserves en France et que la France ne serait pas impliquée dans la gestion de la nouvelle monnaie. Mais alors que le plan pour l'éco de la CEDEAO prévoyait un taux de change flexible, le nouvel éco, comme le franc CFA, serait lié à l'euro et la France resterait le garant de sa convertibilité.
L'annonce de Macron et Ouattara a suscité un tollé dans la région. Peu après cette annonce, le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a affirmé que son pays était prêt à rejoindre une nouvelle Union monétaire – mais pas selon les termes établis par Macron et Ouattara. En janvier 2020, six pays principalement anglophones d'Afrique de l'Ouest – Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Nigéria et Sierra Leone – ont publié une déclaration commune dénonçant le programme de Macron et Ouattara. En juin 2020, le président nigérian Muhammadu Buhari a tweeté que la décision des pays francophones de créer une nouvelle monnaie commune impliquait unilatéralement un manque de confiance dans les autres partenaires de la CEDEAO et a indiqué que son pays, qui représente 70 % du produit intérieur brut de la CEDEAO, ne s'y joindrait pas.
À l'heure où la pandémie de COVID-19 continue de sévir en Afrique de l'Ouest, de nombreux économistes estiment que la région doit se concentrer sur la reprise économique plutôt qu'élaborer des projets de lancement d'une nouvelle monnaie. Néanmoins, à la fin du mois de mai 2021, un symposium, les États généraux de l'Eco, s'est tenu à Lomé, au Togo, pour discuter de la fin du franc CFA et de l'introduction de l'éco. La déclaration publiée à la fin du symposium a confirmé le plan présenté pour la première fois par Macron et Ouattara en décembre 2019 et l'intention des États francophones d'Afrique de l'Ouest d'aller de l'avant.
Puis, en juin 2021, les pays de la CEDEAO ont organisé un sommet à Accra, au Ghana, où ils ont annoncé un nouveau calendrier pour leur éco. Il devrait maintenant être mis en place en 2027. Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la CEDEAO a imputé ce retard à la pandémie.
Comment l'éco de la CEDEAO va interagir avec l'éco utilisé en Afrique de l'Ouest francophone ? Cela reste une question ouverte. Et la réponse dépend peut-être de la sincérité de la France dans le rééquilibrage de ses relations avec ses anciennes colonies.
Simpice A. Asongu, économiste en chef et directeur de African Governance and Development Institute.
© Project Syndicate 1995–2021
En juin 2019, après près de 30 ans de discussions et de multiples échéances non respectées, les 15 membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont annoncé que leur nouvelle monnaie prévue, baptisée éco, serait introduite en 2020. Mais lors d'une conférence de presse commune en décembre avec le Président Alassane Ouattara de Côte d'Ivoire, Macron a déclaré qu'en 2020, les huit pays francophones d'Afrique de l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) retireraient leur monnaie commune, le franc CFA d'Afrique de l'Ouest, pour la remplacer par une nouvelle monnaie – également appelée éco. Cette déclaration a surpris les sept autres pays de la CEDEAO, principalement anglophones, puisqu'elle contredit directement la feuille de route pour une nouvelle monnaie fixée six mois auparavant.
En surface, il y a une certaine logique à ce nouveau développement. Les huit pays francophones partagent déjà une monnaie, donc théoriquement ils doivent être mieux préparés à faire partie d'une Union monétaire. Après la déclaration de Macron, il a été question que les sept autres pays commencent d'abord par former une Union monétaire entre eux. Une fois que cette Union aura fait ses preuves, il sera beaucoup plus facile pour ces pays de rejoindre l'éco. Mais dans la pratique, la création de l'éco ouest-africain sert à créer des relations plus étroites entre ces pays et la France, plutôt qu'avec leurs voisins africains.
En plus de changer le nom de la monnaie ouest-africaine, la déclaration de Macron et Ouattara stipulait que les pays utilisant le nouvel éco ne seraient plus tenus de conserver la moitié de leurs réserves en France et que la France ne serait pas impliquée dans la gestion de la nouvelle monnaie. Mais alors que le plan pour l'éco de la CEDEAO prévoyait un taux de change flexible, le nouvel éco, comme le franc CFA, serait lié à l'euro et la France resterait le garant de sa convertibilité.
L'annonce de Macron et Ouattara a suscité un tollé dans la région. Peu après cette annonce, le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a affirmé que son pays était prêt à rejoindre une nouvelle Union monétaire – mais pas selon les termes établis par Macron et Ouattara. En janvier 2020, six pays principalement anglophones d'Afrique de l'Ouest – Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Nigéria et Sierra Leone – ont publié une déclaration commune dénonçant le programme de Macron et Ouattara. En juin 2020, le président nigérian Muhammadu Buhari a tweeté que la décision des pays francophones de créer une nouvelle monnaie commune impliquait unilatéralement un manque de confiance dans les autres partenaires de la CEDEAO et a indiqué que son pays, qui représente 70 % du produit intérieur brut de la CEDEAO, ne s'y joindrait pas.
À l'heure où la pandémie de COVID-19 continue de sévir en Afrique de l'Ouest, de nombreux économistes estiment que la région doit se concentrer sur la reprise économique plutôt qu'élaborer des projets de lancement d'une nouvelle monnaie. Néanmoins, à la fin du mois de mai 2021, un symposium, les États généraux de l'Eco, s'est tenu à Lomé, au Togo, pour discuter de la fin du franc CFA et de l'introduction de l'éco. La déclaration publiée à la fin du symposium a confirmé le plan présenté pour la première fois par Macron et Ouattara en décembre 2019 et l'intention des États francophones d'Afrique de l'Ouest d'aller de l'avant.
Puis, en juin 2021, les pays de la CEDEAO ont organisé un sommet à Accra, au Ghana, où ils ont annoncé un nouveau calendrier pour leur éco. Il devrait maintenant être mis en place en 2027. Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la CEDEAO a imputé ce retard à la pandémie.
Comment l'éco de la CEDEAO va interagir avec l'éco utilisé en Afrique de l'Ouest francophone ? Cela reste une question ouverte. Et la réponse dépend peut-être de la sincérité de la France dans le rééquilibrage de ses relations avec ses anciennes colonies.
Simpice A. Asongu, économiste en chef et directeur de African Governance and Development Institute.
© Project Syndicate 1995–2021