Daour Gueye est un pêcheur de la localité de Bargny, à une trentaine de kilomètres de Dakar.(Crédit photo banque mondiale)
À Ngaparou, 64 kilomètres au sud de Dakar, comme dans les autres villages de pêcheurs du littoral, on ne plaisante pas avec le jën. D’ailleurs, personne ne veut être traité de yabooy, une espèce de petit poisson, qui, selon une insulte locale, signifie une personne sans importance… Le poisson représente tout pour ces populations : leur histoire, leurs traditions, leur métier, leur source de revenu, et leur fierté. Mais qu’ils soient gros ou petits, les poissons sont devenus rares près des côtes, obligeant les pêcheurs à s’aventurer plus au large et à affronter des mers agitées contre lesquelles leurs pirogues ne sont pas suffisamment équipées.
Au Sénégal, le libre accès aux zones de pêche artisanale a conduit à l’épuisement des ressources halieutiques, ainsi qu’à l’augmentation des prix du poisson. En raison de la surexploitation des stocks, les pêcheurs sont contraints d’élargir leur périmètre de navigation et souvent de quitter les eaux sénégalaises pour gagner les eaux voisines de la Guinée-Bissau et de la Mauritanie. Cette quête de fonds plus poissonneux a un coût : les pêcheurs artisanaux doivent se doter d’équipements supplémentaires, consommer plus de carburant et s’exposer à des risques accrus d’accident en mer. Cette hausse des coûts se traduit aussi par une baisse significative de leurs revenus. À cela s’ajoute l’expansion de la flotte de pêche artisanale, qui est passée de 13 000 à 19 000 bateaux entre 2009 et 2015 et qui, en l’absence de dispositifs de surveillance et de contrôle appropriés, va continuer à peser sur des stocks déjà surexploités.
« Le Sénégal, comme bon nombre de ses voisins, enregistre des profits qui sont bien en deçà des attentes », affirme Magda Lovei, chef de division au sein du pôle Environnement et ressources naturelles de la Banque mondiale. « Avec une meilleure gouvernance, il serait possible de produire en Afrique de l’Ouest 300 millions de dollars de valeur ajoutée supplémentaire chaque année. Mais pour tirer le meilleur parti des importantes ressources marines et d’eau douce dont est dotée la région et garantir une croissance durable et inclusive, l’Afrique doit investir dans l’amélioration des systèmes de gestion et le développement des infrastructures adéquates. »
Le Sénégal a récemment lancé une campagne d’immatriculation pour 19,009 bateaux de pêche artisanale, qui permettra de contrôler la capacité de cette flotte. Avec cette initiative, le pays franchit une première étape vers l’instauration d’une bonne gouvernance dans le secteur de la pêche. Il s’agit aussi d’une mesure importante pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, que pratiquent aussi bien les pêcheurs étrangers que les nationaux. Selon un rapport de l’Overseas Development Institute intitulé Western Africa's Missing Fish (a), la pêche clandestine aurait coûté 300 millions de dollars au Sénégal en 2012, soit 2 % de son PIB.
L’identification des embarcations est un préalable à l’acquisition de permis de pêche, avec des dispositifs de gestion des ressources halieutiques portant par exemple sur les espèces ciblées et les zones accessibles. En outre, en cas d’accident, ces plaques d’immatriculation assurent une identification rapide du bateau concerné et de l’équipage. En 2015, on a recensé 65 naufrages qui ont provoqué la mort de 95 pêcheurs.
La Banque mondiale a soutenu l’initiative sénégalaise dans le cadre du Programme régional des pêches en Afrique de l'Ouest (PRAO), qui couvre le littoral ouest-africain de la Mauritanie au Ghana, avec un investissement de 165 millions de dollars au cours des six dernières années.
« Cette campagne s’inscrit dans une démarche plus vaste de promotion d’une pêche durable au Sénégal », explique Bérengère Prince, spécialiste senior de la gestion des ressources naturelles à la Banque mondiale et responsable du programme. « Le PRAO a pour objectif d’améliorer la gouvernance et la gestion des pêches, de contribuer à la reconstitution des stocks pour garantir la sécurité alimentaire et de permettre une hausse conséquente des revenus grâce à une utilisation raisonnée des ressources marines. Les activités concernent notamment des initiatives de gestion des pêches gérées par les populations locales et des pêcheries artisanales sur lesquelles il n’y avait traditionnellement pas de contrôle. »
Pour atténuer les pressions exercées sur les ressources halieutiques, sans pour autant mettre en péril la situation sociale et économique des communautés de pêcheurs, le PRAO a financé le développement de moyens de subsistance alternatifs et de l’entrepreneuriat féminin : plus de 1,2 million de dollars a été alloué à des activités rémunératrices tandis qu’un million de dollars de microcrédits ont permis de soutenir des projets de reconversion pour les pêcheurs.
Les succès du Sénégal en matière de cogestion des ressources marines sont particulièrement remarquables. À Ngaparou, pêcheurs, mareyeurs, propriétaires d’embarcations et autres parties prenantes sont parvenus à se regrouper et à mettre en place un système qui permet d’assurer une gestion équilibrée des ressources halieutiques et de transformer radicalement les moyens de vie. Dans les zones de pêche cogérées, on a vu réapparaître des espèces importantes que l’on ne trouvait plus ; le poids du homard a augmenté de 133 %, ce qui fait grossir les recettes des populations locales.
« Si l’on veut amplifier les résultats obtenus grâce à la gestion des pêches par les populations locales, il est indispensable de poursuivre la décentralisation et d’autonomiser ces communautés en leur conférant les droits et les responsabilités nécessaires pour mieux protéger les ressources », souligne Asberr Mendy, spécialiste de la gestion des ressources naturelles à la Banque mondiale.
Tous ces efforts contribuent à améliorer la gouvernance, mais l’enjeu, à terme, sera de reconstituer les ressources halieutiques et de restaurer leur abondance et leur diversité.
Madjiguene Seck/Banque mondiale
Au Sénégal, le libre accès aux zones de pêche artisanale a conduit à l’épuisement des ressources halieutiques, ainsi qu’à l’augmentation des prix du poisson. En raison de la surexploitation des stocks, les pêcheurs sont contraints d’élargir leur périmètre de navigation et souvent de quitter les eaux sénégalaises pour gagner les eaux voisines de la Guinée-Bissau et de la Mauritanie. Cette quête de fonds plus poissonneux a un coût : les pêcheurs artisanaux doivent se doter d’équipements supplémentaires, consommer plus de carburant et s’exposer à des risques accrus d’accident en mer. Cette hausse des coûts se traduit aussi par une baisse significative de leurs revenus. À cela s’ajoute l’expansion de la flotte de pêche artisanale, qui est passée de 13 000 à 19 000 bateaux entre 2009 et 2015 et qui, en l’absence de dispositifs de surveillance et de contrôle appropriés, va continuer à peser sur des stocks déjà surexploités.
« Le Sénégal, comme bon nombre de ses voisins, enregistre des profits qui sont bien en deçà des attentes », affirme Magda Lovei, chef de division au sein du pôle Environnement et ressources naturelles de la Banque mondiale. « Avec une meilleure gouvernance, il serait possible de produire en Afrique de l’Ouest 300 millions de dollars de valeur ajoutée supplémentaire chaque année. Mais pour tirer le meilleur parti des importantes ressources marines et d’eau douce dont est dotée la région et garantir une croissance durable et inclusive, l’Afrique doit investir dans l’amélioration des systèmes de gestion et le développement des infrastructures adéquates. »
Le Sénégal a récemment lancé une campagne d’immatriculation pour 19,009 bateaux de pêche artisanale, qui permettra de contrôler la capacité de cette flotte. Avec cette initiative, le pays franchit une première étape vers l’instauration d’une bonne gouvernance dans le secteur de la pêche. Il s’agit aussi d’une mesure importante pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, que pratiquent aussi bien les pêcheurs étrangers que les nationaux. Selon un rapport de l’Overseas Development Institute intitulé Western Africa's Missing Fish (a), la pêche clandestine aurait coûté 300 millions de dollars au Sénégal en 2012, soit 2 % de son PIB.
L’identification des embarcations est un préalable à l’acquisition de permis de pêche, avec des dispositifs de gestion des ressources halieutiques portant par exemple sur les espèces ciblées et les zones accessibles. En outre, en cas d’accident, ces plaques d’immatriculation assurent une identification rapide du bateau concerné et de l’équipage. En 2015, on a recensé 65 naufrages qui ont provoqué la mort de 95 pêcheurs.
La Banque mondiale a soutenu l’initiative sénégalaise dans le cadre du Programme régional des pêches en Afrique de l'Ouest (PRAO), qui couvre le littoral ouest-africain de la Mauritanie au Ghana, avec un investissement de 165 millions de dollars au cours des six dernières années.
« Cette campagne s’inscrit dans une démarche plus vaste de promotion d’une pêche durable au Sénégal », explique Bérengère Prince, spécialiste senior de la gestion des ressources naturelles à la Banque mondiale et responsable du programme. « Le PRAO a pour objectif d’améliorer la gouvernance et la gestion des pêches, de contribuer à la reconstitution des stocks pour garantir la sécurité alimentaire et de permettre une hausse conséquente des revenus grâce à une utilisation raisonnée des ressources marines. Les activités concernent notamment des initiatives de gestion des pêches gérées par les populations locales et des pêcheries artisanales sur lesquelles il n’y avait traditionnellement pas de contrôle. »
Pour atténuer les pressions exercées sur les ressources halieutiques, sans pour autant mettre en péril la situation sociale et économique des communautés de pêcheurs, le PRAO a financé le développement de moyens de subsistance alternatifs et de l’entrepreneuriat féminin : plus de 1,2 million de dollars a été alloué à des activités rémunératrices tandis qu’un million de dollars de microcrédits ont permis de soutenir des projets de reconversion pour les pêcheurs.
Les succès du Sénégal en matière de cogestion des ressources marines sont particulièrement remarquables. À Ngaparou, pêcheurs, mareyeurs, propriétaires d’embarcations et autres parties prenantes sont parvenus à se regrouper et à mettre en place un système qui permet d’assurer une gestion équilibrée des ressources halieutiques et de transformer radicalement les moyens de vie. Dans les zones de pêche cogérées, on a vu réapparaître des espèces importantes que l’on ne trouvait plus ; le poids du homard a augmenté de 133 %, ce qui fait grossir les recettes des populations locales.
« Si l’on veut amplifier les résultats obtenus grâce à la gestion des pêches par les populations locales, il est indispensable de poursuivre la décentralisation et d’autonomiser ces communautés en leur conférant les droits et les responsabilités nécessaires pour mieux protéger les ressources », souligne Asberr Mendy, spécialiste de la gestion des ressources naturelles à la Banque mondiale.
Tous ces efforts contribuent à améliorer la gouvernance, mais l’enjeu, à terme, sera de reconstituer les ressources halieutiques et de restaurer leur abondance et leur diversité.
Madjiguene Seck/Banque mondiale