Les déposants et les entreprises se demandent quelle sera la prochaine. Comme on pouvait s'y attendre, le gouvernement américain et la Fed sont intervenus pour éviter que la panique bancaire ne s'étende, et renforcer là où il le fallait le système financier américain.
Pour les législateurs, les régulateurs, les conseils d'administration des banques et plus généralement leurs dirigeants où que ce soit, ces faillites soudaines rappellent brutalement que veiller à la stabilité et au bon fonctionnement d'une banque est une tâche permanente. Dans le cas de SVB et de la Signature Bank, on peut faire nombre de critiques.
Une grande partie de ces critiques visent les membres du Congrès et l'ancien président Trump qui se sont soumis au lobby bancaire, ils ont décidé d'alléger la régulation bancaire et les exigences en capital des "banques les plus petites". Dans le cadre des changements réglementaires de 2018, les banques détenant moins de 250 milliards de dollars d'actifs étaient exemptées de la supervision plus stricte (notamment en matière de fonds propres et test de stress) appliquée aux grandes banques. Les raisons officiellement invoquées pour ce choix - les petites banques ne poseraient pas de risque systémique pour le système financier américain - étaient manifestement douteuses.
Il est choquant de constater que Barney Frank, l'un des architectes de la loi bancaire post-2008 Dodd-Frank, a en réalité soutenu cette exemption réglementaire, car par la suite il est devenu membre du conseil d'administration de la Signature Bank. Il est évident que les membres des conseils d'administration des banques ne devraient pas compromettre la stabilité de leur propre entreprise, mais c'est apparemment ce qui s'est passé dans ce cas. Si les législateurs avaient écouté Paul Volcker (décédé en 2019) qui avait mis en garde contre la suppression de la "Règle Volcker" interdisant aussi aux petites institutions d'utiliser les dépôts dans les opérations pour compte propre, la SVB et la Signature Bank auraient peut-être été épargnées.
Aujourd'hui, à l'image de la crise financière de 2007-2008, la panique peut se propager rapidement d'une petite banque à de plus grandes, puis au-delà des frontières et à travers les marchés. Compte tenu de cette dynamique, il est essentiel que le Congrès revienne sur le démantèlement inconsidéré de la loi Dodd-Frank. Mais le problème ne s'arrête pas là. Outre l'assouplissement de la réglementation financière, les régulateurs et les superviseurs ont failli à leur mission.
Où étaient les superviseurs de la Réserve fédérale de San Francisco et de Washington lorsque ces grandes banques régionales ont investi dans des actifs technologiques, des crypto-actifs et d'autres produits à risque très volatils ? Pourquoi les superviseurs et les régulateurs n'ont-ils pas accordé plus d'attention à leurs responsabilités microprudentielles et aux conséquences potentielles entièrement prévisibles du resserrement monétaire sur la stabilité financière des banques ? Où étaient les régulateurs bancaires californiens ? Étaient-ils trop proches de SVB pour avoir une approche suffisamment critiques ?
Les citoyens américains doivent obtenir une réponse à ces questions. Ils paient aujourd'hui le prix de la prise de risque et de la cupidité d'institutions privées en garantissant 100 % des dépôts non assurés. Ces dépôts appartiennent essentiellement à des investisseurs en capital-risque, à des investisseurs en crypto-monnaie et à d'autres qui devraient être suffisamment avertis pour supporter le risque de baisse de leurs actions.
Qu'en est-il des banques elles-mêmes ? Les dirigeants d'une banque étant responsables de son succès ou de son échec, ils devraient être tenus de rendre des comptes, y compris en s'exposant à des poursuites judiciaires le cas échéant. Les citoyens ont le droit de savoir quelles questions (s'il y en a eu) les conseils d'administration de la SVB et de la Signature Bank se sont posés lorsque les risques augmentaient, les taux grimpaient, les risques de concentration apparaissaient et les coûts augmentaient. Selon CNN, quelques heures avant l'effondrement de la SVB, son PDG, Greg Becker, a versé des primes à ses employés. Le conseil d'administration de la SVB a-t-il donné son accord ?
Il n'est pas surprenant d'apprendre que Becker préconisait lui aussi un assouplissement de la loi Dodd-Frank. Après avoir eu gain de cause, la SVB a utilisé les dépôts de ses clients pour chercher à obtenir des rendements plus élevés.
Alors que d'autres banques ont évité les risques croissants liés à la volatilité des cryptomonnaies et à la concentration excessive sur les start-up technologiques à risque, SVB et Signature Bank ont éludé la question. Les gestionnaires de risques des autres banques ont ajusté leurs portefeuilles en prévision du resserrement monétaire que la Fed avait clairement signalé, mais SVB et Signature Bank ne se sont pas recalibrées (SVB n'avait même pas de gestionnaire de risques senior pendant les mois clés qui ont précédé son effondrement). Les dirigeants des autres banques ont compris que la Fed mettait fin à l'argent facile, pourtant SVB et Signature ont continué à faire comme si de rien n'était.
Finalement toutes deux ont fait l'erreur d'adopter le point de vue de leurs clients. Leur culture interne et leurs normes ont évolué comme celles de la Silicon Valley : elles prenaient des décisions rapides, prêtaient rapidement, causaient des dégâts jusqu'à leur autodestruction.
Trop de membres du Congrès, trop d'agences fédérales chargées de la régulation bancaire et trop de responsables de banque ont oublié que les temps fastes sont derrière nous. Trop de législateurs et de responsables politiques (surtout à l'époque de Trump) prenaient pour argent comptant les arguments des lobbyistes des banques qui voulaient à tout prix alléger la réglementation et faciliter la prise de risque. Enfin, régulateurs et superviseurs ont été surpris quand la Fed a augmenté rapidement ses taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation - un changement toujours lourd de conséquences en terme de risque pour les banques et leur portefeuille.
Espérons que cette crise sera relativement limitée grâce à l'intervention rapide de la Maison Blanche, du Trésor, de la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) et de la Fed. Mais la tempête qui s'abat sur le Crédit Suisse montre que les événements de la semaine qui vient de s'écouler ont déjà des répercussions planétaires. Même si l'économie américaine échappe à une nouvelle catastrophe financière, nous devons réexaminer les crises bancaires passées et en tirer véritablement les leçons. Autrement dit, les responsables de ces faillites bancaires doivent rendre des comptes.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
William R. Rhodes est président de l'agence de conseil William R. Rhodes Global Advisors, LLC. Il a écrit un livre intitulé Banker to the World: Leadership Lessons from the Front Lines of Global Finance (McGraw Hill, 2010).
Stuart P.M. Mackintosh est directeur exécutif du club de réflexion Groupe des trente.
Pour les législateurs, les régulateurs, les conseils d'administration des banques et plus généralement leurs dirigeants où que ce soit, ces faillites soudaines rappellent brutalement que veiller à la stabilité et au bon fonctionnement d'une banque est une tâche permanente. Dans le cas de SVB et de la Signature Bank, on peut faire nombre de critiques.
Une grande partie de ces critiques visent les membres du Congrès et l'ancien président Trump qui se sont soumis au lobby bancaire, ils ont décidé d'alléger la régulation bancaire et les exigences en capital des "banques les plus petites". Dans le cadre des changements réglementaires de 2018, les banques détenant moins de 250 milliards de dollars d'actifs étaient exemptées de la supervision plus stricte (notamment en matière de fonds propres et test de stress) appliquée aux grandes banques. Les raisons officiellement invoquées pour ce choix - les petites banques ne poseraient pas de risque systémique pour le système financier américain - étaient manifestement douteuses.
Il est choquant de constater que Barney Frank, l'un des architectes de la loi bancaire post-2008 Dodd-Frank, a en réalité soutenu cette exemption réglementaire, car par la suite il est devenu membre du conseil d'administration de la Signature Bank. Il est évident que les membres des conseils d'administration des banques ne devraient pas compromettre la stabilité de leur propre entreprise, mais c'est apparemment ce qui s'est passé dans ce cas. Si les législateurs avaient écouté Paul Volcker (décédé en 2019) qui avait mis en garde contre la suppression de la "Règle Volcker" interdisant aussi aux petites institutions d'utiliser les dépôts dans les opérations pour compte propre, la SVB et la Signature Bank auraient peut-être été épargnées.
Aujourd'hui, à l'image de la crise financière de 2007-2008, la panique peut se propager rapidement d'une petite banque à de plus grandes, puis au-delà des frontières et à travers les marchés. Compte tenu de cette dynamique, il est essentiel que le Congrès revienne sur le démantèlement inconsidéré de la loi Dodd-Frank. Mais le problème ne s'arrête pas là. Outre l'assouplissement de la réglementation financière, les régulateurs et les superviseurs ont failli à leur mission.
Où étaient les superviseurs de la Réserve fédérale de San Francisco et de Washington lorsque ces grandes banques régionales ont investi dans des actifs technologiques, des crypto-actifs et d'autres produits à risque très volatils ? Pourquoi les superviseurs et les régulateurs n'ont-ils pas accordé plus d'attention à leurs responsabilités microprudentielles et aux conséquences potentielles entièrement prévisibles du resserrement monétaire sur la stabilité financière des banques ? Où étaient les régulateurs bancaires californiens ? Étaient-ils trop proches de SVB pour avoir une approche suffisamment critiques ?
Les citoyens américains doivent obtenir une réponse à ces questions. Ils paient aujourd'hui le prix de la prise de risque et de la cupidité d'institutions privées en garantissant 100 % des dépôts non assurés. Ces dépôts appartiennent essentiellement à des investisseurs en capital-risque, à des investisseurs en crypto-monnaie et à d'autres qui devraient être suffisamment avertis pour supporter le risque de baisse de leurs actions.
Qu'en est-il des banques elles-mêmes ? Les dirigeants d'une banque étant responsables de son succès ou de son échec, ils devraient être tenus de rendre des comptes, y compris en s'exposant à des poursuites judiciaires le cas échéant. Les citoyens ont le droit de savoir quelles questions (s'il y en a eu) les conseils d'administration de la SVB et de la Signature Bank se sont posés lorsque les risques augmentaient, les taux grimpaient, les risques de concentration apparaissaient et les coûts augmentaient. Selon CNN, quelques heures avant l'effondrement de la SVB, son PDG, Greg Becker, a versé des primes à ses employés. Le conseil d'administration de la SVB a-t-il donné son accord ?
Il n'est pas surprenant d'apprendre que Becker préconisait lui aussi un assouplissement de la loi Dodd-Frank. Après avoir eu gain de cause, la SVB a utilisé les dépôts de ses clients pour chercher à obtenir des rendements plus élevés.
Alors que d'autres banques ont évité les risques croissants liés à la volatilité des cryptomonnaies et à la concentration excessive sur les start-up technologiques à risque, SVB et Signature Bank ont éludé la question. Les gestionnaires de risques des autres banques ont ajusté leurs portefeuilles en prévision du resserrement monétaire que la Fed avait clairement signalé, mais SVB et Signature Bank ne se sont pas recalibrées (SVB n'avait même pas de gestionnaire de risques senior pendant les mois clés qui ont précédé son effondrement). Les dirigeants des autres banques ont compris que la Fed mettait fin à l'argent facile, pourtant SVB et Signature ont continué à faire comme si de rien n'était.
Finalement toutes deux ont fait l'erreur d'adopter le point de vue de leurs clients. Leur culture interne et leurs normes ont évolué comme celles de la Silicon Valley : elles prenaient des décisions rapides, prêtaient rapidement, causaient des dégâts jusqu'à leur autodestruction.
Trop de membres du Congrès, trop d'agences fédérales chargées de la régulation bancaire et trop de responsables de banque ont oublié que les temps fastes sont derrière nous. Trop de législateurs et de responsables politiques (surtout à l'époque de Trump) prenaient pour argent comptant les arguments des lobbyistes des banques qui voulaient à tout prix alléger la réglementation et faciliter la prise de risque. Enfin, régulateurs et superviseurs ont été surpris quand la Fed a augmenté rapidement ses taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation - un changement toujours lourd de conséquences en terme de risque pour les banques et leur portefeuille.
Espérons que cette crise sera relativement limitée grâce à l'intervention rapide de la Maison Blanche, du Trésor, de la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) et de la Fed. Mais la tempête qui s'abat sur le Crédit Suisse montre que les événements de la semaine qui vient de s'écouler ont déjà des répercussions planétaires. Même si l'économie américaine échappe à une nouvelle catastrophe financière, nous devons réexaminer les crises bancaires passées et en tirer véritablement les leçons. Autrement dit, les responsables de ces faillites bancaires doivent rendre des comptes.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
William R. Rhodes est président de l'agence de conseil William R. Rhodes Global Advisors, LLC. Il a écrit un livre intitulé Banker to the World: Leadership Lessons from the Front Lines of Global Finance (McGraw Hill, 2010).
Stuart P.M. Mackintosh est directeur exécutif du club de réflexion Groupe des trente.