Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’UA a un agenda de plus en plus chargé. Le 27 janvier, il s’est rendu en Côte d’Ivoire pour discuter de la situation politique mouvementée en Afrique de l’Ouest. « Je suis en tournée en Afrique de l’Ouest qui, comme vous le savez, est marquée, ces derniers temps, par des changements anticonstitutionnels », a-t-il déclaré, en expliquant au président ivoirien qu’il est venu prendre conseil auprès de lui.
Trois jours avant, il s’était rendu au Mali pour discuter avec le Colonel Assimi Goïta, président de la transition malienne. Dans la foulée des sanctions de la CEDEAO contre le pays dirigé par le militaire, le président de la commission de l’UA était venu apporter un message moins belliqueux que celui des présidents voisins du Mali. « Cette mission au Mali a pour objectif d'écouter, de s'informer et d'échanger avec les autorités de la transition. Le plus important est de voir comment il faut soutenir la transition au Mali. On ne peut pas parler de l’Afrique sans le Mali », déclare-t-il.
Le 1er février par contre, Moussa Faki Mahamat a été beaucoup plus ferme dans le communiqué, publié alors que la présidence Bissau-guinéenne était sous le feu des putschistes. Il a appelé les militaires à « retourner sans délai dans les casernes ». Conciliant ou ferme selon le contexte, obligé d’être partout où le besoin de médiation se fait sentir, le Tchadien puise dans son expérience de diplomate pour accomplir une tâche plutôt compliquée.
Trois jours avant, il s’était rendu au Mali pour discuter avec le Colonel Assimi Goïta, président de la transition malienne. Dans la foulée des sanctions de la CEDEAO contre le pays dirigé par le militaire, le président de la commission de l’UA était venu apporter un message moins belliqueux que celui des présidents voisins du Mali. « Cette mission au Mali a pour objectif d'écouter, de s'informer et d'échanger avec les autorités de la transition. Le plus important est de voir comment il faut soutenir la transition au Mali. On ne peut pas parler de l’Afrique sans le Mali », déclare-t-il.
Le 1er février par contre, Moussa Faki Mahamat a été beaucoup plus ferme dans le communiqué, publié alors que la présidence Bissau-guinéenne était sous le feu des putschistes. Il a appelé les militaires à « retourner sans délai dans les casernes ». Conciliant ou ferme selon le contexte, obligé d’être partout où le besoin de médiation se fait sentir, le Tchadien puise dans son expérience de diplomate pour accomplir une tâche plutôt compliquée.
Conciliant ou ferme selon le contexte, obligé d’être partout où le besoin de médiation se fait sentir, le Tchadien puise dans son expérience de diplomate pour accomplir une tâche plutôt compliquée.
En effet, le Tchadien a bien plus que les problèmes de l’Afrique de l’Ouest à gérer. Moussa Faki Mahamat a décidé de faire des changements climatiques et de l’autonomie financière de la commission de l’UA les principaux dossiers de sa gestion. Il doit également se prononcer sur les problèmes économiques et d’autres ordres, de nombreux pays. Par exemple, l’UA a reçu de nombreuses critiques sur sa non-intervention dans la crise tigréenne en Ethiopie. Pourtant, Abiy Ahmed, le premier ministre éthiopien a refusé toute médiation de l’UA dans ce qu’il considère comme une opération de maintien de l’ordre relevant de la souveraineté nationale.
Diplomate né
Heureusement, pour gérer tout ce beau monde, le président de la commission de l’UA peut compter sur des compétences de diplomate presque innées. Par sa naissance même, Moussa Faki Mahamat semblait être destiné à faire le pont entre plusieurs peuples, plusieurs cultures. En effet, son père, qui enseignait le Coran aux jeunes dans la région d’Abéché, est un Zaghawa. Il s’agit d’une ethnie non arabophone affichant environ 1% de la population tchadienne, mais qui est aux commandes du pouvoir politique depuis plusieurs années.
En effet, son père, qui enseignait le Coran aux jeunes dans la région d’Abéché, est un Zaghawa. Il s’agit d’une ethnie non arabophone affichant environ 1% de la population tchadienne, mais qui est aux commandes du pouvoir politique depuis plusieurs années.
La mère de Moussa Faki Mahamat, par contre, est une musulmane de la communauté arabe de Biltine. Les unions entre ces deux populations ne sont pas communes dans les hameaux, mais sont un peu plus acceptées dans les villes. C’est donc dans ce brassage culturel que naît Moussa Faki Mahamat le 21 juin 1960 à Biltine, au Tchad. Après ses études secondaires, il choisit le droit. Il obtient une licence en droit public de l’Université de N’Djaména en 1986, et part ensuite se perfectionner au Congo. En 1992, il obtient un diplôme de 3e cycle en droit public de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville.
La parenthèse révolutionnaire
Alors qu’il réside au Congo-Brazzaville, Moussa Faki Mahamat se rapproche du Comité démocratique révolutionnaire (CDR), très actif hors du Tchad, opposé au président Hissène Habré. Aucune source ne confirme les dires selon lesquels, c’est durant cette lutte que Moussa Faki Mahamat rencontre Idriss Deby Itno qui finit par ravir le pouvoir à Hissène Habré en 1990.
Quoi qu’il en soit, dès la prise de pouvoir du nouveau président, même s’il ne fait pas encore partie du premier cercle d’Idriss Deby Itno, Moussa Faki Mahamat commence à se rapprocher du pouvoir. Il commence par occuper la fonction de chef des services administratifs et financiers au sein du ministère du Développement rural de 1992 à 1994. Durant ces deux années, Moussa Faki Mahamat se rapproche du président qui apprécie l’intellectuel et son ouverture d’esprit. Après la fin de ses fonctions au ministère du Développement, le natif de Biltine est nommé ministre de la Planification et de la Coopération. A partir de ce moment, il enchaîne les postes à responsabilités stratégiques.
Collaborateur digne de confiance ou animal politique
En 1996, Moussa Faki Mahamat est nommé directeur général de la Société nationale de sucre. Il occupe ce poste jusqu’en 1999. Cette année-là, il est nommé directeur du Cabinet présidentiel. Il occupe cette fonction jusqu’en 2002, après avoir été, en 2001, le directeur de campagne du président. Le succès du scrutin a-t-il resserré les liens entre les deux hommes ? Visiblement, parce qu’à partir de ce moment, Idriss Deby semble compter Moussa Faki Mahamat parmi ses plus fidèles collaborateurs.
Le succès du scrutin a-t-il resserré les liens entre les deux hommes ? Visiblement, parce qu’à partir de ce moment, Idriss Deby semble compter Moussa Faki Mahamat parmi ses plus fidèles collaborateurs.
Pour certains, c’est le lien ethnique qui a joué. En effet, Idriss Deby Ino est également de la communauté Zaghawa. Pour les observateurs les plus cyniques, il s’agit juste d’un mariage de raison, le président ayant pu apprécier la connaissance de l’échiquier politique tchadien de son directeur de campagne. Les plus avides de théories pourraient même faire remarquer que le fils d’Idriss Deby, actuellement à la tête du Tchad, porte le prénom de Mahamat. Mais, à sa naissance en 1984, les deux hommes ne se connaissent pas encore et le prénom est assez commun dans le pays. Quoi qu’il en soit, en 2002, Idriss Deby nomme Moussa Faki Mahamat, ministre des Travaux publics et du Transport. Un an plus tard, il le nomme Premier ministre ; un poste que Moussa Faki Mahamat occupe jusqu’en 2005. En février de la même année, en pleine contestation sociale, Moussa Faki Mahamat décide de démissionner. Pour certains, c’est un désaveu de la gestion présidentielle. Pourtant, en public, on n’observe pas de tension entre le président et Moussa Faki Mahamat.
Entre septembre 2005 et mai 2006, ce dernier part aux Etats-Unis pour suivre des cours à l’université de Georgetown, où il améliore son anglais. Il revient au Tchad trilingue - arabophone, francophone et anglophone - et rejoint le conseil économique et social avant de se voir confier par le président Idriss Deby, en 2008, le ministère des Affaires étrangères.
A ce poste, il se fait remarquer sur les questions sécuritaires, notamment contre les militants islamistes au Mali, au Nigeria et dans le Sahel. Dans la droite ligne des idées d’Idriss Deby, Moussa Faki Mahamat est très présent aux côtés des chancelleries des pays du Sahel touchés par la montée en puissance du terrorisme. Cela lui sera d’un grand secours.
Dans la droite ligne des idées d’Idriss Deby, Moussa Faki Mahamat est très présent aux côtés des chancelleries des pays du Sahel touchés par la montée en puissance du terrorisme. Cela lui sera d’un grand secours.
En raison de l’aide fournie par le Tchad contre le terrorisme, lorsque Moussa Faki Mahamat est proposé en 2016 par la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) pour la présidence de la Commission de l’UA, il reçoit de nombreux soutiens. Finalement, il sera élu au septième tour du scrutin face à la candidate kényane Amina Mohamed. Il prend alors la succession de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, à la tête de la Commission de l'Union africaine depuis 2012. Adepte du compromis
Certains peuvent parfois être surpris de voir Moussa Faki Mahamat s’effacer devant certaines institutions sur des questions qui concernent légitimement la commission de l’UA. Mais, pour le président, ces choix sont en fait des décisions stratégiques.
« Par nature, je cherche le compromis », déclare-t-il dans une interview. Par exemple, lorsqu’en 2017, la Côte d'Ivoire, hôte du sommet UA-UE, refuse d'inviter la République arabe sahraouie démocratique (RASD) pour ne pas se brouiller avec le Maroc, les nations se divisent en deux camps et menacent de faire capoter le sommet. Moussa Faki Mahamat intervient alors auprès du roi Mohammed VI pour calmer le conflit. Pour lui, il doit le succès de cette négociation et de toutes les autres à sa capacité à rester neutre et équidistant de toutes les parties impliquées dans les conflits.
Pour lui, il doit le succès de cette négociation et de toutes les autres à sa capacité à rester neutre et équidistant de toutes les parties impliquées dans les conflits.
Cette qualité ainsi que ses réformes, notamment pour rendre la commission de l’UA indépendante financièrement, l’ont fait réélire en février 2021. Il était le seul candidat en en lice, preuve s’il en faut encore que sa personne fait l’objet d’un consensus. De son côté, il espère se servir de ce statut consensuel pour régler les nombreux problèmes qui émergent sur le continent. Entre la pandémie et les crises politiques, les journées de Moussa Faki Mahamat ne sont pas de tout repos. Qu’importe, le tchadien a déjà montré sa capacité à accomplir des tâches compliquées. A son arrivée à la tête de la commission de l’UA, il a manifesté l’ambition de faire financer à 40% le budget de l’institution par les pays membres. Pour lui, il s’agit d’une étape importante dans l’indépendance de l’Afrique vis-à-vis des bailleurs de fonds.
« Sans son indépendance, l’Afrique n’est rien du tout. Avec son indépendance, elle peut être tout », avait-il déclaré. Pour y parvenir, il lui faut parfois traquer, toujours de manière très diplomatique, les Etats membres qui paient leurs cotisations annuelles avec du retard. L’objectif n’est pas encore atteint, les efforts ayant été freinés par la pandémie et son impact économique. Une occupation de plus pour l’agenda bien rempli de Moussa Faki Mahamat.
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