Avoir un titre d’identité est capital
Comment justifier de son identité dans la vie quotidienne ? Imaginez que vous essayiez d’ouvrir votre premier compte bancaire, de faire valoir vos droits à l’assurance maladie ou de vous inscrire à l’université, mais que vous n’ayez pas de titre d’identité : vous constaterez que votre qualité de vie et vos opportunités seront extrêmement limitées… Avoir une pièce d’identité officielle est un élément capital : c’est le sésame pour accéder à de nombreux droits, mais aussi à des services essentiels (santé, éducation, finance…). Selon les toutes dernières estimations du Groupe de la Banque mondiale, ce problème touche environ 1,1 milliard de personnes à l’échelle planétaire.
L’importance de cet obstacle fondamental a poussé la communauté internationale à l’inclure dans les Objectifs de développement durable des Nations Unies : « fournir une identité juridique à tous les citoyens d’ici 2030, notamment en enregistrant toutes les naissances » (cible 16.9). C’est aussi ce qui a incité le Groupe de la Banque mondiale à lancer son initiative ID4D (Identification for Development) en 2014.
En effet, pour progresser vers cet objectif ambitieux, encore faut-il que les États et leurs partenaires de développement puissent appréhender l’ampleur du défi. L’initiative du Groupe de la Banque mondiale vise précisément à fournir des données actualisées chaque année sur le nombre de personnes dépourvues de titre d’identité officiel dans 198 pays. Cette estimation repose à la fois sur des données publiques (taux d'enregistrement des naissances relevés par l’UNICEF) et sur les informations rapportées par les organismes chargés de l’état civil. Nous collectons en outre des informations qualitatives : la base de données renseigne par exemple sur les organismes et les ministères concernés ou sur l’existence de systèmes numériques (désormais introduits partiellement ou totalement dans 133 pays).
Qui sont ces 1,1 milliard de personnes ?
Les données les plus récentes permettent de répondre à cette question avec plus de précision :
· 78 % vivent en Afrique subsaharienne et en Asie, ce qui montre que l’essentiel des efforts doivent porter sur ces régions du monde ;
· 40 % sont des enfants âgés de moins de 18 ans et une sur six a moins de cinq ans, ce qui souligne l’importance du premier des dix principes généraux sur l’identification (a) qui prescrit une couverture universelle de la naissance au décès ;
· Plus de la moitié vivent dans des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, et un tiers dans des pays à faible revenu.
Il faut également signaler que le niveau de développement d’un pays influence souvent le taux de possession d’un titre d’identité : on estime que 36 % de la population des pays à faible revenu est dépourvue de papiers d’identité officiels, contre 22 % pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et seulement 9 % pour ceux de la tranche supérieure.
Mais ce n’est pas tout. La majorité des pays publient uniquement des statistiques nationales générales pour la population adulte, ce qui limite notre capacité à orienter précisément les efforts des États et de leurs partenaires de développement. Par exemple, seuls 43 pays publient des données décomposées par sexe, ce qui est pourtant essentiel pour savoir si les femmes et les filles rencontrent davantage de difficultés pour l’obtention d’une pièce d’identité.
Enfin, il faut noter que le nombre de personnes sans papiers d’identité officiels tel qu’il ressort de la base de données est en baisse : il atteignait 1,5 milliard en 2016. Cela s’explique par les améliorations qui ont été apportées à la méthodologie, de meilleures sources de données pour 128 pays, et une augmentation particulièrement importante du nombre de personnes enregistrées en Inde grâce aux progrès rapides du système Aadhaar (pour plus d'informations, consultez l’onglet « Methodology & Sources » du fichier 2017 ID4D Global Dataset).
Et ensuite ? Améliorer la base de données ID4D
Le problème ne se résume pas à bien prendre toute la mesure du défi : il s’agit aussi de « ne laisser personne pour compte », conformément à l’engagement des ODD, et d’aider en priorité ceux qui en ont le plus besoin. Cela nécessite en premier lieu de savoir quelles personnes sont les moins susceptibles de posséder une pièce d’identité, et, dans l’idéal, pourquoi. Qui sont les personnes exclues ? S’agit-il du segment le plus pauvre de la population ? Des personnes vivant dans les zones rurales ? Dans quelles provinces ou régions habitent-elles ?
Par ailleurs, il faut accorder une attention toute particulière à la situation des populations déjà marginalisées et qui, parce qu’elles n’ont pas de titre d’identité, sont encore plus vulnérables : les personnes handicapées, les personnes âgées, les populations autochtones, et les enfants entre l’âge de 5 ans (pour lesquels il devient plus compliqué d’obtenir un certificat de naissance) et l’âge d’éligibilité à l'obtention d'une carte d’identité nationale (16 ou 18 ans dans bon nombre de pays). De plus, nous ne savons tout simplement pas combien de personnes détiennent des papiers parmi les plus de 200 millions de migrants, les 21,3 millions de réfugiés et les 10 millions d’apatrides.
Il y a trois mesures immédiates que les États et leurs partenaires de développement peuvent prendre pour résoudre ce manque criant de données désagrégées :
1. Les organismes chargés de l’état civil et les instituts de statistique pourraient publier leurs données par sexe, par âge et par zone géographique. Le Pérou (es) et l’Inde (a) le font déjà, et d’autres pays comme la Thaïlande et le Nigéria fournissent ces données sur demande.
2. Les recensements et les enquêtes menées auprès des ménages pourraient comporter des questions concernant la possession d’un titre d’identité, ce qui serait particulièrement utile dans le cas des populations marginalisées mentionnées précédemment.
3. Pour appuyer ces efforts, la communauté statistique internationale devrait produire des normes, des définitions et des méthodologies, et envisager d’étendre l’indicateur actuel correspondant à la cible 16.9 des ODD pour aller au-delà du simple enregistrement des naissances avant l’âge de 5 ans.
Nous avons le plaisir d’annoncer que, avec le concours de la Fondation Bill et Melinda Gates, la base de données ID4D intègre désormais des informations provenant de l’édition 2017 de l’enquête Global Findex (qui couvre plus de 90 pays) et concernant le taux de possession d’une carte d’identité ainsi que les difficultés rencontrées pour obtenir celle-ci. À la fin de l’année, nous serons en mesure de publier des données représentatives à l'échelle nationale et comparables sur les taux de possession d’un titre d’identité, qu’il sera possible de désagréger de nombreuses manières. De plus, nous prévoyons de continuer à consolider notre base de données grâce à de nouveaux partenariats et des investissements supplémentaires de la part des partenaires intéressés, en mettant l’accent sur l’amélioration de la méthodologie et de la collecte des données.
En agissant pour mieux comptabiliser tous ceux et toutes celles que l’on ne voit pas, nous renforçons notre engagement à faire de l’identité juridique pour tous une réalité.
Par VYJAYANTI T DESAI Co auteurs : MATTHIAS WITT, KAMYA CHANDRA, JONATHAN MARSKELL
Comment justifier de son identité dans la vie quotidienne ? Imaginez que vous essayiez d’ouvrir votre premier compte bancaire, de faire valoir vos droits à l’assurance maladie ou de vous inscrire à l’université, mais que vous n’ayez pas de titre d’identité : vous constaterez que votre qualité de vie et vos opportunités seront extrêmement limitées… Avoir une pièce d’identité officielle est un élément capital : c’est le sésame pour accéder à de nombreux droits, mais aussi à des services essentiels (santé, éducation, finance…). Selon les toutes dernières estimations du Groupe de la Banque mondiale, ce problème touche environ 1,1 milliard de personnes à l’échelle planétaire.
L’importance de cet obstacle fondamental a poussé la communauté internationale à l’inclure dans les Objectifs de développement durable des Nations Unies : « fournir une identité juridique à tous les citoyens d’ici 2030, notamment en enregistrant toutes les naissances » (cible 16.9). C’est aussi ce qui a incité le Groupe de la Banque mondiale à lancer son initiative ID4D (Identification for Development) en 2014.
En effet, pour progresser vers cet objectif ambitieux, encore faut-il que les États et leurs partenaires de développement puissent appréhender l’ampleur du défi. L’initiative du Groupe de la Banque mondiale vise précisément à fournir des données actualisées chaque année sur le nombre de personnes dépourvues de titre d’identité officiel dans 198 pays. Cette estimation repose à la fois sur des données publiques (taux d'enregistrement des naissances relevés par l’UNICEF) et sur les informations rapportées par les organismes chargés de l’état civil. Nous collectons en outre des informations qualitatives : la base de données renseigne par exemple sur les organismes et les ministères concernés ou sur l’existence de systèmes numériques (désormais introduits partiellement ou totalement dans 133 pays).
Qui sont ces 1,1 milliard de personnes ?
Les données les plus récentes permettent de répondre à cette question avec plus de précision :
· 78 % vivent en Afrique subsaharienne et en Asie, ce qui montre que l’essentiel des efforts doivent porter sur ces régions du monde ;
· 40 % sont des enfants âgés de moins de 18 ans et une sur six a moins de cinq ans, ce qui souligne l’importance du premier des dix principes généraux sur l’identification (a) qui prescrit une couverture universelle de la naissance au décès ;
· Plus de la moitié vivent dans des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, et un tiers dans des pays à faible revenu.
Il faut également signaler que le niveau de développement d’un pays influence souvent le taux de possession d’un titre d’identité : on estime que 36 % de la population des pays à faible revenu est dépourvue de papiers d’identité officiels, contre 22 % pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et seulement 9 % pour ceux de la tranche supérieure.
Mais ce n’est pas tout. La majorité des pays publient uniquement des statistiques nationales générales pour la population adulte, ce qui limite notre capacité à orienter précisément les efforts des États et de leurs partenaires de développement. Par exemple, seuls 43 pays publient des données décomposées par sexe, ce qui est pourtant essentiel pour savoir si les femmes et les filles rencontrent davantage de difficultés pour l’obtention d’une pièce d’identité.
Enfin, il faut noter que le nombre de personnes sans papiers d’identité officiels tel qu’il ressort de la base de données est en baisse : il atteignait 1,5 milliard en 2016. Cela s’explique par les améliorations qui ont été apportées à la méthodologie, de meilleures sources de données pour 128 pays, et une augmentation particulièrement importante du nombre de personnes enregistrées en Inde grâce aux progrès rapides du système Aadhaar (pour plus d'informations, consultez l’onglet « Methodology & Sources » du fichier 2017 ID4D Global Dataset).
Et ensuite ? Améliorer la base de données ID4D
Le problème ne se résume pas à bien prendre toute la mesure du défi : il s’agit aussi de « ne laisser personne pour compte », conformément à l’engagement des ODD, et d’aider en priorité ceux qui en ont le plus besoin. Cela nécessite en premier lieu de savoir quelles personnes sont les moins susceptibles de posséder une pièce d’identité, et, dans l’idéal, pourquoi. Qui sont les personnes exclues ? S’agit-il du segment le plus pauvre de la population ? Des personnes vivant dans les zones rurales ? Dans quelles provinces ou régions habitent-elles ?
Par ailleurs, il faut accorder une attention toute particulière à la situation des populations déjà marginalisées et qui, parce qu’elles n’ont pas de titre d’identité, sont encore plus vulnérables : les personnes handicapées, les personnes âgées, les populations autochtones, et les enfants entre l’âge de 5 ans (pour lesquels il devient plus compliqué d’obtenir un certificat de naissance) et l’âge d’éligibilité à l'obtention d'une carte d’identité nationale (16 ou 18 ans dans bon nombre de pays). De plus, nous ne savons tout simplement pas combien de personnes détiennent des papiers parmi les plus de 200 millions de migrants, les 21,3 millions de réfugiés et les 10 millions d’apatrides.
Il y a trois mesures immédiates que les États et leurs partenaires de développement peuvent prendre pour résoudre ce manque criant de données désagrégées :
1. Les organismes chargés de l’état civil et les instituts de statistique pourraient publier leurs données par sexe, par âge et par zone géographique. Le Pérou (es) et l’Inde (a) le font déjà, et d’autres pays comme la Thaïlande et le Nigéria fournissent ces données sur demande.
2. Les recensements et les enquêtes menées auprès des ménages pourraient comporter des questions concernant la possession d’un titre d’identité, ce qui serait particulièrement utile dans le cas des populations marginalisées mentionnées précédemment.
3. Pour appuyer ces efforts, la communauté statistique internationale devrait produire des normes, des définitions et des méthodologies, et envisager d’étendre l’indicateur actuel correspondant à la cible 16.9 des ODD pour aller au-delà du simple enregistrement des naissances avant l’âge de 5 ans.
Nous avons le plaisir d’annoncer que, avec le concours de la Fondation Bill et Melinda Gates, la base de données ID4D intègre désormais des informations provenant de l’édition 2017 de l’enquête Global Findex (qui couvre plus de 90 pays) et concernant le taux de possession d’une carte d’identité ainsi que les difficultés rencontrées pour obtenir celle-ci. À la fin de l’année, nous serons en mesure de publier des données représentatives à l'échelle nationale et comparables sur les taux de possession d’un titre d’identité, qu’il sera possible de désagréger de nombreuses manières. De plus, nous prévoyons de continuer à consolider notre base de données grâce à de nouveaux partenariats et des investissements supplémentaires de la part des partenaires intéressés, en mettant l’accent sur l’amélioration de la méthodologie et de la collecte des données.
En agissant pour mieux comptabiliser tous ceux et toutes celles que l’on ne voit pas, nous renforçons notre engagement à faire de l’identité juridique pour tous une réalité.
Par VYJAYANTI T DESAI Co auteurs : MATTHIAS WITT, KAMYA CHANDRA, JONATHAN MARSKELL