SENEGAL : L’Etat a engagé plus de 43 milliards de francs CFA pour le volet demande de soins, selon le DG de l’ACMU

Vendredi 31 Août 2018

Ces dernières années, l’Etat du Sénégal a engagé, pour le volet demande de soins, un total de 43 307 505 297, rien qu’en 2016, 2017 et au premier semestre de 2018, a révélé le directeur général de l’Agence de la couverture maladie universelle (ACMU), le docteur Bocar Mamadou Daff, selon qui, sur le budget de l’Etat, la Couverture maladie universelle (CMU) a payé 22 981 906 925 de francs CFA aux structures de santé et a versé 5 989 163 984 de francs CFA aux mutuelles de santé qui, à leur tour, ont reversé ces montants aux structures de santé, en plus des cotisations collectées.


‘’C’est donc, en raison d’une compréhension incomplète de la réalité, que l’on dit de la CMU qu’elle étouffe les structures de santé. Il y a des retards de paiement, c’est vrai; des dettes si vous préférez; mais c’est le propre de tous les systèmes de couverture maladie qui se construisent ou qui sont développés, d’avoir des déficits, des écarts entre les services offerts et le paiement des factures’’, a soutenu Dr Daff, avant d’ajouter : ‘’Mais nous sommes heureusement très loin des déficits d’autres pays comme le Ghana où l’on parle du milliard de dollars, de la France où chaque année le déficit est de près de cinq milliards d’euros. Même le Rwanda, que l’on cite en exemple en Afrique, fait face à la même situation. C’est le lot d’un système de CMU de générer des écarts’’, s’est-il défendu.

A l’en croire, le rôle de l’Agence de la CMU, c’est de maitriser ces déficits, en liaison avec les prestataires de soins’’, parce que nous avons une responsabilité partagée car nous avons le même objectif  qui est de permettre aux populations d’accéder à des soins de qualité.
Cela suppose l’existence des services mais aussi leur accessibilité’’, a-t-il laissé entendre sa structure travaille, ‘’main dans la main’’, avec la Direction générale de la santé, sous la responsabilité de leur ministère de tutelle, sous la houlette du ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, avec des perspectives encourageantes.
Ensemble, ils projettent d’atteindre un taux de couverture de 75% en 2021. En 2012, le taux de couverture médicale était à moins de 20%. C’est donc 8 millions de personnes en plus, que le Président de la République a demandé de couvrir en ‘’relativement’’ peu de temps. Et il doit s’agir d’une couverture effective. Ces personnes doivent disposer d’un mécanisme de prise en charge réel.

Dr Bocar Mamadou Daff s’exprimait jeudi à Saly-Portudal au cours d’un atelier de plaidoyer en direction des parlementaires sénégalais sur le projet de loi sur l’institutionnalisation de la CMU, organisé en partenariat avec l’Alliance en faveur de la loi sur la CMU, ouvrant ainsi des perspectives allant dans le sens de parachever le processus d’adoption de cette loi.

Le ministère de la Santé et de l’Action sociale, à travers l’ACMU, a élaboré, en liaison avec l’ensemble des acteurs du secteur, un avant-projet de loi portant généralisation de la couverture contre le risque maladie au Sénégal. Le texte, aujourd’hui dans le circuit de validation gouvernemental, comporte d’importantes innovations. ‘’Cette loi consacre un droit à la couverture maladie pour toute personne résidant au Sénégal ; un droit dont le débiteur serait l’Etat. C’est ici la traduction législative du droit à la santé reconnu par la Constitution (article 8) depuis 2001, mais qui jusque-là était théorique pour une grande partie de la population. A quoi rime en effet un droit fondamental s’il n’est effectif que pour une minorité ? La santé devrait être accessible selon les besoins et non selon les moyens. Le Programme de CMU permet de rendre tout cela réel’’, a fait savoir Dr Daff.

‘’Notre pays a réalisé ces deux dernières décennies d’importants investissements dans la santé publique, principalement pour la couverture intégrale du territoire en infrastructures de soins et pour l’amélioration progressive des services offerts.  Mais, dans le même temps, jusqu’en 2012 du moins, relativement, peu d’attention a été
accordé au financement de la demande de soins au profit des populations. Or, dans leur grande majorité, elles font face à d’importantes entraves financières pour l’accès aux soins’’, a signalé Dr Daff, d’après qui, les comptes nationaux de la santé de 2013 ont révélé, en effet, que les ménages supportaient 57,8 % de la dépense nationale de santé, soit 237 milliards de francs en paiement direct.

D’ailleurs, une étude privée réalisée dans la même période fait apparaître, quant à elle, qu’en 2011, 38 056 ménages ont fait face à des ‘’dépenses catastrophiques de santé’’, c’est-à-dire qu’elles ont consacré plus de 40 % de leurs ressources annuelles aux frais de santé d’au moins un de leur membre. De manière générale, les paiements directs de frais médicaux ont deux inconvénients majeurs. Ils constituent, en amont, un frein à l’accès aux services de santé et, en aval, ont des répercussions importantes sur la qualité de vie des ménages à faible capacité financière en raison de leur part importante dans le revenu de ceux-ci.

C’est pourquoi, selon lui, depuis le 20 septembre 2013, le gouvernement met en œuvre, à l’initiative du président de la République, Macky Sall, un programme de soutien à la demande de soins dénommé : Couverture Maladie Universelle dont l’objectif est d’assurer la prise en charge des dépenses de santé des personnes résidant au Sénégal à travers deux mécanismes : assurance maladie et assistance médicale’’.

‘’Dans les régimes d’assurance maladie, les personnes sont prises en charge moyennant cotisation, par des mutuelles sociales, des institutions de prévoyance maladie ou l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (IPRES).  Les mutuelles de santé ciblent essentiellement les populations du secteur informel ou du monde rural, qui ne relèvent ni de l’assurance maladie obligatoire des travailleurs salariés ni du régime dit de l’Imputation budgétaire. Elles assurent la prise en charge du paquet offert dans les postes et les centres de santé. Ces mutuelles délèguent aux unions départementales qu’elles ont créées la prise en charge du paquet dit complémentaire et qui est offert par les hôpitaux’’, a-t-il expliqué.

Les cotisations aux mutuelles de santé communautaires, fixées pour la période 2013-2019 à 7 000 francs CFA par personne, sont subventionnées par l’État à hauteur de 50%, soit 3500 FCFA par bénéficiaire classique, et de 100% pour les personnes bénéficiaires du Programme national de bourse de sécurité familiale ou de la Carte d’égalité des chances. Ces mutuelles sont installées dans toutes les communes du Sénégal et assurent, dans le territoire municipal, le service des prestations pour le compte de l’État.

Toutefois, dans les départements de Koungheul et de Foundiougne, une
expérience pilote a été menée et en lieu et place des mutuelles communales, ce sont des mutuelles départementales qui sont installées (UDAM). L’UDAM est une mutuelle départementale professionnalisée. Dans ces deux départements, une tarification forfaitaire avec un système de cofinancement des cotisations des membres est expérimentée (les cotisations sont subventionnées à hauteur de 64 et 67% en fonction de la taille du ménage).

S’agissant de la couverture maladie des travailleurs salariés, et celle de leur famille, elle est assurée par les Institutions de prévoyance maladie (IPM) contre une cotisation supportée par le salarié et son employeur. Ces IPM, qui couvrent la maladie non professionnelle du travailleur et de ses ayants-droit, assurent une prise en charge partielle des frais médicaux et pharmaceutiques des bénéficiaires.

Pour ce qui concerne les retraités de l’IPRES et les personnes à leur charge, ils bénéficient d’une couverture totale pour les soins externes reçus au niveau des structures de soins de l’IPRES. En cas de référence dans les structures publiques liées à l’IPRES par une convention, la couverture est de 80%.

Quant à l’assistance médicale, elle comprend le régime de couverture des agents de l’Etat et tous les régimes d’exemption visant l’extension de la couverture du risque maladie aux personnes indigentes et aux groupes vulnérables. Ces mécanismes d’exemption, communément appelés initiatives de gratuité, comprennent aujourd’hui la prise en charge des personnes âgées de 60 ans et plus (Plan SESAME), des enfants âgés de moins de 5ans, des femmes devant accoucher par césarienne dans les structures de santé publiques et des personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique devant bénéficier de la dialyse.

S’agissant du régime de couverture des fonctionnaires et agents non
fonctionnaires de l’État ainsi que de leurs ayants droit, il est organisé par le décret n°72-215 du 7 mars 1972 relatif à la sécurité sociale des fonctionnaires. Il est financé par le budget de l’État (c’est pour cela que l’on parle d’imputation budgétaire) et permet une prise en charge partielle des soins médicaux dans certaines structures publiques.  Les médicaments ne sont pas couverts par ce régime.

‘’Les personnes couvertes par les régimes obligatoires (IPM, IPRES et imputation budgétaire) constituent 11% de la population. Pour la couverture des 89% restants, l’État du Sénégal a choisi de s’appuyer sur les mutuelles de santé et sur les régimes d’assistance médicale.

L’atteinte de cet objectif, et, de manière générale, le succès de la politique de couverture maladie universelle, nécessite la définition d’une loi forte, à même d’encadrer le système d’administration et de gestion du programme. La majorité des pays africains qui ont institutionnalisé l’assurance maladie ont, dès les premières années du processus de mise en œuvre de leur stratégie d’extension de la couverture maladie, adopté une loi encadrant les différents aspects de la politique. Le Sénégal souhaite s’inscrire dans ce sillage’’, a ajouté Daff.

Avant ce programme, rappelle-t-il, le droit à la santé était compris dans son sens étroit. L’Etat se limitait à doter le pays d’une offre de santé de qualité, sans grande considération pour la demande.  Or, ‘’c’est une des bases de l’économie et le célèbre John Stuart Mills l’a parfaitement théorisé : en toute chose, (je le cite) il faut que l’offre et la demande, la quantité offerte et la quantité demandée soit égalisée. Evidemment, il parlait de tout à fait autre chose que de santé, mais la vérité de ses observations vaut aussi en cette matière. Et si comme c’est encore le cas présentement, le volet offre de soins est en avance sur le volet demande, le système demeurera défaillant et inéquitable.

‘’Et, au-delà, cette loi sera une véritable avancée sociale pour notre pays. En effet, une loi qui garantit à toute personne, le droit de se soigner, quels que soient ses moyens, est un réel symbole de progrès’’, s’est enorgueilli Bocar Mamadou Daff.

Serigne Makhtar Fall
 
 
Actu-Economie


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