« Toute entreprise cotée sur un marché ouest-africain pourra lever des capitaux dans toute la région »

Jeudi 12 Décembre 2013

Oscar Onyema , le directeur général du NSE (Nigerian Stock Exchange) est aujourd’hui l’un des défenseurs d’un marché financier intégré en Afrique de l’Ouest, un élément essentiel selon lui, pour le développement du marché financier nigérian. Il a présenté à l’agence Ecofin sa vision de ce développement, à l’occasion du sommet de l’Africa Securities Exchange Association à Abidjan.


Oscar Onyema, Directeur général de la Nigeria Stock Exchange
Oscar Onyema, Directeur général de la Nigeria Stock Exchange
Agence Ecofin : Que retirez-vous de ce sommet de l’Africa Securities Exchange Association à Abidjan ?
Oscar Onyema : Les marchés africains souffrent encore du manque de liquidité, de nombreuses bourses n’ont toujours pas une masse pertinente d’entreprises cotées. Nous avons donc eu, durant tous ces jours, la possibilité d’apporter des réponses à ces problématiques, tant d’un point de vue global, que sur des aspects particuliers. Je n’ai pas été déçu des échanges que nous avons eus à Abidjan.
AE: Est-ce que vous pensez finalement que les résolutions prises à Abidjan suffiront à venir, par exemple, à bout du manque de culture boursière et d’investissement qui mine l’Afrique ?
OO : Je suis parfaitement d’accord avec vous. Il y a un manque de connaissance concernant la valeur ajoutée que peuvent apporter les bourses pour soutenir la croissance économique. Ce type de rencontre permet de mettre en évidence les possibilités qui existent intéresser davantage les investisseurs individuels ou institutionnels. Par exemple, il a été mis en évidence le fait que les marché financiers permettent aux entreprises de lever des fonds à un degré bien plus important que celui des banques. Ils permettent aussi aux investisseurs de tirer un plus grand bénéfice de leurs placements car les rendements des actions sur le long terme sont toujours plus intéressants que ceux des autres produits financiers. Il nous appartient de communiquer et sensibiliser sur ces différents avantages et c’est quelque chose dont nous avons largement discuté à Abidjan.
AE : On a aussi beaucoup parlé de l’intégration des marchés financiers en Afrique, notamment l’Afrique de l’Ouest. Mais dans cette zone on voit bien que le Nigéria se détache…
OO : De grands efforts sont fournis pour l’intégration des marchés financiers d’Afrique. Un conseil (West Africa Capital Market Integretion Council –WACMIC) a été mis en place à cet effet. Dans le cadre de cette structure, nous sommes en train de définir des standards et des documents de circulation communs et développer des canaux de communication communs. Notre objectif, c’est que toute entreprise cotée sur un marché ouest-africain puisse facilement lever des capitaux dans toute la région. Qu’un broker dealer puisse être enregistré dans un pays et négocier des titres sur tous les marchés de la région. Nous pensons qu’arriver à ce niveau devrait offrir une valeur encore plus significative aux différentes places financières de notre sous-région et voire de l’Afrique. Pour les entreprises, le bénéfice sera encore plus grand, car elles auront désormais la possibilité de requérir des financements auprès d’un potentiel de 290 millions de personnes, représentant à peu près le chiffre global de la population ouest-africaine. A l’inverse, ceux qui souhaiteront investir, auront la possibilité de le faire sur un plus grand nombre de titres. Nous y travaillons très dur. Nous pensons pouvoir arriver à une étape décisive dès l’année prochaine (2014) lorsque nous conclurons l’accord sur l’initiative d’accès aux marchés financiers, qui permettra à des intermédiaires inscrits à la BRVM de pouvoir négocier des titres sur la bourse de Lagos via leurs homologues inscrits au NSE. Dans la deuxième phase, il sera question d’établir des passeports communs aux intermédiaires de bourse. Dans le même temps, nous travaillerons à l’harmonisation des conditions d’introduction en bourse et nous espérons que les deux premières étapes réalisées, la troisième, qui est celle de l’intégration effective, sera une formalité.
AE : Un des défis justement de l’intégration sera l’harmonisation des règles dans l’obligation d’information des entreprises, un domaine dans lequel la bourse de Lagos a une certaine avance sur les deux autres de la sous-région quels défis soulève cette disparité et comment y faite vous face ?
OO : C’est une question pertinente et justement une des choses qui freine l’intégration c’est ce besoin qu’il y a d’harmoniser les règles. A cet effet nous avons un comité technique qui travaille sur toutes ces questions. Par exemple sur le point précis que vous soulevez, ledit comité est en train de voir comment mettre en œuvre l’International Financial Reporting Standard (IFRS). Cela permettra déjà d’avoir une compréhension commune des données financières. On y travaille, mais déjà il y a minimum de standards que des entreprises devront respecter à l’effet de l’intégration des marchés, justement.
AE : Le NSE ambitionne désormais depuis 2011 d’atteindre le chiffre d’un trillion de dollars de capitalisation boursière, où en êtes-vous aujourd’hui avec cette ambition ?
OO : Nous y travaillons avec diligence. Il est question d’attirer encore plus d’introduction avec la multiplication de produits sur notre place financière, parce que l’objectif dont vous avez fait mention, nous espérons y parvenir avec de nouveaux produits : actions, revenus fixes et dérivés. Nous avons compris que le principal catalyseur pour parvenir à notre objectif est d’avoir un maximum d’introduction en bourse d’entreprises solides. Et cela ne dépend pas seulement des capacités du marché financier, mais de la capacité l’ensemble de l’écosystème économique, à travailler sur cette question. Lorsque nous avons fait cette projection, nous avons pensé que cela engagerait tout le monde. Le gouvernement devrait, pour sa part créer le bon environnement fiscal, en éliminant par exemple la TVA sur les transactions boursières, en adoptant des incitations fiscales pour les entreprises qui veulent s’introduire en bourse. La communauté des intermédiaires, pour sa part, doit être forte, de manière à développer plus de transactions sur le marché secondaire, ce qui serait un élément d’attractivité pour les entreprises à aller en bourse. Les entreprises chef de file doivent renforcer leurs capacités à préparer de bonnes introductions en bourse. Notre bourse elle-même doit être une organisation crédible avec des règles de fonctionnement appropriées. Nous avons commencé à faire notre part de travail et nous encourageons tous les autres acteurs à assurer la leur. Dans ce sens-là nous continuer à plaider auprès d’eux et à travailler avec eux afin que nous puissions tous ensemble bouger vers cet objectif.
AE : Le NSE s’est lancé dans une vaste campagne d’introduction des petites et moyennes entreprises, où en est-on avec ce projet ? Pourquoi ressent-on comme une résistance ?
OO : Le projet avance, nous avons reconfiguré notre compartiment PME il y a sept mois et nous avons effectué de nombreux changements, comme la mise en place d’un conseil constitué d’intermédiaires boursiers auprès desquels les PME qui le souhaitent peuvent se rapprocher, se faire accompagner tout au long de leur présence sur la cote. Nous avons réduit les coûts de cotation et nous avons établi des standards d’introduction plus accessibles. Aujourd’hui nos conseillers (près de 14) sont sur le terrain pour échanger avec ces entreprises sur les avantages d’être présent sur la bourse. Cependant pour arriver en bourse, il faut être prêt. Ce que nous avons remarqué, c’est que la plus part de nos petites et moyennes entreprises, n’ont pas toujours le profil de structuration. Par exemple parmi les services qu’offre notre marché financier, il y celui de l’évaluation structurelle. Il permet par exemple de définir si une entreprise qui veut entrer en bourse a un responsable financier crédible et compétent. Ce que nous avons malheureusement remarqué, c’est que souvent le promoteur de la PME est aussi le responsable financier et administratif, ce qui n’est pas un gage de sécurité pour les investisseurs. Une autre chose que nous vérifions, ce sont les performances financières. Dans la plus part des cas ces PME n’ont pas toujours une comptabilité conforme aux standard. Aujourd’hui on compte déjà une dizaine de PME et nos objectifs sont encore plus ambitieux. C’est un défi complexe et nous y travaillons
AE : Si vous pouviez lancer un appel général quel serait votre message ?
OO : Je crois que nous nous sommes réunis à Abidjan pour discuter de comment l’argent, en Afrique, peut aller de ceux qui en possèdent vers ceux qui en ont besoin pour le financement des initiatives publiques ou privées. Nous voulons ainsi soutenir les efforts des gouvernements dans l’atteinte des objectifs de développement. Le marché des capitaux a effectivement montré sa capacité à jouer pleinement ce rôle.
Ecofin
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