Un chemin d’avenir pour Hong Kong

Jeudi 16 Octobre 2014

LONDRES – Il ne serait pas tout à fait exact d’affirmer que l’attention du monde entier se porte sur Hong Kong. Tel serait le cas s’il était permis à la population de Chine continentale de savoir ce qu’il se passe dans la ville la plus prospère de leur pays. Or, le gouvernement chinois s’efforce de bloquer toutes les informations relatives aux manifestations pro-démocratie de Hong Kong, afin d’éviter que ces informations ne se propagent au reste du pays – tout sauf un signe de confiance des dirigeants chinois dans leur système gouvernemental autoritaire.


Chris Patten, dernier gouverneur britannique de Hong Kong, est chancelier de l’Université d’Oxford
Chris Patten, dernier gouverneur britannique de Hong Kong, est chancelier de l’Université d’Oxford
Avant de suggérer un scénario d’avenir pour les autorités malavisées de Hong Kong, une clarification est nécessaire autour de trois aspects. Pour commencer, il y aurait une insulte à affirmer – comme le prétend la machine de propagande du gouvernement chinois – que ces citoyens se trouvent manipulés par des forces étrangères. Non, la motivation des dizaines de milliers de manifestants hongkongais réside dans une conviction passionnée, selon laquelle ils devraient pouvoir gérer leurs propres affaires comme promis, en décidant de ceux qui les gouvernent dans le cadre d’élections libres et équitables.
Deuxièmement, d’autres en dehors de Hong Kong trouvent un intérêt légitime dans ce qu’il se produit au sein de la ville. Hong Kong constitue un formidable centre international, dont les libertés et l’autonomie ont été garanties par un traité inscrit aux Nations Unies. Le Royaume-Uni, partie à la Déclaration commune sino-britannique, a notamment promu et obtenu des garanties selon lesquelles l’autonomie et les libertés de Hong Kong seraient préservées pendant 50 ans.
Il est par conséquent absurde d’affirmer qu’il incomberait aux ministres et parlementaires britanniques de ne pas se préoccuper des affaires de Hong Kong. Plus que cela, il y a pour eux non seulement un droit mais également une obligation morale à continuer de veiller à ce que la Chine respecte sa part du deal – ce qui, pour être tout à fait honnête, a globalement été le cas jusqu’à présent.
Or, et en troisième lieu, les principales difficultés ont résulté d’un flou sur la question de savoir dans quelle direction la promesse de démocratie faite à Hong Kong mènerait précisément la région, et quand elle l’y conduirait. Au moment où ils se sont vus garantir le suffrage universel, personne n’a expliqué aux hongkongais que cela ne signifiait pas pour eux la possibilité de décider pour quel candidat voter. Nul n’a précisé que l’Iran constituait le modèle démocratique auquel la bureaucratie communiste de Chine aspirait, dans laquelle le gouvernement chinois serait en droit d’exercer un veto effectif sur les différents candidats.
En réalité ce n’est pas ce que la Chine avait en tête. Dès 1993, le négociateur en chef de la Chine auprès de Hong Kong, Lu Ping, déclarera dans le journal People’s Daily, « Le [dénouement du suffrage universel] devrait être signifié au [parlement chinois] uniquement aux fins d’une prise en compte, l’approbation du gouvernement central n’étant pas nécessaire. La manière dont Hong Kong développera sa démocratie à l’avenir relève entièrement de sa propre sphère d’autonomie. Le gouvernement central ne saurait interférer. » Le ministre chinois des Affaires étrangères confirmera cette déclaration l’année suivante.
En l’an 2000, le parlement britannique a synthétisé ce qui avait été affirmé et promis, dans un rapport sur la question de Hong Kong. « Ainsi le gouvernement chinois reconnaît-il officiellement qu’il appartient au gouvernement de Hong Kong de déterminer la mesure et la nature de la démocratie à Hong Kong. »
Quelle sera alors la prochaine étape ?
Les manifestants pacifiques de Hong Kong, avec leurs fameux parapluies et leurs symboliques conteneurs remplis de sacs poubelle, ne se laisseront pas balayés des rues comme de simples ordures, ou contraints à la soumission par les lacrymogènes et autres gaz au poivre. Toute tentative en ce sens projetterait une image terriblement dommageable de Hong Kong et de la Chine aux yeux du monde, et constituerait un affront à tout ce que devrait aspirer à être la Chine.
Les autorités de Hong Kong ont considérablement mal calculé les opinions de leurs citoyens. À la manière des messagers de mauvaises nouvelles dont Confucius avait affirmé qu’il s’agissait de se méfier, elles se sont rendues à Pékin et ont dit à l’empereur ce qu’il semblait souhaiter entendre, plutôt que de lui expliquer la réalité de la situation au sein de la ville. Il leur faut repenser les choses.
Conformément aux textes existants, une deuxième phase de consultations est censée débuter sur la question du développement démocratique, à l’issue de ce qui apparaît comme une fausse amorce du processus. Il est désormais nécessaire que le gouvernement de Hong Kong offre à sa population une véritable deuxième ronde de discussions, dans l’ouverture et la sincérité. Tant il est vrai que le dialogue constitue la voix la plus judicieuse vers l’avenir. La démarche des citoyens de Hong Kong n’a rien d’irresponsable ou de déraisonné. La conclusion d’un compromis décent, en faveur d’élections reconnues par la population comme équitables et non jouées d’avance, n’a rien d’une chimère.
Les manifestants de Hong Kong, jeunes et moins jeunes, représentent l’avenir de la ville. Leur espérance réside dans une existence paisible et prospère, leur permettant d’apprécier la primauté du droit et les libertés qui leur ont été promises. Il en va non seulement de l’intérêt de leur propre ville, mais également de celui de la Chine. Car si l’avenir de Hong Kong constitue à l’heure actuelle la problématique majeure, l’honneur et l’image de la Chine aux yeux du monde sont bel et bien en jeu.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Chris Patten, dernier gouverneur britannique de Hong Kong, est chancelier de l’Université d’Oxford.
© Project Syndicate 1995–2014
 
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