Wayne Swan, ancien premier ministre et trésorier adjoint de l'Australie, a participé régulièrement aux réunions des ministres des Finances du G-20
Les ministres étaient à Washington pour assister aux Assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, où ils ont tenté d’aplanir les différences et d'établir un terrain d'entente avant le prochain sommet. Toutefois, le ton donné par Murdoch suggère qu’un consensus pour une croissance durable et partagée sera difficile à atteindre.
Les commentaires de Murdoch sont conformes aux vues exprimées par son ami, le Premier ministre australien Tony Abbott et l'administration actuelle d'Abbott. En janvier, par exemple, Abbott a surpris la conférence de Davos en annonçant que la crise financière mondiale n'avait pas été causée par le manque de régulation des marchés mondiaux, mais plutôt par un excès de gouvernance. Il s’agissait certainement d’un scoop pour les ministres des Finances qui avaient passé les dernières années à se battre avec les retombées toxiques des excès du secteur financier.
Remis dans le contexte de ces commentaires, on comprendre mieux le refus de l'Australie de mettre les questions du changement climatique et de la prospérité partagée à l'ordre du jour de Brisbane. Bien sûr, stimuler la croissance mondiale est un assez grand défi en soi, même sans tenir compte de l'inclusion ou de la durabilité environnementale. Les prévisions de croissance moroses du FMI en attestent. Et de nombreux responsables politiques considèrent la présidence australienne du G-20 comme une occasion de redynamiser et d'affiner la mission du groupe en vue de stimuler la croissance mondiale, de créer des emplois et d’améliorer les conditions de vie. Les ministres des Finances des pays du G-20 se sont déjà mis d’accord sur un objectif de 2% de croissance annuelle jusqu'en 2018 et ont passé au crible plus de 900 propositions de réformes structurelles destinées à réaliser cet objectif.
Reste à voir exactement quelles réformes les membres du G-20 proposeront à Brisbane et quel engagement ils mettront dans leur mise en œuvre. Le plus grand défi, cependant, est de parvenir à ces objectifs de croissance de manière durable et inclusive. Si les réformes structurelles ne sont pas faites de la bonne manière, le Sommet de Brisbane sera tôt ou tard considéré comme un échec.
Les réformes structurelles, au cours desquelles certains intérêts sont sacrifiés pour le bien du plus grand nombre, seront toujours controversées et difficiles à exécuter. Toutefois, quand ces réformes imposent des sacrifices aux citoyens ordinaires et favorisent les groupes les plus privilégiés de la société, elles ne peuvent que mener à une impasse politique et à de l’instabilité.
Au cours des deux dernières années, les universitaires, organismes de réglementation, économistes et institutions financières ont tous établit un lien entre la stagnation séculaire de la demande et une plus grande inégalité des revenus. Il est ironique de constater que, à un moment où beaucoup de pays en développement entrent, ou aspirent à entrer, dans la classe moyenne émergente, la richesse dans la plupart des pays développés est de plus en plus concentrée au sommet.
En effet, l'inégalité des résultats à la fois dans les économies émergentes et avancées a augmenté au sein et entre les générations. Le refus de l'Australie de discuter de croissance partagée à Brisbane plait probablement aux ploutocrates comme Murdoch, mais les annonces de déréglementation des marchés, de baisse des impôts et de suppression des filets de sécurité sociale indiquent clairement que le sommet n’offrira aucune politique de fond visant à réduire les inégalités.
A quelques jours de la réunion de Brisbane, le G-20 ne tient pas compte des principales menaces à long terme pour l'économie mondiale. Comme le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney (qui, je suppose, a également assisté à l'exposé de Murdoch) l’a fait remarquer il y a quelques mois, « un fondamentalisme de marché débridé peut dévorer le capital social essentiel au dynamisme à long terme du capitalisme lui-même ». La Directrice générale du FMI Christine Lagarde l'a récemment exprimé plus nettement, en notant que les 85 personnes les plus riches du monde contrôlent plus de richesses que les 3,5 milliards de personnes les plus pauvres du monde, et que ce degré d'inégalité jette une ombre sombre sur l'économie mondiale.
L'inégalité n’est pas un problème marginal. La lutte contre sa hausse est essentielle pour atteindre une croissance économique durable et une stabilité politique. La réelle puissance du G-20 est de mettre en évidence ces défis et de susciter un débat éclairé sur ces questions comme prélude à l'action. La question est maintenant de savoir quel leader, le cas échéant, se saisira du mégaphone mondial à Brisbane et osera se faire entendre.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Wayne Swan, ancien premier ministre et trésorier adjoint de l'Australie, a participé régulièrement aux réunions des ministres des Finances du G-20. Son livre le plus récent s’intitule The Good Fight: Six years, two prime ministers and staring down the Great Recession.
Les commentaires de Murdoch sont conformes aux vues exprimées par son ami, le Premier ministre australien Tony Abbott et l'administration actuelle d'Abbott. En janvier, par exemple, Abbott a surpris la conférence de Davos en annonçant que la crise financière mondiale n'avait pas été causée par le manque de régulation des marchés mondiaux, mais plutôt par un excès de gouvernance. Il s’agissait certainement d’un scoop pour les ministres des Finances qui avaient passé les dernières années à se battre avec les retombées toxiques des excès du secteur financier.
Remis dans le contexte de ces commentaires, on comprendre mieux le refus de l'Australie de mettre les questions du changement climatique et de la prospérité partagée à l'ordre du jour de Brisbane. Bien sûr, stimuler la croissance mondiale est un assez grand défi en soi, même sans tenir compte de l'inclusion ou de la durabilité environnementale. Les prévisions de croissance moroses du FMI en attestent. Et de nombreux responsables politiques considèrent la présidence australienne du G-20 comme une occasion de redynamiser et d'affiner la mission du groupe en vue de stimuler la croissance mondiale, de créer des emplois et d’améliorer les conditions de vie. Les ministres des Finances des pays du G-20 se sont déjà mis d’accord sur un objectif de 2% de croissance annuelle jusqu'en 2018 et ont passé au crible plus de 900 propositions de réformes structurelles destinées à réaliser cet objectif.
Reste à voir exactement quelles réformes les membres du G-20 proposeront à Brisbane et quel engagement ils mettront dans leur mise en œuvre. Le plus grand défi, cependant, est de parvenir à ces objectifs de croissance de manière durable et inclusive. Si les réformes structurelles ne sont pas faites de la bonne manière, le Sommet de Brisbane sera tôt ou tard considéré comme un échec.
Les réformes structurelles, au cours desquelles certains intérêts sont sacrifiés pour le bien du plus grand nombre, seront toujours controversées et difficiles à exécuter. Toutefois, quand ces réformes imposent des sacrifices aux citoyens ordinaires et favorisent les groupes les plus privilégiés de la société, elles ne peuvent que mener à une impasse politique et à de l’instabilité.
Au cours des deux dernières années, les universitaires, organismes de réglementation, économistes et institutions financières ont tous établit un lien entre la stagnation séculaire de la demande et une plus grande inégalité des revenus. Il est ironique de constater que, à un moment où beaucoup de pays en développement entrent, ou aspirent à entrer, dans la classe moyenne émergente, la richesse dans la plupart des pays développés est de plus en plus concentrée au sommet.
En effet, l'inégalité des résultats à la fois dans les économies émergentes et avancées a augmenté au sein et entre les générations. Le refus de l'Australie de discuter de croissance partagée à Brisbane plait probablement aux ploutocrates comme Murdoch, mais les annonces de déréglementation des marchés, de baisse des impôts et de suppression des filets de sécurité sociale indiquent clairement que le sommet n’offrira aucune politique de fond visant à réduire les inégalités.
A quelques jours de la réunion de Brisbane, le G-20 ne tient pas compte des principales menaces à long terme pour l'économie mondiale. Comme le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney (qui, je suppose, a également assisté à l'exposé de Murdoch) l’a fait remarquer il y a quelques mois, « un fondamentalisme de marché débridé peut dévorer le capital social essentiel au dynamisme à long terme du capitalisme lui-même ». La Directrice générale du FMI Christine Lagarde l'a récemment exprimé plus nettement, en notant que les 85 personnes les plus riches du monde contrôlent plus de richesses que les 3,5 milliards de personnes les plus pauvres du monde, et que ce degré d'inégalité jette une ombre sombre sur l'économie mondiale.
L'inégalité n’est pas un problème marginal. La lutte contre sa hausse est essentielle pour atteindre une croissance économique durable et une stabilité politique. La réelle puissance du G-20 est de mettre en évidence ces défis et de susciter un débat éclairé sur ces questions comme prélude à l'action. La question est maintenant de savoir quel leader, le cas échéant, se saisira du mégaphone mondial à Brisbane et osera se faire entendre.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Wayne Swan, ancien premier ministre et trésorier adjoint de l'Australie, a participé régulièrement aux réunions des ministres des Finances du G-20. Son livre le plus récent s’intitule The Good Fight: Six years, two prime ministers and staring down the Great Recession.