ZIMBABWE : Faites place au cow-boy de l'indigénisation

Dimanche 17 Novembre 2013

Après trente-trois ans au pouvoir, Robert Mugabe a été réélu en août dernier. Celui qui avait promis une meilleure redistribution des richesses a mené le pays à sa perte. Mais grâce au nouveau ministre de l'Indigénisation, la révolution pourrait cette fois profiter à tous, estime l'éditorialiste.


Francis Nhema, le nouveau ministre de la Jeunesse  et de l'indigénisation
Francis Nhema, le nouveau ministre de la Jeunesse et de l'indigénisation
Un nouveau shérif de l’indigénisation est arrivé en ville. A première vue, il n’a rien du fier chevalier débarquant dans son armure rutilante, ni du cow-boy taillé en armoire à glace brandissant deux revolvers fumants, prêt à relever à lui seul l’impossible défi d’arracher des hordes d’autochtones [fait référence aux Zimbabwéens noirs] à une misère endémique. 

Francis Nhema, le nouveau ministre de la Jeunesse, du Développement, de l’Indigénisation et de l’Emancipation économique aurait plutôt des airs de pied tendre, un type honnête et impénétrable qui réfléchit avant de parler et choisit soigneusement ses mots. Dans sa première déclaration publique, il a expliqué comment il perçoit sa nouvelle mission au sein du gouvernement de Robert Mugabe. Il a donné l’impression d’un homme raisonnable, qui se donne le temps de la réflexion et du dialogue avant de piquer des colères ou de déverser des torrents d’injures  [les membres du parti de Mugabe, la Zanu-PF, sont réputés pour provoquer et insulter leurs opposants]. 

Avancer

De prime abord, ce sont là des qualités qui pourraient s’avérer fort utiles pour désarmer les détracteurs du programme d’indigénisation et d’émancipation économique [qui vise à contraindre les entreprises étrangères à céder au moins 51 % de leur capital à des Zimbabwéens noirs]. Le pays a besoin de quelqu'un pour le faire avancer et oublier les polémiques que le programme a pu engendrer par le passé. Car après tout, la politique d’indigénisation ne doit pas forcément faire peur. Et, chose intéressante, Nhema semble être parfaitement conscient que son image pourrait être son grand atout.  

Une version plus humanisée de l'émancipation

Stratégiquement, sa nomination me paraît être l’une des meilleures décisions qu'a pu prendre Robert Mugabe, tout au moins pour ce qui est de l’adéquation entre le personnage et le portefeuille qui lui a été confié. Car lorsque l’on se lance dans une révolution, il faut savoir faire intervenir une personnalité capable de la faire évoluer. Si l’on en croit sa première déclaration publique officielle, le discours de Francis Nhema rompt avec la logique commerciale froide et calculée de son prédécesseur pour privilégier une version plus humanisée de l’émancipation économique [son prédécesseur, Saviour Kasukuwere, un cadre du parti, s'est construit une très mauvaise réputation auprès des investisseurs étrangers et a profité à outrance de la redistribution des terres, en s'octroyant des dizaines de fermes d'agriculteurs blancs]. 

"L'émancipation du peuple passe par l'éducation"

Les priorités de Nhema sont moins axées sur les entreprises sans scrupules que sur les citoyens vulnérables. "Avant de parler de l’industrie, avant de parler de n’importe quel autre secteur établi, existant et institutionnalisé, nous devons nous occuper des gens", a-t-il notamment souligné. Interrogé sur sa vision du programme d’émancipation économique, il a affirmé qu'il s’attacherait à "faire en sorte que tout le monde ait accès aux transferts de pouvoir et que chacun bénéficie des informations qui lui ouvriront la voie de l’émancipation économique". "L'émancipation du peuple passe par l'éducation", a-t-il poursuivi. Ce qui correspond effectivement à une vision plus durable. La transformation des citoyens, l'éducation ne peuvent être effacées, contrairement à des lois ou à des institutions. C'est une stratégie révolutionnaire sur le long terme. 

Bons citoyens

"A partir du moment où l’on permet à un individu d’acquérir des compétences, on lui donne une part de pouvoir. Et c’est exactement la définition de l’émancipation économique. Vous pourrez toujours détenir des actions et des parts dans une entreprise, mais ne rien savoir sur elle, ou ce qu'il s'y passe. Tout ignorer de ses bénéfices et de ses pertes. Comment, alors, parler de transfert de pouvoir ?" demandait le ministre, qui a fait ses études en Grande-Bretagne. Je suis rassuré par son désir manifeste de veiller à ce que le système éducatif, et en particulier les établissements de formation professionnelle, soit suffisamment bien équipé pour "produire de bons citoyens qui se distingueront et contribueront à l’économie de ce pays".

Bonne première impression

Bien qu’il insiste pour appliquer les mesures d’indigénisation au secteur bancaire, il semble sincèrement vouloir ouvrir le dialogue avant d’appuyer sur la détente ou se lancer dans un exercice de provocation. "Prenons le secteur de la finance, a-t-il ainsi déclaré. Quels objectifs vous êtes-vous fixés ? Lorsque vous émancipez les gens, à quel niveau le faites-vous ? Que faites-vous de vos ressources financières ? Où allez-vous chercher l’argent ? Quelles sont vos stratégies ?" Je pense que le ministre a fait une bonne première impression. Ses actes doivent maintenant être à la hauteur de son discours. S’il réussit, l’indigénisation ne passera plus pour un programme destiné essentiellement aux élites et deviendra une force pour le bien du plus grand nombre.
The ZimbaBwe Independent
Actu-Economie


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