L’Afrique s’achemine vers l’ouverture de ses frontières aux produits européens à des conditions tarifaires beaucoup plus favorables et vice-versa. Si la région australe a signé cette semaine un Accord de Partenariat Économique (APE) avec l’Union Européenne, l’Afrique de l’Ouest (AO), à moins d’un rebondissement de dernière minute, devra officiellement signer le 1er Janvier 2015.
Après un cycle de négociation lancé en 2003 à Accra, sur la base des résultats consensuels auxquels les Négociateurs en Chef sont parvenus sur l’ensemble des questions (notamment sur l’Offre d’accès au marché, le Programme de l’APE pour le Développement (PAPED) et le texte de l’Accord), les Chefs d’État et de Gouvernement ont approuvé définitivement l’APE négocié qui tient compte des préoccupations techniques soulevées. C’était à la 45ème Session Ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenue à Accra en République du Ghana, le 10 juillet 2014.
Le PAPED repose sur cinq principes dont l’accroissement et la diversification de la production, le développement du commerce intra régional, la facilitation de l’accès au marché international, édifier des infrastructures liées au commerce, mener des réformes fiscales et économiques et assurer le suivi-évaluation de l’APE. La Région Afrique de l’Ouest a élaboré ce programme pour assurer la prise en compte de la dimension développement de l’APE et répondre à l’engagement de la Région et de la Communauté Européenne de définir le programme d'accompagnement de l'APE et son financement par l’UE.
6,5 milliards d’euros pour les cinq premières années
L’UE s’engage à assurer une contribution financière devant aider à supporter les coûts de l’ouverture commerciale et les ajustements nécessaires. Elle a accepté de mobiliser 6,5 milliards d’Euros (environ 4250 milliards de F Cfa) sur une période de cinq ans pour accompagner le démantèlement tarifaire. Une manne financière dont la clé de répartition est sous la responsabilité de la CEDEAO. Ce qui est déjà clair c’est que la répartition se fera par axe et par ordre de grandeur. Ainsi, 50% de l’enveloppe sera consacrée à l’amélioration et le renforcement des infrastructures liées au commerce, 28% pour la diversification et l’accroissement des capacités de production, 14% pour le commerce intra-régional et l’accès aux marchés internationaux, 7% pour les réformes fiscales et économiques. La mise en œuvre et le suivi-évaluation de l’APE vont se contenter de 1% de cette contribution européenne.
Dans la même lancée, il est attendu un engagement solidaire de l’UE, ses États membres et de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pour assurer l’adéquation entre les besoins exprimés pour la période 2015-2019 et le financement. A cela s’ajoute le maintien de l’accompagnement financier adéquat au PAPED au-delà de la période 2015-2019. Lors d’un atelier de sensibilisation destiné à des journalistes sénégalais, qui s’est tenu les 8 et 9 septembre 2014 à Dakar, le directeur du commerce extérieur du Sénégal, M. Cheikh Saadbouh Seck a souligné que chaque pays de la CEDEAO avait l’obligation de soumettre un canevas de projets prioritaires dans ce sens en plus du plan opérationnel régional. L’instance régionale recommande la préparation de tables rondes nationales destinées à l’examen des plans de financement indiquant clairement les ressources et leur provenance. Dans le cadre des négociations, il a été aussi recommandé de tenir compte du PAPED dans la programmation du 11ème Fonds Européen de Développement (FED) et les perspectives relatives à l’agenda for change de l’UE (notamment financement des infrastructures dans les pays ACP).
Pour rappel, l’AO proposait au préalable la mise en place de plans de financement précédant la conclusion des négociations de l’APE tandis que la partie UE avait un avis contraire et ne voulait pas que l’adoption des plans de financement soit un préalable à l’APE. Le Chef de la Division de la Coopération au Développement du ministère de l’Économie et des Finances du Sénégal, M. Mamour Ousmane Ba confie que ces divergences avaient retardé le démarrage effectif des réunions de dialogue sur les plans opérationnels jusqu’à la dernière conférence des Chefs d’État de la CEDEAO en octobre 2013 à l’issue de laquelle une nouvelle option a été prise pour débloquer la situation, accepter les 6,5 milliards d’Euros pour financer les besoins prioritaires 2015-2019 et couvrant les axes pré-identifiés.
Au sortir de la réunion des Négociateurs en Chef AO/UE tenue à Bruxelles le 06 février 2014, les deux parties sont convenues d’une offre d’accès au marché de l’Afrique de l’Ouest de 75% sur une période de 20 ans. Le démantèlement retenu se fera sur 2015-2019 pour les produits les moins sensibles, 2020-2029 pour les produits sensibles et 2020-2034 sur ceux très sensibles.
Craintes sur une compensation « déséquilibrée »
La contribution financière attendue de l’Union Européenne est déjà sujette à discussion face à l’énormité des besoins de développement de la zone ouest-africaine. Rien que le Sénégal présente un plan d’urgence d’environ 500 milliards de F Cfa. Il faut rappeler que la demande initiale de l’AO en 2010 se chiffrait à 9,5 milliards de F Cfa pour les cinq premières années. Par la suite, compte tenu du retard accusé dans les négociations, les pays ont été amenés à réactualiser les premiers plans. Le chef de la division de la coopération du Ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal, M. Mamou Ousmane Ba, a fait savoir que les alternances politiques survenues entre temps dans plusieurs pays de l’AO ont dicté un nouveau rééquilibrage ramenant la manne à 6,5 milliards d’Euros pour les cinq premières années.
Certains observateurs jugent également incongrue l’apport financier européen vu ce que la zone Afrique de l’Ouest risque d’enregistrer comme perte en recettes douanières en cas de levée des barrières tarifaires. Déjà, la question des ressources additionnelles pour financer le PAPED figurait en bonne place dans les points de divergence entre la CEDEAO et l’UE. Même si l’Afrique de l’Ouest bénéficiera automatiquement de tous les avantages préférentiels accordés par l’UE à tout pays.
La Plateforme des Organisations de la société civile de l’Afrique de l’Ouest sur l’Accord de Cotonou (POSCAO), dans sa déclaration du 7 avril 2014, estimait que « Certaines questions techniques doivent faire l’objet d’une renégociation sérieuse car les concessions de l’Afrique de l’Ouest sont inappropriées et pourraient avoir des conséquences dramatiques sur l’économie régionale». Parmi ces questions, elle pense que les plus préoccupantes sont l’offre d’accès au marché, la Clause de la Nation la Plus Favorisée (NPF), les taxes d’exportation, les clauses de rendez-vous et le PAPED.
Sur ce dernier point, la société civile attire l’attention des Chefs d’État sur les contre-vérités avancées à propos du PAPED par l’UE et amplifiées par certains acteurs de la région. « L’Union européenne laisse courir le bruit selon lequel elle fournira 6.5 milliards d’Euros par tranches de 5 ans… Que valent 6.5 milliards pour 16 pays représentant ensemble plus 300 millions d’habitants ?», s’est-elle désolée.
A ces griefs, s’ajoute l’impact fiscal de la taxation à un taux zéro des produits européens qui vont envahir le marché ouest-africain. Un état de fait qui peut livrer, au tissu industriel voir économique fragile de la zone, à une concurrence sans merci des produits venus d’extérieur, plus compétitifs et par moment subventionnés.
Cet ensemble de zones d’ombre amène Jacques Berthelot de l’ONG Solidarité, spécialiste français des questions commerciales, dans une note intitulée « Pourquoi la CEDEAO ne doit pas signer l'APE », à tirer la sonnette d’alarme. A son avis, l’AO ne doit pas réduire ses droits de douane à un niveau inférieur à celui de l’UE. Alors que l’APE exige de réduire les droits de douane de la CEDEAO sur 75% des exportations de l’UE, il n’oblige pas l’UE à éliminer ses subventions internes bénéficiant aux produits exportés.
Pour lui, le pourcentage d’ouverture du marché ouest-africain aux exportations de l’UE devrait au moins déduire la part des Pays les moins avancés qui sont concernés. En effet, pour ces pays, ajoute M. Berthelot, des clauses de protection antérieures de l’UE existent et ne les obligent pas à ouvrir leurs marchés aux exportations de l’UE. « Si l’on appliquait ces clauses, l’AO ne devrait ouvrir son marché qu’à 43,5% de ses importations venant de l’UE », précise-t-il.
Allafrica.com
Après un cycle de négociation lancé en 2003 à Accra, sur la base des résultats consensuels auxquels les Négociateurs en Chef sont parvenus sur l’ensemble des questions (notamment sur l’Offre d’accès au marché, le Programme de l’APE pour le Développement (PAPED) et le texte de l’Accord), les Chefs d’État et de Gouvernement ont approuvé définitivement l’APE négocié qui tient compte des préoccupations techniques soulevées. C’était à la 45ème Session Ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenue à Accra en République du Ghana, le 10 juillet 2014.
Le PAPED repose sur cinq principes dont l’accroissement et la diversification de la production, le développement du commerce intra régional, la facilitation de l’accès au marché international, édifier des infrastructures liées au commerce, mener des réformes fiscales et économiques et assurer le suivi-évaluation de l’APE. La Région Afrique de l’Ouest a élaboré ce programme pour assurer la prise en compte de la dimension développement de l’APE et répondre à l’engagement de la Région et de la Communauté Européenne de définir le programme d'accompagnement de l'APE et son financement par l’UE.
6,5 milliards d’euros pour les cinq premières années
L’UE s’engage à assurer une contribution financière devant aider à supporter les coûts de l’ouverture commerciale et les ajustements nécessaires. Elle a accepté de mobiliser 6,5 milliards d’Euros (environ 4250 milliards de F Cfa) sur une période de cinq ans pour accompagner le démantèlement tarifaire. Une manne financière dont la clé de répartition est sous la responsabilité de la CEDEAO. Ce qui est déjà clair c’est que la répartition se fera par axe et par ordre de grandeur. Ainsi, 50% de l’enveloppe sera consacrée à l’amélioration et le renforcement des infrastructures liées au commerce, 28% pour la diversification et l’accroissement des capacités de production, 14% pour le commerce intra-régional et l’accès aux marchés internationaux, 7% pour les réformes fiscales et économiques. La mise en œuvre et le suivi-évaluation de l’APE vont se contenter de 1% de cette contribution européenne.
Dans la même lancée, il est attendu un engagement solidaire de l’UE, ses États membres et de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pour assurer l’adéquation entre les besoins exprimés pour la période 2015-2019 et le financement. A cela s’ajoute le maintien de l’accompagnement financier adéquat au PAPED au-delà de la période 2015-2019. Lors d’un atelier de sensibilisation destiné à des journalistes sénégalais, qui s’est tenu les 8 et 9 septembre 2014 à Dakar, le directeur du commerce extérieur du Sénégal, M. Cheikh Saadbouh Seck a souligné que chaque pays de la CEDEAO avait l’obligation de soumettre un canevas de projets prioritaires dans ce sens en plus du plan opérationnel régional. L’instance régionale recommande la préparation de tables rondes nationales destinées à l’examen des plans de financement indiquant clairement les ressources et leur provenance. Dans le cadre des négociations, il a été aussi recommandé de tenir compte du PAPED dans la programmation du 11ème Fonds Européen de Développement (FED) et les perspectives relatives à l’agenda for change de l’UE (notamment financement des infrastructures dans les pays ACP).
Pour rappel, l’AO proposait au préalable la mise en place de plans de financement précédant la conclusion des négociations de l’APE tandis que la partie UE avait un avis contraire et ne voulait pas que l’adoption des plans de financement soit un préalable à l’APE. Le Chef de la Division de la Coopération au Développement du ministère de l’Économie et des Finances du Sénégal, M. Mamour Ousmane Ba confie que ces divergences avaient retardé le démarrage effectif des réunions de dialogue sur les plans opérationnels jusqu’à la dernière conférence des Chefs d’État de la CEDEAO en octobre 2013 à l’issue de laquelle une nouvelle option a été prise pour débloquer la situation, accepter les 6,5 milliards d’Euros pour financer les besoins prioritaires 2015-2019 et couvrant les axes pré-identifiés.
Au sortir de la réunion des Négociateurs en Chef AO/UE tenue à Bruxelles le 06 février 2014, les deux parties sont convenues d’une offre d’accès au marché de l’Afrique de l’Ouest de 75% sur une période de 20 ans. Le démantèlement retenu se fera sur 2015-2019 pour les produits les moins sensibles, 2020-2029 pour les produits sensibles et 2020-2034 sur ceux très sensibles.
Craintes sur une compensation « déséquilibrée »
La contribution financière attendue de l’Union Européenne est déjà sujette à discussion face à l’énormité des besoins de développement de la zone ouest-africaine. Rien que le Sénégal présente un plan d’urgence d’environ 500 milliards de F Cfa. Il faut rappeler que la demande initiale de l’AO en 2010 se chiffrait à 9,5 milliards de F Cfa pour les cinq premières années. Par la suite, compte tenu du retard accusé dans les négociations, les pays ont été amenés à réactualiser les premiers plans. Le chef de la division de la coopération du Ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal, M. Mamou Ousmane Ba, a fait savoir que les alternances politiques survenues entre temps dans plusieurs pays de l’AO ont dicté un nouveau rééquilibrage ramenant la manne à 6,5 milliards d’Euros pour les cinq premières années.
Certains observateurs jugent également incongrue l’apport financier européen vu ce que la zone Afrique de l’Ouest risque d’enregistrer comme perte en recettes douanières en cas de levée des barrières tarifaires. Déjà, la question des ressources additionnelles pour financer le PAPED figurait en bonne place dans les points de divergence entre la CEDEAO et l’UE. Même si l’Afrique de l’Ouest bénéficiera automatiquement de tous les avantages préférentiels accordés par l’UE à tout pays.
La Plateforme des Organisations de la société civile de l’Afrique de l’Ouest sur l’Accord de Cotonou (POSCAO), dans sa déclaration du 7 avril 2014, estimait que « Certaines questions techniques doivent faire l’objet d’une renégociation sérieuse car les concessions de l’Afrique de l’Ouest sont inappropriées et pourraient avoir des conséquences dramatiques sur l’économie régionale». Parmi ces questions, elle pense que les plus préoccupantes sont l’offre d’accès au marché, la Clause de la Nation la Plus Favorisée (NPF), les taxes d’exportation, les clauses de rendez-vous et le PAPED.
Sur ce dernier point, la société civile attire l’attention des Chefs d’État sur les contre-vérités avancées à propos du PAPED par l’UE et amplifiées par certains acteurs de la région. « L’Union européenne laisse courir le bruit selon lequel elle fournira 6.5 milliards d’Euros par tranches de 5 ans… Que valent 6.5 milliards pour 16 pays représentant ensemble plus 300 millions d’habitants ?», s’est-elle désolée.
A ces griefs, s’ajoute l’impact fiscal de la taxation à un taux zéro des produits européens qui vont envahir le marché ouest-africain. Un état de fait qui peut livrer, au tissu industriel voir économique fragile de la zone, à une concurrence sans merci des produits venus d’extérieur, plus compétitifs et par moment subventionnés.
Cet ensemble de zones d’ombre amène Jacques Berthelot de l’ONG Solidarité, spécialiste français des questions commerciales, dans une note intitulée « Pourquoi la CEDEAO ne doit pas signer l'APE », à tirer la sonnette d’alarme. A son avis, l’AO ne doit pas réduire ses droits de douane à un niveau inférieur à celui de l’UE. Alors que l’APE exige de réduire les droits de douane de la CEDEAO sur 75% des exportations de l’UE, il n’oblige pas l’UE à éliminer ses subventions internes bénéficiant aux produits exportés.
Pour lui, le pourcentage d’ouverture du marché ouest-africain aux exportations de l’UE devrait au moins déduire la part des Pays les moins avancés qui sont concernés. En effet, pour ces pays, ajoute M. Berthelot, des clauses de protection antérieures de l’UE existent et ne les obligent pas à ouvrir leurs marchés aux exportations de l’UE. « Si l’on appliquait ces clauses, l’AO ne devrait ouvrir son marché qu’à 43,5% de ses importations venant de l’UE », précise-t-il.
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