Selon le dernier rapport du Fmi « Perspectives économiques régionales » concernant l'Afrique subsaharienne, la croissance de la région demeure soutenue. Comment les pays subsahariens parviennent-ils à maintenir cette dynamique dans un contexte économique mondial difficile ?
«La croissance économique en Afrique reste soutenue. Selon nos estimations, elle atteindra 5 % en 2013 et 6 % en 2014. Et pour les pays les plus pauvres, le taux de croissance sera encore supérieur pour s'établir à environ 6 % en 2013 et 7 % en 2014. C'est une bonne performance notamment dans un contexte mondial difficile. Cela s'explique par un rythme d'investissement aussi bien public que privé qui continue d'augmenter, mais aussi par une santé des économies d'Afrique subsaharienne qui demeure bonne, avec des taux d'endettement en moyenne faibles. Et tout cela crée un environnement propice à l'investissement, y compris les investissements directs étrangers».
Le Fmi revoit légèrement à la baisse ses prévisions de croissance pour la région. Qu'est-ce qui explique cette baisse ?
«En 2013, effectivement, nous avons revu très légèrement à la baisse nos projections. Cela s'explique par une économie mondiale moins forte qu'en 2013. Nous avons, pour 2013, une estimation de la croissance mondiale de 3 % ; il y a six mois, nous étions à 3,5 %. Cela se traduit aussi pour l'Afrique par un léger ralentissement, mais quand même, elle demeure la région qui a la croissance la plus élevée, à l'exception de l'Asie émergente (Chine et son environnement)».
Vous invitez l'Afrique subsaharienne à maintenir son rythme de croissance. Mais sur quels leviers la région doit-elle appuyer pour y parvenir ?
«D'abord, il faut regarder les facteurs de risques, puis les leviers à pousser. Il y a deux types de risques pour l'Afrique. Il y a des risques au niveau mondial sur lesquels l'Afrique a peu de contrôle, je pense au resserrement financier qui se fait dans les grandes places financières. Cela se traduit par des taux d'intérêt plus élevés. Mais il s'agit plutôt d'un risque concernant les économies plus liées à l'économie mondiale, comme l'Afrique du Sud. Il y a aussi la tendance à la baisse des prix des matières premières qui peut se traduire par moins de recettes pour les pays producteurs de pétrole. Sur les risques internes à l'Afrique, notre rapport en identifie deux. D'abord, en ce qui concerne les politiques budgétaires, nous voyons qu'en dépit de la croissance, ils se maintiennent à des niveaux assez élevés. Jusqu'à présent, le niveau d'endettement reste faible, donc ces déficits peuvent être financés, mais à terme, il faudra que la stabilité budgétaire soit rétablie. Nous identifions, comme deuxième risque, le fait que les comptes courants de la balance des paiements sont plus élevés que par le passé. Ces déficits sont financés principalement par l'investissement direct étranger, mais, surtout dans un contexte mondial où les taux d'intérêt augmentent, il faut craindre que ces financements ne soient pas toujours disponibles. De ces risques, découlent aussi les conseils économiques que nous donnons, nous voyons deux principales priorités : la première, c'est de renforcer les positions budgétaires en mobilisant davantage de recettes internes, de maîtriser les dépenses et la dette publique. C'est le moment de le faire, quand la croissance est encore soutenue, il faut se donner des marges de manœuvre. Cela a très bien servi en 2008-2009 durant la crise mondiale, l'Afrique a su résister à l'époque grâce à ses marges de manœuvre. Il faut s'assurer que, dans les années à venir, ces marges soient renforcées. Deuxième conseil qui découle de notre rapport : c'est de réduire une dépendance à l'aide internationale en mobilisant l'épargne à terme. Je pense à l'approfondissement des secteurs productifs. Ce qui est important, à moyen terme, pour que cette croissance soit maintenue, c'est l'augmentation continue des investissements productifs. Je pense surtout aux investissements dans les infrastructures, l'énergie. Pour cela, il faut l'épargne intérieure, les priorités budgétaires sur le plan interne et, bien sûr, le financement extérieur. Ces trois volets dépendent de la santé économique de ces pays».
On lie souvent la croissance économique du continent à la hausse des cours des matières premières, mais quelle est la contribution de l'Afrique à sa propre performance ?
«Dans une analyse à long terme que nous avons faite, nous avons constaté que cette croissance n'est pas due aux matières premières, mais plutôt aux résultats de politiques économiques saines qui ont été maintenues pendant une longue période. Les pays qui ont connu la croissance la plus soutenue en Afrique comme le Mozambique, le Rwanda, la Tanzanie, l'Ouganda, n'ont pas bénéficié des matières premières, mais depuis 15 à 20 ans, ils réalisent des taux de croissance de 6, 7, voire 8 % en moyenne. C'est surtout la réduction de la dette, la maîtrise de l'inflation et l'accent sur l'investissement qui ont mené à ces taux de croissance importants. Maintenant, il faut aussi dire qu'en regardant de l'avant, les richesses naturelles de l'Afrique sont un atout, mais la priorité doit être de les exploiter de manière optimale et s'assurer que la gestion de ces ressources contribue au développement de ces pays, à la création d'emplois».
Quelles pourraient être les conséquences si les risques de baisse des prix des matières premières venaient à se concrétiser ?
«C'est une question très spécifique de pays en pays. Dans les pays producteurs de pétrole où il est le produit principal d'exportation, une baisse des prix aura un impact direct. Nous conseillons à ces pays de conserver de larges marges pour absorber ces chocs, c'est-à-dire des réserves de change et excédents budgétaires importants, pour qu'après la période creuse, les dépenses publiques puissent se maintenir. Pour d'autres pays où les exportations et recettes budgétaires sont moins importantes, évidemment, le choc sera moindre. Dans une étude qui est reflétée dans notre rapport, nous avons regardé l'impact d'un ralentissement de l'investissement en Chine, grand importateur de matières premières d'Afrique, le résultat de notre étude montre que ce sont surtout les exportateurs de minerais comme le cuivre, qui devront s'ajuster à une baisse éventuelle des prix. C'est le cas de pays comme la Rd Congo, la Zambie, etc».
Le Fmi insiste beaucoup sur les réformes structurelles quand il s'agit des pays africains qui ont besoin quand même d'effectuer des investissements dans les infrastructures. Pourquoi cette insistance ?
«Ce n'est pas le Fmi qui insiste mais les pays africains. Et à juste titre. Ils veulent améliorer la structure des économies pour créer une croissance soutenue, créatrice d'emplois. C'est d'autant plus important quand les ressources sont limitées et les besoins grands. Chaque pays fait face à des contraintes budgétaires, un pays pauvre connaît encore plus ses limites. Il faut s'assurer que l'efficacité de la dépense est la meilleure pour s'assurer de l'impact sur la création d'emplois. C'est cela l'objectif des réformes structurelles».
Ne craignez-vous pas une baisse des investissements étrangers en Afrique dans le contexte économique mondial marqué par une reprise lente ?
«Au niveau mondial, un risque du resserrement, dont j'ai parlé au début, aura un impact sur l'investissement pour tout le monde, pas seulement pour l'Afrique. L'atout de l'Afrique, c'est le fait que c'est la région qui croît, qui, à moyen et long termes, va avoir des dividendes démographiques sur les 20 à 50 ans à venir. Je suis optimiste qu'avec de bonnes politiques, l'investissement continuera à venir en Afrique».
Le Sénégal a initié la bourse de sécurité familiale pour les ménages les plus pauvres et la Couverture maladie universelle. Que pensez-vous de ces deux initiatives prises par un pays pauvre comme le nôtre ?
«Pour le Sénégal comme pour d'autres pays, il est important de regarder les filets sociaux pour s'assurer que la croissance est bien partagée. La question qu'il faudra trancher, c'est s'assurer que ces dépenses sont ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin. Cela est plus important que les autres dépenses dans les infrastructures, par exemple».
Pour promouvoir les investissements, le Sénégal a créé le Fongip et le Fonsis. Ces fonds vous semblent-ils pertinents ?
«Pour nous, ce n'est pas une question de structures de l'administration autour de cet investissement. Ce qui est important, c'est que les priorités de l'investissement soient bien définies et mises en œuvre. Par exemple, il y a un énorme besoin d'investissement dans le secteur de l'énergie. Maintenant, il faut définir les grandes priorités et aller de l'avant car les coûts de l'énergie sont très élevés au Sénégal. Il faut donc mettre en œuvre les investissements nécessaires et les restructurations pour baisser les coûts de l'énergie. C'est tout à fait faisable, il faut commencer aujourd'hui».
Le Sénégal ira chercher le financement de sa Stratégie nationale de développement économique et social (Sndes) au Groupe consultatif de Paris. Quel commentaire faites-vous de cette stratégie ?
«La Stratégie identifie les priorités pour le Sénégal, les réalités budgétaires seront toujours là».
Le Fmi dispose-t-il d'une stratégie pour aider les pays africains riches en ressources minières mais qui profitent moins des revenus que les industries extractives internationales ?
«C'est un dossier tout à fait primordial pour l'Afrique. Effectivement, ces dernières années, avec l'augmentation des prix des matières premières, de plus en plus de pays (Ouganda, Tanzanie, Ethiopie) qui n'étaient pas exportateurs le deviendront. Ces pays doivent s'assurer que les recettes doivent revenir au développement. Nous travaillons avec eux à la mise en place d'une fiscalité qui assure le bon partage des recettes entre les investisseurs, qui prennent des risques en dépensant leur argent, et les gouvernements, au nom des populations, ont droit à des recettes raisonnables. Ce partage est important, il se traduit par un régime de fiscalité transparent et efficace. Je suis optimiste que cela se fera dans les prochaines années. Mais il ne faut pas oublier que ce qui est plus important, c'est d'avoir un cadre qui régit, de façon transparente, les recettes générées par ces ressources. C'est une responsabilité nationale qui revient au gouvernement, au parlement, aux populations. On voit, avec le Ghana, que c'est possible de le faire».
Quelle est votre lecture du rythme d'endettement du Sénégal ?
«Le Sénégal a une dette publique d'environ 45 % du Pib, c'est un niveau qui demeure tout à fait gérable mais qui est bien supérieur qu'il ne l'était, il y a cinq ans. C'est un signal auquel il faut faire très attention dans les années à venir, que tout endettement additionnel se traduise par des investissements productifs, qui créent de l'emploi. Avec la croissance et la création d'emplois, un niveau d'endettement de cet ordre n'est pas problématique, mais si l'on s'endette pour consommer au lieu d'investir, cela risque d'être plus difficile. Pour le Sénégal comme pour tous les pays d'Afrique, avec leurs taux d'endettement modérés, c'est le moment de bien investir, de saisir l'occasion de mettre en place les infrastructures nécessaires pour générer la croissance à long terme. A ce moment-là, cette dette aura été bien utilisée».
Vos perspectives économiques pour le Sénégal sont-elles favorables ?
«Dans notre appréciation, le Sénégal, s'il avance avec les réformes préconisées, peut augmenter son taux de croissance, prévu à 4 % cette année et 4,5 % l'année prochaine, et peut aller au-delà les années à venir mais à condition que les réformes avancent. Je pense surtout aux réformes du secteur énergétique qui est devenu une contrainte à l'investissement, à la croissance et pour la population. Il faut lever cette contrainte, cela nécessite des décisions rapides sur les priorités énergétiques. Nous sommes conscients que cela va se faire, mais il ne faut pas perdre de temps».
Le Sénégal s'est lancé dans le mix énergétique. Ce choix vous semble-t-il pertinent ?
«Le Fmi n'est pas un grand expert dans l'énergie, ce qui est évident pour tout le monde, c'est que l'énergie thermique coûte très cher. Toute solution à moyen terme pour le Sénégal doit mener à baisser les coûts».
Le Soleil
«La croissance économique en Afrique reste soutenue. Selon nos estimations, elle atteindra 5 % en 2013 et 6 % en 2014. Et pour les pays les plus pauvres, le taux de croissance sera encore supérieur pour s'établir à environ 6 % en 2013 et 7 % en 2014. C'est une bonne performance notamment dans un contexte mondial difficile. Cela s'explique par un rythme d'investissement aussi bien public que privé qui continue d'augmenter, mais aussi par une santé des économies d'Afrique subsaharienne qui demeure bonne, avec des taux d'endettement en moyenne faibles. Et tout cela crée un environnement propice à l'investissement, y compris les investissements directs étrangers».
Le Fmi revoit légèrement à la baisse ses prévisions de croissance pour la région. Qu'est-ce qui explique cette baisse ?
«En 2013, effectivement, nous avons revu très légèrement à la baisse nos projections. Cela s'explique par une économie mondiale moins forte qu'en 2013. Nous avons, pour 2013, une estimation de la croissance mondiale de 3 % ; il y a six mois, nous étions à 3,5 %. Cela se traduit aussi pour l'Afrique par un léger ralentissement, mais quand même, elle demeure la région qui a la croissance la plus élevée, à l'exception de l'Asie émergente (Chine et son environnement)».
Vous invitez l'Afrique subsaharienne à maintenir son rythme de croissance. Mais sur quels leviers la région doit-elle appuyer pour y parvenir ?
«D'abord, il faut regarder les facteurs de risques, puis les leviers à pousser. Il y a deux types de risques pour l'Afrique. Il y a des risques au niveau mondial sur lesquels l'Afrique a peu de contrôle, je pense au resserrement financier qui se fait dans les grandes places financières. Cela se traduit par des taux d'intérêt plus élevés. Mais il s'agit plutôt d'un risque concernant les économies plus liées à l'économie mondiale, comme l'Afrique du Sud. Il y a aussi la tendance à la baisse des prix des matières premières qui peut se traduire par moins de recettes pour les pays producteurs de pétrole. Sur les risques internes à l'Afrique, notre rapport en identifie deux. D'abord, en ce qui concerne les politiques budgétaires, nous voyons qu'en dépit de la croissance, ils se maintiennent à des niveaux assez élevés. Jusqu'à présent, le niveau d'endettement reste faible, donc ces déficits peuvent être financés, mais à terme, il faudra que la stabilité budgétaire soit rétablie. Nous identifions, comme deuxième risque, le fait que les comptes courants de la balance des paiements sont plus élevés que par le passé. Ces déficits sont financés principalement par l'investissement direct étranger, mais, surtout dans un contexte mondial où les taux d'intérêt augmentent, il faut craindre que ces financements ne soient pas toujours disponibles. De ces risques, découlent aussi les conseils économiques que nous donnons, nous voyons deux principales priorités : la première, c'est de renforcer les positions budgétaires en mobilisant davantage de recettes internes, de maîtriser les dépenses et la dette publique. C'est le moment de le faire, quand la croissance est encore soutenue, il faut se donner des marges de manœuvre. Cela a très bien servi en 2008-2009 durant la crise mondiale, l'Afrique a su résister à l'époque grâce à ses marges de manœuvre. Il faut s'assurer que, dans les années à venir, ces marges soient renforcées. Deuxième conseil qui découle de notre rapport : c'est de réduire une dépendance à l'aide internationale en mobilisant l'épargne à terme. Je pense à l'approfondissement des secteurs productifs. Ce qui est important, à moyen terme, pour que cette croissance soit maintenue, c'est l'augmentation continue des investissements productifs. Je pense surtout aux investissements dans les infrastructures, l'énergie. Pour cela, il faut l'épargne intérieure, les priorités budgétaires sur le plan interne et, bien sûr, le financement extérieur. Ces trois volets dépendent de la santé économique de ces pays».
On lie souvent la croissance économique du continent à la hausse des cours des matières premières, mais quelle est la contribution de l'Afrique à sa propre performance ?
«Dans une analyse à long terme que nous avons faite, nous avons constaté que cette croissance n'est pas due aux matières premières, mais plutôt aux résultats de politiques économiques saines qui ont été maintenues pendant une longue période. Les pays qui ont connu la croissance la plus soutenue en Afrique comme le Mozambique, le Rwanda, la Tanzanie, l'Ouganda, n'ont pas bénéficié des matières premières, mais depuis 15 à 20 ans, ils réalisent des taux de croissance de 6, 7, voire 8 % en moyenne. C'est surtout la réduction de la dette, la maîtrise de l'inflation et l'accent sur l'investissement qui ont mené à ces taux de croissance importants. Maintenant, il faut aussi dire qu'en regardant de l'avant, les richesses naturelles de l'Afrique sont un atout, mais la priorité doit être de les exploiter de manière optimale et s'assurer que la gestion de ces ressources contribue au développement de ces pays, à la création d'emplois».
Quelles pourraient être les conséquences si les risques de baisse des prix des matières premières venaient à se concrétiser ?
«C'est une question très spécifique de pays en pays. Dans les pays producteurs de pétrole où il est le produit principal d'exportation, une baisse des prix aura un impact direct. Nous conseillons à ces pays de conserver de larges marges pour absorber ces chocs, c'est-à-dire des réserves de change et excédents budgétaires importants, pour qu'après la période creuse, les dépenses publiques puissent se maintenir. Pour d'autres pays où les exportations et recettes budgétaires sont moins importantes, évidemment, le choc sera moindre. Dans une étude qui est reflétée dans notre rapport, nous avons regardé l'impact d'un ralentissement de l'investissement en Chine, grand importateur de matières premières d'Afrique, le résultat de notre étude montre que ce sont surtout les exportateurs de minerais comme le cuivre, qui devront s'ajuster à une baisse éventuelle des prix. C'est le cas de pays comme la Rd Congo, la Zambie, etc».
Le Fmi insiste beaucoup sur les réformes structurelles quand il s'agit des pays africains qui ont besoin quand même d'effectuer des investissements dans les infrastructures. Pourquoi cette insistance ?
«Ce n'est pas le Fmi qui insiste mais les pays africains. Et à juste titre. Ils veulent améliorer la structure des économies pour créer une croissance soutenue, créatrice d'emplois. C'est d'autant plus important quand les ressources sont limitées et les besoins grands. Chaque pays fait face à des contraintes budgétaires, un pays pauvre connaît encore plus ses limites. Il faut s'assurer que l'efficacité de la dépense est la meilleure pour s'assurer de l'impact sur la création d'emplois. C'est cela l'objectif des réformes structurelles».
Ne craignez-vous pas une baisse des investissements étrangers en Afrique dans le contexte économique mondial marqué par une reprise lente ?
«Au niveau mondial, un risque du resserrement, dont j'ai parlé au début, aura un impact sur l'investissement pour tout le monde, pas seulement pour l'Afrique. L'atout de l'Afrique, c'est le fait que c'est la région qui croît, qui, à moyen et long termes, va avoir des dividendes démographiques sur les 20 à 50 ans à venir. Je suis optimiste qu'avec de bonnes politiques, l'investissement continuera à venir en Afrique».
Le Sénégal a initié la bourse de sécurité familiale pour les ménages les plus pauvres et la Couverture maladie universelle. Que pensez-vous de ces deux initiatives prises par un pays pauvre comme le nôtre ?
«Pour le Sénégal comme pour d'autres pays, il est important de regarder les filets sociaux pour s'assurer que la croissance est bien partagée. La question qu'il faudra trancher, c'est s'assurer que ces dépenses sont ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin. Cela est plus important que les autres dépenses dans les infrastructures, par exemple».
Pour promouvoir les investissements, le Sénégal a créé le Fongip et le Fonsis. Ces fonds vous semblent-ils pertinents ?
«Pour nous, ce n'est pas une question de structures de l'administration autour de cet investissement. Ce qui est important, c'est que les priorités de l'investissement soient bien définies et mises en œuvre. Par exemple, il y a un énorme besoin d'investissement dans le secteur de l'énergie. Maintenant, il faut définir les grandes priorités et aller de l'avant car les coûts de l'énergie sont très élevés au Sénégal. Il faut donc mettre en œuvre les investissements nécessaires et les restructurations pour baisser les coûts de l'énergie. C'est tout à fait faisable, il faut commencer aujourd'hui».
Le Sénégal ira chercher le financement de sa Stratégie nationale de développement économique et social (Sndes) au Groupe consultatif de Paris. Quel commentaire faites-vous de cette stratégie ?
«La Stratégie identifie les priorités pour le Sénégal, les réalités budgétaires seront toujours là».
Le Fmi dispose-t-il d'une stratégie pour aider les pays africains riches en ressources minières mais qui profitent moins des revenus que les industries extractives internationales ?
«C'est un dossier tout à fait primordial pour l'Afrique. Effectivement, ces dernières années, avec l'augmentation des prix des matières premières, de plus en plus de pays (Ouganda, Tanzanie, Ethiopie) qui n'étaient pas exportateurs le deviendront. Ces pays doivent s'assurer que les recettes doivent revenir au développement. Nous travaillons avec eux à la mise en place d'une fiscalité qui assure le bon partage des recettes entre les investisseurs, qui prennent des risques en dépensant leur argent, et les gouvernements, au nom des populations, ont droit à des recettes raisonnables. Ce partage est important, il se traduit par un régime de fiscalité transparent et efficace. Je suis optimiste que cela se fera dans les prochaines années. Mais il ne faut pas oublier que ce qui est plus important, c'est d'avoir un cadre qui régit, de façon transparente, les recettes générées par ces ressources. C'est une responsabilité nationale qui revient au gouvernement, au parlement, aux populations. On voit, avec le Ghana, que c'est possible de le faire».
Quelle est votre lecture du rythme d'endettement du Sénégal ?
«Le Sénégal a une dette publique d'environ 45 % du Pib, c'est un niveau qui demeure tout à fait gérable mais qui est bien supérieur qu'il ne l'était, il y a cinq ans. C'est un signal auquel il faut faire très attention dans les années à venir, que tout endettement additionnel se traduise par des investissements productifs, qui créent de l'emploi. Avec la croissance et la création d'emplois, un niveau d'endettement de cet ordre n'est pas problématique, mais si l'on s'endette pour consommer au lieu d'investir, cela risque d'être plus difficile. Pour le Sénégal comme pour tous les pays d'Afrique, avec leurs taux d'endettement modérés, c'est le moment de bien investir, de saisir l'occasion de mettre en place les infrastructures nécessaires pour générer la croissance à long terme. A ce moment-là, cette dette aura été bien utilisée».
Vos perspectives économiques pour le Sénégal sont-elles favorables ?
«Dans notre appréciation, le Sénégal, s'il avance avec les réformes préconisées, peut augmenter son taux de croissance, prévu à 4 % cette année et 4,5 % l'année prochaine, et peut aller au-delà les années à venir mais à condition que les réformes avancent. Je pense surtout aux réformes du secteur énergétique qui est devenu une contrainte à l'investissement, à la croissance et pour la population. Il faut lever cette contrainte, cela nécessite des décisions rapides sur les priorités énergétiques. Nous sommes conscients que cela va se faire, mais il ne faut pas perdre de temps».
Le Sénégal s'est lancé dans le mix énergétique. Ce choix vous semble-t-il pertinent ?
«Le Fmi n'est pas un grand expert dans l'énergie, ce qui est évident pour tout le monde, c'est que l'énergie thermique coûte très cher. Toute solution à moyen terme pour le Sénégal doit mener à baisser les coûts».
Le Soleil