Agence Française de développement : Une mission de solidarité face aux défis communs de la planète

Samedi 7 Juin 2014

Anne Paugam, directrice générale de l'AFD
Anne Paugam, directrice générale de l'AFD

L’année 2013 a été marquée par la densité des échéances stratégiques pour l’AFD. Quelle lecture faites-vous de la mission aujourd’hui assignée à l’Agence ?

Le CICID (le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement) et le projet de loi sur le développement et la solidarité internationale ont confirmé le rôle d’acteur pivot de la politique française de coopération joué par l’AFD. Il a également renforcé la cohérence globale de la mission de l’Agence : mission de solidarité face aux défis communs de la planète, qui se traduit par des partenariats différenciés selon les géographies. La lutte contre la pauvreté est une exigence première, raison pour laquelle nous concentrons les deux tiers de nos dons dans les pays les plus pauvres, avec une priorité donnée à l’Afrique et à la Méditerranée.
Mais la lutte contre la pauvreté n’est efficace que si elle s’inscrit sur le long terme. C’est le triple défi du développement durable auquel nous cherchons à répondre, par la promotion de trajectoires économiques soutenables et créatrices d’emplois, la lutte contre les inégalités sociales, la lutte contre le changement climatique… Et c’est pourquoi notre mandat dans les pays émergents d’Amérique latine et d’Asie est celui de la « croissance verte et solidaire » : s’il n’y a pas d’avancées concrètes au Brésil ou en Chine dans la lutte contre le changement climatique, les progrès de développement acquis et futurs sont menacés partout.

Dans le contexte économique difficile que connaissent la France et l’Europe, les Français expriment des craintes vis-à-vis de la mondialisation. Quelle est la réponse de l’AFD face à ces craintes ?

Je crois que les Français et les Européens sont de plus en plus conscients des interdépendances dont la mondialisation est porteuse. Des crises économiques, sanitaires ou sécuritaires qui se déclenchent au Sud peuvent avoir des conséquences au Nord, et inversement. Le sort de nos enfants dépend des choix de développement qui se définissent aujourd’hui partout dans le monde. L’AFD, pour moi, est un instrument privilégié de la France pour agir en faveur d’une mondialisation mieux maîtrisée et plus équilibrée. C’est à cela que servent les financements que nous apportons au Niger pour le renforcement de son système de santé, à des banques turques pour qu’elles financent l’amélioration des pratiques sociales et environnementales des PME, à des villes indiennes pour une urbanisation plus sobre en carbone. Je suis convaincue que les impacts concrets des projets que nous finançons, ainsi que l’effet de démonstration qu’ils produisent, contribuent à réduire directement et indirectement les déséquilibres de la mondialisation.

Une nouvelle vision de l’Afrique et de son potentiel semble se répandre dans les milieux économiques et politiques. Comment l’AFD se positionne-t-elle face aux enjeux de développement ?

L’Afrique est en pleine croissance économique et démographique, elle suscite un intérêt renouvelé dont il faut se réjouir. Car le continent fait face à des défis majeurs : financement de ses infrastructures, éducation et formation de sa jeunesse, création d’emplois, gestion de la croissance urbaine colossale, lutte contre la pauvreté et gestion des crises… C’est sur tous ces enjeux que nous répondons présent, en appui aux gouvernements, aux entreprises et aux collectivités africaines qui nous sollicitent. C’est d’ailleurs ce que nous a demandé le Président de la République lors du Sommet de l’Élysée, en décembre dernier : le groupe AFD apportera 20 milliards d’euros au continent dans son ensemble dans les cinq prochaines années, en mobilisant l’ensemble de ses outils financiers. En 2013, plus de la moitié de nos financements hors Outre-mer ont bénéficié à l’Afrique subsaharienne et au Maghreb.

Au-delà des volumes, ce sont les impacts que vous recherchez. Or l’aide au développement suscite parfois des doutes quant à son efficacité. Comment l’AFD s’assure-t-elle que ses financements ont les résultats espérés ?

C’est une question fondamentale pour l’Agence, à laquelle nous répondons à la fois en développant la mesure de nos impacts et en évaluant rigoureusement nos projets. Trois exemples très concrets : les réalisations de l’année 2013 attribuables à des projets financés par l’AFD ont permis de garantir l’accès de 1,5 million de personnes supplémentaires à une source d’eau potable, d’appuyer plus de 878 000 exploitations agricoles familiales, et d’économiser plus de 3,3 millions de tonnes d’équivalent CO2. Sans compter les impacts plus difficilement quantifiables mais tout aussi essentiels que sont le renforcement de capacités des acteurs locaux ou la structuration de politiques publiques, pour ne citer que ces deux exemples. Le travail méthodique d’évaluation que nous faisons nous permet aussi de tirer des leçons, éclairant à la fois nos stratégies d’intervention et le contenu des projets futurs.

L’expertise et le savoir-faire français peuvent être utiles au développement des pays du Sud. Comment l’AFD intègre-t-elle cette dimension dans ses interventions ?

Un constat d’abord : nos partenaires sont très souvent en demande d’expertise française au sens large – entreprises et bureaux d’études, collectivités, ONG, agences publiques… Je pense par exemple au partenariat entre le Bureau indien de l’efficacité énergétique et l’ADEME, qui collaborent « entre pairs » dans le domaine de l’efficacité énergétique. Il est important pour l’AFD d’intégrer le meilleur des savoir-faire français dans sa réponse à la demande de ses partenaires. Le secteur de l’urbain, où nos entreprises ont une expérience reconnue, est un bon exemple. Un nouvel outil créé en 2013, le FEXTE (Fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences), nous permettra de mieux mobiliser et valoriser les savoir-faire français dans les pays à revenu intermédiaire.

Le contexte dans lequel l’AFD déploie son activité est en évolution constante, avec une multitude d’acteurs nouveaux qui apparaissent. Comment peut-elle s’adapter et garder une longueur d’avance ?

Le mot d’ordre est innovation. L’AFD doit être et rester une maison qui pense, qui crée, qui s’adapte et qui anticipe. Nous devons être capables de faciliter l’émergence et l’intégration de nouvelles idées, propositions et façons de faire, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur de l’AFD. Cela suppose que nous sachions prendre des risques et que nous les partagions avec d’autres partenaires, en soutenant l’entreprenariat social par exemple. C’est dans cet esprit que l’AFD et sa filiale PROPARCO s’emploient à structurer des coalitions d’acteurs, intégrant des entreprises de toutes tailles mais également des ONG, pour construire des réponses les plus adaptées possibles à des enjeux de développement. Nous le faisons, entre autres, dans les secteurs du logement au Nigeria ou de la nutrition à Madagascar. Nous devons continuer à avancer dans cette direction en 2014, et développer des partenariats innovants avec tous les acteurs du développement, publics et privés.

2014 sera aussi une année de préparation des grandes échéances de 2015…

La France accueillera dans un an la Conférence Paris Climat 2015. L’AFD est très engagée sur le sujet du climat, et nous sommes particulièrement mobilisés. 50 % de nos financements doivent avoir un « co-bénéfice climat » : infrastructures de transport moins émissives, développement des énergies renouvelables, efficacité énergétique des bâtiments... Ces projets contribuent à appuyer concrètement les positions françaises dans les négociations internationales. Et nous réfléchissons, avec d’autres banques de développement de tous les continents, à la question déterminante du financement de la lutte contre le changement climatique. L’autre grande échéance de 2015 est celle de la définition des Objectifs du Développement durable, qui pourraient remplacer les OMD. La France – et l’AFD – ont là encore une contribution significative à apporter à ces discussions historiques, qui doivent aboutir pour la première fois à un agenda de développement commun au Nord et au Sud.
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