Quelle est l’importance historique de la pêche russe en Afrique ?
C’est dans les années 60, à partir de 1961, 1962, que l’Union soviétique (URSS) avait une grande flotte active en Afrique. L’URSS faisait les captures les plus importantes en volume, ciblant les petits pélagiques. Nous avions à cette époque des sociétés mixtes, avec de nombreux Etats africains, surtout les pays de la côte occidentale et australe de l’Afrique. Fin des années 80, cette flotte a connu une grande crise liée à l’effondrement de l’Union soviétique. Aujourd’hui, la flotte russe active dans les eaux africaines est constituée d’une quinzaine de bateaux qui ciblent les petits pélagiques sur la côte Atlantique.
Dans quel cadre pêchez-vous aujourd’hui ?
Nous avons des accords bilatéraux avec plus ou moins tous les Etats de la façade Atlantique africaine : le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, la Sierra Leone, l’Angola, la Namibie, l’Afrique du Sud. Pour ce qui est de la Sierra Leone, de la Gambie et de l’Afrique du Sud, les protocoles de ces accords sont actuellement en renégociation.
Ces accords sont avant tout des accords de coopération, avec les axes suivants: le renforcement de la recherche, de la surveillance, et la formation. Par exemple, nous avons un bateau de recherche halieutique, l’Atlantniro, qui réalise des évaluations de stocks de petits pélagiques, en collaboration avec des chercheurs des pays avec lesquels nous avons un accord.
Mais ces accords sont aussi des accords d’accès pour votre flotte ?
Effectivement, ils nous fournissent aussi la base juridique pour encadrer l’accès des flottes russes aux ZEE des pays africains. Les protocoles d’accords sont revus chaque année lors d’une commission mixte qui revoit les conditions techniques et le montant des redevances des armateurs. Les dispositions pour l’accès de nos flottes respectent la législation en place dans le pays tiers. Cela signifie que les conditions d’accès varient suivant les pays. Par exemple, au Maroc, nous avons à respecter des quotas et une limite en nombre de bateaux, en Namibie, nous nous inscrivons dans le système de Quotas individuels transférables, etc.
Pour ce qui est de l’accord avec le Sénégal, la Russie a été accusée d’avoir pris des licences octroyées illégalement.
Comme je l’ai souligné, nous respectons la législation mise en œuvre par le pays tiers, en l’occurrence le Sénégal. Nous soutenons aussi le renforcement de la surveillance, en fournissant des données de notre système de surveillance globale. Bien sûr, de manière plus générale, nous respectons le fait que les bateaux russes ne doivent avoir accès qu’à l’excédent de ressources déterminé par l’Etat tiers.
Pour ce qui est du Sénégal, un Conseil Interministériel sur la Pêche s’est tenu le 18 juin dernier, au cours duquel il a été décidé d’évaluer les impacts des opérations des bateaux étrangers ciblant les petits pélagiques sur les ressources, le budget, les administrations et sur le climat social dans le secteur de la pêche.
Nous attendons les résultats de cette évaluation afin de savoir s’il existe un excédent de ressources de petits pélagiques auquel nous pourrions avoir accès.
L’état des stocks de petits pélagiques dans la région varie, avec les sardinelles réputées surexploitées, et les maquereaux et chinchards dont l’état semble meilleur. Certains, en Mauritanie, proposent de scinder les licences pour permettre de gérer différemment l’accès à ces divers stocks. Qu’en pensez-vous ?
C’est effectivement une piste à explorer, d’autant plus que la sardinelle est très importante pour la sécurité alimentaire des populations dans la région. La démarche des opérateurs russes vise d’ailleurs à contribuer à la sécurité alimentaire, car toutes nos captures sont destinées aux marchés africains: le Nigeria, le Ghana, le Congo. La Russie soutient également la politique des Etats souhaitant développer leurs capacités de transformation, en finançant la construction de conserveries pour les petits pélagiques.
Soutenez-vous aussi la transformation en farine de poisson ?
Non. Nous sommes opposés à la transformation ciblée de petits pélagiques en farine de poisson, car c’est selon nous un gaspillage de protéines et d’argent. Il faut cinq tonnes de petits pélagiques pour faire une tonne de farine. C’est beaucoup plus rentable de travailler comme le font nos bateaux, qui congèlent le poisson à bord et le vendent sur les marchés africains. Ils ne font de la farine à bord que pour utiliser les déchets.
Mais c’est vrai que la demande mondiale en farine augmente et même si la plus grande partie vient du Pérou, certains pays, qui ont une production importante de produits d’aquaculture, investissent beaucoup en Afrique de l’Ouest. C’est le cas, par exemple, de l’Egypte, qui a contribué au financement d’une vingtaine d’usines de farine en Mauritanie.
De manière générale, comment travaille la flotte russe active en Afrique ?
Nos bateaux pratiquent une pêche saisonnière dans la mesure où ils suivent les déplacements des stocks de petits pélagiques. De décembre jusqu’à mai-juin, ils pêchent dans la zone de Guinée Bissau-Sénégal, puis ils remontent vers le Maroc et la Mauritanie. Une autre partie de la flotte pêche sur d’autres stocks de petits pélagiques, au large de l’Angola et de la Namibie. Nous ciblons surtout le maquereau et le chinchard. Pour nous, la sardinelle est un deuxième choix, au contraire de certaines flottes européennes, qui la ciblent. Une différence aussi avec certains bateaux européens, c’est la taille des bateaux: les bateaux russes peuvent pêcher 150 tonnes par jour, alors que certains chalutiers hollandais peuvent pêcher le double. Ceci dit, une partie de la flotte européenne, provenant des anciens pays de l’URSS, comme la Pologne, la Lituanie, pêche comme nous. En fait, si leur pavillon est européen, la plupart des équipages et des capitaux sont, encore aujourd’hui, russes.
Par rapport à la flotte européenne, vous avez récemment critiqué leur niveau de subventions dans le cas de l’accord UE-Mauritanie, évoquant même la possibilité de recourir à l’OMC.
Effectivement, les conditions financières dans lesquelles pêchent les européens sont pour nous impayables. Le prix fixé par les autorités mauritaniennes est de 329 euros par tonne capturée, ce qui ne permet pas à nos opérateurs de pêcher de façon rentable. Mais pour les armateurs européens, nous avons calculé que la redevance est en réalité beaucoup plus basse, car l’accès est en partie subventionné – le coût réel d’accès pour les armateurs européens est de moins de la moitié de ce montant. Pour nous, il s’agit là d’une concurrence déloyale.
Ce n’est pas le seul cas. La Chine, qui devient très présente en Afrique, octroie aussi énormément de subventions à sa flotte. C’était aussi notre cas du temps de l’URSS, mais aujourd’hui, nous ne donnons plus de subventions à notre flotte qui pêche en Afrique. Notre appui est essentiellement d’ordre politique.
L’Union européenne, en réponse à votre interpellation sur la question des subventions, a souligné que régler cela à l’OMC amènerait plus de transparence dans vos accords. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a aucun problème pour moi de fournir les textes des accords – ils sont disponibles, en russe, sur un site officiel. Ce qui n’est pas public, ce sont les textes des protocoles d’accès, qui détaillent les conditions d’accès et les redevances des armateurs. Je vais me renseigner pour savoir s’il serait possible de les mettre à disposition du public. Nous n’avons rien à cacher car, je le répète, l’accès des flottes russes respecte la législation en vigueur dans les Etats côtiers.
Lejecos avec Agritrade
C’est dans les années 60, à partir de 1961, 1962, que l’Union soviétique (URSS) avait une grande flotte active en Afrique. L’URSS faisait les captures les plus importantes en volume, ciblant les petits pélagiques. Nous avions à cette époque des sociétés mixtes, avec de nombreux Etats africains, surtout les pays de la côte occidentale et australe de l’Afrique. Fin des années 80, cette flotte a connu une grande crise liée à l’effondrement de l’Union soviétique. Aujourd’hui, la flotte russe active dans les eaux africaines est constituée d’une quinzaine de bateaux qui ciblent les petits pélagiques sur la côte Atlantique.
Dans quel cadre pêchez-vous aujourd’hui ?
Nous avons des accords bilatéraux avec plus ou moins tous les Etats de la façade Atlantique africaine : le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, la Sierra Leone, l’Angola, la Namibie, l’Afrique du Sud. Pour ce qui est de la Sierra Leone, de la Gambie et de l’Afrique du Sud, les protocoles de ces accords sont actuellement en renégociation.
Ces accords sont avant tout des accords de coopération, avec les axes suivants: le renforcement de la recherche, de la surveillance, et la formation. Par exemple, nous avons un bateau de recherche halieutique, l’Atlantniro, qui réalise des évaluations de stocks de petits pélagiques, en collaboration avec des chercheurs des pays avec lesquels nous avons un accord.
Mais ces accords sont aussi des accords d’accès pour votre flotte ?
Effectivement, ils nous fournissent aussi la base juridique pour encadrer l’accès des flottes russes aux ZEE des pays africains. Les protocoles d’accords sont revus chaque année lors d’une commission mixte qui revoit les conditions techniques et le montant des redevances des armateurs. Les dispositions pour l’accès de nos flottes respectent la législation en place dans le pays tiers. Cela signifie que les conditions d’accès varient suivant les pays. Par exemple, au Maroc, nous avons à respecter des quotas et une limite en nombre de bateaux, en Namibie, nous nous inscrivons dans le système de Quotas individuels transférables, etc.
Pour ce qui est de l’accord avec le Sénégal, la Russie a été accusée d’avoir pris des licences octroyées illégalement.
Comme je l’ai souligné, nous respectons la législation mise en œuvre par le pays tiers, en l’occurrence le Sénégal. Nous soutenons aussi le renforcement de la surveillance, en fournissant des données de notre système de surveillance globale. Bien sûr, de manière plus générale, nous respectons le fait que les bateaux russes ne doivent avoir accès qu’à l’excédent de ressources déterminé par l’Etat tiers.
Pour ce qui est du Sénégal, un Conseil Interministériel sur la Pêche s’est tenu le 18 juin dernier, au cours duquel il a été décidé d’évaluer les impacts des opérations des bateaux étrangers ciblant les petits pélagiques sur les ressources, le budget, les administrations et sur le climat social dans le secteur de la pêche.
Nous attendons les résultats de cette évaluation afin de savoir s’il existe un excédent de ressources de petits pélagiques auquel nous pourrions avoir accès.
L’état des stocks de petits pélagiques dans la région varie, avec les sardinelles réputées surexploitées, et les maquereaux et chinchards dont l’état semble meilleur. Certains, en Mauritanie, proposent de scinder les licences pour permettre de gérer différemment l’accès à ces divers stocks. Qu’en pensez-vous ?
C’est effectivement une piste à explorer, d’autant plus que la sardinelle est très importante pour la sécurité alimentaire des populations dans la région. La démarche des opérateurs russes vise d’ailleurs à contribuer à la sécurité alimentaire, car toutes nos captures sont destinées aux marchés africains: le Nigeria, le Ghana, le Congo. La Russie soutient également la politique des Etats souhaitant développer leurs capacités de transformation, en finançant la construction de conserveries pour les petits pélagiques.
Soutenez-vous aussi la transformation en farine de poisson ?
Non. Nous sommes opposés à la transformation ciblée de petits pélagiques en farine de poisson, car c’est selon nous un gaspillage de protéines et d’argent. Il faut cinq tonnes de petits pélagiques pour faire une tonne de farine. C’est beaucoup plus rentable de travailler comme le font nos bateaux, qui congèlent le poisson à bord et le vendent sur les marchés africains. Ils ne font de la farine à bord que pour utiliser les déchets.
Mais c’est vrai que la demande mondiale en farine augmente et même si la plus grande partie vient du Pérou, certains pays, qui ont une production importante de produits d’aquaculture, investissent beaucoup en Afrique de l’Ouest. C’est le cas, par exemple, de l’Egypte, qui a contribué au financement d’une vingtaine d’usines de farine en Mauritanie.
De manière générale, comment travaille la flotte russe active en Afrique ?
Nos bateaux pratiquent une pêche saisonnière dans la mesure où ils suivent les déplacements des stocks de petits pélagiques. De décembre jusqu’à mai-juin, ils pêchent dans la zone de Guinée Bissau-Sénégal, puis ils remontent vers le Maroc et la Mauritanie. Une autre partie de la flotte pêche sur d’autres stocks de petits pélagiques, au large de l’Angola et de la Namibie. Nous ciblons surtout le maquereau et le chinchard. Pour nous, la sardinelle est un deuxième choix, au contraire de certaines flottes européennes, qui la ciblent. Une différence aussi avec certains bateaux européens, c’est la taille des bateaux: les bateaux russes peuvent pêcher 150 tonnes par jour, alors que certains chalutiers hollandais peuvent pêcher le double. Ceci dit, une partie de la flotte européenne, provenant des anciens pays de l’URSS, comme la Pologne, la Lituanie, pêche comme nous. En fait, si leur pavillon est européen, la plupart des équipages et des capitaux sont, encore aujourd’hui, russes.
Par rapport à la flotte européenne, vous avez récemment critiqué leur niveau de subventions dans le cas de l’accord UE-Mauritanie, évoquant même la possibilité de recourir à l’OMC.
Effectivement, les conditions financières dans lesquelles pêchent les européens sont pour nous impayables. Le prix fixé par les autorités mauritaniennes est de 329 euros par tonne capturée, ce qui ne permet pas à nos opérateurs de pêcher de façon rentable. Mais pour les armateurs européens, nous avons calculé que la redevance est en réalité beaucoup plus basse, car l’accès est en partie subventionné – le coût réel d’accès pour les armateurs européens est de moins de la moitié de ce montant. Pour nous, il s’agit là d’une concurrence déloyale.
Ce n’est pas le seul cas. La Chine, qui devient très présente en Afrique, octroie aussi énormément de subventions à sa flotte. C’était aussi notre cas du temps de l’URSS, mais aujourd’hui, nous ne donnons plus de subventions à notre flotte qui pêche en Afrique. Notre appui est essentiellement d’ordre politique.
L’Union européenne, en réponse à votre interpellation sur la question des subventions, a souligné que régler cela à l’OMC amènerait plus de transparence dans vos accords. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a aucun problème pour moi de fournir les textes des accords – ils sont disponibles, en russe, sur un site officiel. Ce qui n’est pas public, ce sont les textes des protocoles d’accès, qui détaillent les conditions d’accès et les redevances des armateurs. Je vais me renseigner pour savoir s’il serait possible de les mettre à disposition du public. Nous n’avons rien à cacher car, je le répète, l’accès des flottes russes respecte la législation en vigueur dans les Etats côtiers.
Lejecos avec Agritrade