Les banquiers centraux se font également de plus en plus entendre, exprimant des opinions fermement arrêtées au sein des médias de masse, comme s’ils cherchaient à l’emporter sur l’opinion publique ; une aspiration à la fois marquée et risquée. Au sein d’un tel environnement, il est important qu’un certain nombre d’opinions avisées et plus modérées puissent également être entendues, comme celle de la Banque des règlements internationaux, banque centrale des banques centrales. Malheureusement, nombre de banquiers centraux s’efforcent de marginaliser la BRI plutôt que d’engager avec elle un dialogue.
L’un des débats les plus houleux a porté sur la question de savoir à quel moment il s’agirait de mettre un terme aux mesures de politique monétaire « non conventionnelles » introduites au lendemain de la crise financière dans le but de permettre aux banques de continuer à octroyer des prêts, afin de stimuler la croissance et d’éviter la déflation. Certains banquiers centraux craignent que l’arrêt prématuré de ces mesures replonge l’économie dans la récession. D’autres redoutent que la stratégie actuelle, bien qu’initialement destinée à prévenir l’effondrement de l’économie, sème les graines d’une instabilité future, y compris de l’émergence d’une nouvelle bulle du prix des actifs.
Dans leurs efforts de résolution de ces dilemmes, les responsables politiques peinent également face à la question de savoir s’il s’agirait de privilégier les outils monétaires traditionnels, tels que les taux d’intérêt, ou de recourir davantage à des mesures dites « macro prudentielles, » de type apports et marges de capitaux supplémentaires, ou encore ajustements des ratios prêt-valeur intéressant les banques.
Au cœur du débat – actuellement conduit par le Trésor et les banques centrales des principales économies mondiales, ainsi que par les institutions supranationales telles que le Fonds monétaire international et la BRI – se situe la relation entre politique monétaire et stabilité financière. La BRI a pour sa part expliqué considérer la stabilité financière comme étroitement liée à la politique monétaire, conseillant aux dirigeants politiques d’affranchir au plus vite leur économie de son addiction à l’argent facile. Les banquiers centraux semblent néanmoins désireux de s’essayer en premier lieu (et pour certains exclusivement) aux outils macro prudentiels.
Il est rare d’assister, parmi les acteurs monétaires, à une opposition de points de vue si radicale et si tranchée qu’elle en vient à capter plus largement l’attention de la politique et des médias. C’est en effet sous la lumière des projecteurs que certains banquiers centraux se sont attachés à critiquer l’évaluation de la BRI, faisant valoir combien il lui serait facile de formuler des recommandations politiques de grande envergure lorsque celle-ci ne s’expose à aucune des conséquences susceptibles de résulter du caractère potentiellement erroné de l’une de ses recommandations.
Le contexte économique propre à chaque État, ainsi que les outils dont disposent les différents dirigeants politiques, doivent bien entendu guider la politique. Et si un resserrement monétaire peut être préconisé dans certaines économies, il peut se révéler inapproprié à l’égard de certaines autres.
Pour autant, les vives réactions suscitées par l’analyse de la BRI apparaissent manifestement déplacées et injustes, tant il s’avère difficile de préconiser la bonne posture de politique monétaire à une économie donnée et à un instant précis. Les banques centrales font appel à une armée d’experts afin d’y parvenir, là où beaucoup d’autres institutions sont rarement suffisamment équipées pour présenter des contre-arguments aussi aboutis. La BRI compte parmi les rares organisations jouissant non seulement des capacités de recherche et des compétences analytiques nécessaires, mais également d’un excellent palmarès dans la prise de décisions judicieuses. N’oublions pas – comme de nombreux banquiers centraux semblent l’avoir passé à la trappe – que la BRI a été l’une des premières à s’inquiéter du danger associé aux excès de la finance, et cela plusieurs années avant la crise de 2008.
La BRI a le droit d’être entendue. Sa vocation ne consiste pas seulement à représenter les banques centrales, mais également à formuler des idées et des points de vue réfléchis. Elle sert en effet favorablement l’intérêt des dirigeants politiques en soulevant des interrogations et en promouvant le débat, allant même jusqu’à peser de son influence. Plutôt que de se livrer au bashing de la BRI, les autorités monétaires feraient bien de se montrer reconnaissantes à l’égard des points de vue avisés qu’elle formule.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Mojmír Hampl est vice-gouverneur de la Banque nationale tchèque.
L’un des débats les plus houleux a porté sur la question de savoir à quel moment il s’agirait de mettre un terme aux mesures de politique monétaire « non conventionnelles » introduites au lendemain de la crise financière dans le but de permettre aux banques de continuer à octroyer des prêts, afin de stimuler la croissance et d’éviter la déflation. Certains banquiers centraux craignent que l’arrêt prématuré de ces mesures replonge l’économie dans la récession. D’autres redoutent que la stratégie actuelle, bien qu’initialement destinée à prévenir l’effondrement de l’économie, sème les graines d’une instabilité future, y compris de l’émergence d’une nouvelle bulle du prix des actifs.
Dans leurs efforts de résolution de ces dilemmes, les responsables politiques peinent également face à la question de savoir s’il s’agirait de privilégier les outils monétaires traditionnels, tels que les taux d’intérêt, ou de recourir davantage à des mesures dites « macro prudentielles, » de type apports et marges de capitaux supplémentaires, ou encore ajustements des ratios prêt-valeur intéressant les banques.
Au cœur du débat – actuellement conduit par le Trésor et les banques centrales des principales économies mondiales, ainsi que par les institutions supranationales telles que le Fonds monétaire international et la BRI – se situe la relation entre politique monétaire et stabilité financière. La BRI a pour sa part expliqué considérer la stabilité financière comme étroitement liée à la politique monétaire, conseillant aux dirigeants politiques d’affranchir au plus vite leur économie de son addiction à l’argent facile. Les banquiers centraux semblent néanmoins désireux de s’essayer en premier lieu (et pour certains exclusivement) aux outils macro prudentiels.
Il est rare d’assister, parmi les acteurs monétaires, à une opposition de points de vue si radicale et si tranchée qu’elle en vient à capter plus largement l’attention de la politique et des médias. C’est en effet sous la lumière des projecteurs que certains banquiers centraux se sont attachés à critiquer l’évaluation de la BRI, faisant valoir combien il lui serait facile de formuler des recommandations politiques de grande envergure lorsque celle-ci ne s’expose à aucune des conséquences susceptibles de résulter du caractère potentiellement erroné de l’une de ses recommandations.
Le contexte économique propre à chaque État, ainsi que les outils dont disposent les différents dirigeants politiques, doivent bien entendu guider la politique. Et si un resserrement monétaire peut être préconisé dans certaines économies, il peut se révéler inapproprié à l’égard de certaines autres.
Pour autant, les vives réactions suscitées par l’analyse de la BRI apparaissent manifestement déplacées et injustes, tant il s’avère difficile de préconiser la bonne posture de politique monétaire à une économie donnée et à un instant précis. Les banques centrales font appel à une armée d’experts afin d’y parvenir, là où beaucoup d’autres institutions sont rarement suffisamment équipées pour présenter des contre-arguments aussi aboutis. La BRI compte parmi les rares organisations jouissant non seulement des capacités de recherche et des compétences analytiques nécessaires, mais également d’un excellent palmarès dans la prise de décisions judicieuses. N’oublions pas – comme de nombreux banquiers centraux semblent l’avoir passé à la trappe – que la BRI a été l’une des premières à s’inquiéter du danger associé aux excès de la finance, et cela plusieurs années avant la crise de 2008.
La BRI a le droit d’être entendue. Sa vocation ne consiste pas seulement à représenter les banques centrales, mais également à formuler des idées et des points de vue réfléchis. Elle sert en effet favorablement l’intérêt des dirigeants politiques en soulevant des interrogations et en promouvant le débat, allant même jusqu’à peser de son influence. Plutôt que de se livrer au bashing de la BRI, les autorités monétaires feraient bien de se montrer reconnaissantes à l’égard des points de vue avisés qu’elle formule.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Mojmír Hampl est vice-gouverneur de la Banque nationale tchèque.