Dr Alioune Dione, Ministre de la Microfinance, de l'Economie sociale et solidaire: « Le financement de l’ESS est un défi majeur pour les quatre années à venir »

Mardi 29 Octobre 2024

Faire en sorte que la microfinance soit au service de l’économie sociale et solidaire (Ess), et que celle-ci soit vectrice d’emplois durables décents. C’est dans cette perspective que s’est inscrit Dr Alioune Dione, ministre de la Microfinance, de l’Economie sociale et solidaire. Dans une interview exclusive accordée au Journal de l’économie sénégalaise (Lejecos), M. Dione est revenu sur les diverses initiatives entamées depuis son arrivée à la tête de ce département ministériel. Il informe que ses services sont en train d’achever la maturation de quatre projets d’économie sociale et solidaire dans les domaines qui suivent :
 la valorisation des ressources locales,
 la promotion de l’économie sociale et solidaire,
 l’appui aux initiatives économiques des couches vulnérables,
et la valorisation de la filière déchets plastiques et de la chaîne de valeur du riz pluvial.
A moyen terme, le ministre Alioune Dione entend aller vers une création massive, d’emplois décents et de richesses, à partir des produits bruts spécifiques à chaque terroir.
Entretien.


  • Monsieur le Ministre, vous êtes à pied d'œuvre pour une prise en charge efficiente des nouvelles orientations des hautes autorités dans le domaine de la microfinance, de l’économie solidaire et sociale. Pouvez-vous nous rappeler les orientations du Projet pour un développement endogène du secteur ?

Le Projet pour un Sénégal souverain, juste et prospère dans une Afrique en progrès ci-dessous dénommé le Projet, a promis aux Sénégalais une concrétisation de l'égalité des citoyens devant le service public : « li ñep bokk ñëp jot si ». Cette promesse se retrouve dans la vision d'un « Sénégal juste » exprimée dans le Projet.

D'un autre côté, le modèle économique du Projet, basé sur la substitution aux importations, fait de la souveraineté alimentaire une priorité importante. En effet, elle est directement corrélée à la réduction du coût de la vie, laquelle n'est pas seulement une forte demande sociale, mais aussi un impératif de légitimité politique.

Par ailleurs, l'économie sociale et solidaire (Ess) et la microfinance sont abordées dans le Projet comme les vecteurs d'un « Sénégal prospère, avec le plein-emploi productif, un travail décent pour tous, et une réduction de la pauvreté sous toutes ses formes ».
Cela se fait en co-construction avec le développement communautaire et en s'appuyant sur la fiabilité des données, le suivi-évaluation et la restructuration des secteurs du travail et de l'emploi.

Il se trouve que, malgré le fait de se retrouver dans un seul ministère, les secteurs de la microfinance et de l'Ess ont connu chacun une évolution différente en raison de leur maturité respective. Par la suite, ils ont des difficultés à développer une synergie suffisante au bénéfice des acteurs de l'Ess.

Il s’y ajoute que, bien que notre département se voit attribué , par le Chef de l’État, la mission de promotion et de développement de l'Ess, les cibles visées par l’Ess se trouvent dans d'autres ministères qui gèrent les secteurs dont elles relèvent.

En conséquence, la microfinance ne peut être au service de l'économie sociale et solidaire que si une approche harmonisée est définie pour l'accompagnement financier, lequel doit se faire en harmonie avec les autres acteurs financiers, mais également en synergie avec l'accompagnement technique.

Aussi, une solidarité gouvernementale formalisée à travers des protocoles d'accord, comme ceux que nous venons de signer avec le Secrétaire d'État aux Coopératives et à l'Encadrement paysan et avec le Ministre de l’Industrie et du Commerce, est impérative.

Ces protocoles comportent des dispositifs de mise en œuvre et de suivi-évaluation permettant de rendre compte régulièrement au Premier ministre de l’évolution de la mise en œuvre des engagements contenus dans le Projet.

Par cette approche, beaucoup de conventions sont en cours avec non seulement d’autres ministères compétents, mais aussi avec des acteurs engagés dans le secteur privé et la société civile.

La conjugaison de tous nos efforts pourra permettre de rationaliser nos ressources et de mettre à contribution les expériences de chacun au profit des acteurs pour une meilleure inclusion sociale et financière.
Cela est essentiel pour créer la rupture promise aux citoyens en matière de synergie dans l'action gouvernementale et d’implication de toutes les forces vives de la nation dans le développement.
  • Récemment, vous avez tenu avec l’ensemble de vos services techniques, un conclave sur le thème « Projet pour un Sénégal souverain, juste et prospère dans une Afrique en progrès ». Quels en étaient les objectifs visés ? Quel diagnostic en est ressorti des travaux et les principales conclusions retenues ?
Dès ma prise de fonction, j’ai décidé de revisiter les bases de l’action du Département pour les mettre en adéquation avec les orientations du Projet. Ainsi, cette retraite professionnelle à la Somone a été effectivement l’occasion d’échanger avec les services techniques de mon département sur les orientations générales du Projet, en insistant aussi sur le contenu des chapitres 3 et 4, relatifs respectivement à l’économie dans sa globalité et aux sous-secteurs de la microfinance et de l’économie sociale et solidaire, en particulier.
En outre, cette rencontre nous a permis de finaliser le plan d’action du département, qui a été soumis à l’appréciation du Premier ministre pour servir de tableau de bord des activités à mener en urgence pendant le deuxième trimestre et pour le dernier semestre de l’année 2024.
  • Quelles sont les réponses appropriées que vous comptez apporter en vue d’accroître l’efficacité des politiques publiques en matière d’inclusion financière et sociale par la microfinance et l’économie sociale et solidaire ?

En attendant les références prospectives et le plan national de développement qui vont systématiser les orientations du Projet, nous avons adapté les mécanismes que nous avons trouvés pour les rendre compatibles avec les principes édictés dans le Projet notamment : « ñiax jariñou » et « « li ñep bokk ñëp jot si ». En effet nous avons trouvé en place beaucoup de mécanismes et instruments de financement qui, parfois, manquent de clairvoyance, d’harmonisation et de rationalisation. Or dans les orientations du Projet, l’économie sociale et solidaire constitue une alternative crédible pour un développement inclusif afin de lutter contre la pauvreté, l’exclusion et la vulnérabilité.

L’harmonisation des ressources financières devient donc une nécessité et un préalable dans nos interventions pour un Sénégal juste prospère et souverain. Deux approches sont en cours de mise en œuvre, pour relever ces défis : la stratégie de financement ciblée et la co-construction à travers des conventions avec d’autres ministères compétents pour rendre efficaces et efficientes nos politiques d’inclusion sociale et financière.

Ainsi par la nouvelle stratégie de financement ciblée, le Ministère tire une leçon de toute l’expérience pratique antérieure, en ce qu’elle a été utile, mais aussi en ce qu’elle a été nocive pour l’État avec des taux de déperdition de ressources financières très élevés dans certains projets. Ainsi, même s’il est nécessaire de mettre en place un modèle de financement permettant de mieux répondre aux besoins des différents terroirs et acteurs, la nécessité urgente est aussi dans la préservation des ressources, pour non seulement penser aux générations futures, mais aussi renforcer les moyens d’action de l’État par le cumul des dotations budgétaires que permet une bonne gestion des ressources.

En résumé, la stratégie vise à renforcer l’inclusion sociale et économique des acteurs locaux en faisant quoi ? C’est d’abord en soutenant les organisations de base avec un package qui englobe l’identification, ensuite par l’appui apporté pour la maturation des projets privés, le financement des projets viables, et l’accompagnement technique puis, enfin la structuration des organisations pour les rendre plus fortes en créant des coopératives villageoises ou de quartier puis des coopératives communales et départementales.

Pour être concret, il faut retenir que la stratégie de financement ciblée passe par différentes étapes au nombre de 8, avec comme échelon de base un département :
  • Recensement de l’ensemble des organisations existantes dans chaque région du pays et ciblage par département et communes ;
  • La classification selon les types et tailles d’organisation ainsi que les secteurs et natures d’activités ;
  • L’identification à travers des missions diagnostique des projets viables de ces différentes organisations ;
  • Le ciblage des projets éligibles aux critères définis et des organisations qui les portent ;
  • La mise sur pied d’un package d’accompagnement financier et non-financier pour les acteurs ciblés ;
  • La mise en place d’un dispositif de suivi-évaluation post financement pour le recouvrement des financements et la capitalisation des expériences ;
  • L’organisation de comités départementaux d’information sur le déroulement de la stratégie de financement en présence des organisations qui ont reçu une assistance technique et financière ;
  • L'accompagnement de la structuration des acteurs en coopératives locales, communales, puis départementales.
Dans la logique du «Jub Jubal Jubanti », le Ministére de la  Microfinance, de l’Economie sociale et solidaire (MMESS)  se lance dans un changement de paradigme cohérent, pour rendre effectif le slogan « li ñep bokk ñëp jot si », ce qui vise à contribuer à un accès équitable de tous les Sénégalais aux appuis techniques et financier de l’État.
  • Dès votre prise de fonction, vous avez attiré l’attention sur le risque de disparition de beaucoup de Systèmes financiers décentralisés (Sfd) et à ce titre, vous avez prôné une approche coopérative. Quel sera le rôle dévolu à votre Département pour l’accompagnement des institutions de microfinance en difficulté ?
 
Le Conseil des Ministres de l'Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), en sa session du 21 décembre 2023 a adopté le Projet de Loi uniforme portant réglementation de la microfinance dans l'Umoa. Le processus d’internalisation de ce projet de loi est en cours au niveau national.

Cette nouvelle loi doit permettre de doter notre communauté monétaire d’un corpus juridique, pour le secteur de la microfinance, à même de répondre aux enjeux de financement de l’économie nationale et de stabilité financière. Elle devrait contribuer à améliorer la gouvernance des institutions de microfinance.

L’innovation majeure de cette loi est la forme juridique que devraient avoir les institutions de microfinance, à savoir la forme de société coopérative ou société anonyme. Par conséquent, toutes les institutions de microfinance hors SA auront l’obligation de procéder à leur transformation institutionnelle, d’où un premier risque de disparition de certaines institutions de microfinance qui ne rempliraient pas tous les critères.

Cependant, mon département déploiera toutes les actions nécessaires à l’accompagnement des institutions de microfinance dans la transformation institutionnelle, en s’appuyant sur certains critères de pérennité qui seront élaborés en interne, puis discuté et adopté de façon participative avec toutes les parties prenantes.

Par rapport aux institutions de microfinance en difficulté, mon département ministériel continue de leur apporter toute l’assistance nécessaire à travers le Fonds d’impulsion de la microfinance (Fimf) qui, dans le cadre du «Jubanti », va recevoir la mission exclusive de l’appui non financier aux Sfd, alors que le Fonds national de la microfinance (Fonamif) aura en charge exclusivement l’appui financier ; les deux instruments travaillant en parfaite synergie.
  • Le niveau élevé des taux d’intérêt dans le secteur de la microfinance constitue une réelle préoccupation aussi bien pour les clients que pour les décideurs publics, au regard des enjeux de développement social et économique. Quelles sont les mesures concrètes à entreprendre à l’effet d’endiguer cette problématique et infléchir durablement la baisse des taux débiteurs ?  

Par rapport à la question du taux d’intérêt dans le secteur de la microfinance, nous venons de partager une étude d’évaluation des taux d’intérêt débiteurs appliqués à la clientèle dans le secteur de la microfinance, à l’occasion de la dernière réunion du Cadre national de concertation de la microfinance tenue le 25 juillet 2024, avec l’ensemble des acteurs et parties prenantes.

A l’issue de cette concertation, des propositions de mesures, visant l’allégement des taux d’intérêt débiteurs appliqués par les institutions de microfinance à la clientèle, adoptées se résument ainsi :
  • L’amélioration du niveau de maitrise des charges opérationnelles au niveau des institutions de microfinance  notamment par :
    • La mise en place d’un régime fiscal adapté pour les Sfd en prenant en compte leurs spécificités ;
    • L’allégement de la fiscalité sur les opérations de levées de fonds auprès des investisseurs privés extérieurs par une exonération des taxes sur les prêts extérieurs Bnc (Bénéfice non-commercial) et Tva pour compte, ainsi que les droits d'enregistrement liés aux dossiers de crédit et les impôts sur les activités autres que l’épargne et le crédit (commissions reçues des assurances, emprunts extérieurs (taxe entre 17% et 18%) ;
    • La suppression ou réduction de la fiscalité sur les opérations déplacées réalisées par les sociétaires au sein d'un même réseau, ainsi que de la taxation des opérations entre les faitières et les institutions de base ;
    • La mise en place d’appuis institutionnels pour la transformation digitale des Sfd et l’amélioration  de l’efficacité dans la maitrise des frais généraux ;
    • La mise en place d’un programme de renforcement de la gouvernance des Sfd, notamment en matière de prise de décisions stratégiques ;
  • L’adoption de mesures de réduction des impayés ainsi que des charges de provisions et des pertes sur crédit par :
    • La mise en place un fonds de calamité pour le financement des activités agricoles et autres activités à risque ;
    • Le renforcement de l’appropriation du Bic pour les Sfd, Article 44 et de son pendant porté par la Drs-Sfd pour les Sfd de petite taille ;
    • L’amélioration de l’efficacité des actions de recouvrement judiciaire par un allègement des procédures ;
  • La diversification des sources de revenu des institutions de microfinance par :
    • La mise en place d’un programme destiné à l'accompagnement des Sfd dans l'innovation financière (mobile-money, finance islamique, moyens de paiements avec les banques ou les transferts rapides) ;
    • Une réglementation prudentielle adaptée limitant les activités des Sfd autres que l’épargne et le crédit ;
  • Le renforcement des ressources financières à durée plus longue et à coût réduit à travers :
    • La mise en place d’un dispositif de refinancement des Sfd auprès des banques de la part de la Bceao à l’instar du dispositif mis en place pour le financement des Pme pour les Sfd hors Article 44 ;
    • L’accès direct des Sfd au guichet de refinancement de la Bceao pour les Sfd Article 44 en aménageant les dispositions de la décision n°061-03-2011 du Cpm relative aux critères d'admissibilité des crédits bancaires octroyés aux Sfd en support des refinancements de la Bceao;
    • L’ouverture aux Sfd de lignes de financement de la Caisse des dépôts et de consignation ;
    • La mise en place des mécanismes de financement en quasi-fonds propres (prêts subordonnés) et des prêts à long terme ;
  • L’atténuation de la pression de la réglementation prudentielle sur les institutions de microfinance, en matière d’objectif de rentabilité, à travers une révision des cibles des ratios prudentiels et indicateurs de gestion ayant une relation avec la rentabilité ;
  • L’amélioration des processus de développement des produits et de tarification particulièrement pour les produits de prêt par :  
    • La mise en place d’un programme d'appui pour l’évaluation de produits existants et le développement de nouveaux produits, notamment les produits de prêt ;
    • L’appui à la mise en place de systèmes de suivi du coût et de la rentabilité des produits pour les Sfd qui n’en disposent pas ;
  • La promotion de la finance inclusive et responsable à travers :
    • La mise en place du Programme national d’éducation financière et le déployer partout dans le pays ;
    • La mise en place d’un programme national pour la gestion des performances sociales et environnementales : Gpse (incluant des évaluations protection clients, des audits sociaux et l’accompagnement pour la mise en œuvre des plans d’amélioration) au profit des Sfd.
Vous le voyez bien, la question de la baisse des taux d’intérêt est liée à un ensemble de facteurs dont les plus déterminants ne sont pas dans les attributions de mon département et donc nécessitent une concertation avec le ministère chargé des finances qui, lui aussi, doit gérer des équilibres financiers qui demandent des arbitrages difficiles, surtout avec le lourd passif légué par le régime sortant.
  • Sur ce même registre, le volet refinancement des institutions de microfinance occupe une bonne place dans votre dispositif institutionnel, à travers les mécanismes tels que le Fonamif et le Fimf.  Pour plus d’efficacité dans les interventions, n’est-il pas opportun d’étudier la possibilité d’une meilleure articulation entre ces deux dispositifs, voire une fusion ?  

Effectivement nous avons trouvé que les missions définies pour les différents instruments d’intervention ne permettaient pas d’éviter des chevauchements dans leurs interventions.
Nous avons pu noter que certains Sfd ont bénéficié d’appuis financiers ou non financiers de la part de l’ensemble, ou de plusieurs instruments du ministère, au moment où d’autres sont laissés en rade. Ce sont des faits concrets qui démontrent cette absence de cohérence dans les modalités d’intervention antérieures.

J’ai donc décidé de réformer cette situation, en assignant à chaque instrument une mission spécifique, qui lui est bien propre pour prendre en compte les deux piliers du département, à savoir la microfinance et l’économie sociale et solidaire, ceci pour une très bonne articulation des interventions.

Ainsi, dans les nouveaux décrets soumis au Secrétariat général du Gouvernement, le rôle de tout un chacun est clairement défini : au Fimf l’appui non financier aux Sfd quelle que soit la taille et au Fonamif, l’appui financier pour l’ensemble des Sfd.
Par ailleurs, la Plasepri subira une réorientation pour devenir un projet de facilitation de l’accès des Pme aux financements durables, afin d’adresser les demandes de financement des Pme avec une cible particulière concernant les sénégalais de la diaspora.
Cette cohérence institutionnelle, couplée au dispositif prévu dans la stratégie de financement ciblé et à la stratégie de promotion de l’économie sociale et solidaire, révolutionneront le financement de la production par la grâce de Dieu.
  • Des réformes profondes s’opèrent dans le secteur de la microfinance (nouvelle loi sur la microfinance, digitalisation, mésofinance, finance durable, finance islamique, etc.). Face à de telles mutations, quel est le dispositif d’accompagnement et de renforcement des capacités à déployer pour les Sfd?

Comme expliqué plus haut, au sein du département ministériel, chaque structure aura une mission qui lui est bien assignée.
Maintenant, ce qu’il faut savoir c’est que les Sfd n’ont pas les mêmes besoins d’accompagnement et de renforcement de capacités.
Concernant les Sfd sous forme de SA, ils sont bâtis sur un modèle financier de recherche de profit. L’accompagnement de l’État vise à leur donner une plus grande responsabilité sociale et environnementale sur une base contractuelle.

S’agissant des Sfd mutualistes de grande taille, ils ont franchi le cap de la digitalisation et du financement de leurs activités, donc ils n’attendent pas de l’État un appui dans ces domaines, sauf la facilitation de l’accès au guichet de la Bceao pour plus de sécurité dans leurs sources de financement. Leurs véritables soucis se trouvent dans l’adaptation de leur fiscalité et dans l’accès aux financements innovants notamment islamiques.

Pour l’adaptation de la fiscalité nous allons conduire avec eux de véritables négociations avec le ministre chargé des Finances, mais basés sur des engagements synallagmatiques identifiés pour le bénéfice exclusif des populations bénéficiaires de leurs services. Cela suppose que les négociations soient fondées sur des études d’impact actuels où à conduire, pour déterminer les termes des engagements réciproques et suivre le processus de mise en œuvre en vue de renforcer l’inclusion financière par la stabilité et la sécurité de cette catégorie de Sfd.

S’agissant de l’accès à des ressources islamiques, le Programme de développement de la finance islamique (Promise) est institutionnalisé comme une administration autonome, qui va permettre de mobiliser des ressources de la Banque islamique de développement, mais aussi rechercher d’autres financements halal au niveau national et à travers le monde sur la base du principe de souveraineté affirmé dans le Projet.

Nous avons cependant noté des lenteurs excessives dans le processus d’octroi des agréments par la Bceao, qui peuvent prendre trois ans, et nous allons discuter avec les autorités compétentes (Ministère des Finances et du Budget et Bceao) pour que ces délais puissent être réduits dans l’intérêt national et tenant compte des exigences communautaires qui nous engagent.

Par rapport au dispositif d’accompagnement et de renforcement des capacités pour les autres Sfd, le Fimf et le Fonamif, chacun dans son domaine, assureront les leads dans cette action, avec une nouvelle stratégie d’accompagnement pour le Fimf, basé sur son plan stratégique, amendé et sur les contrats annuels de performance dûment formalisés pour apprécier ses réalisations.

Dans le même temps, si le ministère chargé du budget suit notre rythme, le Fonamif va renforcer la capacité de financement des Sfd de moyenne et petite taille sur le fondement de la stratégie de financement ciblé, et bien sûr en conformité avec les dispositions de son plan stratégique et des contrats annuels de performance à signer avec les tutelles.
  • On reproche souvent à votre Ministère de ne pas assez prendre en compte l’économie sociale et solidaire, comme étant un segment pourvoyeur d’emplois massifs et de lutte contre la pauvreté. Comment mieux faire ressentir son impact sur les conditions de vie des populations ?

Il faut reconnaitre à la décharge de mes prédécesseurs que l’économie sociale et solidaire bien que qu’institutionnalisée depuis septembre 2017, n’a pas encore bénéficié de ressources financières conséquentes, aptes à prendre correctement en charge les missions essentielles au développement de ce sous-secteur. Cela, malgré les bonnes intentions manifestées par le précédent gouvernement et les fanfaronnades faisant de l’Ess la « deuxième initiative majeure » du quinquennat 2019-2024.

C’est pourquoi le financement de l’Ess est un défi majeur pour les quatre années à venir, ce qui ne signifie pas seulement que des ressources conséquentes soient dégagées pour mon département, mais aussi pour tous les autres ministères pour leur permettre de disposer d’allocations spécifiques destinées au soutien et à l’encouragement de l’entreprenariat social et solidaire.

Il est vrai que le Fonds d’appuis à l’économie sociale et solidaire (Faess) a été mis en place au niveau de mon Département. Mais la dotation symbolique que nous y avons trouvée n’a aucun rapport avec la nécessité d’amorcer une nouvelle dynamique gagnante de la lutte contre le chômage.

C’est la raison pour laquelle, mes services sont en train de finaliser la maturation de quatre projets d’économie sociale et solidaire dans les domaines de la valorisation des ressources locales, de la promotion de l’économie sociale et solidaire, de l’appui aux initiatives économiques des couches vulnérables, de la valorisation de la filière déchets plastiques et de la chaîne de valeur du riz pluvial. J’ai personnellement ouvert le lundi 02 septembre 2024 l’atelier qui doit permettre de présenter ces projets à l’inscription dans le budget d’investissement du Sénégal.

Au grand dam de ceux qui continuent de rêver d’une administration bloquée par l’absence de vision stratégique, dans le même processus, nous avons commencé la maturation du Programme de développement de l’économie sociale et solidaire par la création de richesses immédiates (Precosol) directement tiré des orientations du Projet. Ce méga-programme prévu pour la période 2026-2030, sera le cadre principal de mise en œuvre harmonisée des politiques de développement de l’Ess et comprend cinq projets :
  • Projet d’appui aux plateformes d’économie sociale et solidaires (Papess)
  • Projet de vulgarisation de l’agriculture verticale (Vulavert)
  • Projet de vulgarisation de l’aquaculture intégrée en milieu rurale et urbain (Vaquaru)
  • Projet d’appui au développement social local par l’Ess (Padesol)
  • Projet de coopératives productives solidaires (Cps)
Pour accompagner ce renouveau économique et social, le département entend placer le Faess au cœur de l’animation économique. En effet partant de la stratégie gouvernementale pour un engagement volontaire et une formation civique et socio-professionnelle, impulsée par le Premier Ministre, Ousmane Sonko, le ministère compte recevoir plus de 1000 volontaires de l’Ess, qui seront encadrés par des coordonnateurs départementaux, mis en place à travers le Faess pour appuyer la formalisation des acteurs de l’économie populaire, la maturation et le suivi des projets financés, ainsi que la structuration des organisations des acteurs de l’Ess.

Il sera aussi question de nouer des partenariats féconds avec des bailleurs pour favoriser le financement d’un grand nombre d’acteurs Ess, qui seront en retour autonomes, avec des opportunités d’emplois décents et durables.

C’est l’occasion d’adresser nos chaleureuses félicitations à Mme Cathérina Bertolini, Ambassadeur d’Italie au Sénégal pour l’engagement de l’Italie dans la promotion de l’Ess avec le premier projet financé par un partenaire extérieur, je veux nommer le Programme d’appui aux acteurs de l’Ess (Progress), dont la convention de financement de la première phase vient d’être signée ce 19 aout 2024 pour 4 millions d’euros.

Nous espérons que, comme l’Italie, d’autres partenaires entendront le message de l’Assemblée générale des Nations Unies qui, par sa Résolution 77/281 du 18 avril 2023, encourage les États, le système des Nations unies et tous les partenaires multilatéraux, à faire de l’Ess un levier de développement pour atteindre les objectifs de développement durables.
Avec toutes les dispositions évoquées ci-dessus, dorénavant, le manque de synergie noté entre la microfinance et l’Ess est derrière nous, et aujourd’hui notre logique d’intervention va nous amener à ce que la microfinance soit au service de l’Ess et que l’Ess soit vectrice d’emplois durables décents.
  • Pour le volet accompagnement des micros, petites et moyennes entreprises (Mpme), comment comptez-vous vous y prendre pour davantage faciliter l’accès au financement à ces segments d’entreprises ?

Il faut souligner que, s’il y a un dispositif qui a donné des résultats à capitaliser, c’est le dispositif d’appui aux Pme par la Plateforme d’appui au secteur privé et à la valorisation de la diaspora sénégalaise en Italie (Plasepri) avec des taux de recouvrement qui dépassent 90%. On constate que c’est un projet dont les ressources sont administrées conjointement avec la coopération italienne, et   donc avec une surveillance de proximité et des projets bancables le recouvrement atteint les normes admissibles.

S’appuyant sur cela, il reste à accélérer les rythmes de décaissement pour accompagner les micros, petites et moyennes entreprises (Mpme), à travers les lignes de financement, mais aussi par la mise en place, cette fois-ci, de programmes viables de garantie de prêt effectivement utilisables contrairement à l’immobilisme qui a caractérisé la ligne de garantie pendant les différentes phases du Plasepri. Un dispositif particulier sera utilisé pour une mutualisation de la garantie avec d’autres institutions financières ou agences gouvernementales, pour réduire ainsi le risque pour les prêteurs, et faciliter encore plus l'accès au financement pour les Mpme.

A moyen long terme, pour pérenniser le financement des Mpme, l’objectif visé est d’encourager, à travers le partenariat public-privé, la création de fonds d'investissement spécialisés dans le financement des Mpme.

Ces fonds pourront offrir des prêts à des conditions avantageuses, et des services de conseil à travers un modèle financier rentable pour les investisseurs.

Par ailleurs, en droite ligne des directives du Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, traduites dans les instructions du Premier Ministre, Ousmane Sonko, le ministère entend privilégier la digitalisation des processus et procédures, pour réduire les coûts de transaction, en simplifiant le dispositif d’examen des demandes de financement et en impliquant les banques et établissements financiers partenaires, ainsi que les Sfd dans la procédure de sélection des projets viables à financer.

Un changement de paradigme est intervenu dans le ciblage des financements, qui ne visent plus des personnes à financer, mais des projets viables, ayant un impact logiquement escomptable sur la création d’emplois et la croissance économique, tout en sauvegardant notre souveraineté et le droit de tous les citoyens à bénéficier sans aucune discrimination de l’accompagnement de la puissance publique.

Pour finir sur ce qui dépend de mon département, des campagnes de sensibilisation et d'information seront organisées pour éduquer les Mpme sur les différentes options de financement disponibles et les aider à comprendre les critères d'éligibilité et les processus de demande de financement.

Pour ce qui est en dehors des attributions de mon département, des politiques fiscales incitatives seront sollicitées, pour encourager les investissements dans les Mpme, telles que des réductions d'impôts pour les investisseurs ou des exonérations fiscales pour les entreprises en phase de démarrage.

En combinant ces différentes approches, il est possible de créer un environnement plus favorable à l'accès au financement des Mpme, ce qui peut stimuler leur croissance et leur développement.
  • Monsieur le Ministre, quels sont les projets et actions prioritaires à moyen terme de votre Département ?

Beaucoup de projets, beaucoup d’initiatives, et des réflexions très poussées sont sur la table, ou se déploient sur le terrain. Je peux simplement citer succinctement ;
  • La dynamisation des interventions du Fonds d’appui à l’Ess (Faess) qui doit marquer une étape importante dans l’envol de l’Ess comme vectrice d’inclusion économique et sociale ;
  • La généralisation de la stratégie de financement ciblée, pour en faire une stratégie nationale harmonisant toutes les interventions de l’État et donc, permettant, après Bambey déjà servi et Keur Massar en cours, de couvrir tous les départements du Sénégal ;
  • La construction d’une coalition nationale pour la promotion de l’Ess avec les protocoles à signer avec l’ensemble des ministères, le secteur privé et les acteurs de la société civile ;
  • La mise en œuvre diligente du Programme d’appui aux acteurs de l’économie sociale et solidaire (Progress) ;
  • La finalisation, la maturation, l’évaluation positive et le financement de tous les programmes et projets identifiés pour la période 2025-2029, particulièrement, en ce qui concerne, d’une part, la microfinance, les dotations optimales pour le Fonamif, le Fimf, Fapfid (suite Plasepri) ainsi que le Promise, et d’autre part, s’agissant de l’Ess, le Prcosol qui concentre toutes les interventions à moyen termes dans l’Ess.
En définitive, à moyen terme, il s'agit d'aller vers une création massive d’emplois décents et de richesses, à partir des produits bruts spécifiques à chaque terroir. Il s’agit aussi de passer aux étapes de labellisation de ces produits et de la mise en réseaux de leurs producteurs, à travers un système de distribution orienté chaîne de valeur, et capable de percer les marchés régionaux et internationaux.

Je précise que cette labellisation permettra de faire respecter les normes de qualité, d'hygiène, d'environnement et de sécurité avec l’obtention de l’autorisation Fra et du code barre pour l’identification et la certification des produits.

Toute cette démarche se réalise avec les appuis techniques des ministères compétents mis en réseau, grâce aux différentes conventions signées avec nous, et une implication du secteur privé et de la société civile à travers les engagements synallagmatiques qui nous lient.

La mise à l'échelle des différentes « boutiques » (Source, technologique, Uni-production et Témoin) va permettre aux acteurs de l'Ess de produire, avec des avantages comparatifs qui rendent possible la réalisation d’une véritable substitution aux importations et des exportations de produits très accessibles, et compétitifs que nous appelons les produits de l’économie immédiate.
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