- Monsieur DIEYE, la place bancaire de Dakar poursuit sa dynamique de croissance à la lecture de ses agrégats et indicateurs d’activités observés en 2023. Quelle analyse critique faites-vous de ces résultats ? Peut-on parler de marché mature et consolidant ? Y a-t-il des points d’attention à prendre en compte ?
La place bancaire de l’UMOA affiche globalement des indicateurs satisfaisants en termes de total bilan, voire de crédits et dépôts avec respectivement une évolution de 2,9%, 7,8% et 3% en 2023.
Le paysage bancaire sénégalais est la deuxième place de l’UMOA derrière la Côte d’Ivoire. En effet, le Sénégal occupe une part de marché de 19,5% en termes de total du bilan avec une évolution de 5,2 % par rapport à l’année 2022, derrière la Côte d’Ivoire qui consolide sa première position avec 33,7%.
En 2023, le Sénégal compte le plus grand nombre d’établissements de crédit, 33 au total, au sein de la zone UMOA, avec un taux de bancarisation de près de 22% selon les données de l’Observatoire de la Qualité des Services financiers (OQSF).
Toutefois, des efforts énormes devraient être déployés pour financer des secteurs clés de notre économie.
De même, les banques doivent repenser leur stratégie de développement pour mieux prendre en charge les besoins et attentes des segments vulnérables, et contribuer significativement à la bancarisation du secteur.
La place bancaire de l’UMOA affiche globalement des indicateurs satisfaisants en termes de total bilan, voire de crédits et dépôts avec respectivement une évolution de 2,9%, 7,8% et 3% en 2023.
Le paysage bancaire sénégalais est la deuxième place de l’UMOA derrière la Côte d’Ivoire. En effet, le Sénégal occupe une part de marché de 19,5% en termes de total du bilan avec une évolution de 5,2 % par rapport à l’année 2022, derrière la Côte d’Ivoire qui consolide sa première position avec 33,7%.
En 2023, le Sénégal compte le plus grand nombre d’établissements de crédit, 33 au total, au sein de la zone UMOA, avec un taux de bancarisation de près de 22% selon les données de l’Observatoire de la Qualité des Services financiers (OQSF).
Toutefois, des efforts énormes devraient être déployés pour financer des secteurs clés de notre économie.
De même, les banques doivent repenser leur stratégie de développement pour mieux prendre en charge les besoins et attentes des segments vulnérables, et contribuer significativement à la bancarisation du secteur.
- Peut-on réellement parler de modèle bancaire sénégalais dans le contexte actuel ? Quels sont les défis et perspectives pour rendre le modèle plus efficient ?
Il est prématuré de parler de modèle bancaire sénégalais, d’autant plus qu’il n’y a pas de spécificité sur la place. Selon moi, pour construire un modèle adapté à nos réalités socio-économiques, il faut la mise en œuvre de plusieurs stratégiques et diligences. Je peux en citer trois :
- Consolidation des fonds propres des banques et financement de l’économie : dans la perspective de l’augmentation de capital social minimum des banques de 10 à 20 Milliards F CFA, décidée par le Conseil des Ministres de l’UMOA, le 23 décembre 2023,la place bancaire de Dakar devrait changer de configuration. Notamment dans la consolidation des fonds propres des banques et dans une dynamique d’un meilleur accompagnement de l’économie nationale. A l’horizon 2027, délai fixé pour la mise en conformité au capital social minimum pour les banques agréées avant le 1er janvier 2024, les banques de la place de Dakar devraient revoir leur politique en matière de financement et de contribution au développement de l’économie. Des secteurs prioritaires et émergents tels que l’agriculture, l’agrobusiness, les BTP, l’énergie, devraient figurer parmi les domaines cibles à financer par les banques.
- Digitalisation des services bancaires : notre économie est dominée par l’informel, les PME et PMI peu structurées ; ce qui rend difficile l’ambition d’assurer une digitalisation accélérée. Il est impératif que la Banque Centrale mette en place des mécanismes permettant d’assurer cette ambition. Bien qu’il existe des dispositions (souvent non contraignantes) pour favoriser la digitalisation des services financiers, la Banque Centrale et l’Etat doivent être plus stricts dans leur rôle de régulation et de contrôle de l’activité économique. Plus concrètement, le paiement systématique par carte bancaire ou mobile money lié à un compte bancaire devrait être obligatoire à partir d’un certain seuil. Il en est de même pour des transactions plus importantes où il faut exiger le paiement par chèque ou virement.
- Micro-finance : les institutions de micro-finance doivent mieux favoriser la bancarisation et l’inclusion financière. La mise en place des plateformes de paiement, ainsi que des cartes bancaires devraient être assurée. GIM UMOA pourrait être un acteur essentiel pour assurer cette mission, comme dans le cadre de l’interbancarité au sein des banques de la zone.
- Le « credit boom » est devenu un phénomène sociétal dans le marché bancaire sénégalais, au regard de la tendance haussière observée depuis quelques années sur le volume des crédits bancaires à la clientèle. Quels enseignements pouvez-vous en tirer ? Certains alarmistes considèrent toutefois que l’endettement bancaire est un mal nécessaire, êtes-vous de cet avis ?
Le « crédit boom » se caractérise par une croissance rapide du crédit. Normalement, on devrait constater l’effet positif du « crédit boom » sur les indicateurs macro-économiques, notamment le Produit intérieur brut (PIB), le taux de chômage, l’inflation, la balance commerciale, et l’indice de confiance des consommateurs. Ce dernier est souvent négligé dans les analyses de certains économistes, alors qu’il est très important dans notre environnement. Même si l’on constate que ces indicateurs ont globalement connu une évolution en 2023 par rapport à l’année 2022, il y a lieu de noter le caractère fragile de notre économie, lié notamment à une forte dépendance extérieure : importation à outrance de produits de première nécessité avec comme conséquence une balance commerciale déficitaire ; dépendance auprès des institutions financières internationales avec un taux d’endettement élevé, etc.
Pour l’endettement, il reste nécessaire pour les acteurs économiques qui veulent créer un projet, développer une activité ou investir.
Seulement, il faut bien encadrer l’endettement, afin d’éviter le surendettement, qui a des effets néfastes sur les débiteurs et sur l’économie en général : faillite, crise financière, arrêt des investissements, chômage, etc.
Je suggère que les banques soient beaucoup plus regardantes sur certains crédits accordés à la clientèle, notamment les découverts où il est souvent constaté des détournements d’objet. Elles ont l’obligation de faire un arbitrage rigoureux et d’assurer un rôle de conseil vis-à-vis de leur clientèle face à un dossier de crédit.
- La BCEAO a récemment décidé de relever le capital social minimum des banques de 10 à 20 milliards de FCFA. Quels en sont les enjeux et impacts sur la solidité et la rentabilité des banques sénégalaises ?
Comme je l’ai indiqué plus haut, le relèvement du capital minimum permet un renforcement des fonds propres des banques. Ce relèvement permettra de diluer le capital des banques de petite et moyenne taille, avec la cooptation de nouveaux investisseurs.
Un autre enjeu de taille, c’est celui d’assurer un financement accéléré de l’économie. L’augmentation significative des fonds propres des banques est un élément essentiel et déterminant de respect des normes prudentielles, d’une part, et, d’autre part, une position favorable pour accompagner leur clientèle.
La rentabilité des banques pourrait être améliorée significativement avec les intérêts et commissions dégagés sur les crédits accordés à la clientèle, mais elle n’est pas systématiquement liée au relèvement du capital minimum.
Il faut intégrer un autre impact relatif au renforcement du taux de bancarisation avec l’élargissement du réseau des banques et les services y afférents.
- De plus en plus, il est relevé des cas d’anomalies au sein du secteur bancaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, comme en atteste les dernières sanctions infligées par la Commission Bancaire à certaines banques de la place de Dakar. Comment faire pour améliorer le dispositif de la conformité bancaire ?
La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) est une préoccupation majeure au sein des organisations internationales, des Etats et des institutions financières. Comme vous le savez, la mise en place de ce dispositif est obligatoire pour toutes les institutions financières. Ce sont les Etats qui doivent mettre en place un cadre juridique, réglementaire et opérationnel approprié et proactif.
En ce qui concerne le Sénégal, les prérogatives de la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières) pourraient être renforcées, ainsi que la collaboration avec les assujettis. Des séances de sensibilisation doivent être multipliées avec un langage compréhensible, simple et accessible à tous.
Au niveau des banques, il est parfois constaté quelques légèretés sur le respect du dispositif anti-blanchiment. En effet, l’atteinte des objectifs de résultats peut pousser certaines banques de la place à entrer en relation d’affaires, sans effectuer au préalable une « due diligence » sur l’activité du client, notamment sur son chiffre d’affaires, ses fournisseurs et clients, sur la moralité des dirigeants, etc. C’est un préalable indispensable pour maitriser les risques de non-conformités, et éviter d’enregistrer des créances en souffrance.
J’insiste beaucoup sur la moralité des actionnaires et des dirigeants. Il s’agit d’un paramètre immatériel, qui est fondamental pour l’entrée en relation et le maintien de celle-ci dans la durée.
Lejecos Magazine