Plusieurs initiatives ont été déroulées au Sénégal pour permettre un envol des Pme, et jusque là les choses tardent à décoller, à votre avis qu’est-ce qu’il faut réellement faire pour que les Pme sortent de l’ornière ?
Il reste cette politique volontariste. Une fois la vision arrêtée, une fois la conception de la politique élaborée et les stratégies définies, de faire cap sur la mise en œuvre. Ce cap sur la mise en œuvre doit faire l’objet d’un leadership. Et souvent, c’est ce leadership qui fait défaut. Les responsables, les ministres en charge des Pme, doivent faire la promotion d’autres secteurs. En 2001, lorsque le premier département ministériel a été mis en place, c’était les Pme et le Commerce. Ensuite, on a connu une évolution institutionnelle, Pme-Entrepreneuriat féminin-Microfinance, Pme-Industrie, Pme-Mines, Pme-Mines-Transformation alimentaire des produits agricoles. Jamais la Pme n’a été érigée, en département spécifique.
La politique de la Pme est transversale. On retrouve la dans le secteur des mines, de la pêche, dans l’agriculture, dans les services et le secteur manufacturier. La politique de la Pme embrasse beaucoup de secteurs, si bien que quand on dilue la Pme dans d’autres secteurs, souvent les ministères notamment, Mines-Industrie-Pme, privilégient les activités qui ont une plus grande visibilité, au détriment d’une politique hardie de promotion et de développement des Pme. J’avoue que, aujourd’hui au Sénégal, si nous en sommes à exporter l’expérience sénégalaise au Maghreb et en Afrique centrale, c’est parce qu’il y a eu une Direction des Pme, et peut être un directeur des Pme qu’on a laissé sur place pendant 10 ans, qui a fait office de portage de la politique des Pme. Mais se sont succédés une dizaine de ministres. Donc, la question du portage politique de la Pme se pose, et explique en partie pourquoi la Pme n’a pas encore décollé, et pourquoi la Pme n’a pas encore joué un rôle prépondérant dans le processus de création des richesses. Malgré l’importance numérique, car il est démontré que 9 entreprises sur dix, est une Pme, donc 90 sur 100. La contribution des Pme aussi à la création de richesses rapportée au PIB, elle oscille autour de 20%. Les Pme qui exportent ne sont que 5% du total, tout le reste c’est le marché domestique. S’agissant de l’emploi, aujourd’hui, quand on fait fi de l’emploi non salarié, qui est le fait principalement du secteur informel, l’emploi salarié formel, les Pme n’y contribuent qu’à hauteur de 30 à 35%.
Vous parlez d’ériger la Pme en département ministériel, si tel devait être le cas, quels seraient les grands axes ou le contenu de ce ministère ?
Aujourd’hui, je pense qu’il y a quatre axes autour desquels un département ministériel en charge des Pme, pourrait travailler de manière efficiente, en collaboration avec tous les autres départements sectoriels de la pêche, de l’élevage entre autres, comme je l’ai évoqué tantôt. Les Pme ont besoin d’un environnement spécifique. Je suis d’accord pour un environnement des affaires de classe internationale, pour ces entreprises qui ont du potentiel, une certaine taille et une structuration bien solide. La Pme qui fait face à une crise d’énergie, qui n’a pas les moyens de disposer d’un groupe électrogène, en cas de rupture de distribution d’électricité, pour continuer sa production. La Pme qui ne peut pas se payer le luxe de requérir les services d’un Cabinet d’expertise comptable, qui ne peut pas recruter des ingénieurs, a besoin d’une législation sociale qui lui soit spécifique. Il faut dire qu’à l’intérieur de la Pme tout le monde se connaît, contrairement à la grande entreprise où le chauffeur peut ne jamais voir le Dg toute l’année. Donc, les relations sociales au sein de la Pme font que, le régime social qui lui est applicable, doit être spécifique. Cela est aussi valable pour le régime fiscal. La fiscalité qui doit s’appliquer à la Pme, doit tenir compte de cette réalité intrinsèque à la Pme. C’est la Pme qui est ainsi caractérisée. C’est le fait souvent d’une personne, qui si elle voyage, la Pme voyage, si elle est malade, la Pme ne fonctionne pas. Et dans bien des cas, le décès d’un promoteur d’une Pme, entraîne la disparition de la Pme. Donc, un environnement des affaires qui lui soit spécifique, et là-dessus le département ministériel aura une direction sur cette question.
Il y a aussi dans notre pays un phénomène paradoxal, il y a trop de médecins autour de la Pme malade. La Pme malade, il y a plusieurs structures autour d’elle, qui souvent remplissent les mêmes fonctions. Ce constat a été fait déjà en 1998, au moment d’élaborer la stratégie de développement du secteur privé avec l’appui de la Banque mondiale (BM). Mais aujourd’hui, vingt deux ans après, il y a dispersion du dispositif, et on ne sait pas, qui fait quoi. Donc, il faut revenir à une rationalisation, qui ne veut pas dire forcément suppression. La rationalisation du dispositif d’appui aux Pme doit obéir à des impératifs d’efficacité. Donc, rationaliser tout le dispositif d’appui non financier principalement. C’est-à-dire tout ce qui est encadrement, coaching, accompagnement, monitoring et le suivi. Comme la plupart de ces structures d’appui utilisent des ressources publiques, il faut que ces ressources soient judicieusement dépensées. Sous ce rapport le deuxième axe est la rationalisation du dispositif.
Le troisième axe concerne l’accès pérenne des Pme aux financements. Selon une enquête menée par la Direction des Pme, dans le cadre de l’élaboration de la Lettre de politique sectorielle, 52 % des entreprises interrogées, posent comme contrainte majeure, toute taille confondue, l’accès aux financements. Il faudrait des politiques d’accès aux crédits. A ce propos, il faut saluer les instruments annoncés par le président de la République, à savoir le FONGIS et le FONGIP. L’un des instruments agit sur la garantie, qui est une contrainte pour les jeunes Pme et l’autre sur les investissements stratégiques, notamment le capital démarrage. Le dernier et le quatrième axe, est l’accès de la Pme aux services non financiers. Très souvent, on a tendance à penser, que le seul problème de la Pme, c’est le financement. Parfois, c’est la question de l’accès aux marchés, de disposer de conseils adaptés, la formation continue et son financement entre autres. Voila de manière ramassée, les quatre axes autour desquels un département ministériel spécifique Pme, pourrait être articulé. Mais, il faudrait que ce département interagisse avec l’ensemble des autres départements sectoriels.
Aujourd’hui, est-ce-que les acteurs des Pme ne doivent pas faire des efforts, quand on sait qu’un dispositif comme le Centre de Gestion agréé (CGA) a été mis en place pour les appuyer et que rechignent à fréquenter les responsables de Pme ?
Le forum sur la compétitivité de l’économie sénégalaise tenu en novembre 2012, dans ses recommandations plaident pour l’amélioration de l’efficacité des CGA. La perception qu’on les gens du CGA, est une perceptive négative. Depuis 1996, date de création du centre pilote de Dakar, on n’a pas encore atteint les 200 adhérents. L’acteur dit, si je vais au CGA, on me livre pieds et mains ligotés au fisc. Il y a aussi la question du coût d’accès au CGA. Aujourd’hui, beaucoup d’experts comptables font le travail du CGA chez le commerçant, le pharmacien et chez le tenancier d’un Cabinet médical. Si le coût d’accès était attractif avec des avantages réels, la fréquentation des CGA serait beaucoup plus assidue, qu’il ne l’est aujourd’hui. Si vous visitez les CGA de la Côte d’Ivoire ou du Togo, c’est tout le temps la queue, et on innove avec des produits et services qui s’adaptent au profile de l’acteur. Le problème ne se situe pas qu’au niveau des acteurs, c’est un problème institutionnel et juridique et aussi de perception. Il faudrait qu’on change d’approche et les CGA se collent à la réalité de l’économie réelle. Malheureusement aussi les CGA ont été plus ou moins concurrencés par la réforme du Code général des impôts, qui a pris en charge certaines attributions des CGA, notamment avec la Contribution globale unique. On n’a pas laissé aux Centres le soin de développer certains produits et services adaptés aux besoins des acteurs. Les CGA aussi doivent suivre l’évolution de leurs cibles.
Le Premier ministre du Sénégal lors de sa Déclaration de politique générale a beaucoup évoqué le financement des Pme. Récemment aussi lors de la conférence de la zone Franc tenue à Dakar, il en appelait aux financements du développement, notamment des Pme, quelle est votre appréciation sur ce point de vue ?
Dans les économies de la sous-région, le financement bancaire à l’économie oscille autour de 20 à 25% du PIB. Alors que comparés aux pays dits émergents, Malaisie, Singapour, Brésil, Afrique du Sud, Tunisie, ce taux est de l’ordre au moins de 50 à 60%. Donc, ce sont des banques qui participent aux financements de l’économie. Et dans ce financement bancaire, la part des Pme ne dépasse guère 30% des concours bancaires. Quand on regarde bien ces concours bancaires à l’économie, notamment aux Pme, ce sont des concours de court et de moyen terme. Alors qu’à un certain moment de son développement, la Pme aurait simplement besoin de financements sur le long terme, 5 ans et plus, pour acheter les machines, les amortir et asseoir sa croissance. Il faudrait donc, augmenter la part du financement bancaire à l’économie, et augmenter aussi la part du financement bancaire aux Pme. Et faire de sorte qu’on atteigne très rapidement le taux de 30 à 40%. Si on atteint ces taux, on peut espérer un retour d’investissements. Ce qui manque dans nos pays, c’est cette classe moyenne que constituent les promoteurs des Pme, qui dépensent entre 60 et 100 dollars par jour. Si on n’atteint pas ce niveau, on n’est pas encore pays émergent. C’est cette classe moyenne qui va tirer la croissance vers le haut, et qui entraîne aussi l’amélioration des conditions de vie de la base. Cette classe moyenne aujourd’hui, se matérialise à l’Ile Maurice, avec le développement du textile haut de gamme.
Vous avez parlé de besoins de financements sur le long terme, ce qui est difficile d’obtenir au niveau des banques, alors est-ce-que le marché financier qui dispose de ressources longues, peut constituer une alternative aux financements des entreprises ?
Absolument. Non seulement le marché financier peut constituer une alternative. Et aujourd’hui, dans bien des cas, des entreprises plus ou moins bien structurées se tournent vers le marché financier pour lever des fonds. Bien sûr, ce marché financier aussi a ses exigences en termes de transparence dans la gestion et de production d’états financiers.
Les pouvoirs publics doivent aussi intervenir au niveau de la BCEAO, qui a en charge notre politique monétaire. Je pense qu’on a laissé trop de liberté à la Banque centrale. On ne peut pas être dans un pays qui a un besoin criard de ressources longues, et avoir notre compte des opérations être excédentaire au Trésor français. Il faut dire que les dépôts que reçoivent les banques sont à 99,99% des dépôts à vue, et les banques aussi par le biais des règles prudentielles ne prêtent pas sur le long terme, parce que les déposants peuvent retirer à tout moment leur dû.
Donc, sur les ressources longues, le marché financier est une alternative, mais il y a aussi les emprunts d’Etat auprès d’institutions financières à des taux concessionnels, qu’il peut rétrocéder. Une structure comme la Caisse de Dépôts et de Consignation doit jouer un rôle prépondérant, dans le refinancement des banques et des structures de financement pour le financement de l’économie. Dans l’exposé des motifs de la loi portant création de la Caisse de Dépôts et de Consignation, il est bien mentionné dans ses missions le financement des Pme. Que je sache, jusqu’à ce jour il n’y a pas encore eu de financements de Pme venant de la Caisse de Dépôts et de Consignation. Les alternatives sont multiples, car il y a aussi les fonds souverains, les fonds d’investissement qui s’orientent vers l’Afrique anglophone.
Pour l’accès des Pme aux marchés publics, la législation accorde une certaine discrimination en faveur des Pme, à votre avis est-ce-que c’est encore insuffisant malgré cet arsenal juridique ?
Non seulement c’est encore insuffisant. Mais il faut dire que pour qu’il y ait un impact réel dans la structure financière des Pme, dans leur accès à plus de technologie et dans leur renforcement des capacités techniques, il faudrait qu’on regarde de très près la nature des marchés confiés aux Pme. La nature de ces marchés révèle que souvent, c’est des marchés de prestation de services, des marchés de fournitures de bureau et pas de grands marchés de travaux. Et ce sont ces marchés de travaux qui occasionnent des transferts de technologie. La construction d’un pont par exemple, peut être une occasion de transfert de technologie, s’il y a des clauses dans le contrat de sous-traitance entre les multinationales et les entreprises locales, comme c’est le cas en Mauritanie et en Tunisie. Ils ont introduit dans leur législation des clauses pour certains types de marché, l’entreprise attributaire est obligée de sous-traiter avec des entreprises locales. Ces genres de marchés permettent à de grandes entreprises de transférer une partie de leur savoir-faire à des Pme locales et à ces Pme de solidifier leur structure financière. Il faut introduire dans la législation, une obligation aux multinationales de travailler avec les Pme locales sans aucune forme de domination.
Quand le régulateur dit que 90% des marchés sont attribués aux Pme, mais quels marchés! Souvent la question de la qualification freine l’accès des Pme à la commande publique. On te dit qu’il faut avoir 10 ans d’expérience, alors que dans la sous-région tel n’est pas le cas. Il y a une réforme en cours sur cette question de qualification et requalification.
Entretien réalisé par :
El Hadji Ndiaye et Ismaïla Ba
Il reste cette politique volontariste. Une fois la vision arrêtée, une fois la conception de la politique élaborée et les stratégies définies, de faire cap sur la mise en œuvre. Ce cap sur la mise en œuvre doit faire l’objet d’un leadership. Et souvent, c’est ce leadership qui fait défaut. Les responsables, les ministres en charge des Pme, doivent faire la promotion d’autres secteurs. En 2001, lorsque le premier département ministériel a été mis en place, c’était les Pme et le Commerce. Ensuite, on a connu une évolution institutionnelle, Pme-Entrepreneuriat féminin-Microfinance, Pme-Industrie, Pme-Mines, Pme-Mines-Transformation alimentaire des produits agricoles. Jamais la Pme n’a été érigée, en département spécifique.
La politique de la Pme est transversale. On retrouve la dans le secteur des mines, de la pêche, dans l’agriculture, dans les services et le secteur manufacturier. La politique de la Pme embrasse beaucoup de secteurs, si bien que quand on dilue la Pme dans d’autres secteurs, souvent les ministères notamment, Mines-Industrie-Pme, privilégient les activités qui ont une plus grande visibilité, au détriment d’une politique hardie de promotion et de développement des Pme. J’avoue que, aujourd’hui au Sénégal, si nous en sommes à exporter l’expérience sénégalaise au Maghreb et en Afrique centrale, c’est parce qu’il y a eu une Direction des Pme, et peut être un directeur des Pme qu’on a laissé sur place pendant 10 ans, qui a fait office de portage de la politique des Pme. Mais se sont succédés une dizaine de ministres. Donc, la question du portage politique de la Pme se pose, et explique en partie pourquoi la Pme n’a pas encore décollé, et pourquoi la Pme n’a pas encore joué un rôle prépondérant dans le processus de création des richesses. Malgré l’importance numérique, car il est démontré que 9 entreprises sur dix, est une Pme, donc 90 sur 100. La contribution des Pme aussi à la création de richesses rapportée au PIB, elle oscille autour de 20%. Les Pme qui exportent ne sont que 5% du total, tout le reste c’est le marché domestique. S’agissant de l’emploi, aujourd’hui, quand on fait fi de l’emploi non salarié, qui est le fait principalement du secteur informel, l’emploi salarié formel, les Pme n’y contribuent qu’à hauteur de 30 à 35%.
Vous parlez d’ériger la Pme en département ministériel, si tel devait être le cas, quels seraient les grands axes ou le contenu de ce ministère ?
Aujourd’hui, je pense qu’il y a quatre axes autour desquels un département ministériel en charge des Pme, pourrait travailler de manière efficiente, en collaboration avec tous les autres départements sectoriels de la pêche, de l’élevage entre autres, comme je l’ai évoqué tantôt. Les Pme ont besoin d’un environnement spécifique. Je suis d’accord pour un environnement des affaires de classe internationale, pour ces entreprises qui ont du potentiel, une certaine taille et une structuration bien solide. La Pme qui fait face à une crise d’énergie, qui n’a pas les moyens de disposer d’un groupe électrogène, en cas de rupture de distribution d’électricité, pour continuer sa production. La Pme qui ne peut pas se payer le luxe de requérir les services d’un Cabinet d’expertise comptable, qui ne peut pas recruter des ingénieurs, a besoin d’une législation sociale qui lui soit spécifique. Il faut dire qu’à l’intérieur de la Pme tout le monde se connaît, contrairement à la grande entreprise où le chauffeur peut ne jamais voir le Dg toute l’année. Donc, les relations sociales au sein de la Pme font que, le régime social qui lui est applicable, doit être spécifique. Cela est aussi valable pour le régime fiscal. La fiscalité qui doit s’appliquer à la Pme, doit tenir compte de cette réalité intrinsèque à la Pme. C’est la Pme qui est ainsi caractérisée. C’est le fait souvent d’une personne, qui si elle voyage, la Pme voyage, si elle est malade, la Pme ne fonctionne pas. Et dans bien des cas, le décès d’un promoteur d’une Pme, entraîne la disparition de la Pme. Donc, un environnement des affaires qui lui soit spécifique, et là-dessus le département ministériel aura une direction sur cette question.
Il y a aussi dans notre pays un phénomène paradoxal, il y a trop de médecins autour de la Pme malade. La Pme malade, il y a plusieurs structures autour d’elle, qui souvent remplissent les mêmes fonctions. Ce constat a été fait déjà en 1998, au moment d’élaborer la stratégie de développement du secteur privé avec l’appui de la Banque mondiale (BM). Mais aujourd’hui, vingt deux ans après, il y a dispersion du dispositif, et on ne sait pas, qui fait quoi. Donc, il faut revenir à une rationalisation, qui ne veut pas dire forcément suppression. La rationalisation du dispositif d’appui aux Pme doit obéir à des impératifs d’efficacité. Donc, rationaliser tout le dispositif d’appui non financier principalement. C’est-à-dire tout ce qui est encadrement, coaching, accompagnement, monitoring et le suivi. Comme la plupart de ces structures d’appui utilisent des ressources publiques, il faut que ces ressources soient judicieusement dépensées. Sous ce rapport le deuxième axe est la rationalisation du dispositif.
Le troisième axe concerne l’accès pérenne des Pme aux financements. Selon une enquête menée par la Direction des Pme, dans le cadre de l’élaboration de la Lettre de politique sectorielle, 52 % des entreprises interrogées, posent comme contrainte majeure, toute taille confondue, l’accès aux financements. Il faudrait des politiques d’accès aux crédits. A ce propos, il faut saluer les instruments annoncés par le président de la République, à savoir le FONGIS et le FONGIP. L’un des instruments agit sur la garantie, qui est une contrainte pour les jeunes Pme et l’autre sur les investissements stratégiques, notamment le capital démarrage. Le dernier et le quatrième axe, est l’accès de la Pme aux services non financiers. Très souvent, on a tendance à penser, que le seul problème de la Pme, c’est le financement. Parfois, c’est la question de l’accès aux marchés, de disposer de conseils adaptés, la formation continue et son financement entre autres. Voila de manière ramassée, les quatre axes autour desquels un département ministériel spécifique Pme, pourrait être articulé. Mais, il faudrait que ce département interagisse avec l’ensemble des autres départements sectoriels.
Aujourd’hui, est-ce-que les acteurs des Pme ne doivent pas faire des efforts, quand on sait qu’un dispositif comme le Centre de Gestion agréé (CGA) a été mis en place pour les appuyer et que rechignent à fréquenter les responsables de Pme ?
Le forum sur la compétitivité de l’économie sénégalaise tenu en novembre 2012, dans ses recommandations plaident pour l’amélioration de l’efficacité des CGA. La perception qu’on les gens du CGA, est une perceptive négative. Depuis 1996, date de création du centre pilote de Dakar, on n’a pas encore atteint les 200 adhérents. L’acteur dit, si je vais au CGA, on me livre pieds et mains ligotés au fisc. Il y a aussi la question du coût d’accès au CGA. Aujourd’hui, beaucoup d’experts comptables font le travail du CGA chez le commerçant, le pharmacien et chez le tenancier d’un Cabinet médical. Si le coût d’accès était attractif avec des avantages réels, la fréquentation des CGA serait beaucoup plus assidue, qu’il ne l’est aujourd’hui. Si vous visitez les CGA de la Côte d’Ivoire ou du Togo, c’est tout le temps la queue, et on innove avec des produits et services qui s’adaptent au profile de l’acteur. Le problème ne se situe pas qu’au niveau des acteurs, c’est un problème institutionnel et juridique et aussi de perception. Il faudrait qu’on change d’approche et les CGA se collent à la réalité de l’économie réelle. Malheureusement aussi les CGA ont été plus ou moins concurrencés par la réforme du Code général des impôts, qui a pris en charge certaines attributions des CGA, notamment avec la Contribution globale unique. On n’a pas laissé aux Centres le soin de développer certains produits et services adaptés aux besoins des acteurs. Les CGA aussi doivent suivre l’évolution de leurs cibles.
Le Premier ministre du Sénégal lors de sa Déclaration de politique générale a beaucoup évoqué le financement des Pme. Récemment aussi lors de la conférence de la zone Franc tenue à Dakar, il en appelait aux financements du développement, notamment des Pme, quelle est votre appréciation sur ce point de vue ?
Dans les économies de la sous-région, le financement bancaire à l’économie oscille autour de 20 à 25% du PIB. Alors que comparés aux pays dits émergents, Malaisie, Singapour, Brésil, Afrique du Sud, Tunisie, ce taux est de l’ordre au moins de 50 à 60%. Donc, ce sont des banques qui participent aux financements de l’économie. Et dans ce financement bancaire, la part des Pme ne dépasse guère 30% des concours bancaires. Quand on regarde bien ces concours bancaires à l’économie, notamment aux Pme, ce sont des concours de court et de moyen terme. Alors qu’à un certain moment de son développement, la Pme aurait simplement besoin de financements sur le long terme, 5 ans et plus, pour acheter les machines, les amortir et asseoir sa croissance. Il faudrait donc, augmenter la part du financement bancaire à l’économie, et augmenter aussi la part du financement bancaire aux Pme. Et faire de sorte qu’on atteigne très rapidement le taux de 30 à 40%. Si on atteint ces taux, on peut espérer un retour d’investissements. Ce qui manque dans nos pays, c’est cette classe moyenne que constituent les promoteurs des Pme, qui dépensent entre 60 et 100 dollars par jour. Si on n’atteint pas ce niveau, on n’est pas encore pays émergent. C’est cette classe moyenne qui va tirer la croissance vers le haut, et qui entraîne aussi l’amélioration des conditions de vie de la base. Cette classe moyenne aujourd’hui, se matérialise à l’Ile Maurice, avec le développement du textile haut de gamme.
Vous avez parlé de besoins de financements sur le long terme, ce qui est difficile d’obtenir au niveau des banques, alors est-ce-que le marché financier qui dispose de ressources longues, peut constituer une alternative aux financements des entreprises ?
Absolument. Non seulement le marché financier peut constituer une alternative. Et aujourd’hui, dans bien des cas, des entreprises plus ou moins bien structurées se tournent vers le marché financier pour lever des fonds. Bien sûr, ce marché financier aussi a ses exigences en termes de transparence dans la gestion et de production d’états financiers.
Les pouvoirs publics doivent aussi intervenir au niveau de la BCEAO, qui a en charge notre politique monétaire. Je pense qu’on a laissé trop de liberté à la Banque centrale. On ne peut pas être dans un pays qui a un besoin criard de ressources longues, et avoir notre compte des opérations être excédentaire au Trésor français. Il faut dire que les dépôts que reçoivent les banques sont à 99,99% des dépôts à vue, et les banques aussi par le biais des règles prudentielles ne prêtent pas sur le long terme, parce que les déposants peuvent retirer à tout moment leur dû.
Donc, sur les ressources longues, le marché financier est une alternative, mais il y a aussi les emprunts d’Etat auprès d’institutions financières à des taux concessionnels, qu’il peut rétrocéder. Une structure comme la Caisse de Dépôts et de Consignation doit jouer un rôle prépondérant, dans le refinancement des banques et des structures de financement pour le financement de l’économie. Dans l’exposé des motifs de la loi portant création de la Caisse de Dépôts et de Consignation, il est bien mentionné dans ses missions le financement des Pme. Que je sache, jusqu’à ce jour il n’y a pas encore eu de financements de Pme venant de la Caisse de Dépôts et de Consignation. Les alternatives sont multiples, car il y a aussi les fonds souverains, les fonds d’investissement qui s’orientent vers l’Afrique anglophone.
Pour l’accès des Pme aux marchés publics, la législation accorde une certaine discrimination en faveur des Pme, à votre avis est-ce-que c’est encore insuffisant malgré cet arsenal juridique ?
Non seulement c’est encore insuffisant. Mais il faut dire que pour qu’il y ait un impact réel dans la structure financière des Pme, dans leur accès à plus de technologie et dans leur renforcement des capacités techniques, il faudrait qu’on regarde de très près la nature des marchés confiés aux Pme. La nature de ces marchés révèle que souvent, c’est des marchés de prestation de services, des marchés de fournitures de bureau et pas de grands marchés de travaux. Et ce sont ces marchés de travaux qui occasionnent des transferts de technologie. La construction d’un pont par exemple, peut être une occasion de transfert de technologie, s’il y a des clauses dans le contrat de sous-traitance entre les multinationales et les entreprises locales, comme c’est le cas en Mauritanie et en Tunisie. Ils ont introduit dans leur législation des clauses pour certains types de marché, l’entreprise attributaire est obligée de sous-traiter avec des entreprises locales. Ces genres de marchés permettent à de grandes entreprises de transférer une partie de leur savoir-faire à des Pme locales et à ces Pme de solidifier leur structure financière. Il faut introduire dans la législation, une obligation aux multinationales de travailler avec les Pme locales sans aucune forme de domination.
Quand le régulateur dit que 90% des marchés sont attribués aux Pme, mais quels marchés! Souvent la question de la qualification freine l’accès des Pme à la commande publique. On te dit qu’il faut avoir 10 ans d’expérience, alors que dans la sous-région tel n’est pas le cas. Il y a une réforme en cours sur cette question de qualification et requalification.
Entretien réalisé par :
El Hadji Ndiaye et Ismaïla Ba