- Madame la Coordonnatrice Nationale, vous venez récemment d’être nommée à la tête du Programme de développement de la microfinance islamique au Sénégal (Promise), pouvez-vous rappeler brièvement les objectifs du PROMISE et quels sont les partenaires techniques et financiers de ce Programme ?
D’ailleurs dans son diagnostic économique et social, la finance islamique se présente comme un pilier essentiel de l’inclusion financière des populations les plus pauvres et comme une méthode novatrice du fait de sa caractéristique hautement sociale, de son mode de financement combinant, à la fois la promotion de la croissance économique, la création d’emplois et la lutte contre la pauvreté.
L’objectif visé dans ce programme est de contribuer au développement socio-économique du Sénégal grâce à l’inclusion financière des petites et moyennes entreprises, sources de création d’emplois, de plus d’activités économiques et par conséquent de mieux être pour les populations.
Dans vos missions, il y a un volet relatif à l’accompagnement des porteurs de projets pour l’obtention de financement. Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme d’intervention du Promise sur ce volet ?
Je me dois de rappeler que le PROMISE est conçu dans le but d’apporter des éléments de réponses aux contraintes potentielles ou réelles identifiées comme facteurs bloquants pour le développement de la finance islamique, et plus particulièrement de la microfinance islamique.
C’est pourquoi, les financements sont accordés par les Institutions de microfinance communément appelés Systèmes financiers décentralisés (Sfd) avec qui le PROMISE a signé une convention en attendant d’ouvrir une branche islamique dédiée. Ainsi, un accompagnement est proposé à ces SFD à travers des lignes de refinancement pour les aider à contourner le manque de ressources, principal frein du secteur de la microfinance au Sénégal. Par ailleurs, les porteurs de projets sont aussi accompagnés dans la conception et la présentation de projets rentables et potentiellement finançables avec ces ressources « halal ». Une plate-forme informatique dématérialisée et accessible mise en place par le programme a permis en quelques mois d’opérationnalisation d’enregistrer plus de 2500 projets pour un encours de demandes avoisinant les 20 milliards de francs Cfa.
La plate-forme fonctionne sous forme de Workflow, ce qui nous permet de faire passer les demandes de financement suivant les différentes étapes du processus, de l’Enrôlement au suivi évaluation en passant par la Structuration en Chaines valeurs, la Certification Chariatique et le financement par les SFD.
Après la phase d’identification des projets, une structuration est proposée à tout porteur. L’accompagnement des porteurs de projet se poursuit aussi par le renforcement de leurs capacités pour une meilleure gestion de leur entreprise.
Je signale aussi que le volet « renforcement des capacités » constitue le deuxième point le plus important du programme, après la ligne de refinancement appelée « Moudaraba restreinte ».
- Quelles sont vos nouvelles orientations pour impulser davantage la dynamique de développement de la finance islamique et plus particulièrement la microfinance islamique ?
Aujourd’hui nous sommes en train de dérouler une approche synoptique qui touche tous les acteurs de l’écosystème de la finance islamique. L’objectif est de les amener à poser des actes concrets et pratiques qui vont dans le sens d’une opérationnalisation.
Il s’agit du régulateur du secteur financier (la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest - BCEAO), du superviseur (la Direction de la supervision des Services financiers décentralises Drs-Sfd), de la Direction générale des impôts et des domaines (DGID), de la Direction des Assurances et des assureurs ainsi que naturellement de toutes les Institutions de Microfinance du Sénégal.
En outre, dans le but d’accélérer les décaissements des fonds de refinancement de la BID (Moudaraba), nous avons anticipé sur plusieurs livrables qui devaient être produits avec l’accompagnement du cabinet d’assistance technique.
Enfin, comme évoqué plus haut, nous misons sur le renforcement de capacités de tous les acteurs qui veulent se lancer dans la finance islamique.
Dans un contexte de mise en œuvre du Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion des Jeunes « XEUYOU NDAW NI », comment la microfinance islamique peut-elle-être une alternative aux financements classiques des MPME, des femmes et des jeunes ?
PROMISE à une belle partition à jouer dans le cadre de ce programme d’urgence « XEUYOU NDAW NI ». Le financement proposé par la microfinance islamique est axé pour l’essentiel sur l’équipement, c’est-à-dire l’investissement.
Dans la situation économique actuelle du pays, l’emploi des jeunes passera naturellement par le secteur privé et à travers l’auto- emploi. Or, il faut reconnaitre que la création d’emploi connaît des difficultés liées au financement des activités, soit les services proposés par les structures de financement ne sont pas adéquats aux demandes réelles adressées, soit, simplement, la rareté de la ressource fait que toutes les demandes ne puissent être satisfaites par les institutions financières.
C’est la raison pour laquelle, et compte tenu du caractère urgent de ce programme, le recours aux contrats à but lucratifs particulièrement la Mourabaha pourrait être une solution immédiate pour le volet acquisition des équipements destinés aux jeunes et femmes ayant des qualifications professionnelles. Ce type d’instrument est usité par les (IFI) instruments financiers islamiques pour tout ce qui est (stocks, matières, produits intermédiaires) et représente même plus 70% des instruments financiers islamiques à travers le monde.
Au-delà de la Mourabaha, nous comptons également lancer les autres types de contrats particulièrement ceux qui vont impacter le milieu rural comme le Salam qui est un contrat de vente avec livraison différée de la marchandise. Ainsi, contrairement à la Mourabaha, l’institution financière n’intervient pas comme vendeur à crédit de la marchandise acquise sur commande de sa relation, mais comme acquéreur, avec paiement comptant d’une marchandise qui lui sera livrée à terme par son partenaire.
Il faut également rappeler que la marge bénéficiaire dans une opération islamique n’est considérée comme licite que lorsqu’elle est générée par des activités réelles dans le respect des principes fondamentaux de la finance Islamique qui sont : l’interdiction de l’usure (Riba), l’interdiction de la spéculation (Gharar) et de l’incertitude (Maysir), l’investissement dans les secteurs licites, l’obligation de partage des profits et des pertes et l’adossement des investissements à des actifs tangibles.
Nous envisageons d’innover en y incluant un volet assurance agricole en relation avec certaines compagnies d’assurance qui proposent des produits d’assurance CHARIA COMPLAINTS. D’autres instruments de financement islamique feront l’objet d’une expérimentation avec les SFD partenaires signataires, sous réserve de la validation des modes opératoires par le Charia-Board bien sûr, qui travaille de façon intense pour une opérationnalisation effective du programme.
- Dans le volet structuration des guichets comment le PROMISE contribue au renforcement des capacités techniques et managériales des SFD qui sont vos cibles prioritaires ?
- La promotion de l’inclusion financière et le développement de la culture financière islamique des populations sénégalaises sont également des défis importants pour le Programme ?
- Le cadre réglementaire ne constitue-t-il pas une contrainte pour le développement de la microfinance islamique ?
Lejecos Magazine