Monsieur le Commissaire, Vous célébrez, dans le cadre de ce colloque international, 20 ans de mise en œuvre de la Politique agricole de l’Uemoa. Que retenir aujourd’hui ?
Les objectifs de la Politique agricole (Pau) de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (Uemoa) sont au nombre de trois. Le premier objectif est d’assurer la sécurité alimentaire des populations. Le deuxième est d’accroître la production via la productivité. Et le troisième, c’est de partir de l’agriculture pour créer un marché régional à l’échelle de l’Union.
Nous avons une croissance démographique très forte qui engendre de nouveaux défis. Ce qui fait que les efforts consentis et les résultats obtenus sont très importants puisque nous arrivons à nourrir 80% de la population avec la production locale. Mais nous pouvons faire mieux : Il y a un certain nombre de responsabilités qui doivent être prises.
Je donne un exemple : l’effectivité des quatre libertés de circulation des biens, des personnes et des capitaux. Si on veut que les biens circulent librement dans l’Union pour que les zones excédentaires puissent approvisionner celles déficitaires, il faut que les États jouent le jeu.
Que voulez-vous dire par là ?
Il ne faut pas qu’il ait des tracasseries aux frontières car cela crée des coûts de transaction. Donc, il y va de la responsabilité des États de mettre en œuvre les décisions qui sont prises au niveau communautaire.
Il y a aussi le changement climatique qui fait que, sur les quarante dernières années, on a perdu 20% de notre productivité. Donc, il y a un enjeu qui consiste à enrichir notre référentiel technique en travaillant plus sur la maîtrise de l’eau, sur l’amélioration variétale, sur l’accompagnement des paysans pour bien respecter les itinéraires techniques.
Quels sont les défis à relever pour l’atteinte des objectifs de la Pau?
Nous avons trois grands types de défis. Un défi physique pour produire plus via l’augmentation des rendements. Nous avons aussi un défi institutionnel. C’est ce qu’on appelle les services à l’agriculture. C’est comment faire pour accéder aux crédits, à l’assurance, comment aider les producteurs à se structurer en organisation ?
C’est aussi savoir comment gérer toutes les questions de post récolte en particulier la construction de magasins de stockage et de pistes rurales.
Le troisième défi est lié à la cohérence des politiques publiques. Si on veut développer une agro-industrie dans l’Union, nous devons être en cohérence avec les politiques commerciales qui ne facilitent pas le désarmement tarifaire.
Parce que quand on est confronté avec des industries déjà matures, elles ont des coûts variables quasiment nuls alors que nous, nous avons des industries dans l’enfance avec des coûts fixes élevés.
La question de la cohérence des politiques publiques est fondamentale. Est-ce que notre politique agricole est en phase avec notre politique commerciale, avec notre politique budgétaire, avec notre politique monétaire ?
Ce sont là des éléments qui peuvent aider à une bonne relecture de notre politique agricole et à tracer le sillon pour nouvelle une politique agricole de l’Union sur la base des éléments actuels.
Vous avez parlé des changements climatiques. La recherche pourrait jouer un rôle important en ce sens…
Nous devons travailler plus avec nos instituts nationaux et régionaux de recherche agricole. La recherche est le parent pauvre des financements publics dans les Etats et même au niveau des organismes supranationaux parce que les résultats des recherches sont aléatoires et l’impact de la recherche est à moyen-long terme. Ce qui fait qu’on n’a pas d’attraction du privé vers ce type d’activité.
La Commission de l’Uemoa fait un travail remarquable d’efforts de coordination pour qu’il y ait des externalités positives.
Nous avons comme ambition de continuer à financer les centres régionaux d’excellence afin que les résultats de la recherche puissent rapidement être mis à l’échelle permettant ainsi aux populations d’en bénéficier.
Propos recueillis par Bassirou MBAYE, envoyé spécial à Ouagadougou