Depuis 1990, la déforestation a fait disparaître au moins 420 millions d'hectares de forêts dans le monde, ce qui a accéléré la perte de biodiversité et alimenté la volatilité du climat. Les ressources en eau douce ont diminué si rapidement – en raison de la hausse des températures, de la mauvaise gestion des eaux souterraines, de l'intrusion d'eau salée, de la pollution, de la dégradation des sols et de l'augmentation de la densité de population – que la demande devrait dépasser l'offre de 40 % d'ici à 2030. Par ailleurs, les populations d'animaux sauvages dans les habitats d'eau douce ont chuté de 85 % entre 1970 et 2020.
Le paradoxe est que nous continuons à dégrader les systèmes qui soutiennent la vie sur Terre alors que nous connaissons mieux que jamais leur fragilité. Dans notre recherche de solutions, nous nous tournons souvent vers la technologie – en particulier l'intelligence artificielle – comme panacée. Cependant, l'intelligence artificielle ne peut à elle seule sauver la planète. Nous devons plutôt nous assurer que l'IA complète les capacités humaines, plutôt que de les remplacer, afin de réaliser son plein potentiel.
Si les modèles d'IA peuvent identifier des schémas, ils utilisent souvent des données incomplètes ou biaisées, et manquent donc d'un contexte important. C'est là qu'intervient "l’intelligence augmentée". Elle associe des algorithmes puissants aux connaissances humaines et à l'expérience vécue afin de garantir que ces outils avancés tiennent compte des considérations culturelles, économiques et écologiques.
Par exemple, les communautés indigènes ont appris à gérer les ressources de manière durable en suivant les cycles de la nature et en observant l'environnement depuis des siècles. Cette expertise peut aider à révéler des tendances subtiles que les données ne parviennent pas à saisir, et garantir ainsi que la technologie réponde à des besoins réels. L'utilisation des connaissances autochtones et des données scientifiques a permis d'obtenir une image plus précise des populations d'ours polaires dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada Un modèle piloté par l'IA et tenant compte de ces connaissances traditionnelles a, lui, aidé les communautés inuites de l'Arctique à identifier de nouvelles zones de pêche dans un contexte de changement climatique.
Les populations autochtones ne sont pas les seules à disposer d'informations précieuses. Les communautés locales et les acteurs du secteur privé, qu'il s'agisse de petits exploitants agricoles ou d'entreprises multinationales, accumulent des données spécifiques à chaque site lorsqu'ils réagissent aux sécheresses, adoptent des pratiques agricoles régénératrices, investissent dans des projets de biodiversité et décarbonisent leurs chaînes d'approvisionnement. Le partage de ces connaissances, qui reflètent les traditions culturelles et les réalités économiques et sont enrichies par le jugement humain, renforce les données sur lesquelles s'appuient les modèles d'IA. Les humains et les machines apprennent les uns des autres, et créent ainsi une boucle de rétroaction qui conduit à des solutions plus efficaces.
Une plus grande ouverture favorise la confiance, ce qui accélère l'adoption et le perfectionnement des outils d'IA. D'ici peu, la volonté de partager les données, les connaissances et les innovations sera considérée comme une marque de leadership et de prestige, plutôt que comme un risque. Ceux qui prônent le partage des données faciliteront le progrès collectif, en faisant preuve de la coopération et de la sagesse nécessaires pour nous guider vers une planète sûre et saine.
L'intelligence augmentée devrait être au cœur des stratégies mondiales de conservation de la biodiversité, et d'atténuation ou d'adaptation au changement climatique. Les décideurs politiques peuvent prendre des mesures pour combler le fossé entre les innovateurs numériques et les gestionnaires locaux de l'environnement. Les entreprises peuvent aligner leurs investissements sur des objectifs favorables à la nature et partager les connaissances qui en résultent. Les innovateurs peuvent créer des outils accessibles qui tiennent compte des contextes culturels et des contributions des communautés, et transformer ainsi les interventions descendantes en efforts agiles, réactifs et collaboratifs.
Lorsque les dirigeants politiques et les cadres se réuniront à Davos, ils devront reconnaître que la technologie n'est pas la panacée pour lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité. Sans accompagnement humain – renforcé par notre capacité d'empathie, de compréhension culturelle et de raisonnement éthique –, il sera impossible de libérer le potentiel de l'IA. À l'ère de l'intelligence, l'association d'outils avancés et d'expériences vécues nous permettra de transcender la mentalité à somme nulle qui oppose les hommes aux machines.
Yana Gevorgyan est directrice du secrétariat du Groupe sur l'observation de la Terre.
© Project Syndicate 1995–2025
Le paradoxe est que nous continuons à dégrader les systèmes qui soutiennent la vie sur Terre alors que nous connaissons mieux que jamais leur fragilité. Dans notre recherche de solutions, nous nous tournons souvent vers la technologie – en particulier l'intelligence artificielle – comme panacée. Cependant, l'intelligence artificielle ne peut à elle seule sauver la planète. Nous devons plutôt nous assurer que l'IA complète les capacités humaines, plutôt que de les remplacer, afin de réaliser son plein potentiel.
Si les modèles d'IA peuvent identifier des schémas, ils utilisent souvent des données incomplètes ou biaisées, et manquent donc d'un contexte important. C'est là qu'intervient "l’intelligence augmentée". Elle associe des algorithmes puissants aux connaissances humaines et à l'expérience vécue afin de garantir que ces outils avancés tiennent compte des considérations culturelles, économiques et écologiques.
Par exemple, les communautés indigènes ont appris à gérer les ressources de manière durable en suivant les cycles de la nature et en observant l'environnement depuis des siècles. Cette expertise peut aider à révéler des tendances subtiles que les données ne parviennent pas à saisir, et garantir ainsi que la technologie réponde à des besoins réels. L'utilisation des connaissances autochtones et des données scientifiques a permis d'obtenir une image plus précise des populations d'ours polaires dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada Un modèle piloté par l'IA et tenant compte de ces connaissances traditionnelles a, lui, aidé les communautés inuites de l'Arctique à identifier de nouvelles zones de pêche dans un contexte de changement climatique.
Les populations autochtones ne sont pas les seules à disposer d'informations précieuses. Les communautés locales et les acteurs du secteur privé, qu'il s'agisse de petits exploitants agricoles ou d'entreprises multinationales, accumulent des données spécifiques à chaque site lorsqu'ils réagissent aux sécheresses, adoptent des pratiques agricoles régénératrices, investissent dans des projets de biodiversité et décarbonisent leurs chaînes d'approvisionnement. Le partage de ces connaissances, qui reflètent les traditions culturelles et les réalités économiques et sont enrichies par le jugement humain, renforce les données sur lesquelles s'appuient les modèles d'IA. Les humains et les machines apprennent les uns des autres, et créent ainsi une boucle de rétroaction qui conduit à des solutions plus efficaces.
Une plus grande ouverture favorise la confiance, ce qui accélère l'adoption et le perfectionnement des outils d'IA. D'ici peu, la volonté de partager les données, les connaissances et les innovations sera considérée comme une marque de leadership et de prestige, plutôt que comme un risque. Ceux qui prônent le partage des données faciliteront le progrès collectif, en faisant preuve de la coopération et de la sagesse nécessaires pour nous guider vers une planète sûre et saine.
L'intelligence augmentée devrait être au cœur des stratégies mondiales de conservation de la biodiversité, et d'atténuation ou d'adaptation au changement climatique. Les décideurs politiques peuvent prendre des mesures pour combler le fossé entre les innovateurs numériques et les gestionnaires locaux de l'environnement. Les entreprises peuvent aligner leurs investissements sur des objectifs favorables à la nature et partager les connaissances qui en résultent. Les innovateurs peuvent créer des outils accessibles qui tiennent compte des contextes culturels et des contributions des communautés, et transformer ainsi les interventions descendantes en efforts agiles, réactifs et collaboratifs.
Lorsque les dirigeants politiques et les cadres se réuniront à Davos, ils devront reconnaître que la technologie n'est pas la panacée pour lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité. Sans accompagnement humain – renforcé par notre capacité d'empathie, de compréhension culturelle et de raisonnement éthique –, il sera impossible de libérer le potentiel de l'IA. À l'ère de l'intelligence, l'association d'outils avancés et d'expériences vécues nous permettra de transcender la mentalité à somme nulle qui oppose les hommes aux machines.
Yana Gevorgyan est directrice du secrétariat du Groupe sur l'observation de la Terre.
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