La fusion Publicis-Omnicom tombe à l'eau

Samedi 10 Mai 2014

C'est l'histoire d'un échec monumental. Un soir de l'été 2013, Maurice Lévy, le président du directoire de Publicis, et John Wren, le PDG de son concurrent Omnicom, annonçaient leur « fusion entre égaux ». La photographie du mariage entre les numéros 2 et 3 du secteur faisait le tour des médias : les deux magnats de la publicité, trinquant au champagne sur les toits de Publicis, sur fond d'Arc de triomphe.


La fusion Publicis-Omnicom tombe à l'eau
Les deux groupes devaient former  le leader mondial de la publicité, employant 130 000 personnes dans le monde pour un chiffre d'affaires d'une vingtaine de milliards d'euros, dépassant ainsi le britannique WPP.
Neuf mois plus tard, c'est le divorce. Dans un communiqué commun publié vendredi 9 mai, les deux groupes annoncent « mettre  un terme à leur projet (…) compte tenu des difficultés à réaliser  cette opération dans des délais raisonnables »« Nous avons donc décidé ensemble de reprendre  notre route de manière indépendante, déclarent MM. Lévy et Wren. Nous resterons bien sûr des concurrents tout en conservant l'un pour l'autre un très grand respect. »
Pourquoi une décision aussi exceptionnelle ? Manifestement, les deux directions ne se sont pas accordées sur les termes de l'« équilibre » à trouver  entre les deux compagnies. Depuis juillet 2013, la recherche de cet « équilibre » a occasionné de multiples frictions entre les deux parties, faisant progressivement resurgir  chez chacun la crainte d'être  absorbé par l'autre. Selon le Wall Street Journal, cette méfiance a fini par devenir  une « bataille de titans » entre MM. Lévy et Wren.
Ces dernières semaines, il semble que le désaccord se soit cristallisé sur un point précis : le choix du directeur financier. Pour Omnicom, le poste devait revenir  à son actuel « CFO », Randy Weisenburger. L'américain, dont le chiffre d'affaires est supérieur, y trouvait une forme de compensation à la prépondérance de Publicis dans la gouvernance du nouvel ensemble. Mais, aux yeux du français, ce point n'était pas négociable et le poste devait revenir  à son directeur financier, Jean-Michel Etienne.
Cette divergence est venue s'ajouter  aux difficultés antérieures. D'abord, la question de savoir  quel groupe allait techniquement acheter  l'autre. Puis la localisation fiscale de l'entité fusionnée, qui devait être  Amsterdam – conformément au choix de Maurice Lévy – avant que la piste de Londres ne soit explorée. Enfin, des réserves exprimées par l'autorité de la concurrence chinoise.
Autant de noeuds qui ont montré que derrière le slogan de la « fusion entre égaux », bien pratique pour ne froisser  aucune sensibilité nationale, des questions majeures n'avaient pas été clairement posées ou réglées entre les deux fiancés.
LA SUCCESSION DE M. LÉVY EN QUESTION
Cet échec rejaillit inévitablement sur Maurice Lévy, qui voulait en faire  le point d'orgue de son parcours hors norme. A l'issue d'une codirection de trente mois, il serait devenu, à 75 ans, le président non exécutif du nouvel ensemble. Le second actionnaire de Publicis réfute que le projet de fusion ait eu des motivations fiscales.
Mais son annulation relance la délicate question de sa succession, à laquelle la fusion avec Omnicom apportait une solution. Selon M. Lévy, cette succession sera « le prochain dossier que prendra le conseil de surveillance ».
Au-delà de son président, cet échec porte aussi un coup d'arrêt à l'inexorable croissance de Publicis, qui a grandi à coups d'acquisitions tout au long des années 2000 (Saatchi & Saatchi, Digitas, Razorfish…).
Depuis juillet 2013, MM. Lévy et Wren n'ont cessé de défendre  leur mariage comme la seule façon de résister  à la concurrence nouvelle des grands acteurs du Web, notamment Google, devenu en quelques années une gigantesque régie d'envergure mondiale. « Nous pourrons unir  nos forces pour investir, sachant que les géants du Net ont des capacités considérables en la matière, expliquait alors M. Lévy. Omnicom et Publicis investissent à peu près autant chaque année, mais il y a parfois des doublons. »
Les deux groupes vont désormais devoir  assumer  qu'ils conservent leur taille actuelle, sur un marché publicitaire qui demeure déprimé. Publicis a certes connu en 2013 une année record en termes de bénéfice net (816 millions d'euros, en progression de 11,5 % sur un an) et de chiffre d'affaires, mais sa croissance organique est restée poussive en raison d'un mauvais quatrième trimestre dans les pays émergents. Vendredi matin à 9 h 30, son cours de Bourse  était en repli de 0,64 %.
Martin Sorrell, le président du leader mondial WPP, ne peut s'empêcher  d'ironiser sur le discours de ses  deux rivaux cherchant à dédramatiser  leur séparation. « Pourquoi ont-ils monté cet accord de fusion s'ils se portent si bien séparément ? », a-t-il lancé dans un entretien à Ad Age.
Lemonde.fr
Actu-Economie


Nouveau commentaire :


Dans la même rubrique :
< >

Samedi 21 Septembre 2024 - 11:35 Afrique de l'Ouest : L'AN I de l'AES

Actu-Economie | Entreprise & Secteurs | Dossiers | Grand-angle | Organisations sous-régionales | IDEE | L'expression du jour




En kiosque.














Inscription à la newsletter