Un certain nombre de données économiques concluent à l’existence d’une économie globale plus fébrile qu’elle ne l’a jamais été au cours des deux dernières années. Le capitalisme peine à générer une demande adéquate. Richesses et revenus sont de plus en plus concentrés, tandis que les revenus de la classe moyenne au sein des pays développés font face à une stagnation. L’évasion fiscale à laquelle se livrent les multinationales affaiblit les recettes des pays en voie de développement, limitant leur capacité d’investissement en faveur de l’enseignement et des infrastructures. Tout ceci vient s’ajouter à la nécessité d’agir encore plus activement face à cette problématique la plus urgente et la plus structurellement fragilisante de toutes que constitue le changement climatique.
Nombre des plus grands économistes et responsables politiques prévoient une persistance de cette pénombre économique. Stephen Roach a fait valoir qu’au sein de l’économie mondiale d’après-crise, [« la rechute constitu[ait] la norme. »]url:http://www.project-syndicate.org/commentary/stephen-s--roach-warns-that-anemic-growth-is-leaving-developed-economies-vulnerable-to-a-recessionary-relapse L’économiste Brad DeLong, évoquant les « conséquences d’une moindre dépression, » a expliqué que la prétendue reprise de la zone euro n’était qu’une illusion. Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a quant à lui non seulement reconnu la nécessité d’une réforme structurelle, mais également celle d’une expansion budgétaire afin de dynamiser la demande globale.
Au cœur de leurs inquiétudes réside un manque de demande durable nécessaire à la croissance. Bien que des réformes structurelles – notamment dans le secteur de l’offre – soient nécessaires au sein des pays développés et en voie de développement, elles ne sauraient suffire à résoudre ce que l’ancien Secrétaire au Trésor américain Larry Summers a qualifié de « stagnation séculaire » – à savoir la difficulté consistant à entretenir une demande suffisante pour générer des niveaux de production normaux.
Ainsi le G20 a-t-il pour principale tâche d’instaurer le cadre d’une croissance dynamique et durable. Il est nécessaire que les États membres mettent en œuvre des réformes susceptibles de satisfaire à un objectif de croissance annuelle de 2 %, tel que convenu cette année par les ministres des Finances.
L’une des réformes structurelles susceptibles de promouvoir la croissance globale consisterait en un investissement substantiel en infrastructures, dans les pays en voie de développement comme dans les plus développés. Malheureusement, aucun dirigeant du G20 ne semble s’être intéressé sérieusement à cette nécessité, sans parler de la proposition de quelque solution en la matière. Outre la présentation d’un possible programme pilote en infrastructures de la part de la Banque mondiale, rares sont les éléments nous permettant de penser que l’objectif des 2 % pourrait être atteint à moyen terme.
Il incomberait aux États du G20, notamment ceux présentant de solides bilans, d’en appeler à une démarche d’investissement de grande ampleur, en faveur des infrastructures publiques et privées, afin de développer la capacité de production des économies membres. En matière d’évasion fiscale, il est nécessaire que les discussions s’étendent au-delà des économies développées ; comme l’a en effet souligné le Fonds monétaire international, les budgets des économies en voie de développement se trouvent disproportionnellement affectés par les stratégies comptables des multinationales fraudeuses.
Seulement voilà, à en juger par les initiatives annoncées dans le cadre de l’agenda de Brisbane, il semble que le sommet s’oriente vers une approche fort peu différente de celle des rassemblements précédents. Si le G20 échoue à joindre la parole à une véritable action politique, il pourrait bien s’en trouver affaibli, et ne plus être pris au sérieux. Sa crédibilité même est aujourd’hui en jeu. Certains au sein des pays en voie de développement préféreraient en effet avoir affaire à une entité plus réduite et plus exclusive – comme à un G14, voire à un nouveau G7. Or, une telle évolution ne serait pas dans l’intérêt des pays émergents, et notamment de la région Asie-Pacifique, qui compte en son sein l’Australie.
L’une des raisons pour lesquelles certains souhaitent voir exister un groupe plus restreint réside en ce que le G20 a tendance à peiner dans l’instauration d’un consensus. Il s’agit pour autant d’un argument hors de propos : si le G20 éprouve des difficultés à s’entendre, c’est précisément parce que tous les principaux dirigeants (représentant près de deux tiers de la population de la planète, pour 80 % du PIB mondial), et dont le consentement est nécessaire à toute décision véritablement globale, sont présents dans la pièce.
C’est pourquoi il est nécessaire que le sommet de Brisbane renoue avec le dynamisme dont il avait fait preuve en 2008 et en 2009, au plus haut de la crise financière. Il est indispensable que cette entité soit conduite par les États-Unis et les autres économies développées, et soutenue par les principales économies émergentes.
En tant que pays organisateur, l’Australie a un rôle clé à jouer. Elle suscite le respect des pays développés comme des économies émergentes, conciliant bien souvent l’intérêt des deux camps, étant par ailleurs largement considérée comme faisant preuve d’honnêteté dans ses négociations.
Malheureusement, le gouvernement actuel s’est jusqu’à présent peu exprimé autour des difficultés structurelles considérables qui sous-tendent le malaise économique mondial, n’y proposant que peu de solutions précisément en raison d’une faible considération de sa part à l’endroit du secteur public. Pire encore, alors même que de plus en plus de pays développés et émergents commencent à s’intéresser sérieusement à la question du changement climatique, l’Australie s’oriente pour sa part dans une direction opposée.
Le sommet de Brisbane constituera une mise à l’épreuve cruciale pour l’Australie, pour le G20, ainsi que sur le chemin d’une coordination politique véritablement globale.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Wayne Swan, ancien vice-premier ministre et secrétaire-trésorier australien, a régulièrement participé aux rassemblements des ministres des Finances du G20. Son ouvrage le plus récent s’intitule The Good Fight: Six years, two prime ministers and staring down the Great Recession.
Nombre des plus grands économistes et responsables politiques prévoient une persistance de cette pénombre économique. Stephen Roach a fait valoir qu’au sein de l’économie mondiale d’après-crise, [« la rechute constitu[ait] la norme. »]url:http://www.project-syndicate.org/commentary/stephen-s--roach-warns-that-anemic-growth-is-leaving-developed-economies-vulnerable-to-a-recessionary-relapse L’économiste Brad DeLong, évoquant les « conséquences d’une moindre dépression, » a expliqué que la prétendue reprise de la zone euro n’était qu’une illusion. Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a quant à lui non seulement reconnu la nécessité d’une réforme structurelle, mais également celle d’une expansion budgétaire afin de dynamiser la demande globale.
Au cœur de leurs inquiétudes réside un manque de demande durable nécessaire à la croissance. Bien que des réformes structurelles – notamment dans le secteur de l’offre – soient nécessaires au sein des pays développés et en voie de développement, elles ne sauraient suffire à résoudre ce que l’ancien Secrétaire au Trésor américain Larry Summers a qualifié de « stagnation séculaire » – à savoir la difficulté consistant à entretenir une demande suffisante pour générer des niveaux de production normaux.
Ainsi le G20 a-t-il pour principale tâche d’instaurer le cadre d’une croissance dynamique et durable. Il est nécessaire que les États membres mettent en œuvre des réformes susceptibles de satisfaire à un objectif de croissance annuelle de 2 %, tel que convenu cette année par les ministres des Finances.
L’une des réformes structurelles susceptibles de promouvoir la croissance globale consisterait en un investissement substantiel en infrastructures, dans les pays en voie de développement comme dans les plus développés. Malheureusement, aucun dirigeant du G20 ne semble s’être intéressé sérieusement à cette nécessité, sans parler de la proposition de quelque solution en la matière. Outre la présentation d’un possible programme pilote en infrastructures de la part de la Banque mondiale, rares sont les éléments nous permettant de penser que l’objectif des 2 % pourrait être atteint à moyen terme.
Il incomberait aux États du G20, notamment ceux présentant de solides bilans, d’en appeler à une démarche d’investissement de grande ampleur, en faveur des infrastructures publiques et privées, afin de développer la capacité de production des économies membres. En matière d’évasion fiscale, il est nécessaire que les discussions s’étendent au-delà des économies développées ; comme l’a en effet souligné le Fonds monétaire international, les budgets des économies en voie de développement se trouvent disproportionnellement affectés par les stratégies comptables des multinationales fraudeuses.
Seulement voilà, à en juger par les initiatives annoncées dans le cadre de l’agenda de Brisbane, il semble que le sommet s’oriente vers une approche fort peu différente de celle des rassemblements précédents. Si le G20 échoue à joindre la parole à une véritable action politique, il pourrait bien s’en trouver affaibli, et ne plus être pris au sérieux. Sa crédibilité même est aujourd’hui en jeu. Certains au sein des pays en voie de développement préféreraient en effet avoir affaire à une entité plus réduite et plus exclusive – comme à un G14, voire à un nouveau G7. Or, une telle évolution ne serait pas dans l’intérêt des pays émergents, et notamment de la région Asie-Pacifique, qui compte en son sein l’Australie.
L’une des raisons pour lesquelles certains souhaitent voir exister un groupe plus restreint réside en ce que le G20 a tendance à peiner dans l’instauration d’un consensus. Il s’agit pour autant d’un argument hors de propos : si le G20 éprouve des difficultés à s’entendre, c’est précisément parce que tous les principaux dirigeants (représentant près de deux tiers de la population de la planète, pour 80 % du PIB mondial), et dont le consentement est nécessaire à toute décision véritablement globale, sont présents dans la pièce.
C’est pourquoi il est nécessaire que le sommet de Brisbane renoue avec le dynamisme dont il avait fait preuve en 2008 et en 2009, au plus haut de la crise financière. Il est indispensable que cette entité soit conduite par les États-Unis et les autres économies développées, et soutenue par les principales économies émergentes.
En tant que pays organisateur, l’Australie a un rôle clé à jouer. Elle suscite le respect des pays développés comme des économies émergentes, conciliant bien souvent l’intérêt des deux camps, étant par ailleurs largement considérée comme faisant preuve d’honnêteté dans ses négociations.
Malheureusement, le gouvernement actuel s’est jusqu’à présent peu exprimé autour des difficultés structurelles considérables qui sous-tendent le malaise économique mondial, n’y proposant que peu de solutions précisément en raison d’une faible considération de sa part à l’endroit du secteur public. Pire encore, alors même que de plus en plus de pays développés et émergents commencent à s’intéresser sérieusement à la question du changement climatique, l’Australie s’oriente pour sa part dans une direction opposée.
Le sommet de Brisbane constituera une mise à l’épreuve cruciale pour l’Australie, pour le G20, ainsi que sur le chemin d’une coordination politique véritablement globale.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Wayne Swan, ancien vice-premier ministre et secrétaire-trésorier australien, a régulièrement participé aux rassemblements des ministres des Finances du G20. Son ouvrage le plus récent s’intitule The Good Fight: Six years, two prime ministers and staring down the Great Recession.