Selon ces auteurs, les nations peuvent classées en deux catégories : des économies extractives et des économies inclusives. En général, les économies extractives sont le fruit d’institutions politiques extractives. Ces auteurs définissent une économie extractive comme étant un système économique où les droits et libertés ne sont pas respectées et où la majeure partie de populations ne profitent pas des fruits du progrès économique. Les avantages économiques sont donc accaparés par une élite au détriment de la majorité de la population. À l’opposé, une économie inclusive est alors tout le contraire d’une économie extractive.
L’originalité de l’approche de ces auteurs, c’est le lien qu’ils établissent entre les institutions (politiques, économiques et sociales), la croissance et la prospérité. Une de leurs théories essentielles est que seules les économies inclusives conduisent à la prospérité à long terme. En effet, ils soutiennent que les économies inclusives ont la capacité de protéger la propriété privée et les libertés individuelles, mais également de libérer et d’encourager les initiatives individuelles, l’innovation et la créativité. Ces caractéristiques intrinsèques permettent donc de pérenniser le processus cumulatif de création de richesse. Toutefois, il convient de préciser que cette distinction transcende les oppositions idéologiques; car une démocratie peut être extractive, alors qu’une autocratie peut être inclusive à court terme.
Le but visé à travers cette contribution n’est pas de passer au crible les institutions du Sénégal, mais de susciter la réflexion, sur le caractère extractif ou inclusif de notre économie, à la lumière d’indicateurs socioéconomiques. Dans une première étape, nous rappellerons certaines réalités, à partir des chiffres clés sur les performances économiques du Sénégal au cours des dernières années. Ensuite, nous donnerons quelques pistes sur les moyens de poser un diagnostic serein afin de prendre les mesures nécessaires.
Ces chiffres que nous passons assez souvent sous silence
Il serait intéressant de rappeler quelques chiffres sur la situation socioéconomique du pays que nous avons tendance à passer souvent sous silence. Nous avons le droit de ne pas être en accord avec la méthodologie utilisée pour calculer ces indicateurs, mais ces derniers reflètent très souvent la réalité. Pour le cas du Sénégal, nous allons en citer quelques uns. Le premier indicateur que citerons est l’Indice de Développement Humain(IDH) qui est publié par le Programme des Nations Unis pour le Développement. Il classe le Sénégal au 154ème rang sur 185 pays. Un autre indicateur très important est celui qui est publié par ‘’the Economic Freedom of the World Report ’’ de l’institut Fraser basé au Canada avec la collaboration de l’institut Cato des Etats-unis. Il donne une idée sur le degré des libertés économiques. Cet indicateur attribue la 123ème place au Sénégal sur un échantillon de 144 pays. Transparency International ne présente pas également une meilleure image du Sénégal. En effet, selon l’indice de perception de la corruption publié par cette institution, notre pays occupait en 2012, la 94ème sur 174 pays.
Sur le plan purement économique, les chiffres ne sont guère plus reluisants. Nous savons que le Sénégal n’a jamais été un pays à fort taux de croissance, mais le fait qu’il continue à enregistrer des résultats moins élevés que les autres pays de l’UEMOA devient de plus en plus inquiétant. À titre d’exemple, le taux de croissance du PIB réel en 2012 est 3.7% alors que la moyenne de l’UEMAO pour cette même année a été de 5.8%. Sur le plan de l’emploi, le système économique peine à absorber une bonne partie de main d’œuvre active. Le taux chômage tourne actuellement autour de 48%. Ces contreperformances économiques, nous ont valu de très mauvaises positions dans le classement des nations. Selon la Banque Mondiale, pour le Produit Intérieur Brut (PIB) en Parité Pouvoir d’Achat (PPA) le Sénégal occupait en 2012 le 150ème sur 180 pays.
Les statistiques nationales sur les conditions de vie présentent également une situation plus alarmante. En effet, selon la banque de données des indicateurs sociaux de L'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) 34% des Sénégalais vivent avec moins de 1.25$ US par jour (soit 498 Franc CFA environ). En raison des conditions de vie difficiles, l’espérance de vie (60 ans en 2011) fait partie des plus faibles au monde, et le taux de mortalité infantile 53.93‰ (53.93 pour 1000) en 2013. La liste est longue, mais ces quelques statistiques nous donnent amplement une idée sur le résultat des politiques économiques et sociales mises en œuvre depuis les indépendances.
Mon point de vue
Aborder dans un article, tous les aspects pertinents permettant de donner une réponse rigoureuse à la question posée ci-dessus n’est pas chose facile. J’admets également, qu’en raison des divergences idéologiques et politiques, il n’est pas aisé de trouver un consensus sur chaque critère permettant la classification des économies, selon Acemoglu et Robinson. Toutefois, les statistiques nationales nous donnent, au bout de la ligne, une idée sur les résultats des politiques qui ont été mises en œuvre. En effet, grâce aux indicateurs statistiques, notamment leurs capacités de résumer de façon synthétique des réalités complexes, nous pouvons en toute honnêteté, nous forger une opinion. L’examen des chiffres susmentionnés établissent clairement que le Sénégal est loin d’être un pays de cocagne. Toutefois, répondre à cette question uniquement sur la base de l’analyse d’indicateurs socioéconomiques me semble simpliste et hasardeux. En effet, la réponse à cette question va, au-delà de mes champs de compétence- l’Économie et la Finance. J’adopterai alors, à l’image de Sogué Diarrisso, la même posture humble dans l’analyse des difficultés que nous vivons. Après avoir supervisé plusieurs équipes chargés d’élaborer certains documents stratégies de développement pour le compte du Gouvernement du Sénégal et ayant participé à une bonne partie des missions de négociation importantes avec les partenaires au développement, au cours des dernières années, il a compris que les bases de notre développement doivent être fondées sur certains éléments fondamentaux de notre culture. Il en a décliné certains dans son remarquable ouvrage intitulé ‘’mémoires pour l’espoir’’. Le symbole est très fort, car ce n’est pas un sociologue, un anthropologue ou un philosophe, qui arrive à cette constatation, mais un Statisticien et un Économiste. Connaissant la puissance de la croyance des économistes, aux capacités allocationnelles et d’autorégulation du marché, il a fallu une grande humilité et un grand discernement pour arriver à cette conclusion. En fait, c’est tout un paradigme qu’il remet en cause. Ce livre constitue à mon avis un point de départ pour la réflexion sur les préalables avant mêmes les réformes économiques. En effet, il peut orienter les axes de réflexion durant cette phase de ‘’déconstruction constructive’’, qu’il propose en substance dans son ouvrage.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, répondre à cette question ne me paraît pas dénué d’intérêt, car cela peut constituer le point de départ de toutes réformes structurelles. Pour ma part, j’ai donné les informations pour rappeler et sensibiliser sur la place que nous occupons dans le concert des nations. Sogué Diarrisso a fourni dans le livre précédemment cité, des pistes de solutions pour des réformes structurelles de notre société. Je laisserai donc le soin à chaque lecteur de donner son point de vue, selon son expertise, pour une meilleure analyse et une compréhension plus globale de la situation socioéconomique du pays. Espérons tout simplement, qu’un jour les autorités politiques prendront au sérieux toutes ces réflexions et recommandations émanant des intellectuels et chercheurs basés au Sénégal et de la diaspora.
Badara Diouf Niasse
Économiste-Financier, Montréal.
niassebadara@hotmail.com
L’originalité de l’approche de ces auteurs, c’est le lien qu’ils établissent entre les institutions (politiques, économiques et sociales), la croissance et la prospérité. Une de leurs théories essentielles est que seules les économies inclusives conduisent à la prospérité à long terme. En effet, ils soutiennent que les économies inclusives ont la capacité de protéger la propriété privée et les libertés individuelles, mais également de libérer et d’encourager les initiatives individuelles, l’innovation et la créativité. Ces caractéristiques intrinsèques permettent donc de pérenniser le processus cumulatif de création de richesse. Toutefois, il convient de préciser que cette distinction transcende les oppositions idéologiques; car une démocratie peut être extractive, alors qu’une autocratie peut être inclusive à court terme.
Le but visé à travers cette contribution n’est pas de passer au crible les institutions du Sénégal, mais de susciter la réflexion, sur le caractère extractif ou inclusif de notre économie, à la lumière d’indicateurs socioéconomiques. Dans une première étape, nous rappellerons certaines réalités, à partir des chiffres clés sur les performances économiques du Sénégal au cours des dernières années. Ensuite, nous donnerons quelques pistes sur les moyens de poser un diagnostic serein afin de prendre les mesures nécessaires.
Ces chiffres que nous passons assez souvent sous silence
Il serait intéressant de rappeler quelques chiffres sur la situation socioéconomique du pays que nous avons tendance à passer souvent sous silence. Nous avons le droit de ne pas être en accord avec la méthodologie utilisée pour calculer ces indicateurs, mais ces derniers reflètent très souvent la réalité. Pour le cas du Sénégal, nous allons en citer quelques uns. Le premier indicateur que citerons est l’Indice de Développement Humain(IDH) qui est publié par le Programme des Nations Unis pour le Développement. Il classe le Sénégal au 154ème rang sur 185 pays. Un autre indicateur très important est celui qui est publié par ‘’the Economic Freedom of the World Report ’’ de l’institut Fraser basé au Canada avec la collaboration de l’institut Cato des Etats-unis. Il donne une idée sur le degré des libertés économiques. Cet indicateur attribue la 123ème place au Sénégal sur un échantillon de 144 pays. Transparency International ne présente pas également une meilleure image du Sénégal. En effet, selon l’indice de perception de la corruption publié par cette institution, notre pays occupait en 2012, la 94ème sur 174 pays.
Sur le plan purement économique, les chiffres ne sont guère plus reluisants. Nous savons que le Sénégal n’a jamais été un pays à fort taux de croissance, mais le fait qu’il continue à enregistrer des résultats moins élevés que les autres pays de l’UEMOA devient de plus en plus inquiétant. À titre d’exemple, le taux de croissance du PIB réel en 2012 est 3.7% alors que la moyenne de l’UEMAO pour cette même année a été de 5.8%. Sur le plan de l’emploi, le système économique peine à absorber une bonne partie de main d’œuvre active. Le taux chômage tourne actuellement autour de 48%. Ces contreperformances économiques, nous ont valu de très mauvaises positions dans le classement des nations. Selon la Banque Mondiale, pour le Produit Intérieur Brut (PIB) en Parité Pouvoir d’Achat (PPA) le Sénégal occupait en 2012 le 150ème sur 180 pays.
Les statistiques nationales sur les conditions de vie présentent également une situation plus alarmante. En effet, selon la banque de données des indicateurs sociaux de L'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) 34% des Sénégalais vivent avec moins de 1.25$ US par jour (soit 498 Franc CFA environ). En raison des conditions de vie difficiles, l’espérance de vie (60 ans en 2011) fait partie des plus faibles au monde, et le taux de mortalité infantile 53.93‰ (53.93 pour 1000) en 2013. La liste est longue, mais ces quelques statistiques nous donnent amplement une idée sur le résultat des politiques économiques et sociales mises en œuvre depuis les indépendances.
Mon point de vue
Aborder dans un article, tous les aspects pertinents permettant de donner une réponse rigoureuse à la question posée ci-dessus n’est pas chose facile. J’admets également, qu’en raison des divergences idéologiques et politiques, il n’est pas aisé de trouver un consensus sur chaque critère permettant la classification des économies, selon Acemoglu et Robinson. Toutefois, les statistiques nationales nous donnent, au bout de la ligne, une idée sur les résultats des politiques qui ont été mises en œuvre. En effet, grâce aux indicateurs statistiques, notamment leurs capacités de résumer de façon synthétique des réalités complexes, nous pouvons en toute honnêteté, nous forger une opinion. L’examen des chiffres susmentionnés établissent clairement que le Sénégal est loin d’être un pays de cocagne. Toutefois, répondre à cette question uniquement sur la base de l’analyse d’indicateurs socioéconomiques me semble simpliste et hasardeux. En effet, la réponse à cette question va, au-delà de mes champs de compétence- l’Économie et la Finance. J’adopterai alors, à l’image de Sogué Diarrisso, la même posture humble dans l’analyse des difficultés que nous vivons. Après avoir supervisé plusieurs équipes chargés d’élaborer certains documents stratégies de développement pour le compte du Gouvernement du Sénégal et ayant participé à une bonne partie des missions de négociation importantes avec les partenaires au développement, au cours des dernières années, il a compris que les bases de notre développement doivent être fondées sur certains éléments fondamentaux de notre culture. Il en a décliné certains dans son remarquable ouvrage intitulé ‘’mémoires pour l’espoir’’. Le symbole est très fort, car ce n’est pas un sociologue, un anthropologue ou un philosophe, qui arrive à cette constatation, mais un Statisticien et un Économiste. Connaissant la puissance de la croyance des économistes, aux capacités allocationnelles et d’autorégulation du marché, il a fallu une grande humilité et un grand discernement pour arriver à cette conclusion. En fait, c’est tout un paradigme qu’il remet en cause. Ce livre constitue à mon avis un point de départ pour la réflexion sur les préalables avant mêmes les réformes économiques. En effet, il peut orienter les axes de réflexion durant cette phase de ‘’déconstruction constructive’’, qu’il propose en substance dans son ouvrage.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, répondre à cette question ne me paraît pas dénué d’intérêt, car cela peut constituer le point de départ de toutes réformes structurelles. Pour ma part, j’ai donné les informations pour rappeler et sensibiliser sur la place que nous occupons dans le concert des nations. Sogué Diarrisso a fourni dans le livre précédemment cité, des pistes de solutions pour des réformes structurelles de notre société. Je laisserai donc le soin à chaque lecteur de donner son point de vue, selon son expertise, pour une meilleure analyse et une compréhension plus globale de la situation socioéconomique du pays. Espérons tout simplement, qu’un jour les autorités politiques prendront au sérieux toutes ces réflexions et recommandations émanant des intellectuels et chercheurs basés au Sénégal et de la diaspora.
Badara Diouf Niasse
Économiste-Financier, Montréal.
niassebadara@hotmail.com