Forum sur le financement de l’agriculture en Afrique, tenu le 26 avril dernier à Meknès
Les Afriques : Votre intervention lors du Forum sur le financement de l’agriculture en Afrique, tenu le 26 avril dernier à Meknès, en marge du Salon international de l’agriculture au Maroc, a étonné plus d’un. Vous avez affirmé que pour l’Afrique l’arme alimentaire est autant persuasive que l’arme nucléaire est dissuasive et est capable de nourrir le monde ?
Moussa Seck : La connaissance de l’Afrique est la première condition de sa renaissance. La position de l’Afrique entre les 2 parallèles 40° lui permet, par exemple, de produire toutes les plantes du monde et deux fois en une seule année. En outre, avec 3 milliards d’hectares de terres, plus de 5 000 milliards de m3 d’eau douce, le soleil en toute saison, l’Afrique détient bien les moyens de faire face à la demande alimentaire mondiale et de faire éviter la crise quand la population mondiale doublera dans 50 ans. En vérité, l’arme alimentaire est autant persuasive que l’arme nucléaire est dissuasive. L’Afrique joue contre elle-même quand elle s’ignore. Le rôle de l’équateur n’a de sens que si l’on exploite les complémentarités qui découlent du parallélisme et de la diversité des climats qu’il offre. Aussi bien sur le plan du règne végétal, animal et minéral, d’une part, que des «Intégrales» de l’État fédéral (armée, agriculture, monnaie, diplomatie, énergie et mines, éducation, santé, commerce, environnement, décentralisation), d’autre part. L’enclavement des États africains réside, alors, moins dans l’absence d’infrastructures que dans la grande taille de l’Afrique et par conséquent des longues distances qui séparent les États. Pourtant, ce gigantisme du continent offre des opportunités exceptionnelles de développer des systèmes de transport diversifiés et rentables, car TGV, avions, bateaux sont faits pour parcourir les longues distances.
Quels sont donc les atouts de l’Afrique ?
L’Afrique est érigée au beau milieu du monde, entre les quatre continents, située entre les parallèles 40° Nord et 40° Sud, étendue sur plus de 7 000 km de long et de large et miraculeusement divisée par l’équateur en deux hémisphères égaux, à l’image de notre planète. Plus étonnant, la surface de son hémisphère nord fait exactement deux fois la surface de son hémisphère sud, comme le monde. Mais aussi, la surface de son hémisphère nord multipliée par quatre donne exactement l’hémisphère nord du monde (Amérique du Nord, Europe, Asie, la partie nord de l’Amérique latine). Son hémisphère sud faisant exactement de même pour l’hémisphère sud du monde. L’Afrique est véritablement le modèle du monde. Avec toute la symbolique et le sens que cela peut contenir. Un continent incroyablement jeune. Plus de 70% de la population sont âgés de moins de 35 ans. Ses ressources naturelles intensivement exploitées et exportées constituent tant bien que mal la plus grande réserve mondiale. L’insécurité alimentaire chronique est sans commune mesure avec l’immensité des réserves foncières et hydrologiques du continent, aptes à nourrir la planète entière. Vraiment, les solutions sont bien en face des problèmes.
Comment apercevez-vous l’Afrique d’aujourd’hui ?
Pour y répondre, j’ai envie de citer mon ami Dr Cheikh Tidiane Gadio, président de l’IPS. En 50 ans, l’Afrique est passée de 32 à 54 États indépendants. Plusieurs foyers de tensions et de guerres nourris par les mouvements séparatistes enflamment le continent. Le Sud veut se séparer du Nord au nom de l’inéquitable partage des revenus et des ressources. Les tensions tribales et interethniques divisent aussi le continent. Les croisades et les guerres de religion reviennent. Les groupes terroristes et trafiquants de toutes sortes font légion et réclament des territoires libres. Voilà l’Afrique qui rame à contre-courant et qui éloigne le spectre de l’union. L’Afrique est dirigée par 54 chefs d’État, plus de 2 000 ministres et plus de 5 000 parlementaires. Ce constat est troublant, quand le continent occupe la dernière place au rang des régions du monde avec aucun siège au Conseil de sécurité. L’union fait la force, mais surtout elle rétablit l’ordre, l’harmonie et la performance. Car il y a des ressources, des gisements et des potentiels que seule l’union peut exploiter. En 1948, lors des années de braise du panafricanisme, le professeur Cheikh Anta Diop agitait déjà les conditions de la «Renaissance africaine». Aujourd’hui, en pleine crise économique mondiale, tous les experts s’étonnent de la résistance de l’Afrique. Parce que l’Afrique habituée à la crise s’était fait une carapace, ou bien qu’elle s’en remettait pour amorcer cette fois une véritable renaissance. De 2004 à 2008, le PIB de l’Afrique est passé de 750 à 1 500 milliards de dollars et il est à 2 200 milliards de dollars en 2012. Soit une progression de 700 milliards de dollars tous les 4 ans. En 2014, Wikipédia annonce un PIB de 3500 milliards de dollars. C’est les chiffres qui parlent. Mieux, l’Afrique du Sud avec 408 milliards de dollars dépasse maintenant le Danemark, la Grèce et la Finlande. Le Nigéria, coté à 245 milliards, fait mieux qu’Israël et le Portugal. Les spécialistes avertis et pressés regardent le ciel et jurent que l’heure de l’Afrique a sonné. Les ingrédients de la renaissance se réunissent. Le PIB unifié de l’Afrique du Sud, du Nigéria et de l’Égypte dépasse pour la première fois celui de la Hollande, de la Suisse et de la Suède. Mais le PIB réuni de toute l’Afrique est largement en dessous de celui de la France (2 775 millions de dollars). Patience, avertissent les spécialistes de la prospective! L’Afrique du Sud vient d’atteindre le PIB de la France de l’année 1977, le Nigéria égale celui de 1973.
Peut-on comprendre que quelques pays de l’Afrique pourraient dépasser un pays comme la France ou même les États-Unis ?
L’objectif recherché par cet exemple n’est pas de rattraper la France, ce pays soudé à l’Afrique par des liens indéfectibles, mais de montrer que l’unification de l’Afrique donnerait une valeur ajoutée supérieure à la somme des valeurs provenant de chaque pays. Mais surtout que cette unification serait aussi à l’avantage de tous les partenaires de l’Afrique, d’abord l’Europe, ensuite l’Amérique et l’Asie. Il faut surtout rappeler que l’Afrique est pauvre dans un monde qui n’a jamais été aussi riche trainant un PIB de plus de 80 000 milliards de dollars. Et l’Afrique pauvre n’intéresse personne même si les puissances économiques actuelles créent des départements d’études stratégiques exclusivement orientés sur le continent. Puisque, justement et faute d’alternative, l’Afrique est la principale source d’approvisionnement des matières premières dont ces puissances ont besoin pour faire tourner leurs industries et cela pour les siècles à venir. Ceci dit, l’Afrique pauvre et instable ne le supportera pas, par conséquent l’accès à ces matières premières sera rendu impossible. L’exemple est donné par les pays en guerre ou en rébellion.
La croissance de l’Afrique sera-t-elle une lutte contre ces puissances ?
Toute la pression est mise sur l’Afrique par les pays émergents, d’une part, et les pays-continents, d’autre part. En effet, l’Afrique serait indiscutablement la proie de toutes les stratégies d’accaparement et de transactions mafieuses. L’arnaque perpétrée chaque jour dans l’industrie minière relève non moins d’un jeu trivial qui frise le dépouillement systématique. Cette situation mène toutes les parties vers une tragédie du commun, vers la destruction aveugle des biens communs dont regorge l’Afrique. Puisqu’elle focalise les intérêts de toutes les nations qui l’exploitent, qui la tirent et la déchirent de tous les côtés sans une moindre gestion concertée du pillage. Par contre, une Afrique unifiée offrirait un avantage à nul autre pareil à l’humanité, au même rang que les contributions que l’Europe, les USA, l’Asie continuent d’apporter au monde entier. Car l’Afrique est un continent spécial, même très spécial.
Voulez-vous dire que l’émiettement actuel de l’Afrique est la source de sa faiblesse ?
La première cause des faibles performances de l’Afrique résiderait alors moins dans son émiettement que dans l’ignorance que son poids global puisse avoir un impact négatif ou positif sur le développement de chaque État pris isolément. Autrement dit, sa masse globale (spatiale, climatique), au lieu de jouer favorablement, peut constituer une force d’inertie pour chaque pays parce que nous en ignorons les avantages ou les inconvénients, d’une part, et que nous sommes incapables de les discerner, d’autre part. Demain, les produits manufacturés en Afrique coûteraient moins cher. Parce que le coût du transport de ces produits est moins cher sur la plupart des destinations. Parce que l’Afrique est le centre du monde utile. Parce qu’à partir du centre, les distances sont divisées par 2 comparées à l’ensemble des destinations possibles dans un cercle. En divisant les distances, on divise en même temps la consommation du carburant qui agit directement sur le prix du produit arrivé au marché final. Cet avantage comparatif fut le même qui a favorisé la délocalisation des industries occidentales en Asie qui offrait une main-d’œuvre qualifiée et bon marché ayant une forte incidence sur le prix de revient des produits manufacturés. L’Afrique est en train de rattraper son retard dans le développement des ressources humaines et se prépare à s’ériger en plateforme d’éclatement et de redistribution de par sa simple position stratégique incontournable.
Qu’est-ce que l’Afrique aura à gagner une fois unie ?
Parmi les enjeux planétaires du futur, l’énergie occupe la première place. L’énergie pour nourrir les hommes et l’énergie pour faire tourner les moteurs. L’Afrique unie aura non seulement la capacité de les produire, mais d’optimiser leur consommation. Car il ne sera plus admis que le prix du transport passe au triple de la valeur intrinsèque du produit transporté. C’est la plus proche localité qui aura une priorité sur la production de ce bien. Une simple règle de compétitivité. L’Afrique fait face à deux pressions majeures et un seul choix vital. Une pression exogène venant des grands ensembles qui sont prêts à la transformer en vache de trait donc de continuer à plafonner son destin à ce rôle, et voilà 4 siècles que cela dure. Une pression endogène exacerbée par la pauvreté structurelle à l’origine des foyers de tension qui embrase toute l’Afrique. Un seul choix, c’est d’œuvrer résolument à la fédération et à la réalisation de ses potentiels. Certains objecteront le contraire pour des raisons purement économiques, pour ne pas diluer leur relative avance. Mais faut-il comprendre que c’est une question de temps, car il est clair que dans le long terme, tous les États seront développés. Pour atteindre le chiffre d’affaires de la 100ème entreprise mondiale la plus fortunée, il faut 150 ans à certains États africains au PIB modeste. Alors qu’il leur faudra beaucoup moins de temps dans une Afrique unifiée. Le même avantage est valable pour les États dits avancés, qui rattraperaient les grandes nations dans moins d’une génération.
Quelles sont les conditions pour une renaissance de l’Afrique ?
La première condition de la renaissance africaine est assujettie à une deuxième condition, la paix et la sécurité. Les armées africaines comptent un effectif de plus d’un million d’hommes, mais inefficaces devant la loi des petites bandes armées qui sillonnent le continent et sans être inquiétées. Parce que justement ces bandes armées savent ce qu’elles savent. La guerre au Mali en est une parfaite illustration. La France a perdu des hommes pour avoir pris la défense du Mali et fait le job à la place de certains pays africains restés muets et médusés. Puisqu’en réalité ne connaissant pas la puissance de feu de l’ennemi au nord Mali, chaque État africain a choisi «souverainement» la vertu du principe de prudence, préférant tourner le regard ailleurs. À ses dépens, l’Afrique vient d’apprendre que c’est plutôt l’union qui fait la force et non les milliers de régiments éparpillés et obéissant à 54 commandements sans effet. La France a montré le chemin. Devant une armée unie, aucune résistance n’est possible. Les conditions peuvent se résumer d’une part en une agriculture africaine pour s’affranchir du joug de la faim, pour libérer du temps et des bras pour être redéployés dans tout autre secteur, d’autre part, une monnaie unique pour décloisonner et bâtir une économie généreuse qui donne une chance aux populations et sans discrimination, une seule diplomatie au nom de l’Afrique et de ses peuples, un seul marché pour toute l’Afrique et le monde. En attendant l’avènement de l’union, les États africains qui ont déjà envoyé des troupes au Mali pourraient créer une mutuelle de défense militaire, assurance à laquelle souscrirait tout État désireux de se faire protéger en cas d’agression extérieure. La souscription consiste à participer à la création d’une force d’intervention rapide basée quelque part en Afrique sahélo-saharienne ou de Centre. Une participation constituée de troupes d’élite et une contribution financière annuelle d’un certain pourcentage du PIB du pays. Cette armée de 10 000 hommes au départ se chargera d’intervenir là ou elle sera interpellée sur l’étendue du continent, soit pour faire face à la rébellion et aux bandes armées, soit pour rétablir l’ordre républicain dans ces États membres. Progressivement naîtra une armée africaine avec tout ce qui dépendra d’elle pour exister et prospérer. La guerre au Mali donne l’occasion à l’Afrique.
À vous entendre, on croirait que l’unification de l’Afrique n’est pas aussi difficile ?
Unifier l’Afrique n’est pas aussi facile que nos premiers dirigeants le croyaient à l’aube des Indépendances. La preuve voilà 50 ans que ce rêve ne se réalise pas malgré toutes les initiatives à l’échelle nationale, continentale, voire internationale. Au premier plan du diagnostic de l’échec, les chefs d’Etat africains qui étaient les seuls à la charge de ce dossier. Malgré une rénovation et une transformation de l’OUA en UA, les administrateurs de l’organisation panafricaine n’ont toujours aucun pouvoir de décision sur la marche de l’Union. Ils doivent se conformer aux décisions venant des États membres. En outre, le projet de donner une autorité aux administrateurs de l’Union basée à Addis-Abeba n’a jamais prospéré. Il devient alors important de constater les blocages à ce niveau et de prodiguer des mesures de relance fondées sur la stratégie et impliquant les think-tanks africains. Il convient aussi d’identifier et d’actionner les réseaux panafricains latents qui gisent parmi les populations actives et jeunes ainsi que les amis de l’Afrique, qu’ils soient jaunes, blancs ou noirs. Car ceux-là dont la survie et la réussite sont intimement liées au destin de l’Afrique unie ne sont pas forcément d’origine africaine. Au moins une chose est sûre… l’Afrique ne manquera pas au Destin pour lequel Dieu l’a créée.
Les Afriques
Moussa Seck : La connaissance de l’Afrique est la première condition de sa renaissance. La position de l’Afrique entre les 2 parallèles 40° lui permet, par exemple, de produire toutes les plantes du monde et deux fois en une seule année. En outre, avec 3 milliards d’hectares de terres, plus de 5 000 milliards de m3 d’eau douce, le soleil en toute saison, l’Afrique détient bien les moyens de faire face à la demande alimentaire mondiale et de faire éviter la crise quand la population mondiale doublera dans 50 ans. En vérité, l’arme alimentaire est autant persuasive que l’arme nucléaire est dissuasive. L’Afrique joue contre elle-même quand elle s’ignore. Le rôle de l’équateur n’a de sens que si l’on exploite les complémentarités qui découlent du parallélisme et de la diversité des climats qu’il offre. Aussi bien sur le plan du règne végétal, animal et minéral, d’une part, que des «Intégrales» de l’État fédéral (armée, agriculture, monnaie, diplomatie, énergie et mines, éducation, santé, commerce, environnement, décentralisation), d’autre part. L’enclavement des États africains réside, alors, moins dans l’absence d’infrastructures que dans la grande taille de l’Afrique et par conséquent des longues distances qui séparent les États. Pourtant, ce gigantisme du continent offre des opportunités exceptionnelles de développer des systèmes de transport diversifiés et rentables, car TGV, avions, bateaux sont faits pour parcourir les longues distances.
Quels sont donc les atouts de l’Afrique ?
L’Afrique est érigée au beau milieu du monde, entre les quatre continents, située entre les parallèles 40° Nord et 40° Sud, étendue sur plus de 7 000 km de long et de large et miraculeusement divisée par l’équateur en deux hémisphères égaux, à l’image de notre planète. Plus étonnant, la surface de son hémisphère nord fait exactement deux fois la surface de son hémisphère sud, comme le monde. Mais aussi, la surface de son hémisphère nord multipliée par quatre donne exactement l’hémisphère nord du monde (Amérique du Nord, Europe, Asie, la partie nord de l’Amérique latine). Son hémisphère sud faisant exactement de même pour l’hémisphère sud du monde. L’Afrique est véritablement le modèle du monde. Avec toute la symbolique et le sens que cela peut contenir. Un continent incroyablement jeune. Plus de 70% de la population sont âgés de moins de 35 ans. Ses ressources naturelles intensivement exploitées et exportées constituent tant bien que mal la plus grande réserve mondiale. L’insécurité alimentaire chronique est sans commune mesure avec l’immensité des réserves foncières et hydrologiques du continent, aptes à nourrir la planète entière. Vraiment, les solutions sont bien en face des problèmes.
Comment apercevez-vous l’Afrique d’aujourd’hui ?
Pour y répondre, j’ai envie de citer mon ami Dr Cheikh Tidiane Gadio, président de l’IPS. En 50 ans, l’Afrique est passée de 32 à 54 États indépendants. Plusieurs foyers de tensions et de guerres nourris par les mouvements séparatistes enflamment le continent. Le Sud veut se séparer du Nord au nom de l’inéquitable partage des revenus et des ressources. Les tensions tribales et interethniques divisent aussi le continent. Les croisades et les guerres de religion reviennent. Les groupes terroristes et trafiquants de toutes sortes font légion et réclament des territoires libres. Voilà l’Afrique qui rame à contre-courant et qui éloigne le spectre de l’union. L’Afrique est dirigée par 54 chefs d’État, plus de 2 000 ministres et plus de 5 000 parlementaires. Ce constat est troublant, quand le continent occupe la dernière place au rang des régions du monde avec aucun siège au Conseil de sécurité. L’union fait la force, mais surtout elle rétablit l’ordre, l’harmonie et la performance. Car il y a des ressources, des gisements et des potentiels que seule l’union peut exploiter. En 1948, lors des années de braise du panafricanisme, le professeur Cheikh Anta Diop agitait déjà les conditions de la «Renaissance africaine». Aujourd’hui, en pleine crise économique mondiale, tous les experts s’étonnent de la résistance de l’Afrique. Parce que l’Afrique habituée à la crise s’était fait une carapace, ou bien qu’elle s’en remettait pour amorcer cette fois une véritable renaissance. De 2004 à 2008, le PIB de l’Afrique est passé de 750 à 1 500 milliards de dollars et il est à 2 200 milliards de dollars en 2012. Soit une progression de 700 milliards de dollars tous les 4 ans. En 2014, Wikipédia annonce un PIB de 3500 milliards de dollars. C’est les chiffres qui parlent. Mieux, l’Afrique du Sud avec 408 milliards de dollars dépasse maintenant le Danemark, la Grèce et la Finlande. Le Nigéria, coté à 245 milliards, fait mieux qu’Israël et le Portugal. Les spécialistes avertis et pressés regardent le ciel et jurent que l’heure de l’Afrique a sonné. Les ingrédients de la renaissance se réunissent. Le PIB unifié de l’Afrique du Sud, du Nigéria et de l’Égypte dépasse pour la première fois celui de la Hollande, de la Suisse et de la Suède. Mais le PIB réuni de toute l’Afrique est largement en dessous de celui de la France (2 775 millions de dollars). Patience, avertissent les spécialistes de la prospective! L’Afrique du Sud vient d’atteindre le PIB de la France de l’année 1977, le Nigéria égale celui de 1973.
Peut-on comprendre que quelques pays de l’Afrique pourraient dépasser un pays comme la France ou même les États-Unis ?
L’objectif recherché par cet exemple n’est pas de rattraper la France, ce pays soudé à l’Afrique par des liens indéfectibles, mais de montrer que l’unification de l’Afrique donnerait une valeur ajoutée supérieure à la somme des valeurs provenant de chaque pays. Mais surtout que cette unification serait aussi à l’avantage de tous les partenaires de l’Afrique, d’abord l’Europe, ensuite l’Amérique et l’Asie. Il faut surtout rappeler que l’Afrique est pauvre dans un monde qui n’a jamais été aussi riche trainant un PIB de plus de 80 000 milliards de dollars. Et l’Afrique pauvre n’intéresse personne même si les puissances économiques actuelles créent des départements d’études stratégiques exclusivement orientés sur le continent. Puisque, justement et faute d’alternative, l’Afrique est la principale source d’approvisionnement des matières premières dont ces puissances ont besoin pour faire tourner leurs industries et cela pour les siècles à venir. Ceci dit, l’Afrique pauvre et instable ne le supportera pas, par conséquent l’accès à ces matières premières sera rendu impossible. L’exemple est donné par les pays en guerre ou en rébellion.
La croissance de l’Afrique sera-t-elle une lutte contre ces puissances ?
Toute la pression est mise sur l’Afrique par les pays émergents, d’une part, et les pays-continents, d’autre part. En effet, l’Afrique serait indiscutablement la proie de toutes les stratégies d’accaparement et de transactions mafieuses. L’arnaque perpétrée chaque jour dans l’industrie minière relève non moins d’un jeu trivial qui frise le dépouillement systématique. Cette situation mène toutes les parties vers une tragédie du commun, vers la destruction aveugle des biens communs dont regorge l’Afrique. Puisqu’elle focalise les intérêts de toutes les nations qui l’exploitent, qui la tirent et la déchirent de tous les côtés sans une moindre gestion concertée du pillage. Par contre, une Afrique unifiée offrirait un avantage à nul autre pareil à l’humanité, au même rang que les contributions que l’Europe, les USA, l’Asie continuent d’apporter au monde entier. Car l’Afrique est un continent spécial, même très spécial.
Voulez-vous dire que l’émiettement actuel de l’Afrique est la source de sa faiblesse ?
La première cause des faibles performances de l’Afrique résiderait alors moins dans son émiettement que dans l’ignorance que son poids global puisse avoir un impact négatif ou positif sur le développement de chaque État pris isolément. Autrement dit, sa masse globale (spatiale, climatique), au lieu de jouer favorablement, peut constituer une force d’inertie pour chaque pays parce que nous en ignorons les avantages ou les inconvénients, d’une part, et que nous sommes incapables de les discerner, d’autre part. Demain, les produits manufacturés en Afrique coûteraient moins cher. Parce que le coût du transport de ces produits est moins cher sur la plupart des destinations. Parce que l’Afrique est le centre du monde utile. Parce qu’à partir du centre, les distances sont divisées par 2 comparées à l’ensemble des destinations possibles dans un cercle. En divisant les distances, on divise en même temps la consommation du carburant qui agit directement sur le prix du produit arrivé au marché final. Cet avantage comparatif fut le même qui a favorisé la délocalisation des industries occidentales en Asie qui offrait une main-d’œuvre qualifiée et bon marché ayant une forte incidence sur le prix de revient des produits manufacturés. L’Afrique est en train de rattraper son retard dans le développement des ressources humaines et se prépare à s’ériger en plateforme d’éclatement et de redistribution de par sa simple position stratégique incontournable.
Qu’est-ce que l’Afrique aura à gagner une fois unie ?
Parmi les enjeux planétaires du futur, l’énergie occupe la première place. L’énergie pour nourrir les hommes et l’énergie pour faire tourner les moteurs. L’Afrique unie aura non seulement la capacité de les produire, mais d’optimiser leur consommation. Car il ne sera plus admis que le prix du transport passe au triple de la valeur intrinsèque du produit transporté. C’est la plus proche localité qui aura une priorité sur la production de ce bien. Une simple règle de compétitivité. L’Afrique fait face à deux pressions majeures et un seul choix vital. Une pression exogène venant des grands ensembles qui sont prêts à la transformer en vache de trait donc de continuer à plafonner son destin à ce rôle, et voilà 4 siècles que cela dure. Une pression endogène exacerbée par la pauvreté structurelle à l’origine des foyers de tension qui embrase toute l’Afrique. Un seul choix, c’est d’œuvrer résolument à la fédération et à la réalisation de ses potentiels. Certains objecteront le contraire pour des raisons purement économiques, pour ne pas diluer leur relative avance. Mais faut-il comprendre que c’est une question de temps, car il est clair que dans le long terme, tous les États seront développés. Pour atteindre le chiffre d’affaires de la 100ème entreprise mondiale la plus fortunée, il faut 150 ans à certains États africains au PIB modeste. Alors qu’il leur faudra beaucoup moins de temps dans une Afrique unifiée. Le même avantage est valable pour les États dits avancés, qui rattraperaient les grandes nations dans moins d’une génération.
Quelles sont les conditions pour une renaissance de l’Afrique ?
La première condition de la renaissance africaine est assujettie à une deuxième condition, la paix et la sécurité. Les armées africaines comptent un effectif de plus d’un million d’hommes, mais inefficaces devant la loi des petites bandes armées qui sillonnent le continent et sans être inquiétées. Parce que justement ces bandes armées savent ce qu’elles savent. La guerre au Mali en est une parfaite illustration. La France a perdu des hommes pour avoir pris la défense du Mali et fait le job à la place de certains pays africains restés muets et médusés. Puisqu’en réalité ne connaissant pas la puissance de feu de l’ennemi au nord Mali, chaque État africain a choisi «souverainement» la vertu du principe de prudence, préférant tourner le regard ailleurs. À ses dépens, l’Afrique vient d’apprendre que c’est plutôt l’union qui fait la force et non les milliers de régiments éparpillés et obéissant à 54 commandements sans effet. La France a montré le chemin. Devant une armée unie, aucune résistance n’est possible. Les conditions peuvent se résumer d’une part en une agriculture africaine pour s’affranchir du joug de la faim, pour libérer du temps et des bras pour être redéployés dans tout autre secteur, d’autre part, une monnaie unique pour décloisonner et bâtir une économie généreuse qui donne une chance aux populations et sans discrimination, une seule diplomatie au nom de l’Afrique et de ses peuples, un seul marché pour toute l’Afrique et le monde. En attendant l’avènement de l’union, les États africains qui ont déjà envoyé des troupes au Mali pourraient créer une mutuelle de défense militaire, assurance à laquelle souscrirait tout État désireux de se faire protéger en cas d’agression extérieure. La souscription consiste à participer à la création d’une force d’intervention rapide basée quelque part en Afrique sahélo-saharienne ou de Centre. Une participation constituée de troupes d’élite et une contribution financière annuelle d’un certain pourcentage du PIB du pays. Cette armée de 10 000 hommes au départ se chargera d’intervenir là ou elle sera interpellée sur l’étendue du continent, soit pour faire face à la rébellion et aux bandes armées, soit pour rétablir l’ordre républicain dans ces États membres. Progressivement naîtra une armée africaine avec tout ce qui dépendra d’elle pour exister et prospérer. La guerre au Mali donne l’occasion à l’Afrique.
À vous entendre, on croirait que l’unification de l’Afrique n’est pas aussi difficile ?
Unifier l’Afrique n’est pas aussi facile que nos premiers dirigeants le croyaient à l’aube des Indépendances. La preuve voilà 50 ans que ce rêve ne se réalise pas malgré toutes les initiatives à l’échelle nationale, continentale, voire internationale. Au premier plan du diagnostic de l’échec, les chefs d’Etat africains qui étaient les seuls à la charge de ce dossier. Malgré une rénovation et une transformation de l’OUA en UA, les administrateurs de l’organisation panafricaine n’ont toujours aucun pouvoir de décision sur la marche de l’Union. Ils doivent se conformer aux décisions venant des États membres. En outre, le projet de donner une autorité aux administrateurs de l’Union basée à Addis-Abeba n’a jamais prospéré. Il devient alors important de constater les blocages à ce niveau et de prodiguer des mesures de relance fondées sur la stratégie et impliquant les think-tanks africains. Il convient aussi d’identifier et d’actionner les réseaux panafricains latents qui gisent parmi les populations actives et jeunes ainsi que les amis de l’Afrique, qu’ils soient jaunes, blancs ou noirs. Car ceux-là dont la survie et la réussite sont intimement liées au destin de l’Afrique unie ne sont pas forcément d’origine africaine. Au moins une chose est sûre… l’Afrique ne manquera pas au Destin pour lequel Dieu l’a créée.
Les Afriques