À la différence de la Grèce, le Porto Rico n'est pas un pays (ce qui signifie qu'il n'est pas éligible à un financement du Fonds Monétaire International). Il n'est pas non plus un État des États-Unis. Il dispose pourtant des caractéristiques de ces deux entités : bien qu'il possède sa propre constitution, c'est un territoire des États-Unis, les Portoricains sont des citoyens américains et l'île est sous réserve de la loi fédérale des États-Unis, sauf indication expresse du contraire.
Les avantages de ce statut hybride comprennent la sécurité et la prévisibilité de l'état de droit américain, l'éligibilité pour les paiements de transfert fédéraux et un régime fiscal avantageux. Les Portoricains qui ne sont pas des employés du gouvernement américain ne paient pas d'impôts sur le revenu fédéral et les obligations de l'île ont « une triple exonération d'impôts » (sans impôts fédéraux, étatiques et locaux).
Mais il y a également des inconvénients à cet arrangement. Par exemple, Porto Rico est soumis au Jones Act, ce qui implique l'utilisation très coûteuse de navires et d'équipages américains pour tout transport maritime depuis et vers le continent. L'île doit également respecter le salaire minimum prescrit par le gouvernement fédéral, malgré un niveau de revenu équivalent à environ la moitié de celui de l'État américain le plus pauvre. Et les municipalités ne peuvent pas bénéficier de l'Article 9 du Code américain des faillites.
Les troubles actuels de Porto Rico trouvent leur origine dans le retrait progressif depuis 1996 des dérogations antérieures de l'impôt sur les sociétés américaines pour les entreprises situées sur l'île. Les entreprises ayant de forts besoins en capitaux, en particulier les entreprises pharmaceutiques, ont commencé à quitter l'ile. L'économie de Porto Rico a enregistré une faible croissance après 1996 et le PIB réel (indexé sur l'inflation) a chuté durant la dernière décennie.
De nombreux Portoricains, incapables de trouver un emploi sur l'île, ont migré vers le continent. Le marché du travail et la population estimée sur l'île ont diminué quant à elles à un rythme de 1,5% cette année. En outre, le taux de participation totale au marché du travail de Porto Rico est inférieur à 40%, par rapport à 62% sur le continent.
Il y a beaucoup à redire sur les raisons de ces échecs. Porto Rico et le gouvernement des États-Unis ont chacun leur part de responsabilité.
Les gouvernements portoricains successifs ont estimé que l'économie de l'île était en « récession » et ont tenté de stimuler l'activité en augmentant les dépenses publiques. Les faibles taux d'intérêt ont signifié que les déficits pouvaient être financés par des émissions obligataires en monnaie locale. La dette a augmenté et les marchés sont maintenant presque entièrement fermés à une dette plus importante.
En dépit des efforts de réduction des dépenses et d'amplification des recettes fiscales, les engagements actuels et futurs (régimes de retraite compris) dépassent de loin n'importe quelle augmentation faisable des recettes publiques. Étant donné la facilité avec laquelle les Portoricains se déplacent vers le continent, une augmentation des impôts a peu de chances d'augmenter leurs revenus.
Le gouvernement américain est également coupable. L'inapplicabilité de l'Article 9 complique énormément une restructuration ordonnée de la dette. En outre, Porto Rico est régi par la Loi sur les soins abordables (Affordable Care Act) et doit y conformer ses paiements, même si les médecins de l'île sont rémunérés à un taux inférieur à celui du continent (et dont le gouvernement portoricain doit supporter une grande partie du coût). Il en va de même pour certaines autres prestations d'aide sociale.
La faible participation au marché du travail est le résultat de la productivité relativement faible des travailleurs non qualifiés de Porto Rico. Les entreprises ne peuvent pas concurrencer les entreprises qui paient des salaires beaucoup plus faibles sur les îles voisines. Une règle de base est qu'un salaire minimum supérieur à 55% du salaire médian va empêcher la création d'emplois et la croissance économique. Le salaire minimum de Porto Rico correspond à 77% du salaire médian, selon le mandat du gouvernement fédéral.
Une famille de trois personnes avec un salarié au salaire minimum peut rapporter près de 1 100 dollars par mois, alors qu'elle peut obtenir environ 1 700 dollars d'aide sociale. Il n'y a donc rien de bien étonnant à ce que les gens quittent l'île ou bien à ce qu'ils continuent à dépendre de l'aide sociale et travaillent dans l'économie informelle.
Pour surmonter la crise de Porto Rico, il faudra rétablir la croissance, mettre en œuvre une politique budgétaire durable et une restructuration de la dette. Mener à bien la première de ces tâches, ainsi que la réduction de dépenses publiques excessives, va aider à accomplir la deuxième.
Pour les autorités de Porto Rico, cela implique de rendre l'île plus accueillante pour le monde des affaires, en supprimant notamment les réglementations onéreuses du marché du travail. En attendant, le gouvernement américain pourrait exempter Porto Rico du Jones Act, lui adjoindre l'assurance contre la faillite de l'Article 9 et aligner l'aide sociale de l'île et les besoins de main-d'œuvre sur son niveau de productivité.
Chacune de ces actions politiques exige une volonté politique. Le gouverneur de Porto Rico, Alejandro García Padilla, a nommé un groupe de travail qui doit présenter un programme sur cinq ans en vue de restaurer la croissance et la viabilité budgétaire. Des projets de loi visant à rendre Porto Rico admissible à l'Article 9 sont actuellement présentés au Congrès.
Ces mesures actuellement à l'étude ainsi que d'autres promettent d'améliorer les débouchés économiques de Porto Rico. Mais elles exigeront une action concertée et déterminée sur tous les fronts. Porto Rico n'est pas la Grèce : les gouverneurs successifs de l'île ont présenté des budgets qu'ils estimaient être équilibrés, pour constater en définitive que la croissance insatisfaisante a entraîné des recettes plus faibles et des dépenses plus importantes que prévues. Mais cette île est un territoire américain. Le gouvernement américain doit faire sa part pour améliorer les perspectives de l'île.
Anne Krueger, ancienne économiste en chef de la Banque mondiale et ancienne première vice-directrice du Fonds Monétaire International, professeur d'économie internationale à l'École des hautes études internationales de l'Université Johns Hopkins, Senior Fellow du Centre pour le développement international à l'Université de Stanford.
© Project Syndicate 1995–2015
Les avantages de ce statut hybride comprennent la sécurité et la prévisibilité de l'état de droit américain, l'éligibilité pour les paiements de transfert fédéraux et un régime fiscal avantageux. Les Portoricains qui ne sont pas des employés du gouvernement américain ne paient pas d'impôts sur le revenu fédéral et les obligations de l'île ont « une triple exonération d'impôts » (sans impôts fédéraux, étatiques et locaux).
Mais il y a également des inconvénients à cet arrangement. Par exemple, Porto Rico est soumis au Jones Act, ce qui implique l'utilisation très coûteuse de navires et d'équipages américains pour tout transport maritime depuis et vers le continent. L'île doit également respecter le salaire minimum prescrit par le gouvernement fédéral, malgré un niveau de revenu équivalent à environ la moitié de celui de l'État américain le plus pauvre. Et les municipalités ne peuvent pas bénéficier de l'Article 9 du Code américain des faillites.
Les troubles actuels de Porto Rico trouvent leur origine dans le retrait progressif depuis 1996 des dérogations antérieures de l'impôt sur les sociétés américaines pour les entreprises situées sur l'île. Les entreprises ayant de forts besoins en capitaux, en particulier les entreprises pharmaceutiques, ont commencé à quitter l'ile. L'économie de Porto Rico a enregistré une faible croissance après 1996 et le PIB réel (indexé sur l'inflation) a chuté durant la dernière décennie.
De nombreux Portoricains, incapables de trouver un emploi sur l'île, ont migré vers le continent. Le marché du travail et la population estimée sur l'île ont diminué quant à elles à un rythme de 1,5% cette année. En outre, le taux de participation totale au marché du travail de Porto Rico est inférieur à 40%, par rapport à 62% sur le continent.
Il y a beaucoup à redire sur les raisons de ces échecs. Porto Rico et le gouvernement des États-Unis ont chacun leur part de responsabilité.
Les gouvernements portoricains successifs ont estimé que l'économie de l'île était en « récession » et ont tenté de stimuler l'activité en augmentant les dépenses publiques. Les faibles taux d'intérêt ont signifié que les déficits pouvaient être financés par des émissions obligataires en monnaie locale. La dette a augmenté et les marchés sont maintenant presque entièrement fermés à une dette plus importante.
En dépit des efforts de réduction des dépenses et d'amplification des recettes fiscales, les engagements actuels et futurs (régimes de retraite compris) dépassent de loin n'importe quelle augmentation faisable des recettes publiques. Étant donné la facilité avec laquelle les Portoricains se déplacent vers le continent, une augmentation des impôts a peu de chances d'augmenter leurs revenus.
Le gouvernement américain est également coupable. L'inapplicabilité de l'Article 9 complique énormément une restructuration ordonnée de la dette. En outre, Porto Rico est régi par la Loi sur les soins abordables (Affordable Care Act) et doit y conformer ses paiements, même si les médecins de l'île sont rémunérés à un taux inférieur à celui du continent (et dont le gouvernement portoricain doit supporter une grande partie du coût). Il en va de même pour certaines autres prestations d'aide sociale.
La faible participation au marché du travail est le résultat de la productivité relativement faible des travailleurs non qualifiés de Porto Rico. Les entreprises ne peuvent pas concurrencer les entreprises qui paient des salaires beaucoup plus faibles sur les îles voisines. Une règle de base est qu'un salaire minimum supérieur à 55% du salaire médian va empêcher la création d'emplois et la croissance économique. Le salaire minimum de Porto Rico correspond à 77% du salaire médian, selon le mandat du gouvernement fédéral.
Une famille de trois personnes avec un salarié au salaire minimum peut rapporter près de 1 100 dollars par mois, alors qu'elle peut obtenir environ 1 700 dollars d'aide sociale. Il n'y a donc rien de bien étonnant à ce que les gens quittent l'île ou bien à ce qu'ils continuent à dépendre de l'aide sociale et travaillent dans l'économie informelle.
Pour surmonter la crise de Porto Rico, il faudra rétablir la croissance, mettre en œuvre une politique budgétaire durable et une restructuration de la dette. Mener à bien la première de ces tâches, ainsi que la réduction de dépenses publiques excessives, va aider à accomplir la deuxième.
Pour les autorités de Porto Rico, cela implique de rendre l'île plus accueillante pour le monde des affaires, en supprimant notamment les réglementations onéreuses du marché du travail. En attendant, le gouvernement américain pourrait exempter Porto Rico du Jones Act, lui adjoindre l'assurance contre la faillite de l'Article 9 et aligner l'aide sociale de l'île et les besoins de main-d'œuvre sur son niveau de productivité.
Chacune de ces actions politiques exige une volonté politique. Le gouverneur de Porto Rico, Alejandro García Padilla, a nommé un groupe de travail qui doit présenter un programme sur cinq ans en vue de restaurer la croissance et la viabilité budgétaire. Des projets de loi visant à rendre Porto Rico admissible à l'Article 9 sont actuellement présentés au Congrès.
Ces mesures actuellement à l'étude ainsi que d'autres promettent d'améliorer les débouchés économiques de Porto Rico. Mais elles exigeront une action concertée et déterminée sur tous les fronts. Porto Rico n'est pas la Grèce : les gouverneurs successifs de l'île ont présenté des budgets qu'ils estimaient être équilibrés, pour constater en définitive que la croissance insatisfaisante a entraîné des recettes plus faibles et des dépenses plus importantes que prévues. Mais cette île est un territoire américain. Le gouvernement américain doit faire sa part pour améliorer les perspectives de l'île.
Anne Krueger, ancienne économiste en chef de la Banque mondiale et ancienne première vice-directrice du Fonds Monétaire International, professeur d'économie internationale à l'École des hautes études internationales de l'Université Johns Hopkins, Senior Fellow du Centre pour le développement international à l'Université de Stanford.
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