Cette nouvelle ne devrait pas être surprise. Il m’est souvent arrivé de penser que, d'ici 2020, les entreprises (et les décideurs) allemands pourraient préférer une union monétaire avec la Chine plutôt qu’avec la France, étant donné que le commerce germano-chinois continuerait probablement à croître.
Et c’est bien ce qui s’est passé, principalement en raison de la vigueur des exportations chinoises vers l'Allemagne. Mais les exportations allemandes vers la Chine ont également augmenté. Malgré un récent ralentissement, l'Allemagne pourrait bientôt exporter davantage vers la Chine que vers son voisin et partenaire crucial qu’est la France, et elle exporte déjà plus vers la Chine que vers l’Italie. Pour les exportateurs allemands, la France et le Royaume-Uni sont les seuls marchés nationaux européens plus grands que celui de la Chine.
Les observateurs aguerris du commerce international ont tendance à suivre deux règles générales. Premièrement, le niveau des échanges commerciaux entre deux pays diminue souvent lorsque la distance géographique augmente. Et, deuxièmement, un pays est susceptible de réaliser davantage d'échanges commerciaux avec de grands pays qui ont une forte demande intérieure, plutôt qu’avec de petits pays à faible demande.
Les données récentes sur le commerce allemand confirment ces deux règles, mais surtout la seconde. Un pays qui est grand mais géographiquement éloigné diffère d’un plus petit pays non seulement de par sa taille, mais aussi de par sa nature. Ceci est trop souvent oublié dans les discussions sur les accords commerciaux, en particulier dans le contexte d’atmosphères politiques chargées telles que celles prévalent actuellement au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Au Royaume-Uni, la Chambre des communes a déjà adopté un projet de loi pour établir un processus de sortie de l'Union européenne; mais la Chambre des Lords exige maintenant que le projet de loi soit modifié de façon à protéger les ressortissants de l'UE vivant au Royaume-Uni. Lors de ma propre brève contribution au débat marathon qu’a tenu la Chambre des Lords le mois dernier, j’ai expliqué que, même si le Brexit n’est pas le plus grand défi économico-politique actuel au Royaume-Uni, il exacerbera probablement les autres problèmes, y compris la croissance de la productivité toujours faible, les déficiences du système d’éducation et de formation professionnelle, ainsi que les inégalités géographiques.
De plus, j’ai averti que le Royaume-Uni devra adopter une approche beaucoup plus ciblée et ambitieuse en matière commerciale, un peu comme la Chine et l'Inde l’ont fait, s’il veut obtenir de bons résultats après le Brexit. Malheureusement, la stratégie commerciale post-Brexit du Royaume-Uni est déterminée par la politique intérieure, de telle sorte qu'elle est « patriotique » et se concentre sur de nouveaux accords commerciaux avec l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et d'autres pays du Commonwealth, tout en ignorant les réalités économiques difficiles.
Nouvelle-Zélande est peut être un beau pays, mais elle ne représente pas une économie particulièrement importante et se situe très loin du Royaume-Uni. En fait, en dépit de ses énormes problèmes, l'économie de la Grèce est encore plus grande que celle de la Nouvelle-Zélande.
De nombreux responsables politiques britanniques – et tous les membres de la campagne du « Leave » – ignorent les coûts probables liés à la sortie du marché unique européen. Mais ce seul facteur exige une attention sérieuse, étant donné la taille du marché unique et la proximité géographique. Il est très important que le Royaume-Uni entretienne des liens commerciaux étroits avec de nombreux Etats membres de l'UE après le Brexit. À cette fin, la Grande-Bretagne devrait consolider ses exportations de services, un secteur où elle a sans doute encore un réel avantage naturel.
Dans le même temps, le Royaume-Uni devrait de toute urgence essayer de porter sa relation avec la Chine – ou ce que l'ancien Premier ministre britannique David Cameron appelait la « relation dorée » – à un niveau supérieur. S'il y a un pays avec lequel le Royaume-Uni devrait vouloir trouver un nouvel accord commercial, c’est certainement la Chine. Pendant mon bref passage au sein du gouvernement britannique, j'ai aidé le chancelier de l’époque George Osborne à persuader Cameron que nous devrions aspirer à faire de la Chine notre troisième marché à l’exportation en une décennie. Est-ce ceci fait encore partie des priorités du nouveau gouvernement?
Au-delà de la Chine, la Grande-Bretagne a également besoin de se concentrer beaucoup plus sur ses liens commerciaux avec l'Inde, l'Indonésie et le Nigeria, qui tous auront une influence notable dans l'économie mondiale et la structure des échanges mondiaux dans les décennies à venir.
Aux Etats-Unis, le président Donald Trump et ses conseillers de politique économique doivent revenir à la réalité, en particulier en matière commerciale. Ils peuvent commencer par étudier la structure des échanges de l’Allemagne, en particulier vis-à-vis de la Chine. Bien sûr, la Chine a un excédent commercial bilatéral avec les États-Unis; mais elle constitue également un marché à l’exportation en expansion pour les entreprises américaines. Et si les tendances des 10-15 dernières années se poursuivent, la Chine pourrait bientôt supplanter le Canada et le Mexique en tant que principal marché à l’exportation de l'Amérique.
Si les revenus des ménages chinois continuent d'augmenter, la demande pour certains des produits et services les plus compétitifs des Etats-Unis ne fera qu'augmenter. Trump, plutôt que de cracher des non-sens à propos de la Chine manipulant sa monnaie, devrait encourager les forces du marché pour rééquilibrer le commerce bilatéral.
On peut dire la même chose pour le déficit extérieur global des États-Unis. À moins que les États-Unis ne parviennent à augmenter leur taux d'épargne plus vite que les besoins d'investissement internes, ils continueront à avoir besoin d’entrées de capitaux étrangers. Et cela, à son tour, obligera le pays à maintenir un déséquilibre commercial et du compte courant.
Enfin, en poussant pour une renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain, Trump prend un risque similaire à celui pris par les pro-Brexit. Malgré les progrès récents de la Chine, le Canada et le Mexique restent de proches voisins et des partenaires commerciaux cruciaux. En perturbant potentiellement la structure des importations des trois pays, les politiques de Trump sont susceptibles de faire monter les prix à l'importation, tout en mettant en péril la croissance des exportations américaines.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Jim O’Neill, ancien président de Goldman Sachs Asset Management et ancien secrétaire commercial au Trésor britannique, est professeur honoraire d'économie à l’Université de Manchester et ancien président du comité consultatif sur la résistance antimicrobienne du gouvernement britannique.
Et c’est bien ce qui s’est passé, principalement en raison de la vigueur des exportations chinoises vers l'Allemagne. Mais les exportations allemandes vers la Chine ont également augmenté. Malgré un récent ralentissement, l'Allemagne pourrait bientôt exporter davantage vers la Chine que vers son voisin et partenaire crucial qu’est la France, et elle exporte déjà plus vers la Chine que vers l’Italie. Pour les exportateurs allemands, la France et le Royaume-Uni sont les seuls marchés nationaux européens plus grands que celui de la Chine.
Les observateurs aguerris du commerce international ont tendance à suivre deux règles générales. Premièrement, le niveau des échanges commerciaux entre deux pays diminue souvent lorsque la distance géographique augmente. Et, deuxièmement, un pays est susceptible de réaliser davantage d'échanges commerciaux avec de grands pays qui ont une forte demande intérieure, plutôt qu’avec de petits pays à faible demande.
Les données récentes sur le commerce allemand confirment ces deux règles, mais surtout la seconde. Un pays qui est grand mais géographiquement éloigné diffère d’un plus petit pays non seulement de par sa taille, mais aussi de par sa nature. Ceci est trop souvent oublié dans les discussions sur les accords commerciaux, en particulier dans le contexte d’atmosphères politiques chargées telles que celles prévalent actuellement au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Au Royaume-Uni, la Chambre des communes a déjà adopté un projet de loi pour établir un processus de sortie de l'Union européenne; mais la Chambre des Lords exige maintenant que le projet de loi soit modifié de façon à protéger les ressortissants de l'UE vivant au Royaume-Uni. Lors de ma propre brève contribution au débat marathon qu’a tenu la Chambre des Lords le mois dernier, j’ai expliqué que, même si le Brexit n’est pas le plus grand défi économico-politique actuel au Royaume-Uni, il exacerbera probablement les autres problèmes, y compris la croissance de la productivité toujours faible, les déficiences du système d’éducation et de formation professionnelle, ainsi que les inégalités géographiques.
De plus, j’ai averti que le Royaume-Uni devra adopter une approche beaucoup plus ciblée et ambitieuse en matière commerciale, un peu comme la Chine et l'Inde l’ont fait, s’il veut obtenir de bons résultats après le Brexit. Malheureusement, la stratégie commerciale post-Brexit du Royaume-Uni est déterminée par la politique intérieure, de telle sorte qu'elle est « patriotique » et se concentre sur de nouveaux accords commerciaux avec l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et d'autres pays du Commonwealth, tout en ignorant les réalités économiques difficiles.
Nouvelle-Zélande est peut être un beau pays, mais elle ne représente pas une économie particulièrement importante et se situe très loin du Royaume-Uni. En fait, en dépit de ses énormes problèmes, l'économie de la Grèce est encore plus grande que celle de la Nouvelle-Zélande.
De nombreux responsables politiques britanniques – et tous les membres de la campagne du « Leave » – ignorent les coûts probables liés à la sortie du marché unique européen. Mais ce seul facteur exige une attention sérieuse, étant donné la taille du marché unique et la proximité géographique. Il est très important que le Royaume-Uni entretienne des liens commerciaux étroits avec de nombreux Etats membres de l'UE après le Brexit. À cette fin, la Grande-Bretagne devrait consolider ses exportations de services, un secteur où elle a sans doute encore un réel avantage naturel.
Dans le même temps, le Royaume-Uni devrait de toute urgence essayer de porter sa relation avec la Chine – ou ce que l'ancien Premier ministre britannique David Cameron appelait la « relation dorée » – à un niveau supérieur. S'il y a un pays avec lequel le Royaume-Uni devrait vouloir trouver un nouvel accord commercial, c’est certainement la Chine. Pendant mon bref passage au sein du gouvernement britannique, j'ai aidé le chancelier de l’époque George Osborne à persuader Cameron que nous devrions aspirer à faire de la Chine notre troisième marché à l’exportation en une décennie. Est-ce ceci fait encore partie des priorités du nouveau gouvernement?
Au-delà de la Chine, la Grande-Bretagne a également besoin de se concentrer beaucoup plus sur ses liens commerciaux avec l'Inde, l'Indonésie et le Nigeria, qui tous auront une influence notable dans l'économie mondiale et la structure des échanges mondiaux dans les décennies à venir.
Aux Etats-Unis, le président Donald Trump et ses conseillers de politique économique doivent revenir à la réalité, en particulier en matière commerciale. Ils peuvent commencer par étudier la structure des échanges de l’Allemagne, en particulier vis-à-vis de la Chine. Bien sûr, la Chine a un excédent commercial bilatéral avec les États-Unis; mais elle constitue également un marché à l’exportation en expansion pour les entreprises américaines. Et si les tendances des 10-15 dernières années se poursuivent, la Chine pourrait bientôt supplanter le Canada et le Mexique en tant que principal marché à l’exportation de l'Amérique.
Si les revenus des ménages chinois continuent d'augmenter, la demande pour certains des produits et services les plus compétitifs des Etats-Unis ne fera qu'augmenter. Trump, plutôt que de cracher des non-sens à propos de la Chine manipulant sa monnaie, devrait encourager les forces du marché pour rééquilibrer le commerce bilatéral.
On peut dire la même chose pour le déficit extérieur global des États-Unis. À moins que les États-Unis ne parviennent à augmenter leur taux d'épargne plus vite que les besoins d'investissement internes, ils continueront à avoir besoin d’entrées de capitaux étrangers. Et cela, à son tour, obligera le pays à maintenir un déséquilibre commercial et du compte courant.
Enfin, en poussant pour une renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain, Trump prend un risque similaire à celui pris par les pro-Brexit. Malgré les progrès récents de la Chine, le Canada et le Mexique restent de proches voisins et des partenaires commerciaux cruciaux. En perturbant potentiellement la structure des importations des trois pays, les politiques de Trump sont susceptibles de faire monter les prix à l'importation, tout en mettant en péril la croissance des exportations américaines.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Jim O’Neill, ancien président de Goldman Sachs Asset Management et ancien secrétaire commercial au Trésor britannique, est professeur honoraire d'économie à l’Université de Manchester et ancien président du comité consultatif sur la résistance antimicrobienne du gouvernement britannique.