Se préparer aux aléas inconnus

Vendredi 23 Janvier 2015

LONDRES – Nous vivons une époque pleine de dangers. Dès que nous sommes sur le point de retrouver nos repères, un événement ou un autre pour nous ébranler à nouveau. Les actes et les événements sont souvent étroitement liés et ce qui arrive sur un plan – frappant des personnes, des États, des secteurs économiques et des sociétés de toute taille – peut avoir des répercussions sur d’autres.


Lucy P. Marcus est présidente de Marcus Venture Consulting
Lucy P. Marcus est présidente de Marcus Venture Consulting
Les récents attentats terroristes à Paris en sont un exemple, touchant non seulement les familles et les amis des victimes, mais aussi la France tout entière. Les répercussions se font sentir dans le monde entier et elles continueront de le faire – bien au-delà des frontières de l’Europe – dans des domaines comme la politique publique, la scène électorale, la liberté de presse et bien d’autres.
Les attentats sont arrivés au moment où les gens ont coutume de chercher un sens à l’année qui vient – pour prévoir les risques qui nous attendent, les occasions à saisir et les défis à relever. Mais qu’en est-il des risques à long terme ? Des événements comme les attentats de Paris montrent à quel point il est difficile de les prévoir ? Ou bien les attentats ont-ils exposé précisément le type de risque que les projections à long terme devraient avoir décelé ?
Le Forum économique mondial vient de publier son rapport des « Risques mondiaux 2015 »  qui tente de prédire et jauger les plus grands dangers auxquels le monde est confronté au cours des derniers dix ans. L’accent du FEM est mis en plein sur le plan macro. Par exemple, « la plus grande menace envers la stabilité du monde dans la prochaine décennie provient du risque de conflit international ». Et la menace de guerre est succédée par une pléthore de risques et tendances sociales, environnementaux, géopolitiques, technologiques et économiques.
Mais tous ces risques se feront sentir sur un plan organisationnel et ultimement, individuel. C’est pourquoi nous passons tout ce temps en salle de conférence ou autour de la table de cuisine à tenter de les atténuer. Et pourtant, nous savons également que le rythme du changement est plus rapide que jamais et que les États, les entreprises et les ménages ont de plus en plus de difficultés à suivre la cadence. Sous tous ces efforts de détection, de quantification et de réduction des risques réside la vérité indéniable et intemporelle que la seule chose d’immuable est le changement.
Pour Héraclite, le changement était le principe fondamental de la vie. Machiavel nommait ce principe fortuna : les événements qui nous façonnent et déterminent notre bien-être et qui sont indépendants de nos raisonnements et de notre volonté. Même si nous tentons de nous préparer au changement, nous ne pouvons jamais prédire la nature et le moment précis où il se produira.
En outre, de tous les risques que nous pouvons prévoir lorsqu’on le peut, ce sont ceux qui ne peuvent préparer qui peuvent faire le plus de dommages. C’est pourquoi, en parallèle le repérage, la quantification et la réduction des risques, nous devons adhérer à l’idée que ce ne sont pas tous les changements que l’on peut facilement prévoir pour s’y préparer. Ceci veut dire que nous devons inculquer aux familles aux entreprises et aux États la résilience et leur donner les moyens d’agir concrètement en temps de crise, minimisant ainsi les répercussions potentiellement dangereuses de changements inattendus.
Cette philosophie permettra également de maximiser les avantages qu’ils peuvent amener. Car après tout, sans imprévus, la plupart des activités humaines seraient infructueuses et l’innovation serait inutile.
Des horreurs comme le massacre de Charlie Hebdo à Paris sont toujours possibles, et elles semblent plus fréquentes que jamais. Elles bouleversent notre vision du monde et nous font douter de nous-mêmes.
C’est dans de tels moments que nous faisons preuve de notre capacité – ou de notre incapacité – à confronter l’inexplicable, l’imprévisible et l’insondable. Parallèlement, de tels moments sont là pour nous rappeler que les générations futures ne nous jugeront pas ultimement sur ce que nous avons accumulé– soit au niveau individuel, organisationnel ou étatique – mais par l’influence que nous avons eue sur ceux qui nous entourent et dans quelle mesure leurs besoins ont été comblés.
En ces temps périlleux, les dangers, le moment où ils se déclarent et leurs retombées peuvent avoir des effets paralysants, et ce qui importe ne se cantonne pas à nos réalisations, mais comment nous y parvenons. Dans ce genre d’époque, la valeur que nous créons ne peut se mesurer exclusivement en termes monétaires. Il est plus important d’aider nos collègues, nos conjoints, nos enfants et nos concitoyens à devenir plus forts, plus en moyens et plus résilients. Le principal risque sera peut-être cette année – et dans la prochaine décennie – serait de perdre de vue cette vérité fondamentale.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
Lucy P. Marcus est présidente de Marcus Venture Consulting.
 
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