L'Assemblée nationale devrait accorder la priorité à l'adoption d'un projet de loi qui vise à améliorer les conditions de vie et à mettre fin à la mendicité forcée dans ces écoles, et le gouvernement devrait l'appliquer sans tarder.
Ce rapport de 53 pages, intitulé « Exploitation sous prétexte d'éducation : Progrès mitigés dans la lutte contre la mendicité forcée des enfants au Sénégal », examine le bilan mitigé du Sénégal dans ses efforts pour résoudre ce problème, au cours de l'année écoulée depuis qu'un incendie a ravagé une école coranique installée dans une maison délabrée à Dakar, causant la mort de huit garçons.
Après cet incendie, le président Macky Sall s'est engagé à prendre des mesures immédiates pour fermer les écoles où les élèves vivent dans des conditions insalubres ou sont exploités par des maîtres qui les forcent à mendier et leur infligent des punitions sévères s'ils ne parviennent pas à rapporter le quota d'argent exigé. Malgré d'importantes avancées sur le plan législatif les autorités n'ont pris que peu de mesures concrètes pour mettre fin à ces abus.
« Après des années au cours desquelles divers gouvernements n'ont apporté qu'un soutien de façade à la nécessité de réglementer les écoles coraniques, le gouvernement du président Sall a élaboré un projet de loi qui imposerait enfin à ces écoles des normes minimales en termes de santé, de sécurité et d'éducation », a déclaré Matt Wells, chercheur sur l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch. « Les autorités devraient faire adopter cette loi sans tarder et s'assurer qu'elle soit appliquée. Chaque jour supplémentaire d'inaction signifie que des enfants souffrent dans des environnements où ils sont maltraités. »
Des milliers de maîtres coraniques à travers le Sénégal traitent bien les garçons qui leur ont été confiés par leurs familles pour apprendre le Coran et recevoir une éducation morale.Toutefois, l'absence totale de réglementation de ces écoles a permis à d'autres individus d'ouvrir des écoles coraniques dans des bâtiments abandonnés ou des taudis délabrés qui constituent une menace pour la santé des enfants, leur sécurité et leur développement. Comme c'était le cas dans l'école où huit garçons ont péri dans l'incendie, les maîtres abusifs vivent en général ailleurs.
Ce rapport est basé sur des entretiens approfondis réalisés en octobre 2013 et janvier 2014 avec des militants de la société civile sénégalaise, des responsables gouvernementaux, des maîtres coraniques, des autorités religieuses et des garçons fréquentant ou ayant fréquenté des écoles coraniques. Il fait suite à un précédent rapport de Human Rights Watch, publié en avril 2010 et intitulé « 'Sur le dos des enfants' : Mendicité forcée et autres mauvais traitements à l'encontre des talibés au Sénégal », qui documentait en détail la manière dont de nombreux hommes avaient détourné la longue tradition d'éducation religieuse du pays à leur profit pour en faire un système d'exploitation basé sur le travail de jeunes garçons qui sont forcés de mendier.
De nombreux garçons interrogés par Human Rights Watch ont affirmé qu'ils subissaient des sévices corporels lorsqu'ils ne parvenaient pas à rapporter le quota journalier d'argent et de denrées que leur maître leur impose. Ces sévices s'apparentent parfois à des tortures, les garçons étant dans certains cas brutalement châtiés à coups de fouet, de fil électrique ou de corde; enchaînés et placés dans des positions douloureuses pendant de longues périodes; et brûlés avec des substances caustiques.
Dans la ville de Saint-Louis, Human Rights Watch a visité deux écoles coraniques où vivent des garçons dont certains sont à peine âgés de sept ans, et qui sont situés à une dizaine de mètres d'une décharge publique jonchée de carcasses d'animaux, de pièces d'automobiles usagées et d'ordures calcinées.
À Guédiawaye, une banlieue de Dakar, au moins 150 jeunes garçons, dont certains ont à peine six ans, dorment dans un bâtiment de béton abandonné sans portes ni fenêtres et envahi de moustiques. Ils n'ont ni électricité ni eau - à part des flaques d'eau lorsqu'il pleut - et le sol de terre battue où ils se lavent leur sert aussi de toilette.Comme cela est souvent le cas à Dakar, chaque garçon doit aller mendier pour rapporter chaque jour 500 francs CFA (un dollar) au maître qui, lui, vit ailleurs.
Des écoles semblables existent dans d'autres zones urbaines du pays. Beaucoup sont surpeuplées de manière affligeante, avec au moins 20 garçons qui se partagent le sol d'une petite pièce pendant la nuit - ou qui choisissent de dormir dehors, exposés aux éléments. Les maladies, telles des infections de la peau ou le paludisme, sont monnaie courante et les dirigeants de ces écoles négligent souvent d'obtenir un traitement pour les malades.
Le projet de loi et plusieurs projets de décret d'application qui instaureraient une réglementation et une supervision gouvernementale des écoles coraniques -qui, selon des responsables gouvernementaux, seront présentés prochainement à l'Assemblée nationale - constitueraient une avancée importante, a déclaré Human Rights Watch. Cependant, le Sénégal ne compte que deux inspecteurs d'écoles coraniques employés à plein temps, un nombre très insuffisant pour surveiller les milliers d'écoles de ce type existant dans le pays. Un responsable de l'Inspection des écoles a déclaré en janvier : « Si nous devons effectuer des inspections ou même superviser des inspections dans tout le Sénégal, nous avons besoin de davantage de personnel et d'équipement. »
« Il y a longtemps que le Sénégal s'est doté de bonnes lois pour lutter contre la mendicité forcée des enfants, mais c'est la volonté du gouvernement de les faire appliquer qui a trop souvent fait défaut », a souligné Matt Wells. « Une fois le projet de loi adopté, les autorités devront faire preuve de la détermination nécessaire, non seulement pour soutenir les bons maîtres coraniques, mais aussi pour retirer les enfants des nombreuses écoles où leur bien-être est gravement menacé. »
Dans les centaines d'écoles où l'exploitation prend le pas sur l'éducation, les garçons qui sont envoyés dans la rue pour mendier sont tenus de rapporter chaque jour un quota d'argent, de riz cru et de sucre fixé par le maître. L'argent va directement dans la poche du maître. Le riz et le sucre sont utilisés pour nourrir sa famille ou sont mis en sacs et vendus, lui permettant ainsi de tirer encore plus de profits du travail des garçons. Beaucoup de ces hommes amassent des gains bien supérieurs au salaire d'un fonctionnaire de rang intermédiaire - et encore plus comparés aux revenus du Sénégalais moyen. Les garçons de ces écoles doivent mendier aussi pour obtenir leur propre nourriture, en plus de leur quota journalier.
Un garçon de huit ans interrogé à Saint-Louis a déclaré à Human Rights Watch :« Je travaille et je transpire jusqu'à ce que je parvienne à faire mon versement... Parfois, je retourne [dans la rue] après 17 heures pour y parvenir... Si je l'ai, [le maître coranique] ne me bat pas. Mais si je ne l'ai pas, il me bat. »
De peur d'être sévèrement châtiés, de nombreux garçons décident de passer la nuit dans la rue quand ils ne parviennent pas à recueillir leur quota. Accompagnant un militant des droits de l'enfant à Saint-Louis une nuit de janvier, un chercheur de Human Rights Watch a rencontré un garçon de six ans qui dormait dans la rue en face de la gare routière vers 2 heures du matin. Le garçon était recroquevillé en boule, avec son t-shirt trop grand tendu comme un drap au-dessus de lui comme seule protection contre le froid hivernal. Il a expliqué qu'il lui manquait 100 francs CFA (0,20 dollar) et qu'il avait peur de retourner à l'école car il serait battu.
En 2005, le Sénégal a adopté une loi qui criminalise la traite de personnes et l'acte d'organiser la mendicité d'autrui afin d'en tirer un profit. Mais cette loi a rarement été appliquée. Pendant les douze mois écoulés depuis l'incendie de mars 2013, Human Rights Watch n'a eu connaissance que d'un seul cas de poursuites judiciaires engagées spécifiquementpour organisation de la mendicité d'enfants, malgré la présence visible de milliers de garçons mendiant chaque jour dans les rues, souvent à proximité d'agents de police.
Des dizaines d'autres garçons se sont enfuis de leurs écoles et vivent dans des centres d'accueil, où ils sont en contact avec des travailleurs sociaux de l'État. Malgré leurs récits selon lesquels ils étaient soumis à une exploitation et à une maltraitance souvent extrêmes,les travailleurs sociaux n'informent que rarement des procureurs ou des juges d'instruction, perpétuant ainsi l'impunité pour les individus qui gèrent ces écoles.
Il existe cependant des signes encourageants, a affirmé Human Rights Watch. La cellule de lutte contre la traite des personnes au sein du ministère de la Justice a lancé un programme de formation des autorités judiciaires aux techniques d'identification et d'instruction des cas de traite de personnes et de mendicité forcée d'enfants. Cette cellule supervise également la réalisation d'une cartographie exhaustive des écoles coraniques de la région de Dakar, afin d'identifier d'une part celles où les droits des enfants sont respectés, et d'autre part celles où des abus sont répandus et les conditions de vie sont inhumaines. Elle envisage d'élargir ce travail de recensement à l'ensemble du territoire sénégalais, et de s'en servirpour aider les responsables gouvernementaux à coordonner une réponse plus efficace.
Le juge El Hadji Malick Sow, qui préside la cellule de lutte contre la traite des personnes, a déclaré en janvier à Human Rights Watch : « Nous travaillons pour que [l'application de la loi] s'amplifie, se densifie, et que la police ait les moyens d'aller dans la rue, de travailler avec les enfants victimes, d'identifier les 'marabouts', entre guillemets, qui les mettent dans la rue... Nous avons besoin d'une synergie entre le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Forces armées pour que cette loi-là soit appliquée dans toute sa rigueur. »
De nombreuses autorités religieuses, y compris des maîtres coraniques, se sont jointes aux militants de la société civile sénégalaise pour dénoncer les abus commis dans certaines écoles coraniques. Plusieurs hauts dignitaires religieux de la ville sainte de Touba ont déclaré à Human Rights Watch que le fait d'appeler « écoles » ces lieux d'exploitation et « maîtres » les individus qui les gèrent était une insulte à l'égard des établissements authentiques d'études religieuses.
« Le gouvernement du président Sall peut compter sur beaucoup d'alliés potentiels parmi les autorités religieuses et de manière plus générale au sein de la population », a conclu Matt Wells. « Il devrait rapidement saisir l'occasion qui se présente de mettre fin à un système d'exploitation qui menace de ne donner pour toute éducation à des milliers d'enfants que des techniques de survie dans la rue. »
Ce rapport de 53 pages, intitulé « Exploitation sous prétexte d'éducation : Progrès mitigés dans la lutte contre la mendicité forcée des enfants au Sénégal », examine le bilan mitigé du Sénégal dans ses efforts pour résoudre ce problème, au cours de l'année écoulée depuis qu'un incendie a ravagé une école coranique installée dans une maison délabrée à Dakar, causant la mort de huit garçons.
Après cet incendie, le président Macky Sall s'est engagé à prendre des mesures immédiates pour fermer les écoles où les élèves vivent dans des conditions insalubres ou sont exploités par des maîtres qui les forcent à mendier et leur infligent des punitions sévères s'ils ne parviennent pas à rapporter le quota d'argent exigé. Malgré d'importantes avancées sur le plan législatif les autorités n'ont pris que peu de mesures concrètes pour mettre fin à ces abus.
« Après des années au cours desquelles divers gouvernements n'ont apporté qu'un soutien de façade à la nécessité de réglementer les écoles coraniques, le gouvernement du président Sall a élaboré un projet de loi qui imposerait enfin à ces écoles des normes minimales en termes de santé, de sécurité et d'éducation », a déclaré Matt Wells, chercheur sur l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch. « Les autorités devraient faire adopter cette loi sans tarder et s'assurer qu'elle soit appliquée. Chaque jour supplémentaire d'inaction signifie que des enfants souffrent dans des environnements où ils sont maltraités. »
Des milliers de maîtres coraniques à travers le Sénégal traitent bien les garçons qui leur ont été confiés par leurs familles pour apprendre le Coran et recevoir une éducation morale.Toutefois, l'absence totale de réglementation de ces écoles a permis à d'autres individus d'ouvrir des écoles coraniques dans des bâtiments abandonnés ou des taudis délabrés qui constituent une menace pour la santé des enfants, leur sécurité et leur développement. Comme c'était le cas dans l'école où huit garçons ont péri dans l'incendie, les maîtres abusifs vivent en général ailleurs.
Ce rapport est basé sur des entretiens approfondis réalisés en octobre 2013 et janvier 2014 avec des militants de la société civile sénégalaise, des responsables gouvernementaux, des maîtres coraniques, des autorités religieuses et des garçons fréquentant ou ayant fréquenté des écoles coraniques. Il fait suite à un précédent rapport de Human Rights Watch, publié en avril 2010 et intitulé « 'Sur le dos des enfants' : Mendicité forcée et autres mauvais traitements à l'encontre des talibés au Sénégal », qui documentait en détail la manière dont de nombreux hommes avaient détourné la longue tradition d'éducation religieuse du pays à leur profit pour en faire un système d'exploitation basé sur le travail de jeunes garçons qui sont forcés de mendier.
De nombreux garçons interrogés par Human Rights Watch ont affirmé qu'ils subissaient des sévices corporels lorsqu'ils ne parvenaient pas à rapporter le quota journalier d'argent et de denrées que leur maître leur impose. Ces sévices s'apparentent parfois à des tortures, les garçons étant dans certains cas brutalement châtiés à coups de fouet, de fil électrique ou de corde; enchaînés et placés dans des positions douloureuses pendant de longues périodes; et brûlés avec des substances caustiques.
Dans la ville de Saint-Louis, Human Rights Watch a visité deux écoles coraniques où vivent des garçons dont certains sont à peine âgés de sept ans, et qui sont situés à une dizaine de mètres d'une décharge publique jonchée de carcasses d'animaux, de pièces d'automobiles usagées et d'ordures calcinées.
À Guédiawaye, une banlieue de Dakar, au moins 150 jeunes garçons, dont certains ont à peine six ans, dorment dans un bâtiment de béton abandonné sans portes ni fenêtres et envahi de moustiques. Ils n'ont ni électricité ni eau - à part des flaques d'eau lorsqu'il pleut - et le sol de terre battue où ils se lavent leur sert aussi de toilette.Comme cela est souvent le cas à Dakar, chaque garçon doit aller mendier pour rapporter chaque jour 500 francs CFA (un dollar) au maître qui, lui, vit ailleurs.
Des écoles semblables existent dans d'autres zones urbaines du pays. Beaucoup sont surpeuplées de manière affligeante, avec au moins 20 garçons qui se partagent le sol d'une petite pièce pendant la nuit - ou qui choisissent de dormir dehors, exposés aux éléments. Les maladies, telles des infections de la peau ou le paludisme, sont monnaie courante et les dirigeants de ces écoles négligent souvent d'obtenir un traitement pour les malades.
Le projet de loi et plusieurs projets de décret d'application qui instaureraient une réglementation et une supervision gouvernementale des écoles coraniques -qui, selon des responsables gouvernementaux, seront présentés prochainement à l'Assemblée nationale - constitueraient une avancée importante, a déclaré Human Rights Watch. Cependant, le Sénégal ne compte que deux inspecteurs d'écoles coraniques employés à plein temps, un nombre très insuffisant pour surveiller les milliers d'écoles de ce type existant dans le pays. Un responsable de l'Inspection des écoles a déclaré en janvier : « Si nous devons effectuer des inspections ou même superviser des inspections dans tout le Sénégal, nous avons besoin de davantage de personnel et d'équipement. »
« Il y a longtemps que le Sénégal s'est doté de bonnes lois pour lutter contre la mendicité forcée des enfants, mais c'est la volonté du gouvernement de les faire appliquer qui a trop souvent fait défaut », a souligné Matt Wells. « Une fois le projet de loi adopté, les autorités devront faire preuve de la détermination nécessaire, non seulement pour soutenir les bons maîtres coraniques, mais aussi pour retirer les enfants des nombreuses écoles où leur bien-être est gravement menacé. »
Dans les centaines d'écoles où l'exploitation prend le pas sur l'éducation, les garçons qui sont envoyés dans la rue pour mendier sont tenus de rapporter chaque jour un quota d'argent, de riz cru et de sucre fixé par le maître. L'argent va directement dans la poche du maître. Le riz et le sucre sont utilisés pour nourrir sa famille ou sont mis en sacs et vendus, lui permettant ainsi de tirer encore plus de profits du travail des garçons. Beaucoup de ces hommes amassent des gains bien supérieurs au salaire d'un fonctionnaire de rang intermédiaire - et encore plus comparés aux revenus du Sénégalais moyen. Les garçons de ces écoles doivent mendier aussi pour obtenir leur propre nourriture, en plus de leur quota journalier.
Un garçon de huit ans interrogé à Saint-Louis a déclaré à Human Rights Watch :« Je travaille et je transpire jusqu'à ce que je parvienne à faire mon versement... Parfois, je retourne [dans la rue] après 17 heures pour y parvenir... Si je l'ai, [le maître coranique] ne me bat pas. Mais si je ne l'ai pas, il me bat. »
De peur d'être sévèrement châtiés, de nombreux garçons décident de passer la nuit dans la rue quand ils ne parviennent pas à recueillir leur quota. Accompagnant un militant des droits de l'enfant à Saint-Louis une nuit de janvier, un chercheur de Human Rights Watch a rencontré un garçon de six ans qui dormait dans la rue en face de la gare routière vers 2 heures du matin. Le garçon était recroquevillé en boule, avec son t-shirt trop grand tendu comme un drap au-dessus de lui comme seule protection contre le froid hivernal. Il a expliqué qu'il lui manquait 100 francs CFA (0,20 dollar) et qu'il avait peur de retourner à l'école car il serait battu.
En 2005, le Sénégal a adopté une loi qui criminalise la traite de personnes et l'acte d'organiser la mendicité d'autrui afin d'en tirer un profit. Mais cette loi a rarement été appliquée. Pendant les douze mois écoulés depuis l'incendie de mars 2013, Human Rights Watch n'a eu connaissance que d'un seul cas de poursuites judiciaires engagées spécifiquementpour organisation de la mendicité d'enfants, malgré la présence visible de milliers de garçons mendiant chaque jour dans les rues, souvent à proximité d'agents de police.
Des dizaines d'autres garçons se sont enfuis de leurs écoles et vivent dans des centres d'accueil, où ils sont en contact avec des travailleurs sociaux de l'État. Malgré leurs récits selon lesquels ils étaient soumis à une exploitation et à une maltraitance souvent extrêmes,les travailleurs sociaux n'informent que rarement des procureurs ou des juges d'instruction, perpétuant ainsi l'impunité pour les individus qui gèrent ces écoles.
Il existe cependant des signes encourageants, a affirmé Human Rights Watch. La cellule de lutte contre la traite des personnes au sein du ministère de la Justice a lancé un programme de formation des autorités judiciaires aux techniques d'identification et d'instruction des cas de traite de personnes et de mendicité forcée d'enfants. Cette cellule supervise également la réalisation d'une cartographie exhaustive des écoles coraniques de la région de Dakar, afin d'identifier d'une part celles où les droits des enfants sont respectés, et d'autre part celles où des abus sont répandus et les conditions de vie sont inhumaines. Elle envisage d'élargir ce travail de recensement à l'ensemble du territoire sénégalais, et de s'en servirpour aider les responsables gouvernementaux à coordonner une réponse plus efficace.
Le juge El Hadji Malick Sow, qui préside la cellule de lutte contre la traite des personnes, a déclaré en janvier à Human Rights Watch : « Nous travaillons pour que [l'application de la loi] s'amplifie, se densifie, et que la police ait les moyens d'aller dans la rue, de travailler avec les enfants victimes, d'identifier les 'marabouts', entre guillemets, qui les mettent dans la rue... Nous avons besoin d'une synergie entre le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Forces armées pour que cette loi-là soit appliquée dans toute sa rigueur. »
De nombreuses autorités religieuses, y compris des maîtres coraniques, se sont jointes aux militants de la société civile sénégalaise pour dénoncer les abus commis dans certaines écoles coraniques. Plusieurs hauts dignitaires religieux de la ville sainte de Touba ont déclaré à Human Rights Watch que le fait d'appeler « écoles » ces lieux d'exploitation et « maîtres » les individus qui les gèrent était une insulte à l'égard des établissements authentiques d'études religieuses.
« Le gouvernement du président Sall peut compter sur beaucoup d'alliés potentiels parmi les autorités religieuses et de manière plus générale au sein de la population », a conclu Matt Wells. « Il devrait rapidement saisir l'occasion qui se présente de mettre fin à un système d'exploitation qui menace de ne donner pour toute éducation à des milliers d'enfants que des techniques de survie dans la rue. »