Entretien réalisé par Moustapha Dia
Depuis le 1er janvier 2013, de nouvelles règles fiscales sont de mise au Sénégal avec le nouveau Code général des Impôt (CGI), pouvez-vous revenir sur les grandes innovations sur la fiscalité sénégalaise ?
Ce dont il faut parler au préalable, qui est à mon sens très important, c’est pourquoi cette réforme ? Qu’est-ce qu’on a visé à travers cette réforme, car derrière toute réforme il y a un mobile et des objectifs. Premier objectif, qui d’ailleurs transparaît à l’exposé des motifs, c’est d’abord améliorer la qualité du dispositif fiscal , parce que nous nous sommes rendus compte qu’effectivement que l’ancien Code, sur beaucoup de ses aspects, était désuet avec des résurgences de certains termes et expressions que nous retrouvions dans le Code de Napoléon repris par les décrets et les arrêtés de 1953, surtout en ce qui concerne le livre foncier. Mais mieux, nous avions un Code où, on a beau être un spécialiste, on ne se retrouvait pas. Si vous allez dans les pays émergents, comme le Maroc ou la Tunisie, ils ont un Code général des impôts de tradition française, mais vous vous rendez compte effectivement que leurs codes ne dépassaient pas 600 articles alors que nous, nous en étions à plus de 1094 articles, rien que pour le dispositif de droit commun, à côté d’un dispositif d’exception que nous pouvons appeler fiscalité incitative à l’investissement qui est composé de 21 textes. Lorsqu’un investisseur arrivait son premier problème, c’était de savoir à quelle sauce fiscale il va être mijoté. Du coup, le fait que les textes soient dispersés, le fait qu’il n’y est pas une cohérence d’ensemble, le fait qu’il y est une externalisation du service des impôts, faisait qu’au final nous n’avions pas une bonne compréhension du dispositif fiscal qui existait au Sénégal. Donc le premier objectif était naturellement d’améliorer la qualité du dispositif. Ensuite, il fallait naturellement accroître le rendement budgétaire de l’impôt parce qu’aujourd’hui, si vous regardez sur le fichier de l’administration fiscale, vous vous rendez compte que le rendement fiscal pour toutes les entreprises qui étaient immatriculées au niveau des impôts était de 60% à 75%, représentant les entreprises qui étaient dans le centre des grandes entreprises. Ce qui veut dire que l’assiette était beaucoup plus alimentée par les entreprises qui se situaient au niveau du centre des grandes entreprises, parce que ce sont des entreprises organisées, ce sont des entreprises que nous pouvions facilement vérifier. Cela veut dire qu’à côté, nous avons une bonne partie des contribuables qui devrait constituer l’assiette, qui ne pouvait pas être maîtrisée. Ainsi, il fallait voir dans quelle mesure l’assiette ne soit plus concentrée essentiellement au niveau du centre des grandes entreprises, mais que tout le monde puisse contribuer, participer suivant ses facultés contributives. Donc accroître le rendement de l’impôt par l’élargissement de l’assiette, était le deuxième objectif. Le troisième objectif qui était non moins important, était de promouvoir une meilleure justice fiscale et le consentement de l’impôt, parce que tout le monde est égal devant l’impôt, c’est un bon principe, mais il faut que cela soit juste.
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Dans son ouvrage intitulé « Le Sénégal à l’épreuve de la réforme fiscale », Hamid Fall soutient qu’une bonne politique fiscale requiert une maîtrise des statistiques fiscales notamment les données des impôts sur la consommation, les impôts sur le capital et les impôts sur le revenu, partagez-vous cet avis et cette donne est-elle de mise au Sénégal ?
On a un gros problème, parce qu’aujourd’hui si vous regardez la nomenclature budgétaire du Sénégal au moins 80 à 85%, c’est de l’impôt sur la consommation. L’impôt sur le revenu constitue la portion congrue tout le reste c’est des ressorts des autres petites taxes et autres, ce n’est pas normal.
Dans un pays normal, dans une démocratie normale, dans un pays qui aspire à un développement, l’impôt sur le revenu doit être le premier type d’impôt. Aujourd’hui, le schéma que nous avons est un schéma où les gens vont payer l’impôt parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement à travers la dépense, à travers la consommation. Si on avait une bonne assiette fiscale, si on savait qui fait quoi, où il le fait, comment il le fait, combien cela lui rapporte, si on avait ces bonnes statistiques, cela nous permettrait d’abord de savoir combien de consommateurs actifs nous avons, ces consommateurs actifs qu’est-ce qu’ils ont comme patrimoine. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère des audits, à l’ère de la Cour de répression de l’enrichissement illicite. On ne devait même pas en parler, vous voyez en France ou aux Etats-Unis une Cour de l’enrichissement illicite, On n’en a pas besoin. Il suffisait de faire une clique pour savoir ce que possède un monsieur x ou y, c’est identifiable. Combien d’immeubles il possède, combien d’impôt il a payé ou n’a pas payé et qu’est-ce qui lui a permis d’avoir cela, on lui envoie sa fiche d’impôt. Le débat sur l’enrichissement illicite, la question aurait pu être réglée par la fiscalité. Mais que l’on donne aux agents des impôts les véritables moyens. L’autre aspect du problème, c’est qu’on n’a pas une mauvaise administration fiscale, on a une excellente administration fiscale, mais on a une mal administration fiscale. Sur les deux mille agents d’administration d’assiette, on n’a pas plus de 200 inspecteurs des impôts. Ceux là n’ont pas les moyens de la politique, ne serait-ce que des 25 mille contribuables identifiés. Donc, c’est ça que j’appelle mal administration fiscale. On n’a pas les moyens de la politique fiscale qu’on veut promouvoir. Il faudrait qu’on puisse avoir un bon cadastre et cela suppose un impôt sur le capital. Et un impôt sur le capital, cela veut dire qu’est-ce-que telle personne possède, et qu’est-ce cela lui rapporte et comment il a pu l’obtenir et quel est le revenu qui lui a permis d’obtenir cela. C’est l’articulation entre ces trois paramètres qui constitue le bon schéma. Une réforme n’est jamais comme disait l’autre des tentes dressées pour le sommeil éternel. Cela veut dire que c’est une tombe ouverte on peut encore y mettre autre chose.
Les gens du secteur privé, les opérateurs économiques d’une manière générale ont tendance à assimiler le système fiscal sénégalais à un assommoir, eux ils plaident pour que cette fiscalité soit un outil de stimulation de l’économie sénégalaise, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour arriver à ce stade ?
Mais aujourd’hui à travers la démarche opératoire que nous avons. Cette démarche opératoire c’est qu’aujourd’hui nous avons un droit fiscal commun incitatif. Il n’y a plus de droit fiscal d’exception. C'est-à-dire aujourd’hui, moi j’ai fait tel effort, j’ai tel revenu, je veux prétendre à tel avantage fiscal, je sais là où je vais m’orienter. Ce qui n’existait pas avant. On a rétabli la justice fiscale au niveau du droit incitatif fiscal. Dire maintenant que la fiscalité que nous avons est une fiscalité qu’on considère comme assommoir, mais dans tous les pays, c’est ce qu’on dit. Le meilleur système fiscal n’existe nulle part. Il ne faut pas rêver. Acceptons une chose, ce CGI a été élaboré sur la base d’une ambiance, dans la mesure où tous les acteurs ont été impliqués. Maintenant trouver l’unanimité n’existe que dans un monde de Dieu. Aujourd’hui, cette réforme recèle beaucoup de problèmes. Il y a beaucoup de choses qui ont été laissées en rade. Ça il ne faut pas s’en cacher.
Vous faites allusion à quoi quand vous dites qu’il ya beaucoup des choses qui ont été laissées en rade ?
Lorsque je le dis c’est normal, parce qu’il ya des secteurs économiques qui, demandaient à ce que tel ou tel autre aspect soit pris en compte. On ne peut pas réformer pour un secteur. Mais aujourd’hui, il va s’en dire, il est patent que nous allons immanquablement de façon irréfragable vers des précisions. Nous allons vers des aménagements, vers d’autres réformes. Quand? Nul ne le sait. Enfin, quand on établit des règles, on dit appliquons et après évaluons.
Depuis le 1er janvier 2013, de nouvelles règles fiscales sont de mise au Sénégal avec le nouveau Code général des Impôt (CGI), pouvez-vous revenir sur les grandes innovations sur la fiscalité sénégalaise ?
Ce dont il faut parler au préalable, qui est à mon sens très important, c’est pourquoi cette réforme ? Qu’est-ce qu’on a visé à travers cette réforme, car derrière toute réforme il y a un mobile et des objectifs. Premier objectif, qui d’ailleurs transparaît à l’exposé des motifs, c’est d’abord améliorer la qualité du dispositif fiscal , parce que nous nous sommes rendus compte qu’effectivement que l’ancien Code, sur beaucoup de ses aspects, était désuet avec des résurgences de certains termes et expressions que nous retrouvions dans le Code de Napoléon repris par les décrets et les arrêtés de 1953, surtout en ce qui concerne le livre foncier. Mais mieux, nous avions un Code où, on a beau être un spécialiste, on ne se retrouvait pas. Si vous allez dans les pays émergents, comme le Maroc ou la Tunisie, ils ont un Code général des impôts de tradition française, mais vous vous rendez compte effectivement que leurs codes ne dépassaient pas 600 articles alors que nous, nous en étions à plus de 1094 articles, rien que pour le dispositif de droit commun, à côté d’un dispositif d’exception que nous pouvons appeler fiscalité incitative à l’investissement qui est composé de 21 textes. Lorsqu’un investisseur arrivait son premier problème, c’était de savoir à quelle sauce fiscale il va être mijoté. Du coup, le fait que les textes soient dispersés, le fait qu’il n’y est pas une cohérence d’ensemble, le fait qu’il y est une externalisation du service des impôts, faisait qu’au final nous n’avions pas une bonne compréhension du dispositif fiscal qui existait au Sénégal. Donc le premier objectif était naturellement d’améliorer la qualité du dispositif. Ensuite, il fallait naturellement accroître le rendement budgétaire de l’impôt parce qu’aujourd’hui, si vous regardez sur le fichier de l’administration fiscale, vous vous rendez compte que le rendement fiscal pour toutes les entreprises qui étaient immatriculées au niveau des impôts était de 60% à 75%, représentant les entreprises qui étaient dans le centre des grandes entreprises. Ce qui veut dire que l’assiette était beaucoup plus alimentée par les entreprises qui se situaient au niveau du centre des grandes entreprises, parce que ce sont des entreprises organisées, ce sont des entreprises que nous pouvions facilement vérifier. Cela veut dire qu’à côté, nous avons une bonne partie des contribuables qui devrait constituer l’assiette, qui ne pouvait pas être maîtrisée. Ainsi, il fallait voir dans quelle mesure l’assiette ne soit plus concentrée essentiellement au niveau du centre des grandes entreprises, mais que tout le monde puisse contribuer, participer suivant ses facultés contributives. Donc accroître le rendement de l’impôt par l’élargissement de l’assiette, était le deuxième objectif. Le troisième objectif qui était non moins important, était de promouvoir une meilleure justice fiscale et le consentement de l’impôt, parce que tout le monde est égal devant l’impôt, c’est un bon principe, mais il faut que cela soit juste.
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Dans son ouvrage intitulé « Le Sénégal à l’épreuve de la réforme fiscale », Hamid Fall soutient qu’une bonne politique fiscale requiert une maîtrise des statistiques fiscales notamment les données des impôts sur la consommation, les impôts sur le capital et les impôts sur le revenu, partagez-vous cet avis et cette donne est-elle de mise au Sénégal ?
On a un gros problème, parce qu’aujourd’hui si vous regardez la nomenclature budgétaire du Sénégal au moins 80 à 85%, c’est de l’impôt sur la consommation. L’impôt sur le revenu constitue la portion congrue tout le reste c’est des ressorts des autres petites taxes et autres, ce n’est pas normal.
Dans un pays normal, dans une démocratie normale, dans un pays qui aspire à un développement, l’impôt sur le revenu doit être le premier type d’impôt. Aujourd’hui, le schéma que nous avons est un schéma où les gens vont payer l’impôt parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement à travers la dépense, à travers la consommation. Si on avait une bonne assiette fiscale, si on savait qui fait quoi, où il le fait, comment il le fait, combien cela lui rapporte, si on avait ces bonnes statistiques, cela nous permettrait d’abord de savoir combien de consommateurs actifs nous avons, ces consommateurs actifs qu’est-ce qu’ils ont comme patrimoine. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère des audits, à l’ère de la Cour de répression de l’enrichissement illicite. On ne devait même pas en parler, vous voyez en France ou aux Etats-Unis une Cour de l’enrichissement illicite, On n’en a pas besoin. Il suffisait de faire une clique pour savoir ce que possède un monsieur x ou y, c’est identifiable. Combien d’immeubles il possède, combien d’impôt il a payé ou n’a pas payé et qu’est-ce qui lui a permis d’avoir cela, on lui envoie sa fiche d’impôt. Le débat sur l’enrichissement illicite, la question aurait pu être réglée par la fiscalité. Mais que l’on donne aux agents des impôts les véritables moyens. L’autre aspect du problème, c’est qu’on n’a pas une mauvaise administration fiscale, on a une excellente administration fiscale, mais on a une mal administration fiscale. Sur les deux mille agents d’administration d’assiette, on n’a pas plus de 200 inspecteurs des impôts. Ceux là n’ont pas les moyens de la politique, ne serait-ce que des 25 mille contribuables identifiés. Donc, c’est ça que j’appelle mal administration fiscale. On n’a pas les moyens de la politique fiscale qu’on veut promouvoir. Il faudrait qu’on puisse avoir un bon cadastre et cela suppose un impôt sur le capital. Et un impôt sur le capital, cela veut dire qu’est-ce-que telle personne possède, et qu’est-ce cela lui rapporte et comment il a pu l’obtenir et quel est le revenu qui lui a permis d’obtenir cela. C’est l’articulation entre ces trois paramètres qui constitue le bon schéma. Une réforme n’est jamais comme disait l’autre des tentes dressées pour le sommeil éternel. Cela veut dire que c’est une tombe ouverte on peut encore y mettre autre chose.
Les gens du secteur privé, les opérateurs économiques d’une manière générale ont tendance à assimiler le système fiscal sénégalais à un assommoir, eux ils plaident pour que cette fiscalité soit un outil de stimulation de l’économie sénégalaise, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour arriver à ce stade ?
Mais aujourd’hui à travers la démarche opératoire que nous avons. Cette démarche opératoire c’est qu’aujourd’hui nous avons un droit fiscal commun incitatif. Il n’y a plus de droit fiscal d’exception. C'est-à-dire aujourd’hui, moi j’ai fait tel effort, j’ai tel revenu, je veux prétendre à tel avantage fiscal, je sais là où je vais m’orienter. Ce qui n’existait pas avant. On a rétabli la justice fiscale au niveau du droit incitatif fiscal. Dire maintenant que la fiscalité que nous avons est une fiscalité qu’on considère comme assommoir, mais dans tous les pays, c’est ce qu’on dit. Le meilleur système fiscal n’existe nulle part. Il ne faut pas rêver. Acceptons une chose, ce CGI a été élaboré sur la base d’une ambiance, dans la mesure où tous les acteurs ont été impliqués. Maintenant trouver l’unanimité n’existe que dans un monde de Dieu. Aujourd’hui, cette réforme recèle beaucoup de problèmes. Il y a beaucoup de choses qui ont été laissées en rade. Ça il ne faut pas s’en cacher.
Vous faites allusion à quoi quand vous dites qu’il ya beaucoup des choses qui ont été laissées en rade ?
Lorsque je le dis c’est normal, parce qu’il ya des secteurs économiques qui, demandaient à ce que tel ou tel autre aspect soit pris en compte. On ne peut pas réformer pour un secteur. Mais aujourd’hui, il va s’en dire, il est patent que nous allons immanquablement de façon irréfragable vers des précisions. Nous allons vers des aménagements, vers d’autres réformes. Quand? Nul ne le sait. Enfin, quand on établit des règles, on dit appliquons et après évaluons.