Monsieur le Président, comment se porte le secteur des assurances dans le contexte actuel de COVID-19 ?
Vous savez, la pandémie n’épargne aucune des composantes de notre économie, le secteur des assurances ne fait pas exception. A court terme, elle affectera notre solvabilité, notre croissance, et nos charges de sinistres. Car ce sont les branches d’assurance comme le transport (marchandises transportées, risque aviation…), le voyage, et l’épargne qui ont été immédiatement impactés.
Les nouvelles conditions d’exploitation de nos activités vont nous amener nécessairement, à revoir les formes de notre relation avec nos assurés et les bénéficiaires de contrats.
La digitalisation devra prendre une place significative dans la participation à la résilience du secteur, mais aussi à sa mutation pour s’adapter au mieux, aux besoins du marché. Bref, à ce stade nous ne pouvons pas mesurer l’impact direct, car la période d’analyse est très courte, et notre activité fait appel à d’autres acteurs partenaires, nos réassureurs.
Nous pouvons cependant affirmer que l’impact sera moindre en 2020 du fait que les principaux contrats avaient déjà été renouvelés, même si nous craignons des impayés sur quelques polices d’assurances de sociétés exerçant dans des secteurs fortement impactés tels que l’Hôtellerie, la Restauration et le Transport.
Cependant nous vous ferons remarquer qu’en Europe, le premier réassureur mondial, Munich RE, a généré un bénéfice de 800 M € au deuxième semestre 2019 en baisse de 50,8% par rapport au premier semestre. Ce leader mondial, Munich RE indique également, compte tenu des incertitudes liées à la Covid-19, qu’elle « ne publiera pas de prévisions de bénéfices pour 2020» et ce malgré la batterie de statistiques, d’économistes, et de conseillers au sein de cette institution.
Combien pèse votre secteur dans le Pib de l’économie et comment vous intervenez dans le financement de l’économie sénégalaise ?
La collecte nette des assureurs pour l’exercice 2019 se chiffre à 196,317 milliards et représente seulement 1,41% du PIB. Le premier rôle d’un assureur est de sécuriser le patrimoine et la vie des entreprises et des personnes. Face aux aléas de la vie, des produits, répondant aux besoins de protection mis à disposition par les compagnies d’assurances, participent à l’essor économique du pays. Un rôle moins connu de l’assureur, tout aussi important est celui d’investisseur institutionnel et particulièrement dans sa participation au financement de l’économie nationale par la mise à disposition d’une épargne intérieure longue.
En 2018 par exemple, 22,38% des placements des compagnies d’assurance sénégalaises ont été investis en obligations d’Etat et en Bons du Trésor. Il convient de faire remarquer qu’à côté de cet investissement direct, le secteur bancaire utilise en grande partie les ressources des compagnies d’assurance placées sous forme de Comptes à Terme dans leurs livres pour souscrire à des obligations d’Etat et des bons du trésor ou financer l’économie. Pour rappel,132 milliards de FCFA ont été placés au sein des banques, soit près de 43% des placements du secteur en 2018.
Les assureurs participent aussi au financement du secteur privé par la prise de participation dans des sociétés opérant dans des domaines stratégiques. Il faut souligner que le taux de pénétration de l’assurance reste malgré tout très faible au Sénégal et en Afrique en général. Il se situe respectivement à 1,33% et 3%. Cette faiblesse est certainement liée au pouvoir d’achat, mais aussi à la culture financière des populations, laquelle me semble -t-il ne pourra se développer que par l’instauration d’une obligation d’assurances pour certains risques à caractère social.
Les compagnies d’assurances, de réassurance et les organismes particuliers d’assurance regroupés au sein de l’Association des Assureurs du Sénégal (AAS) ont répondu à l’effort de guerre sanitaire à travers le Fonds COVID-19. Peut-on savoir la portée de cette contribution ?
Face à la crise sanitaire majeure, liée au Covid-19 que traverse notre pays, son excellence Monsieur Macky SALL, Président de la République du Sénégal, a mis en place un Fonds de Riposte et de Solidarité, « Force Covid19 » pour un montant de 1000 (mille) milliards FCFA dont l’objectif est de lutter contre cette pandémie et limiter ses conséquences économiques et sociales.
Compte tenu des risques liés à cette pandémie, nous avons conclu que nous devons plus que jamais conjuguer nos efforts pour garantir des perspectives de croissance, de stabilité et de protection pour tous. C’est pourquoi il était important pour nous de répondre favorablement à l’appel du Chef de l’Etat par une participation significative à cet effort national.
Notre contribution au Fonds Force Covid19 d’un montant de 500 millions de FCFA a été mobilisée immédiatement, et je profite de vos colonnes pour adresser mes remerciements les plus sincères aux membres de l’Association pour cette marque de solidarité dans un contexte de double crise sanitaire et économique.
Malgré ce rendez-vous à l’élan de solidarité nationale, les assureurs sont perçus par les usagers comme absents pendant la crise sanitaire, notamment avec l’exclusion du risque pandémique et des pertes d’exploitation. Autrement dit, les dommages ou pertes liés à la COVID -19 sont-ils assurables ?
Dans un contexte de crise sanitaire avec ses conséquences économiques, les regards s’orientent naturellement vers les assurances santé, les assureurs vie et les assureurs dommages et pertes d’exploitation. Il faut noter que les garanties pertes d’exploitation couvrent les pertes financières dues à l’arrêt de l’activité d’une entreprise du fait d’un sinistre ayant causé des dommages matériels (incendie, bris de machines, dégâts des eaux etc.) ce qui n’est pas le cas de la pandémie de Covid-19. Il n’existe pas, aujourd’hui, de solution assurantielle sur les pertes d’exploitation non consécutives à des dommages matériels, sauf stipulation expresse. Celles-ci ne font pas partie des risques couverts par une grande majorité des contrats d’assurance des entreprises.
Vous conviendrez avec moi qu’on ne peut pas couvrir un risque qui n’est pas garanti. La pandémie constitue un risque spécial et dépasse souvent le périmètre d’intervention des assureurs.
Monsieur le Président, les assureurs ne doivent-ils pas réfléchir à la création d’un mécanisme ou un régime assurantiel de catastrophe sanitaire, du même type que celui de catastrophe naturelle ?
Absolument, les pandémies ne font pas partie des risques inscrits dans les contrats. Les pandémies doivent dorénavant être inscrites comme risques émergents au même titre que la cybercriminalité. Ces risques présentent un caractère systémique, c’est pourquoi les réassureurs à l’échelle mondiale ont engagé la réflexion pour la couverture de ce type de risque.
Les compagnies sénégalaises ont pu passer difficilement le passage du capital social à 3 milliards, pourront-elles passer la barrière des 5 milliards en avril prochain ? Ne faut-il pas différer cette mesure compte tenu de la situation économique causée par la pandémie de la Covid-19 ?
Pour rappel, le Conseil des ministres des assurances a pris, lors de sa réunion du 08 avril 2016, le Règlement n° 007/CIMA/PCMA/CE/2016 modifiant et complétant les articles 329-3 et 330-2 du code des assurances relatifs au capital social minimum des sociétés anonymes d’assurances et du fond d’établissement des sociétés d’assurances mutuelles. Par cette décision, le capital social minimum des sociétés anonymes d’assurances passe d’un (01) milliard à cinq (05) milliards de CFA et le fonds d’établissement minimum des sociétés d’assurances mutuelles de (800) huit cents millions à trois (03) milliards de Francs CFA. La décision vise d’une part à renforcer la solidité́ financière des compagnies d’assurances, à réduire leur probabilité́ de faillite, et d’autre part, à opérer une consolidation du secteur des assurances, afin d’ accroitre la capacité́ de rétention des primes d’assurance des sociétés et des marchés nationaux, et enfin à permettre aux compagnies de faire face aux frais d’établissement et d’informatisation, sans hypothéquer les ressources nécessaires à l’activité́ et à la solvabilité́ de l’entreprise.
Au Sénégal, toutes les compagnies se sont conformées à la nouvelle disposition prudentielle. Concernant l’étape suivante, qui est celle de porter le capital à 5 milliards de FCFA en 2021, le secteur reste à l’écoute du régulateur. Il nous semble, cependant, qu’au regard de certains paramètres tels que l’étroitesse de nos marchés, la jeunesse de nos sociétés locales qu’il faille laisser, à défaut de rapporter cette deuxième phase, un peu plus de temps aux sociétés.
Deux ans après sa mise en place, comment se porte le Pool de co-assurance des risques miniers, pétroliers et gaziers ?
Les compagnies d’assurances, regroupées au sein de l’Association des Assureurs du Sénégal (AAS) ont mis en place un Pool d’assurance des risques pétroliers et gaziers le 30 août 2018. Ce Pool est reconnu par l’Etat du Sénégal qui lui a délivré son récépissé de déclaration d’association sous le numéro 019437/MIN/DGAT/DLPL. Il a pour objet d’organiser la souscription, de mutualiser et de gérer, en tant que représentant de toutes les sociétés adhérentes, tous les risques assurables des acteurs du secteur pétrolier et gazier, des sous-traitants, des détenteurs de licence ou autres entités intervenant dans ce secteur au Sénégal.
Le Pool a pris part à plusieurs initiatives permettant aux pouvoirs publics de mieux encadrer certaines clauses des conventions Etat-Hôte liant l’Etat aux opérateurs.
Il a également mené une réflexion pertinente sur l’optimisation du contenu local et rencontré à cet effet les principales parties prenantes à l’exploration et à l’exploitation du pétrole et du gaz. Dans ce sens, l’Association des Assureurs du Sénégal a organisé des séminaires, des journées d’études et de réflexion à l’intention des parlementaires. Il a également participé aux journées de concertation sur le contenu local présidé par son Excellence Mr Macky SALL, rencontre au cours de laquelle, le Président de la République, a invité les assureurs à se regrouper pour optimiser la participation des acteurs nationaux dans l’exploitation du pétrole et du gaz à travers une intervention sectorielle ou sous forme de regroupement des secteurs d’activités. Il faut noter que dans le cadre du pool, nous avons déjà conclu deux contrats celui de Pacific Drilling et celui de Woodside.
Le Plan stratégique a été mis en place par votre prédécesseur, pouvez-vous nous faire le point sur l’état d’avancement ?
Le plan stratégique dont la mise en œuvre a été engagée par mon prédécesseur Mamadou Moustapha NOBA que nous remercions au passage pour l’important travail abattu à la tête de de l’Association suit son cours. Comme vous le savez, il s’agit d’un plan quinquennal qui s’articule autour de cinq axes majeurs déclinés en objectifs opérationnels et actions visant à concrétiser la vision d’avenir du secteur :
Axe 1 : organiser et renforcer les acteurs de l’assurance
Axe 2 : renforcer les partenariats pour une meilleure efficacité des services d’assurances
Axe 3 innover et diversifier l’offre pour mieux répondre aux besoins des populations et des entreprises
Axe 4 : améliorer l’image et la qualité des services d’assurance
Axe 5 : renforcer et valoriser la contribution du secteur au développement socioéconomique
Chacun de ces axes a été décliné en objectifs stratégiques, orientations stratégiques, leviers et lignes d’action.
Les programmes d’activités annuels de toutes les commissions techniques de l’Association sont arrimés à ce plan stratégique avec un budget et un chronogramme.
Quelles sont les perspectives du marché des assurances au Sénégal ?
3e plus grand marché de la zone CIMA, le marché sénégalais de l’assurance est à la croisée des chemins. Son Chiffre d’affaires au 31 décembre 2019 s’établit à 196,316 Milliards FCFA contre 177,683 milliards FCFA en 2018. Il enregistre ainsi une augmentation en valeur absolue de 18,693 milliards FCFA soit 10,53% en valeur relative contre 6,5% en 2018. La contribution de l’assurance dommages en valeur absolue est de 10,675 milliards FCFA passant de 113,849 milliards FCFA à 124,524 milliards FCFA soit 9,4% en valeur relative.
La part contributive de l’assurance Vie a atteint cette année 8,021 milliards FCFA en valeur absolue, passant de 61,751 milliards FCFA à 69,777 milliards FCFA soit 13% en valeur relative.
S’appuyant sur son plan stratégique, l’association des Assureurs du Sénégal a pris l’engagement de se restructurer en profondeur pour se positionner comme un véritable levier de l’émergence économique du Sénégal. Pour réaliser cet objectif, il nous faudra une association forte et dynamique comme partenaire privilégié de l’Etat, des intermédiaires et des autres acteurs économiques pour le développement d’une assurance de qualité.
Le Sénégal va abriter la 45eme AG de la FANAF, où en êtes-vous dans les préparations ?
La Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines (FANAF) est une Association professionnelle dont le siège social est à Dakar, au Sénégal. Elle regroupe 241 sociétés d’assurances, de réassurance et de fonds de garantie automobile de 29 pays. Ses objectifs sont, entre autres, la promotion de l’Assurance et de la Réassurance en Afrique, la mise en place de structures de réflexions et de coopération en matière d’Assurances et de Réassurances.
Elle organise chaque année son Assemblée générale dans un de ses pays membres. Notre pays a la particularité d’organiser cette manifestation tous les dix ans. Ainsi, après 2001 et 2011, les assureurs et financiers africains et d’Europe se sont donnés rendez-vous, en février 2021, au pays de la Téranga . 10 ans après, le Sénégal aura le privilège d’accueillir à nouveau ce grand évènement, devant réunir près de 1500 délégués du secteur de l’assurance, de la réassurance, du courtage d’assurances et réassurance et de la finance du continent africain.
Le bureau de l’Association a d’ores et déjà mis en place un comité d’organisation et des commissions chargés de mener à bien l’organisation de cet événement pour relever le double défi de l’organisation et de la participation.
Propos recueillis par Ismaila Ba
Vous savez, la pandémie n’épargne aucune des composantes de notre économie, le secteur des assurances ne fait pas exception. A court terme, elle affectera notre solvabilité, notre croissance, et nos charges de sinistres. Car ce sont les branches d’assurance comme le transport (marchandises transportées, risque aviation…), le voyage, et l’épargne qui ont été immédiatement impactés.
Les nouvelles conditions d’exploitation de nos activités vont nous amener nécessairement, à revoir les formes de notre relation avec nos assurés et les bénéficiaires de contrats.
La digitalisation devra prendre une place significative dans la participation à la résilience du secteur, mais aussi à sa mutation pour s’adapter au mieux, aux besoins du marché. Bref, à ce stade nous ne pouvons pas mesurer l’impact direct, car la période d’analyse est très courte, et notre activité fait appel à d’autres acteurs partenaires, nos réassureurs.
Nous pouvons cependant affirmer que l’impact sera moindre en 2020 du fait que les principaux contrats avaient déjà été renouvelés, même si nous craignons des impayés sur quelques polices d’assurances de sociétés exerçant dans des secteurs fortement impactés tels que l’Hôtellerie, la Restauration et le Transport.
Cependant nous vous ferons remarquer qu’en Europe, le premier réassureur mondial, Munich RE, a généré un bénéfice de 800 M € au deuxième semestre 2019 en baisse de 50,8% par rapport au premier semestre. Ce leader mondial, Munich RE indique également, compte tenu des incertitudes liées à la Covid-19, qu’elle « ne publiera pas de prévisions de bénéfices pour 2020» et ce malgré la batterie de statistiques, d’économistes, et de conseillers au sein de cette institution.
Combien pèse votre secteur dans le Pib de l’économie et comment vous intervenez dans le financement de l’économie sénégalaise ?
La collecte nette des assureurs pour l’exercice 2019 se chiffre à 196,317 milliards et représente seulement 1,41% du PIB. Le premier rôle d’un assureur est de sécuriser le patrimoine et la vie des entreprises et des personnes. Face aux aléas de la vie, des produits, répondant aux besoins de protection mis à disposition par les compagnies d’assurances, participent à l’essor économique du pays. Un rôle moins connu de l’assureur, tout aussi important est celui d’investisseur institutionnel et particulièrement dans sa participation au financement de l’économie nationale par la mise à disposition d’une épargne intérieure longue.
En 2018 par exemple, 22,38% des placements des compagnies d’assurance sénégalaises ont été investis en obligations d’Etat et en Bons du Trésor. Il convient de faire remarquer qu’à côté de cet investissement direct, le secteur bancaire utilise en grande partie les ressources des compagnies d’assurance placées sous forme de Comptes à Terme dans leurs livres pour souscrire à des obligations d’Etat et des bons du trésor ou financer l’économie. Pour rappel,132 milliards de FCFA ont été placés au sein des banques, soit près de 43% des placements du secteur en 2018.
Les assureurs participent aussi au financement du secteur privé par la prise de participation dans des sociétés opérant dans des domaines stratégiques. Il faut souligner que le taux de pénétration de l’assurance reste malgré tout très faible au Sénégal et en Afrique en général. Il se situe respectivement à 1,33% et 3%. Cette faiblesse est certainement liée au pouvoir d’achat, mais aussi à la culture financière des populations, laquelle me semble -t-il ne pourra se développer que par l’instauration d’une obligation d’assurances pour certains risques à caractère social.
Les compagnies d’assurances, de réassurance et les organismes particuliers d’assurance regroupés au sein de l’Association des Assureurs du Sénégal (AAS) ont répondu à l’effort de guerre sanitaire à travers le Fonds COVID-19. Peut-on savoir la portée de cette contribution ?
Face à la crise sanitaire majeure, liée au Covid-19 que traverse notre pays, son excellence Monsieur Macky SALL, Président de la République du Sénégal, a mis en place un Fonds de Riposte et de Solidarité, « Force Covid19 » pour un montant de 1000 (mille) milliards FCFA dont l’objectif est de lutter contre cette pandémie et limiter ses conséquences économiques et sociales.
Compte tenu des risques liés à cette pandémie, nous avons conclu que nous devons plus que jamais conjuguer nos efforts pour garantir des perspectives de croissance, de stabilité et de protection pour tous. C’est pourquoi il était important pour nous de répondre favorablement à l’appel du Chef de l’Etat par une participation significative à cet effort national.
Notre contribution au Fonds Force Covid19 d’un montant de 500 millions de FCFA a été mobilisée immédiatement, et je profite de vos colonnes pour adresser mes remerciements les plus sincères aux membres de l’Association pour cette marque de solidarité dans un contexte de double crise sanitaire et économique.
Malgré ce rendez-vous à l’élan de solidarité nationale, les assureurs sont perçus par les usagers comme absents pendant la crise sanitaire, notamment avec l’exclusion du risque pandémique et des pertes d’exploitation. Autrement dit, les dommages ou pertes liés à la COVID -19 sont-ils assurables ?
Dans un contexte de crise sanitaire avec ses conséquences économiques, les regards s’orientent naturellement vers les assurances santé, les assureurs vie et les assureurs dommages et pertes d’exploitation. Il faut noter que les garanties pertes d’exploitation couvrent les pertes financières dues à l’arrêt de l’activité d’une entreprise du fait d’un sinistre ayant causé des dommages matériels (incendie, bris de machines, dégâts des eaux etc.) ce qui n’est pas le cas de la pandémie de Covid-19. Il n’existe pas, aujourd’hui, de solution assurantielle sur les pertes d’exploitation non consécutives à des dommages matériels, sauf stipulation expresse. Celles-ci ne font pas partie des risques couverts par une grande majorité des contrats d’assurance des entreprises.
Vous conviendrez avec moi qu’on ne peut pas couvrir un risque qui n’est pas garanti. La pandémie constitue un risque spécial et dépasse souvent le périmètre d’intervention des assureurs.
Monsieur le Président, les assureurs ne doivent-ils pas réfléchir à la création d’un mécanisme ou un régime assurantiel de catastrophe sanitaire, du même type que celui de catastrophe naturelle ?
Absolument, les pandémies ne font pas partie des risques inscrits dans les contrats. Les pandémies doivent dorénavant être inscrites comme risques émergents au même titre que la cybercriminalité. Ces risques présentent un caractère systémique, c’est pourquoi les réassureurs à l’échelle mondiale ont engagé la réflexion pour la couverture de ce type de risque.
Les compagnies sénégalaises ont pu passer difficilement le passage du capital social à 3 milliards, pourront-elles passer la barrière des 5 milliards en avril prochain ? Ne faut-il pas différer cette mesure compte tenu de la situation économique causée par la pandémie de la Covid-19 ?
Pour rappel, le Conseil des ministres des assurances a pris, lors de sa réunion du 08 avril 2016, le Règlement n° 007/CIMA/PCMA/CE/2016 modifiant et complétant les articles 329-3 et 330-2 du code des assurances relatifs au capital social minimum des sociétés anonymes d’assurances et du fond d’établissement des sociétés d’assurances mutuelles. Par cette décision, le capital social minimum des sociétés anonymes d’assurances passe d’un (01) milliard à cinq (05) milliards de CFA et le fonds d’établissement minimum des sociétés d’assurances mutuelles de (800) huit cents millions à trois (03) milliards de Francs CFA. La décision vise d’une part à renforcer la solidité́ financière des compagnies d’assurances, à réduire leur probabilité́ de faillite, et d’autre part, à opérer une consolidation du secteur des assurances, afin d’ accroitre la capacité́ de rétention des primes d’assurance des sociétés et des marchés nationaux, et enfin à permettre aux compagnies de faire face aux frais d’établissement et d’informatisation, sans hypothéquer les ressources nécessaires à l’activité́ et à la solvabilité́ de l’entreprise.
Au Sénégal, toutes les compagnies se sont conformées à la nouvelle disposition prudentielle. Concernant l’étape suivante, qui est celle de porter le capital à 5 milliards de FCFA en 2021, le secteur reste à l’écoute du régulateur. Il nous semble, cependant, qu’au regard de certains paramètres tels que l’étroitesse de nos marchés, la jeunesse de nos sociétés locales qu’il faille laisser, à défaut de rapporter cette deuxième phase, un peu plus de temps aux sociétés.
Deux ans après sa mise en place, comment se porte le Pool de co-assurance des risques miniers, pétroliers et gaziers ?
Les compagnies d’assurances, regroupées au sein de l’Association des Assureurs du Sénégal (AAS) ont mis en place un Pool d’assurance des risques pétroliers et gaziers le 30 août 2018. Ce Pool est reconnu par l’Etat du Sénégal qui lui a délivré son récépissé de déclaration d’association sous le numéro 019437/MIN/DGAT/DLPL. Il a pour objet d’organiser la souscription, de mutualiser et de gérer, en tant que représentant de toutes les sociétés adhérentes, tous les risques assurables des acteurs du secteur pétrolier et gazier, des sous-traitants, des détenteurs de licence ou autres entités intervenant dans ce secteur au Sénégal.
Le Pool a pris part à plusieurs initiatives permettant aux pouvoirs publics de mieux encadrer certaines clauses des conventions Etat-Hôte liant l’Etat aux opérateurs.
Il a également mené une réflexion pertinente sur l’optimisation du contenu local et rencontré à cet effet les principales parties prenantes à l’exploration et à l’exploitation du pétrole et du gaz. Dans ce sens, l’Association des Assureurs du Sénégal a organisé des séminaires, des journées d’études et de réflexion à l’intention des parlementaires. Il a également participé aux journées de concertation sur le contenu local présidé par son Excellence Mr Macky SALL, rencontre au cours de laquelle, le Président de la République, a invité les assureurs à se regrouper pour optimiser la participation des acteurs nationaux dans l’exploitation du pétrole et du gaz à travers une intervention sectorielle ou sous forme de regroupement des secteurs d’activités. Il faut noter que dans le cadre du pool, nous avons déjà conclu deux contrats celui de Pacific Drilling et celui de Woodside.
Le Plan stratégique a été mis en place par votre prédécesseur, pouvez-vous nous faire le point sur l’état d’avancement ?
Le plan stratégique dont la mise en œuvre a été engagée par mon prédécesseur Mamadou Moustapha NOBA que nous remercions au passage pour l’important travail abattu à la tête de de l’Association suit son cours. Comme vous le savez, il s’agit d’un plan quinquennal qui s’articule autour de cinq axes majeurs déclinés en objectifs opérationnels et actions visant à concrétiser la vision d’avenir du secteur :
Axe 1 : organiser et renforcer les acteurs de l’assurance
Axe 2 : renforcer les partenariats pour une meilleure efficacité des services d’assurances
Axe 3 innover et diversifier l’offre pour mieux répondre aux besoins des populations et des entreprises
Axe 4 : améliorer l’image et la qualité des services d’assurance
Axe 5 : renforcer et valoriser la contribution du secteur au développement socioéconomique
Chacun de ces axes a été décliné en objectifs stratégiques, orientations stratégiques, leviers et lignes d’action.
Les programmes d’activités annuels de toutes les commissions techniques de l’Association sont arrimés à ce plan stratégique avec un budget et un chronogramme.
Quelles sont les perspectives du marché des assurances au Sénégal ?
3e plus grand marché de la zone CIMA, le marché sénégalais de l’assurance est à la croisée des chemins. Son Chiffre d’affaires au 31 décembre 2019 s’établit à 196,316 Milliards FCFA contre 177,683 milliards FCFA en 2018. Il enregistre ainsi une augmentation en valeur absolue de 18,693 milliards FCFA soit 10,53% en valeur relative contre 6,5% en 2018. La contribution de l’assurance dommages en valeur absolue est de 10,675 milliards FCFA passant de 113,849 milliards FCFA à 124,524 milliards FCFA soit 9,4% en valeur relative.
La part contributive de l’assurance Vie a atteint cette année 8,021 milliards FCFA en valeur absolue, passant de 61,751 milliards FCFA à 69,777 milliards FCFA soit 13% en valeur relative.
S’appuyant sur son plan stratégique, l’association des Assureurs du Sénégal a pris l’engagement de se restructurer en profondeur pour se positionner comme un véritable levier de l’émergence économique du Sénégal. Pour réaliser cet objectif, il nous faudra une association forte et dynamique comme partenaire privilégié de l’Etat, des intermédiaires et des autres acteurs économiques pour le développement d’une assurance de qualité.
Le Sénégal va abriter la 45eme AG de la FANAF, où en êtes-vous dans les préparations ?
La Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines (FANAF) est une Association professionnelle dont le siège social est à Dakar, au Sénégal. Elle regroupe 241 sociétés d’assurances, de réassurance et de fonds de garantie automobile de 29 pays. Ses objectifs sont, entre autres, la promotion de l’Assurance et de la Réassurance en Afrique, la mise en place de structures de réflexions et de coopération en matière d’Assurances et de Réassurances.
Elle organise chaque année son Assemblée générale dans un de ses pays membres. Notre pays a la particularité d’organiser cette manifestation tous les dix ans. Ainsi, après 2001 et 2011, les assureurs et financiers africains et d’Europe se sont donnés rendez-vous, en février 2021, au pays de la Téranga . 10 ans après, le Sénégal aura le privilège d’accueillir à nouveau ce grand évènement, devant réunir près de 1500 délégués du secteur de l’assurance, de la réassurance, du courtage d’assurances et réassurance et de la finance du continent africain.
Le bureau de l’Association a d’ores et déjà mis en place un comité d’organisation et des commissions chargés de mener à bien l’organisation de cet événement pour relever le double défi de l’organisation et de la participation.
Propos recueillis par Ismaila Ba