Les nombreux plans économiques qui ont suivi ont seulement réussi à faire reculer l’extrême pauvreté alors qu’ils avaient pour ambition de guider le pays vers l’émergence. Le manque de résultats escomptés est sans doute lié à l’inadéquation de ces politiques, à l’ignorance de la dimension culturelle mais bien plus encore à une prise en compte négligeable du secteur informel. Cette économie informelle se distingue pourtant par sa capacité à générer du travail et des revenus à une catégorie de population souvent pas ou peu formée.
L’ampleur du secteur informel est devenue aujourd’hui considérable, au point de se demander s’il est un vecteur de paix sociale, une source de paupérisation de l’économie sénégalaise ou un pis-aller permettant de faire face aux besoins.
Malgré son importance économique et son poids sociétal, les politiques successives des différents gouvernements sénégalais ne semblent pourtant pas prioriser des réformes de fond du secteur informel. En 2021, l’économie informelle représentait 42% du PIB et l’emploi informel non agricole 56% de la population active (LEJCOS, 2023). En revanche, le budget du ministère de l’artisanat et de la transformation du secteur informel était de moins de 9 milliards de francs CFA sur un budget total de 4693 milliards de FCFA (soit moins de 0,2% du budget). La volonté du tout nouveau gouvernement d’avril 2024 de transformer le secteur informel ne semble pas évidente non plus. Aucun ministère n’est exclusivement dédié au secteur informel contrairement au pétrole et autres habituelles priorités.
A l’évidence, il serait difficilement envisageable de miser sur une croissance durable, un développement économique et une sortie de cette paupérisation sans allouer les ressources nécessaires pour la « formalisation » du secteur informel. Associer l’entrepreneuriat, les structures d’accompagnement et la protection sociale pourrait être une solution durable pour intégrer de nombreux travailleurs du secteur informel dans l’économie formelle.
Le contexte est favorable pour structurer l’économie informelle
La pandémie du COVID 19 a renforcé la vulnérabilité du secteur informel avec la mise en place des mesures de distanciation sociale au Sénégal (couvre-feu, limitation des échanges interrégionaux etc.). Le traumatisme causé par les effets de la pandémie pourrait inciter une partie des travailleurs du secteur informel à adhérer à une forme de formalisation malgré la méfiance vis-à-vis des politiques gouvernementales. En outre, les perspectives économiques sont très intéressantes et le Sénégal a découvert du pétrole et du gaz naturel qui pourront renforcer ses ressources financières.
Proposer une couverture maladie accessible pour aider la formalisation
Transformer des activités jusque-là encrées dans l’économie informelle nécessite une démarche cohérente, une pédagogie efficace, des mesures d’accompagnement adéquates et surtout un intérêt palpable à court terme pour les travailleurs concernés. Dans nos recherches (NDOUR F., 2013 ; NDOUR F. 2023), nous préconisons un modèle d’intégration progressive des emplois de l’économie informelle dans le secteur structuré grâce une couverture médicale pour diverses raisons.
Une couverture médicale serait judicieuse pour protéger la population tout en améliorant les performances économiques. La santé est une des principales composantes du capital humain. Nombreuses sont les études qui ont démontré la forte corrélation entre l’état de santé des individus, leur productivité et la croissance économique. Assurément, une couverture maladie aiderait à améliorer le capital humain.
Formaliser, c’est possible et réaliste
Des structures d’accompagnement peuvent être créées pour encadrer la formalisation des activités informelles. Elles pourraient regrouper des comptables, des spécialistes de la stratégie, du coaching et de la communication. Une association de fonds publics et de ressources privées issues des résultats de leurs activités d’accompagnement pourrait permettre de trouver un modèle économique vertueux pour ces entités économiques.
Par le biais des appels à projets, les pouvoirs publics pourraient contractualiser avec les structures d’accompagnent qui périodiquement rendraient des comptes sur la qualité de leur suivi et le niveau d’atteinte de leurs objectifs. Malgré le coût du dispositif de formalisation, l’accroissement des rendements des travailleurs du secteur informel pourrait, à moyen ou long terme, rendre le système autosuffisant.
Une formalisation par phase
A court et moyen terme, envisager l’intégration de tous les travailleurs de l’économie informelle dans le secteur structuré serait un vœu pieux. La cible prioritaire pourrait être le secteur informel concurrentiel, qui arrive à proposer des produits et services comparables à ceux du secteur structuré. L’étape de formalisation suivante pourrait concerner le secteur informel traditionnel, le secteur informel de subsistance devant disparaitre ou être marginalisée avec le temps.
En conclusion, intégrer une partie significative de ces travailleurs dans un système organisé est un préalable pour tout développement économique et humain au Sénégal. Quelles que soient ces difficultés, la transformation du secteur informel pourrait permettre de donner un avenir aux nombreux jeunes qui ne voient comme seule issue salvatrice l’immigration illégale malgré les conséquences dévastatrices qu’elle engendre.
Par Farba NDOUR
Directeur général de CREALEAD SA SCOP Montpellier
Docteur en sciences économiques
L’ampleur du secteur informel est devenue aujourd’hui considérable, au point de se demander s’il est un vecteur de paix sociale, une source de paupérisation de l’économie sénégalaise ou un pis-aller permettant de faire face aux besoins.
Malgré son importance économique et son poids sociétal, les politiques successives des différents gouvernements sénégalais ne semblent pourtant pas prioriser des réformes de fond du secteur informel. En 2021, l’économie informelle représentait 42% du PIB et l’emploi informel non agricole 56% de la population active (LEJCOS, 2023). En revanche, le budget du ministère de l’artisanat et de la transformation du secteur informel était de moins de 9 milliards de francs CFA sur un budget total de 4693 milliards de FCFA (soit moins de 0,2% du budget). La volonté du tout nouveau gouvernement d’avril 2024 de transformer le secteur informel ne semble pas évidente non plus. Aucun ministère n’est exclusivement dédié au secteur informel contrairement au pétrole et autres habituelles priorités.
A l’évidence, il serait difficilement envisageable de miser sur une croissance durable, un développement économique et une sortie de cette paupérisation sans allouer les ressources nécessaires pour la « formalisation » du secteur informel. Associer l’entrepreneuriat, les structures d’accompagnement et la protection sociale pourrait être une solution durable pour intégrer de nombreux travailleurs du secteur informel dans l’économie formelle.
Le contexte est favorable pour structurer l’économie informelle
La pandémie du COVID 19 a renforcé la vulnérabilité du secteur informel avec la mise en place des mesures de distanciation sociale au Sénégal (couvre-feu, limitation des échanges interrégionaux etc.). Le traumatisme causé par les effets de la pandémie pourrait inciter une partie des travailleurs du secteur informel à adhérer à une forme de formalisation malgré la méfiance vis-à-vis des politiques gouvernementales. En outre, les perspectives économiques sont très intéressantes et le Sénégal a découvert du pétrole et du gaz naturel qui pourront renforcer ses ressources financières.
Proposer une couverture maladie accessible pour aider la formalisation
Transformer des activités jusque-là encrées dans l’économie informelle nécessite une démarche cohérente, une pédagogie efficace, des mesures d’accompagnement adéquates et surtout un intérêt palpable à court terme pour les travailleurs concernés. Dans nos recherches (NDOUR F., 2013 ; NDOUR F. 2023), nous préconisons un modèle d’intégration progressive des emplois de l’économie informelle dans le secteur structuré grâce une couverture médicale pour diverses raisons.
Une couverture médicale serait judicieuse pour protéger la population tout en améliorant les performances économiques. La santé est une des principales composantes du capital humain. Nombreuses sont les études qui ont démontré la forte corrélation entre l’état de santé des individus, leur productivité et la croissance économique. Assurément, une couverture maladie aiderait à améliorer le capital humain.
Formaliser, c’est possible et réaliste
Des structures d’accompagnement peuvent être créées pour encadrer la formalisation des activités informelles. Elles pourraient regrouper des comptables, des spécialistes de la stratégie, du coaching et de la communication. Une association de fonds publics et de ressources privées issues des résultats de leurs activités d’accompagnement pourrait permettre de trouver un modèle économique vertueux pour ces entités économiques.
Par le biais des appels à projets, les pouvoirs publics pourraient contractualiser avec les structures d’accompagnent qui périodiquement rendraient des comptes sur la qualité de leur suivi et le niveau d’atteinte de leurs objectifs. Malgré le coût du dispositif de formalisation, l’accroissement des rendements des travailleurs du secteur informel pourrait, à moyen ou long terme, rendre le système autosuffisant.
Une formalisation par phase
A court et moyen terme, envisager l’intégration de tous les travailleurs de l’économie informelle dans le secteur structuré serait un vœu pieux. La cible prioritaire pourrait être le secteur informel concurrentiel, qui arrive à proposer des produits et services comparables à ceux du secteur structuré. L’étape de formalisation suivante pourrait concerner le secteur informel traditionnel, le secteur informel de subsistance devant disparaitre ou être marginalisée avec le temps.
En conclusion, intégrer une partie significative de ces travailleurs dans un système organisé est un préalable pour tout développement économique et humain au Sénégal. Quelles que soient ces difficultés, la transformation du secteur informel pourrait permettre de donner un avenir aux nombreux jeunes qui ne voient comme seule issue salvatrice l’immigration illégale malgré les conséquences dévastatrices qu’elle engendre.
Par Farba NDOUR
Directeur général de CREALEAD SA SCOP Montpellier
Docteur en sciences économiques