Adrien Diouf, Directeur Agence UMOA-Titres
L’année 2016 a été marquée sur le marché des titres publics par une forte sollicitation des Etats pour couvrir leurs besoins de financement.
Cette année a permis à l’Agence UMOA-Titres de consolider son positionnement en tant que bâtisseur du marché des titres publics.
Des avancées ont encore été enregistrées dans la construction et l’organisation du marché afin de permettre aux acteurs de participer plus aisément aux adjudications des Etats de la zone UMOA. A titre d’exemple, la dématérialisation totale du processus d’adjudication a été une réalité dès début 2016, tout comme l’opérationnalisation des Spécialistes en Valeurs du Trésor à compter du 1er mars de la même année.
Plusieurs actions de promotion des titres publics des Etats de la zone UMOA ont également été organisées sur l’année 2016, dans le souci constant de développer le marché des titres publics et d’offrir aux émetteurs les conditions les meilleures de levée des ressources.
2- Quel bilan peut être fait à ce jour, soit un an après l’opérationnalisation des Spécialistes en Valeurs du Trésor sur le marché ?
A ce jour, vingt-neuf (29) établissements financiers constitués de vingt-trois (23) banques et six (6) SGI sont accrédités en qualité de SVT et participent, à ce titre, aux opérations d’adjudication depuis le 1er mars 2016.
Après douze mois d’activité, nous constatons que les SVT ont participé à quatre-vingt-huit (88) adjudications dont quatre-vingt-six (86) ouvertes et deux (2) ciblées. Sur l’ensemble de ces opérations, 59% ont enregistré des soumissions effectives en Offres Non Compétitives (ONC).
De plus, les SVT ont souscrit pour 55% du volume total offert et pour 56% du volume total mobilisé.
Cependant, l’appréciation qui peut être faite de la participation des SVT aux opérations sur le marché primaire reste mitigée. Certes, le taux de souscription global des SVT (55,7%) est satisfaisant, mais des améliorations doivent être apportées sur les performances individuelles afin de respecter le taux plancher et de garantir la participation effective à toutes les adjudications.
Cette situation exige que des mesures soient prises afin de renforcer l’activité de ces acteurs. Pour ce faire, une évaluation globale de la performance des SVT concernant leurs participations au marché primaire, leur rôle dans la dynamisation du marché secondaire ainsi que dans l’appui-conseil à apporter aux Trésors nationaux, sera réalisée au cours de cette année 2017.
3- Plus de 90% des SVT agrées sont des banques. Qu’est ce qui explique l’absence des SGI ?
Le processus d’agrément est un processus transparent et ouvert. L’ensemble des banques et des SGI ont été invitées à soumettre des dossiers. Sur cette base, celles qui ont rempli les critères déterminés, ont été sélectionnées. A ce jour, la répartition effective est d'environ 77% de banques et 23% de SGI et nous rappelons qu’aucune candidature de SGI n’a été rejetée.
4- Dans ces conditions, où en êtes-vous dans la dynamisation du marché secondaire ?
Différentes actions et réformes ont été entreprises durant ces dernières années afin de dynamiser le marché secondaire. Nous pouvons citer, entre autres, l’introduction de titres standards qui sont échangés plus facilement sur le marché secondaire ainsi que l’abondement de certains gisements pour créer sur le même titre des gisements bien plus conséquents et favoriser ainsi les échanges.
Au cours de l’année 2017, nous allons étudier la mise en place d’une plateforme de cotation des titres ce qui devrait faciliter la confrontation de l’offre et de la demande sur le marché secondaire. Il s’agira essentiellement de donner de la visibilité aux acteurs sur les évolutions de ce segment de marché, le niveau des transactions et les titres les plus échangés. Il s’agira aussi de mettre en place collégialement des stratégies permettant de dynamiser ce marché secondaire à savoir la promotion des actions de la pension livrée ou encore l’exigence de cotation des SVT qui se verrait facilitée grâce à cette plateforme.
5- A l’entame de l’année 2017, le marché a montré des difficultés à mobiliser l’intégralité des montants sollicités par plusieurs Etats. Pouvez nous nous expliquer pourquoi ?
Votre question renvoie en réalité à la composition de la base des investisseurs. En ce sens que les difficultés occasionnelles de mobilisation de ressources que le marché connait actuellement sont essentiellement dues au fait que notre base d’investisseurs est majoritairement composée de banques. Ainsi, lorsque certains enjeux propres au secteur bancaire subissent des évolutions, l’impact s’en ressent directement sur le marché.
Par conséquent, le défi fondamental que nous avions préalablement identifié et avons formellement inscrit dans nos objectifs à partir de 2017 est la diversification de la base d’investisseurs afin d’éviter la trop grande dépendance du marché envers une seule corporation professionnelle.
Pour autant, il convient de regarder le marché dans son ensemble pour avoir une lecture plus pointue de la situation qui, du reste, n’est pas si alarmante. En effet, pouvons-nous réellement parler de difficultés à mobiliser des ressources quand le taux moyen de couverture des émissions sur le premier trimestre ressort à 102% 2017 des montants mis en adjudication ?
6- On constate que les émissions de titres publics sont toujours souscrites dans la zone UMOA, est-ce à dire que notre marché financier n’est pas attrayant pour les investisseurs hors Zone UEMOA ? Est-ce dû aux maturités proposées ?
Un des objectifs de l’Agence UMOA-Titres depuis sa création est de participer à la dynamisation du marché financier régional. Il est donc logique que les titres émis par les Etats, dont les ressources tirées sont destinées au financement de l’économie locale, soient en priorité proposés aux investisseurs de la zone UEMOA qui en sont demandeurs.
Notre marché financier présente de nombreux avantages pour les investisseurs hors zone UEMOA.
Quant aux maturités, elles ne représentent certainement pas un point bloquant. Pour exemple, la durée résiduelle moyenne de la dette de marché des Etats de la zone UEMOA ne dépasse pas quatre (4) ans et demi quand elle est proche de huit (8) ans pour les Etats de la zone Euro.
Toutefois, certaines actions doivent être consolidées pour intéresser davantage les investisseurs internationaux aux titres souverains de la zone UEMOA ; notamment :
- le renforcement de la promotion des titres publics en dehors de la zone UEMOA ;
- la poursuite de la standardisation des titres : nos titres souverains tels qu’ils étaient habituellement émis ne correspondaient pas forcément aux standards internationaux dans lesquels tous les investisseurs pouvaient se retrouver. Surtout, ils ne pouvaient pas être traités de manière dynamique sur le marché secondaire. C’est la raison pour laquelle l’AUT a entamé depuis près de deux (2) ans en collaboration avec les Etats de la zone UMOA et la BCEAO un travail, toujours en cours, de standardisation des titres émis.
- Ne pensez-vous pas que les exonérations d’impôts pour les investisseurs résidents dans le pays émetteur uniquement ne soient un frein au développement du marché financier qui est unique pour l’ensemble de nos Etats ?
En effet, nous sommes souvent interpelés sur le fait que les souscripteurs implantés hors du territoire de l’Etat émetteur et assujettis au régime fiscal de leur lieu de résidence, ne peuvent pas bénéficier de la défiscalisation accordée par cet émetteur. Cette pratique est une source de distorsion pour le marché financier régional à travers les rendements demandés par émission qui ne sont plus seulement basés sur la qualité du crédit de l’émetteur, mesurée par sa capacité et sa volonté de remboursement, mais aussi sur le taux d’imposition auquel est soumis l’investisseur. Elle contribue à limiter la participation des investisseurs autres que ceux de l’émetteur aux émissions de ce dernier.
Nous avons entrepris des travaux sur cette question, en rapport avec la Commission de l’UEMOA, afin de parvenir à une harmonisation de la fiscalité sur ces titres et lever les contraintes évoquées ci-avant.
- Un constat a été fait au sujet du renchérissement du coût de la dette. Partagez-vous ce constat ?
Cependant, Il convient de préciser que si le coût de la dette est un facteur qui fluctue en fonction d’un contexte économique donné, cela ne saurait remettre en cause la nécessité ou l’existence du marché financier. L’Etat prend le coût d’une opération comme une donnée et l’analyse à la lumière de paramètres qui lui sont propres avant de prendre sa décision finale.
- L’année 2017 a vu l’avènement des adjudications simultanées – qu’est ce qui explique cela ?
En effet, les adjudications simultanées revêtent l’avantage de pouvoir structurer plusieurs opérations en une seule, de sorte que le même jour, il soit possible de mobiliser de la liquidité auprès de différents profils d’investisseurs.
Ce type d’opérations, qui est couramment organisé sur les marchés internationaux, a été rendu possible sur notre marché grâce au déploiement de l’outil électronique SAGETIL-UEMOA en 2016.
L’Agence UMOA-Titres a donc saisi cette opportunité pour mettre à la disposition du marché un produit conforme aux pratiques internationales.
- Quel est le montant estimatif que vous souhaitez lever sur les marchés financiers au titre de l’année 2017 ?
- Votre dernier mot
C’est pourquoi l’Agence UMOA- Titres va adopter une démarche favorable à la conquête du marché rapide de nouveaux investisseurs et, avec l’aide de certains partenaires clés comme les médias, nous sommes convaincus d’y parvenir dans les meilleurs délais.
Propos recueillis par Fatou Blondin Cissé et Ismaila BA