Yann de Nanteuil, DG de la SGBS : «Au Sénégal, l’activité doit bénéficier aux Sénégalaises et Sénégalais»

Dimanche 17 Mai 2015

Le plan Sénégal émergent, le financement de l’agriculture, et en particulier du riz, ainsi que l’inclusion financière, forment la trame de la seconde et dernière partie de l’interview accordée au journal Le Quotidien par le directeur général de la Société générale de banques au Sénégal (Sgbs), M. Yann de Nanteuil.


Yann de Nanteuil, directeur général de la Société générale de banques au Sénégal (Sgbs)
Yann de Nanteuil, directeur général de la Société générale de banques au Sénégal (Sgbs)
Dans le cadre du Pse, à quel type de financement participez-vous ? 
A la Sgbs, on a beaucoup travaillé sur le Pse. Parce qu’on a eu la chance et l’honneur d’être mandatés l’année dernière par l’Etat du Sénégal pour aller faire l’émission obligataire en dollars, qui est un des moyens de financer un certain nombre de grands investissements du Pse. La Société générale de banques au Sénégal (Sgbs) est adossée à un grand groupe financier qui a plus de 80 implantations dans le monde. Dans cette grande banque, il y a une direction, qui est la banque de marché, qui travaille avec des investisseurs de tous les pays, en Asie, Europe, Moyen-Orient, Amérique du nord, Amérique du Sud. L’Etat du Sénégal a donné au Groupe Société générale, avec deux autres banques, la mission de vendre l’image du Sénégal, de vendre la pertinence du Pse et des investissements du Pse, pour lever de l’argent auprès d’investisseurs internationaux et financer ces grands investissements. C’est ce qui s’est passé en juillet 2014.  L’Etat voulait 500 millions de dollars. On a trouvé des investisseurs qui, au final, dans les demandes, en voulaient 5 ou 6 fois plus. On a fait notre travail. C’est de la mise en relation. Le ministre, le gouvernement, l’Etat se sont engagés pour aller vendre l’image du Sénégal auprès de tous ces investisseurs. Quand on vous demande de l’argent, vous voulez voir ce qui est derrière, vous ne placez pas n’importe comment. On est tous pareils ! Ça nous a beaucoup plu à la Sgbs, de travailler sur le Pse. Moi ce que j’en pense, c’est qu’il est totalement pertinent, parce que le Sénégal a une balance commerciale très déficitaire. Et il y a beaucoup d’axes du Pse qui répondent à la nécessité de rééquilibrer la balance commerciale qui sera un des facteurs de développement et de croissance économique du pays. C’est déjà le cas d’ailleurs pour certains. Et l’agriculture en est la clé. Quand on voit la masse d’importation de produits agricoles ou de nourriture, c’est important. Mais il y a plein d’autres secteurs importants. L’énergie est aussi un secteur clé. Si vous voulez  développer  le secteur secondaire ou baisser le coût d’irrigation agricole, il faut baisser le coût de l’énergie. L’infrastructure est aussi importante.  Si vous voulez irriguer par le port de Dakar, les importations au Mali, il faut des routes, des trains, des infrastructures essentielles. La formation, l’Education, la santé sont aussi essentielles, si vous voulez avoir un pays qui travaille dans les nouvelles technologies, qui peut servir des demandes dans le monde entier à partir du Sénégal. L’investissement dans la formation de nos jeunes aussi, c’est  la clé. Le Sénégal a déjà beaucoup d’atouts dans ce domaine, parce que c’est un pôle universitaire historique en Afrique de l’Ouest. On est obligé d’assurer une santé pour sa population. Les axes du Pse me semblent extrêmement pertinents. C’est pour cela qu’on s’est engagé et qu’on veut s’engager à le financer. Au-delà du financement d’un côté, par l’Eurobond, la Sgbs, qui est une banque locale, il faut le rappeler, finance aussi des projets directement. Nous, on dit ce qu’on fait, on fait ce qu’on dit. On a deux exemples de projets récents. Dans le secteur minier, cité dans le programme Pse, on a largement financé l’entreprise Grande Côte (Gco), qui a lancé une exploitation de zircon et de l’ilménite, qui sont des sables enrichis qui permettent de faire de la peinture blanche ou du titane. En deux ans, Gco a créé 800 emplois. Nous, on lui a fait un crédit de 30 milliards. Vous voyez le lien ? 30 milliards et 800 emplois. Ils ne nous ont pas attendus pour décider de faire les 800 emplois. Ils avaient lancé leur projet, mais il fallait à un moment financer le démarrage. On était là. Ce projet était aussi inscrit dans le Pse. Puis récemment, on a cofinancé avec une autre banque, 400 tracteurs pour l’agriculture sénégalaise. C’est du lourd. On fait plein de petits financements que vous ne voyez pas mais qui sont des effets du Pse. Quand vous construisez une route, il y a plein de sous-traitants. Derrière, on va financer un sous-traitant qui transporte le goudron par exemple. Derrière, les effets des projets du Pse, on les finance à tous les étages, les grands, les petits, les moyens, etc.
On a vu plein de projets dans le cadre du Pse, surtout des projets d’infrastructures, qui sont lancés par des entreprises non occidentales. Quelque part est ce que cela ne vous a pas porté préjudice pour financer ce genre d’activités ? Ces entreprises n’ont-elles pas tendance à se tourner vers vos concurrents plutôt que vers vous pour se financer ?
Pourquoi ? Cela vous gêne que ce soit les entreprises sénégalaises qui aient les marchés du Pse ? Moi, cela ne me gêne pas du tout en tant que banque sénégalaise.
Non, ce n’est pas cela la question…
C’est une boutade, si vous voulez. Mais il y a du fond dans la boutade. D’abord je ne suis pas d’accord, parce qu’il y a des entreprises détenues en majorité, mais pas obligatoirement en totalité, par des actionnaires étrangers. Africains, Européens, Américains, Asiatiques, ou Moyen- orientaux, qui travaillent sur des projets du Pse. Moi j’en connais. Et c’est normal, à partir du moment où il y a une technicité, sur un projet, qui permet d’avoir un meilleur rapport qualité-prix d’exécution du projet. Et que cette technicité n’est pas ou n’existe pas dans le pays dans lequel on veut faire ce projet. C’est normal d’aller chercher l’entreprise à l’étranger, et c’est notre devoir d’aller le faire. Par contre, ce à quoi on fait beaucoup attention dans la banque, comme aussi dans d’autres banques qui travaillent dans le cadre du projet de la Pse, c’est quand quelqu’un de l’étranger vient exécuter un marché au Sénégal, que cela bénéficie au Sénégal non seulement dans le produit qu’il va encaisser, mais aussi dans l’emploi, la formation et le transfert de technologies. C’est comme cela qu’on travaille en partenariat. Un partenariat équilibré. Je connais pas mal de boîtes détenues en majorité par des Occidentaux, notamment des Européens. La Sgbs, de par sa participation majoritaire, le Groupe Société Générale, est un adhérent actif du Comité des investisseurs européens au Sénégal (Cies), qui regroupe plus de 150 entreprises. Dans ce comité, on a énormément d’adhérents qui portent une attention toute particulière à ce que cette activité qu’ils développent au Sénégal soit au profit du Sénégal dans le produit, et au profit des Sénégalaises et Sénégalais également dans toute la fabrication du produit. De par l’emploi, de par la formation, de par toute l’activité qui est générée par la fabrication. C’est comme cela qu’on a un développement économique durable de tout le monde, et un vrai partenariat équilibré. C’est gagnant-gagnant.
Vous avez parlé de votre activité dans l’agriculture. Comment se manifeste ce financement ? Le gouvernement a lancé un projet  de promotion de la culture du riz pour atteindre l’autosuffisance. Est-ce que La Sgbs participe à ce projet ? 
Oui. On y participe par le financement direct d’entreprises qui travaillent dans ce secteur. La deuxième chose, c’est plus largement sur l’agriculture, c’est toujours un secteur où il faut qu’il y ait plusieurs financements. Il faut que les multilatéraux s’investissent dans ce secteur. Comme ce sont des investissements très lourds, le retour sur investissement est souvent très long. Et les financements agricoles, pour les investissements de base où l’on estime un retour sur investissement à plus de dix ans. C’est très long ! Or ce qui nous est imposé, à nous les banquiers commerciaux, par la Banque centrale, c’est que 50% des crédits à plus de deux ans soient financés par des dépôts à plus de deux ans. Alors, quand vous prêtez 1 milliard à 10 ans, vous devez trouver 500 millions de dépôt à 10 ans. Sauf qu’avec un dépôt de 500 millions à 10 ans, vous allez devoir rémunérer très cher votre client qui vous fait le dépôt. Les prix dans le secteur bancaire sur des durées longues de 12, 15, 20 ans, ne sont pas toujours les plus compétitifs. C’est là où le secteur bancaire commercial doit s’associer au secteur des multilatéraux, qui eux ont des prix concessionnels, pour aider au financement de l’agriculture. Ça existe dans tous les pays, ce n’est pas nouveau au Sénégal. Et c’est comme cela que ça peut se passer et que cela doit se passer. Mais on y participe, nous, par du financement aux entreprises, sur des durées parfois assez longues.
Je termine sur un point dont vous avez parlé tout à l’heure : l’inclusion financière. On parle souvent d’inclusion financière quand il s’agit  du secteur de la micro-finance. La Sgbs s’intéressait à une certaine période à ce secteur qui est un peu différent de la banque que vous exercez. Cet intérêt s’est-il transformé en une action quelconque ?
Déjà, trois points. L’inclusion financière à la Sgbs commence par l’embauche, première chose. Cette année on va créer plus de 30 emplois. Par rapport au 31 décembre 2014, il y aura 30 emplois de plus à la Sgbs.
De haut niveau où bien …?
De tous niveaux. On crée trois nouvelles agences. On investit cette année un budget de 3 milliards dans la Sgbs, dans des agences et dans l’informatique. Quand on investit, ce n’est pas pour partir demain ! Il ne faut pas être schizophrène. Deuxième chose, le Groupe Société Générale a choisi il y a deux ans, Pikine pour faire un test en Afrique, et pour travailler à l’inclusion financière de populations qui actuellement n’ont pas accès à la banque. Ce projet repose sur un dispositif un peu innovant d’agences où les conseillers commerciaux n’ont pas de bureaux mais plutôt des scooters pour aller bancariser les gens sur les marchés. Cela coûte moins cher en immobilier. Normalement, on peut faire des primes plus compétitives. Cela ne coûte que le scooter. C’est donc un modèle un peu nouveau qui repose sur de la technologie, de la téléphonie avec Yobantel, qui permet d’avoir des modes de financement un peu modernes et beaucoup plus dématérialisés. C’est un test qui actuellement n’est pas du tout rentable. On l’assume. En revanche, l’inclusion financière marche en revanche. Ils ont 4 500 nouveaux clients en deux ans à Pikine. L’enjeu, c’est de le rentabiliser et d’arriver à trouver un modèle qui ait un équilibre financier où tout le monde gagne un peu. On pense qu’on peu y arriver. On développe cela et on pense que c’est un outil qui peut véritablement favoriser et aider à l’inclusion financière. 
Troisième chose, la  Sgbs a lancé, fin 2013-début 2014, un pack de services à prix cassés. Ça s’appelle le Pack éco. Dans ce Pack éco, il y a trois produits. Le compte en banque, la carte et le sms banking, pour avoir son solde une fois par semaine. Trois produits  pour 100 francs Cfa par mois. Comme le salaire moyen au Sénégal c’est 100 mille francs par mois. Pour 1% par mois, vous avez les produits bancaires de base. Trois actions qui participent à l’inclusion financière. Ce n’est pas du vent ! C’est du concret ! Baobab !
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