La loi sur le « Contenu local » constitue dans le secteur des hydrocarbures la plus grande opportunité économique jamais offerte à l’industrie de l’Assurance et de la Réassurance au Sénégal. C’est le seul secteur pour lequel le législateur a consacré une disposition spéciale, à travers l’article 10 de la loi sur le « contenu local ». L’industrie de l’Assurance et de la Réassurance au Sénégal a d’ailleurs saisi la balle au rebond en se constituant, depuis janvier 2019, en pool de souscription et de gestion des risques pétroliers et gaziers.
Un pool est un groupement d’assureurs ou de réassureurs qui mettent en commun leurs capacités pour couvrir certains risques.
On parle alors de pools de coassurance ou de pools de co-réassurance.
Les pools sont généralement spécialisés et cette spécialisation peut se faire par Branche (pool incendie, transport, caution, ... ; Evénement (pool catastrophes naturelles, terrorisme, ...)
Ce pool en question qui regroupe aujourd’hui 29 compagnies (IARD et VIE), a déjà engrangé un contrat de plus de 7 milliards de FCfa, avec Woodside, l’opérateur du champ de Sangomar d’un potentiel de 2,5 milliards de barils.
Ce contrat est destiné à la couverture de tous les risques chantiers (TRC) très importants, des installations « offshore » du junior pétrolier australien. C’est plutôt chiche si l’on considère que les premières estimations font état d’un potentiel d’environs 30 à 40 milliards de francs Cfa de primes d’assurance pour les blocs de Grand tortue et Sangomar profond.
Par ailleurs, il s’agit de la troisième affaire remportée par le Pool, après deux opérations conduites successivement par les deux compagnies « Prévoyance Assurances » et « AXA Assurance Sénégal. »
Toujours est-il que cette affaire, est de loin la plus importante souscrite en collectif. Elle augure de belles perspectives en ce qui concerne la mise en commun des compétences et capacités de tous les acteurs.
A ce titre, le Pool dont la coordination est assurée par la société d’assurance Sénégalaise de Réassurance (SENRE), a collaboré avec le marché international de la réassurance de Londres suivant les critères exigés par les bailleurs de fonds. L’opération semble démontrer que le marché sénégalais est assez mature et compétent pour structurer des solutions à des standards internationaux.
On peut également donner l’exemple de la compagnie Saham Assurance devenue Sanlam qui, avait assuré les phases d’exploration de CAIRN ENERGY, premier opérateur du champ de Sangomar, pour des capitaux sous garanties de quelques centaines de millions de dollars USD.
Un marché à double enjeu
Le moins qu’on puisse dire est que le marché sénégalais de l’assurance, du point de vue des acteurs, est plutôt divisé. En effet, les acteurs sont loin de partager la même vision notamment en ce qui concerne la stratégie à mettre en place pour capter le marché de l’énergie. Cela pourrait porter un coup sérieux à sa position de deuxième marché d’assurance de la Zone CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance), composée de 14 pays africains, où le Sénégal en 2020 occupait le deuxième rang en termes d’importance de charges de sinistres derrière la Côte d’Ivoire (117,007 milliards), et devant le Cameroun (65,702 milliards)).
Le conflit commercial qui a opposé une compagnie d’assurance de la place et le pool de souscription et de gestion des risques pétroliers et gaziers, est une parfaite illustration du risque de la bipolarité du marché.
Cette « guéguerre » qui prévaut dans le marché serait de nature à saper l’esprit et l’enjeu du Contenu local qui devraient permettre au Sénégal de tirer pleinement profit des ressources générées par l’exploitation du pétrole et du gaz pour le secteur.
Il faut noter par ailleurs, que certains acteurs influents du marché local dénoncent également un « sectarisme » notamment à travers la constitution du pool pétro gazier qui, selon eux, a ignoré « littéralement » les 86 sociétés de courtage d’assurances dûment agréées par l’Etat. C’est dire qu’il ya des réglages importants à faire entre acteurs pour tirer le maximum de cette opportunité.
En effet, un tel Pool présente des avantages multiples, notamment la construction commune au niveau du marché d’un contenu local fort et l’optimisation du cost-oil en faveur de l’Etat par la mise à profit de l’expérience du marché sénégalais en matière de négociation sur le marché international de la réassurance d’une part, et d’autre part, la surveillance de la règlementation en matière d’assurance et de réassurance avec la participation de la SEN RE , la génération d’un revenu pour le secteur pouvant aller jusqu’à 25% du montant de la prime d’assurance, soit environ 10 milliards par an, pour ne citer que celles-là, nonobstant le fait que ces ressources pourront contribuer aux souscriptions des émissions obligataires de l’Etat du Sénégal.
Faut-il le noter, les compagnies d’assurances du Sénégal sont les premières contributrices aux émissions obligataires de l’Etat et des bons du trésor sénégalais. Pour conforter cette tendance, les experts estiment qu’il faut éviter un traitement des opérations réductrices par la mise en place de fronting sous-rémunéré. Ce procédé est dévastateur car réduirait la compagnie d’assurance à un simple intermédiaire pour des risques qui sont rétrocédés entièrement à l’extérieur.
Entre risques surdimensionnés et insuffisance de fonds
L’article 308 du code CIMA a certes prévu, en fonction de la nature des risques, des cas d’interdictions de placement hors zone, des cas de restrictions, un régime minimal, mais également et surtout des cas de liberté totale de placement hors zone CIMA, dans les autres marchés africains et du monde entier.
Mais dans le contexte actuel et en dépit du régime protecteur de l’article 308 du code CIMA, les spécialistes alertent sur le risque de favoriser une cession de la quasi-totalité des primes générées auprès des compagnies de réassurances étrangères hors zone CIMA en général et hors marché sénégalais en particulier. Le risque serait de provoquer une importante fuite de capitaux au détriment de l’économie nationale.
D’après les estimations du pool, 65,5 milliards de FCfa (100 millions d’euros) d’émission de primes sont attendus sur les cinq premières années suivant le démarrage de la production de gaz naturel prévue en 2023. Ce montant correspond à une croissance de 50 % du marché qui génère environ 131 milliards de FCFA (200 millions d’euros) de primes vie et non-vie, émises par an. Mais entre l’insuffisance de fonds et les risques surdimensionnés, l’opportunité risque d’être une gageure pour le marché sénégalais. Il convient de préciser que dans le cas d’espèce, les investissements ne portent pas sur le pétrole, lui-même, mais sur les plateformes pétrolières, les chantiers, les barges…
Parmi les risques inhérents et connexes aux hydrocarbures, il y a d’abord l’Assurance pertes d'exploitation qui indemnise les pertes financières dues à l'interruption temporaire de l'approvisionnement du gaz ou du pétrole brut, suite à un accident matériel survenu sur la plate-forme. Il ya ensuite et plus lourde encore, l’Assurance contrôle de puits qui couvre les coûts survenus lors de la tentative de contrôle du puits de forage suite à une « explosion ». La couverture peut inclure les frais de re-forage, les fuites ou pollutions entraînant des dommages corporels ou matériels à un tiers et les coûts de nettoyage de l'environnement.
La liste est loin d’être exhaustive, mais elle renseigne sur la difficulté du marché car, en plus de la technicité requise, les capacités demandées sont importantes. Au vu des sommes assurées, les limites de capacité sont atteintes plus rapidement que dans les autres branches. A la limite, les risques down Stream (offshore ou onshore) qui se rapportent au raffinage, au transport et à la commercialisation, semblent être plus accessibles pour le marché sénégalais des assurances.
Le défi à relever, dans ce cas de figure, concerne la rétention d’une partie des primes et la formation pour la gestion de ces risques nouveaux et complexes, pour ne pas se contenter de leur « fronting » vers l’extérieur. Le relèvement du capital social des sociétés de la place à 5 milliards de FCfa devrait permettre d’accroître les capacités de souscription pour augmenter la rétention des primes sur le marché. Mais ça, c’est loin d’être gagné.
Un marché répartit entre des risques Upstream et downstream
Le marché de l'assurance énergie (pétrole, gaz et pétrochimie) se répartit entre les risques up Stream, down Stream et responsabilités. Les risques up Stream, down Stream peuvent concerner aussi bien l'off-shore que l'onshore (sur terre).
Les opérations dites up Stream sont celles dédiées à la recherche et l'exploration du pétrole brut ou du gaz naturel.
Les opérations dites down Stream comprennent le raffinage du pétrole, la vente des produits dérivés et la distribution du gaz naturel. Ces dernières activités ne sont donc pas en lien avec les travaux offshore, réalisés par les plates-formes ou autres vaisseaux mobiles d'exploration et de production.
Les plates-formes offshores appartiennent aux catégories comme : les appareils offshores fixes et flottants, les systèmes de stockage offshore, mais aussi les équipements immergés, les pipelines offshore, ou tout autre équipement offshore en relation avec les précédents nommés, notamment les unités de forage mobiles offshore et les appareils qui y sont liés , que ce soient les projets de construction et d'installation offshore , les navires de services d'entretien et de transport de l'énergie , le pétrole ou gaz naturel en cours de transit ou de stockage.
Un marché confronté à défis multiformes et complexes
A ce jour, seules quelques compagnies d'assurance disposent des compétences techniques et des ressources financières pour assurer des risques aussi importants que ceux liés aux plateformes pétro-gazières. Au niveau mondial, les assureurs et réassureurs les plus actifs sur ce créneau sont les multinationales comme : Munich Re, Swiss Re, AXA, SCOR, les Syndicats des Lloyd's, Allianz, AIG, Oil Insurance Ltd.
En outre, toutes les grandes compagnies pétrolières, « les majors », disposent aujourd’hui de leur propre société d'assurance captive et y recueillent les primes de toutes leurs filiales dans le monde, ce qui leur permet de disposer de ressources dans la durée. Le défi du marché de l’énergie est donc celui des capacités financières à long terme.
Il s’y ajoute que, pour souscrire sur le marché énergie, un assureur doit en plus disposer de capacités techniques dont de véritables spécialistes capables d'accompagner les risques dans la durée. L'investissement humain sur le long terme étant tellement lourd, peu d'assureurs peuvent se permettre de se positionner sur ce créneau. Le marché est toujours entre les mains d'un club restreint d'assureurs et de réassureurs puissants et bien organisés.
Dès lors, bien que le regroupement en pool des acteurs au Sénégal soit pertinent, les spécialistes attirent l’attention sur la nécessité de garantir, d’abord la domiciliation locale optimale des risques à assurer, et le maintien voire l’augmentation autant que possible des flux importants de capitaux dans le marché sénégalais et même africain (CIMA) de l’assurance et de la Réassurance.
La prévention , élément fondamental de l’assurance
Le secteur de l'énergie est caractérisé par une sinistralité destructrice, tant sur le plan économique, que sur l'image des compagnies pétrolières avec les scènes de pollutions, marées noires, catastrophes naturelles, cyclones, incendies de sites de stockage.
Au total, les plateformes pétrolières comportent une vingtaine de catégories de risques qui sont couverts par autant de formes d’assurance.
Par ailleurs, un pétrole cher entraîne des sinistres chers puisque le coût des sinistres est directement affecté par l'envolée des prix de l'énergie, qui impacte les coûts de construction et augmente fortement les dommages liés aux pertes d'exploitation.
En raison de sa complexité et de l'évolution technologique, la prévention du secteur de l'énergie nécessite un niveau élevé d'expertise et donc une parfaite maîtrise des risques par les ingénieurs et autres spécialistes du métier.
La prévention est ainsi devenue un élément fondamental des programmes d'assurance. Les statistiques et la connaissance du passé ne suffisent plus pour appréhender ce risque, d'où la nécessité pour les assureurs de mettre en place de nouveaux instruments de prévention, de gestion et de mitigation du risque mais également de développer des approches de maitrise des coûts. De nombreux outils tels que les logiciels de simulation de sinistres extrêmement puissants permettent, aujourd’hui aux assureurs d'affiner leur évaluation des risques potentiels voir réels.
L’obstacle climatique, le talon d’Achille du secteur des assurances
L’assurance est le talon d’Achille de l’industrie des combustibles fossiles, mais les chantres de la protection de l’environnement estiment que toutes les compagnies d’assurances doivent immédiatement aligner leurs activités sur l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris et cesser d’assurer les nouveaux projets de charbon, de pétrole et de gaz.
En raison d’engagements climatiques, le nombre de restrictions pour le pétrole et le gaz augmente, mais les principaux assureurs de combustibles fossiles comme AIG, Chubb, Lloyd’s et Tokio Marine n’ont pas encore adopté de restrictions concernant le pétrole et le gaz conventionnels. AXA et Zurich, deux grands assureurs du secteur pétrolier et gazier, n’ont pris que des mesures mineures en s’engageant à ne plus assurer l’exploration pétrolière, mais pas la nouvelle production de pétrole ni l’exploration ou la production de gaz.
Les nouveaux producteurs comme le Sénégal, ne semblent pas tout à fait d’accord sur le principe de réduction des financements de nouveaux projets d’exploitation de pétrole et de Gaz, condition sine qua none de mise en œuvre d’une assurance et d’une réassurance par les compagnies. Grande question !
Lejecos Magazine
Un pool est un groupement d’assureurs ou de réassureurs qui mettent en commun leurs capacités pour couvrir certains risques.
On parle alors de pools de coassurance ou de pools de co-réassurance.
Les pools sont généralement spécialisés et cette spécialisation peut se faire par Branche (pool incendie, transport, caution, ... ; Evénement (pool catastrophes naturelles, terrorisme, ...)
Ce pool en question qui regroupe aujourd’hui 29 compagnies (IARD et VIE), a déjà engrangé un contrat de plus de 7 milliards de FCfa, avec Woodside, l’opérateur du champ de Sangomar d’un potentiel de 2,5 milliards de barils.
Ce contrat est destiné à la couverture de tous les risques chantiers (TRC) très importants, des installations « offshore » du junior pétrolier australien. C’est plutôt chiche si l’on considère que les premières estimations font état d’un potentiel d’environs 30 à 40 milliards de francs Cfa de primes d’assurance pour les blocs de Grand tortue et Sangomar profond.
Par ailleurs, il s’agit de la troisième affaire remportée par le Pool, après deux opérations conduites successivement par les deux compagnies « Prévoyance Assurances » et « AXA Assurance Sénégal. »
Toujours est-il que cette affaire, est de loin la plus importante souscrite en collectif. Elle augure de belles perspectives en ce qui concerne la mise en commun des compétences et capacités de tous les acteurs.
A ce titre, le Pool dont la coordination est assurée par la société d’assurance Sénégalaise de Réassurance (SENRE), a collaboré avec le marché international de la réassurance de Londres suivant les critères exigés par les bailleurs de fonds. L’opération semble démontrer que le marché sénégalais est assez mature et compétent pour structurer des solutions à des standards internationaux.
On peut également donner l’exemple de la compagnie Saham Assurance devenue Sanlam qui, avait assuré les phases d’exploration de CAIRN ENERGY, premier opérateur du champ de Sangomar, pour des capitaux sous garanties de quelques centaines de millions de dollars USD.
Un marché à double enjeu
Le moins qu’on puisse dire est que le marché sénégalais de l’assurance, du point de vue des acteurs, est plutôt divisé. En effet, les acteurs sont loin de partager la même vision notamment en ce qui concerne la stratégie à mettre en place pour capter le marché de l’énergie. Cela pourrait porter un coup sérieux à sa position de deuxième marché d’assurance de la Zone CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance), composée de 14 pays africains, où le Sénégal en 2020 occupait le deuxième rang en termes d’importance de charges de sinistres derrière la Côte d’Ivoire (117,007 milliards), et devant le Cameroun (65,702 milliards)).
Le conflit commercial qui a opposé une compagnie d’assurance de la place et le pool de souscription et de gestion des risques pétroliers et gaziers, est une parfaite illustration du risque de la bipolarité du marché.
Cette « guéguerre » qui prévaut dans le marché serait de nature à saper l’esprit et l’enjeu du Contenu local qui devraient permettre au Sénégal de tirer pleinement profit des ressources générées par l’exploitation du pétrole et du gaz pour le secteur.
Il faut noter par ailleurs, que certains acteurs influents du marché local dénoncent également un « sectarisme » notamment à travers la constitution du pool pétro gazier qui, selon eux, a ignoré « littéralement » les 86 sociétés de courtage d’assurances dûment agréées par l’Etat. C’est dire qu’il ya des réglages importants à faire entre acteurs pour tirer le maximum de cette opportunité.
En effet, un tel Pool présente des avantages multiples, notamment la construction commune au niveau du marché d’un contenu local fort et l’optimisation du cost-oil en faveur de l’Etat par la mise à profit de l’expérience du marché sénégalais en matière de négociation sur le marché international de la réassurance d’une part, et d’autre part, la surveillance de la règlementation en matière d’assurance et de réassurance avec la participation de la SEN RE , la génération d’un revenu pour le secteur pouvant aller jusqu’à 25% du montant de la prime d’assurance, soit environ 10 milliards par an, pour ne citer que celles-là, nonobstant le fait que ces ressources pourront contribuer aux souscriptions des émissions obligataires de l’Etat du Sénégal.
Faut-il le noter, les compagnies d’assurances du Sénégal sont les premières contributrices aux émissions obligataires de l’Etat et des bons du trésor sénégalais. Pour conforter cette tendance, les experts estiment qu’il faut éviter un traitement des opérations réductrices par la mise en place de fronting sous-rémunéré. Ce procédé est dévastateur car réduirait la compagnie d’assurance à un simple intermédiaire pour des risques qui sont rétrocédés entièrement à l’extérieur.
Entre risques surdimensionnés et insuffisance de fonds
L’article 308 du code CIMA a certes prévu, en fonction de la nature des risques, des cas d’interdictions de placement hors zone, des cas de restrictions, un régime minimal, mais également et surtout des cas de liberté totale de placement hors zone CIMA, dans les autres marchés africains et du monde entier.
Mais dans le contexte actuel et en dépit du régime protecteur de l’article 308 du code CIMA, les spécialistes alertent sur le risque de favoriser une cession de la quasi-totalité des primes générées auprès des compagnies de réassurances étrangères hors zone CIMA en général et hors marché sénégalais en particulier. Le risque serait de provoquer une importante fuite de capitaux au détriment de l’économie nationale.
D’après les estimations du pool, 65,5 milliards de FCfa (100 millions d’euros) d’émission de primes sont attendus sur les cinq premières années suivant le démarrage de la production de gaz naturel prévue en 2023. Ce montant correspond à une croissance de 50 % du marché qui génère environ 131 milliards de FCFA (200 millions d’euros) de primes vie et non-vie, émises par an. Mais entre l’insuffisance de fonds et les risques surdimensionnés, l’opportunité risque d’être une gageure pour le marché sénégalais. Il convient de préciser que dans le cas d’espèce, les investissements ne portent pas sur le pétrole, lui-même, mais sur les plateformes pétrolières, les chantiers, les barges…
Parmi les risques inhérents et connexes aux hydrocarbures, il y a d’abord l’Assurance pertes d'exploitation qui indemnise les pertes financières dues à l'interruption temporaire de l'approvisionnement du gaz ou du pétrole brut, suite à un accident matériel survenu sur la plate-forme. Il ya ensuite et plus lourde encore, l’Assurance contrôle de puits qui couvre les coûts survenus lors de la tentative de contrôle du puits de forage suite à une « explosion ». La couverture peut inclure les frais de re-forage, les fuites ou pollutions entraînant des dommages corporels ou matériels à un tiers et les coûts de nettoyage de l'environnement.
La liste est loin d’être exhaustive, mais elle renseigne sur la difficulté du marché car, en plus de la technicité requise, les capacités demandées sont importantes. Au vu des sommes assurées, les limites de capacité sont atteintes plus rapidement que dans les autres branches. A la limite, les risques down Stream (offshore ou onshore) qui se rapportent au raffinage, au transport et à la commercialisation, semblent être plus accessibles pour le marché sénégalais des assurances.
Le défi à relever, dans ce cas de figure, concerne la rétention d’une partie des primes et la formation pour la gestion de ces risques nouveaux et complexes, pour ne pas se contenter de leur « fronting » vers l’extérieur. Le relèvement du capital social des sociétés de la place à 5 milliards de FCfa devrait permettre d’accroître les capacités de souscription pour augmenter la rétention des primes sur le marché. Mais ça, c’est loin d’être gagné.
Un marché répartit entre des risques Upstream et downstream
Le marché de l'assurance énergie (pétrole, gaz et pétrochimie) se répartit entre les risques up Stream, down Stream et responsabilités. Les risques up Stream, down Stream peuvent concerner aussi bien l'off-shore que l'onshore (sur terre).
Les opérations dites up Stream sont celles dédiées à la recherche et l'exploration du pétrole brut ou du gaz naturel.
Les opérations dites down Stream comprennent le raffinage du pétrole, la vente des produits dérivés et la distribution du gaz naturel. Ces dernières activités ne sont donc pas en lien avec les travaux offshore, réalisés par les plates-formes ou autres vaisseaux mobiles d'exploration et de production.
Les plates-formes offshores appartiennent aux catégories comme : les appareils offshores fixes et flottants, les systèmes de stockage offshore, mais aussi les équipements immergés, les pipelines offshore, ou tout autre équipement offshore en relation avec les précédents nommés, notamment les unités de forage mobiles offshore et les appareils qui y sont liés , que ce soient les projets de construction et d'installation offshore , les navires de services d'entretien et de transport de l'énergie , le pétrole ou gaz naturel en cours de transit ou de stockage.
Un marché confronté à défis multiformes et complexes
A ce jour, seules quelques compagnies d'assurance disposent des compétences techniques et des ressources financières pour assurer des risques aussi importants que ceux liés aux plateformes pétro-gazières. Au niveau mondial, les assureurs et réassureurs les plus actifs sur ce créneau sont les multinationales comme : Munich Re, Swiss Re, AXA, SCOR, les Syndicats des Lloyd's, Allianz, AIG, Oil Insurance Ltd.
En outre, toutes les grandes compagnies pétrolières, « les majors », disposent aujourd’hui de leur propre société d'assurance captive et y recueillent les primes de toutes leurs filiales dans le monde, ce qui leur permet de disposer de ressources dans la durée. Le défi du marché de l’énergie est donc celui des capacités financières à long terme.
Il s’y ajoute que, pour souscrire sur le marché énergie, un assureur doit en plus disposer de capacités techniques dont de véritables spécialistes capables d'accompagner les risques dans la durée. L'investissement humain sur le long terme étant tellement lourd, peu d'assureurs peuvent se permettre de se positionner sur ce créneau. Le marché est toujours entre les mains d'un club restreint d'assureurs et de réassureurs puissants et bien organisés.
Dès lors, bien que le regroupement en pool des acteurs au Sénégal soit pertinent, les spécialistes attirent l’attention sur la nécessité de garantir, d’abord la domiciliation locale optimale des risques à assurer, et le maintien voire l’augmentation autant que possible des flux importants de capitaux dans le marché sénégalais et même africain (CIMA) de l’assurance et de la Réassurance.
La prévention , élément fondamental de l’assurance
Le secteur de l'énergie est caractérisé par une sinistralité destructrice, tant sur le plan économique, que sur l'image des compagnies pétrolières avec les scènes de pollutions, marées noires, catastrophes naturelles, cyclones, incendies de sites de stockage.
Au total, les plateformes pétrolières comportent une vingtaine de catégories de risques qui sont couverts par autant de formes d’assurance.
Par ailleurs, un pétrole cher entraîne des sinistres chers puisque le coût des sinistres est directement affecté par l'envolée des prix de l'énergie, qui impacte les coûts de construction et augmente fortement les dommages liés aux pertes d'exploitation.
En raison de sa complexité et de l'évolution technologique, la prévention du secteur de l'énergie nécessite un niveau élevé d'expertise et donc une parfaite maîtrise des risques par les ingénieurs et autres spécialistes du métier.
La prévention est ainsi devenue un élément fondamental des programmes d'assurance. Les statistiques et la connaissance du passé ne suffisent plus pour appréhender ce risque, d'où la nécessité pour les assureurs de mettre en place de nouveaux instruments de prévention, de gestion et de mitigation du risque mais également de développer des approches de maitrise des coûts. De nombreux outils tels que les logiciels de simulation de sinistres extrêmement puissants permettent, aujourd’hui aux assureurs d'affiner leur évaluation des risques potentiels voir réels.
L’obstacle climatique, le talon d’Achille du secteur des assurances
L’assurance est le talon d’Achille de l’industrie des combustibles fossiles, mais les chantres de la protection de l’environnement estiment que toutes les compagnies d’assurances doivent immédiatement aligner leurs activités sur l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris et cesser d’assurer les nouveaux projets de charbon, de pétrole et de gaz.
En raison d’engagements climatiques, le nombre de restrictions pour le pétrole et le gaz augmente, mais les principaux assureurs de combustibles fossiles comme AIG, Chubb, Lloyd’s et Tokio Marine n’ont pas encore adopté de restrictions concernant le pétrole et le gaz conventionnels. AXA et Zurich, deux grands assureurs du secteur pétrolier et gazier, n’ont pris que des mesures mineures en s’engageant à ne plus assurer l’exploration pétrolière, mais pas la nouvelle production de pétrole ni l’exploration ou la production de gaz.
Les nouveaux producteurs comme le Sénégal, ne semblent pas tout à fait d’accord sur le principe de réduction des financements de nouveaux projets d’exploitation de pétrole et de Gaz, condition sine qua none de mise en œuvre d’une assurance et d’une réassurance par les compagnies. Grande question !
Lejecos Magazine