Au cours des 20 dernières années, le secteur agricole a connu une croissance plus rapide en Afrique subsaharienne que dans n’importe quel autre endroit du monde : le taux de croissance moyen du PIB agricole subsaharien a atteint 4,6 % entre 2000 et 2018, soit 1,4 point de plus que dans toute autre région. Grâce à l’amélioration d’infrastructures (routes, télécommunications, etc.) et à l’augmentation de la taille des exploitations, les agriculteurs disposent d’un meilleur accès aux marchés pour vendre leurs récoltes et leur bétail à des prix plus avantageux et acheter des intrants tels que les semences et des services comme les assurances.
Toutefois, en exerçant une pression sur la production, les chocs dus au changement climatique érodent la progression de la croissance agricole et font régresser les pays. Depuis 2007, l’Afrique subsaharienne a connu quatre baisses majeures de sa production alimentaire annuelle par habitant. Tous ces reculs ont coïncidé avec d’intenses sécheresses et inondations. La fréquence de fortes pertes de production dues aux aléas météorologiques est passée d’une fois toutes les 12,5 années (moyenne pour la période 1982–2006) à une fois toutes les 2,5 années (moyenne pour 2007–2016). La baisse considérable de la production alimentaire survenue en 2015 et 2016, qui a correspondu à de graves sécheresses en Afrique de l’Est et en Afrique australe, a contribué à la hausse du taux de prévalence de la faim — passé de 18,2 % en 2014 à 19,9 % en 2018 — dans l’ensemble de l’Afrique
Que peuvent faire les dirigeants gouvernementaux, les institutions régionales, le secteur privé et les partenaires de développement pour intensifier l’adaptation climatique des systèmes alimentaires africains ? Nous distinguons deux axes d’intervention majeurs : libérer le pouvoir de la science et de la technologie et améliorer le financement.
Il est urgent de réaliser davantage de travaux de recherche et de développement en matière de cultures, d’élevage et de pratiques agricoles à l’épreuve des aléas climatiques pour accroître et préserver les rendements. Sans ces mesures, les zones de production agricole continueront de s’étendre en dégradant les sols, les bassins hydrographiques forestiers et les écopaysages dont dépend la production agricole.
Nous devons aussi faciliter l’adoption à plus grande échelle des technologies existantes intégrant la dimension climatique qui ont fait la preuve de leur efficacité. Là où les pratiques agricoles intelligentes sur le plan climatique sont appliquées aujourd’hui, les agriculteurs assistent à une amélioration de la sécurité et de la résilience alimentaires. Au Rwanda, par exemple, le projet d’aménagement du sol, de récupération de l’eau et d’irrigation par rigoles de niveau permet de maîtriser l’érosion, d’accroître les rendements sur les terres existantes et de renforcer la protection contre les sécheresses. Les rendements du maïs ont été multipliés par 2,6 entre 2009 et 2018, tandis que ceux des cultures de haricots, de blé et de pommes de terre progressaient même davantage. Le programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest a développé de nouvelles variétés de céréales — telles que le sorgho, le millet, l’arachide et le niébé — précoces, offrant des rendements élevés et résistantes à la sécheresse. Largement distribuées aux agriculteurs, ces espèces ont permis de relever les rendements de 30 % en moyenne, même avec des précipitations moindres et plus irrégulières. En 2014, en dépit de l’arrivée tardive des pluies et d’un volume total de précipitation inférieur de moitié à la moyenne, les rendements des cultivateurs de variétés améliorées de sorgho et de millet ont augmenté.
Deuxième axe d’intervention : le financement. Nous nous réjouissons des mesures prises par de nombreux pays pour optimiser leurs dépenses et produire davantage de biens publics avec chaque centime d’argent public. Dans plusieurs pays, les pouvoirs publics, au lieu de continuer à subventionner l’achat d’engrais au profit de tous les agriculteurs, ciblent les petits exploitants à l’aide de titres électroniques envoyés sur des téléphones portables. Cette méthode permet aux gouvernements de se concentrer sur les groupes prioritaires et d’économiser des millions de dollars. Au Nigéria, l’introduction d’un programme de portefeuille électronique pour l’achat d’engrais subventionnés a réduit le coût des subventions (passé de 180 millions à 96 millions de dollars entre 2011 et 2013) et a accru le nombre d’agriculteurs soutenus. Il est possible d’appliquer une démarche similaire pour promouvoir l’adoption de semences améliorées ou inciter les exploitants à cultiver des variétés de valeur supérieure, plus économes en eau et plus nutritives.
L’investissement dans une agriculture bien connectée et intégrant la dimension climatique peut aider à accélérer la réduction de la pauvreté sur le continent. Nous invitons tous les responsables de l’action publique, les entrepreneurs, les scientifiques et les financiers à relever le défi de l’adaptation climatique des systèmes alimentaires africains et à contribuer à la réalisation de ce programme qui ne présente que des avantages. En mettant en commun nos idées, nos techniques et nos ressources, nous pouvons répondre à l’un des enjeux les plus fondamentaux en matière de développement.
Tribune de Laura Tuck, vice-présidente pour les questions de développement durable, et Hafez Ghanem, vice-président pour la Région Afrique à la Banque mondiale, avant le sommet qui se déroulera à Kigali du 5 au 6 août.
Toutefois, en exerçant une pression sur la production, les chocs dus au changement climatique érodent la progression de la croissance agricole et font régresser les pays. Depuis 2007, l’Afrique subsaharienne a connu quatre baisses majeures de sa production alimentaire annuelle par habitant. Tous ces reculs ont coïncidé avec d’intenses sécheresses et inondations. La fréquence de fortes pertes de production dues aux aléas météorologiques est passée d’une fois toutes les 12,5 années (moyenne pour la période 1982–2006) à une fois toutes les 2,5 années (moyenne pour 2007–2016). La baisse considérable de la production alimentaire survenue en 2015 et 2016, qui a correspondu à de graves sécheresses en Afrique de l’Est et en Afrique australe, a contribué à la hausse du taux de prévalence de la faim — passé de 18,2 % en 2014 à 19,9 % en 2018 — dans l’ensemble de l’Afrique
Que peuvent faire les dirigeants gouvernementaux, les institutions régionales, le secteur privé et les partenaires de développement pour intensifier l’adaptation climatique des systèmes alimentaires africains ? Nous distinguons deux axes d’intervention majeurs : libérer le pouvoir de la science et de la technologie et améliorer le financement.
Il est urgent de réaliser davantage de travaux de recherche et de développement en matière de cultures, d’élevage et de pratiques agricoles à l’épreuve des aléas climatiques pour accroître et préserver les rendements. Sans ces mesures, les zones de production agricole continueront de s’étendre en dégradant les sols, les bassins hydrographiques forestiers et les écopaysages dont dépend la production agricole.
Nous devons aussi faciliter l’adoption à plus grande échelle des technologies existantes intégrant la dimension climatique qui ont fait la preuve de leur efficacité. Là où les pratiques agricoles intelligentes sur le plan climatique sont appliquées aujourd’hui, les agriculteurs assistent à une amélioration de la sécurité et de la résilience alimentaires. Au Rwanda, par exemple, le projet d’aménagement du sol, de récupération de l’eau et d’irrigation par rigoles de niveau permet de maîtriser l’érosion, d’accroître les rendements sur les terres existantes et de renforcer la protection contre les sécheresses. Les rendements du maïs ont été multipliés par 2,6 entre 2009 et 2018, tandis que ceux des cultures de haricots, de blé et de pommes de terre progressaient même davantage. Le programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest a développé de nouvelles variétés de céréales — telles que le sorgho, le millet, l’arachide et le niébé — précoces, offrant des rendements élevés et résistantes à la sécheresse. Largement distribuées aux agriculteurs, ces espèces ont permis de relever les rendements de 30 % en moyenne, même avec des précipitations moindres et plus irrégulières. En 2014, en dépit de l’arrivée tardive des pluies et d’un volume total de précipitation inférieur de moitié à la moyenne, les rendements des cultivateurs de variétés améliorées de sorgho et de millet ont augmenté.
Deuxième axe d’intervention : le financement. Nous nous réjouissons des mesures prises par de nombreux pays pour optimiser leurs dépenses et produire davantage de biens publics avec chaque centime d’argent public. Dans plusieurs pays, les pouvoirs publics, au lieu de continuer à subventionner l’achat d’engrais au profit de tous les agriculteurs, ciblent les petits exploitants à l’aide de titres électroniques envoyés sur des téléphones portables. Cette méthode permet aux gouvernements de se concentrer sur les groupes prioritaires et d’économiser des millions de dollars. Au Nigéria, l’introduction d’un programme de portefeuille électronique pour l’achat d’engrais subventionnés a réduit le coût des subventions (passé de 180 millions à 96 millions de dollars entre 2011 et 2013) et a accru le nombre d’agriculteurs soutenus. Il est possible d’appliquer une démarche similaire pour promouvoir l’adoption de semences améliorées ou inciter les exploitants à cultiver des variétés de valeur supérieure, plus économes en eau et plus nutritives.
L’investissement dans une agriculture bien connectée et intégrant la dimension climatique peut aider à accélérer la réduction de la pauvreté sur le continent. Nous invitons tous les responsables de l’action publique, les entrepreneurs, les scientifiques et les financiers à relever le défi de l’adaptation climatique des systèmes alimentaires africains et à contribuer à la réalisation de ce programme qui ne présente que des avantages. En mettant en commun nos idées, nos techniques et nos ressources, nous pouvons répondre à l’un des enjeux les plus fondamentaux en matière de développement.
Tribune de Laura Tuck, vice-présidente pour les questions de développement durable, et Hafez Ghanem, vice-président pour la Région Afrique à la Banque mondiale, avant le sommet qui se déroulera à Kigali du 5 au 6 août.