Il faut à tout prix qu'elle s'industrialise : elle bat tous les records de croissance démographique et son taux d'urbanisation est presque deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Afin de créer des emplois pour les quelques 450 millions de jeunes qui vont entrer sur le marché du travail dans les 20 ans à venir, l'Afrique doit accélérer sa croissance économique, sinon elle pourrait connaître des troubles sociaux de grande ampleur.
Mais l'industrialisation a toujours nécessité le recours à une énorme quantité d'énergie fossile. Par ailleurs, pour la plupart des pays du continent, les hydrocarbures constituent une source de revenus cruciale.
L'Afrique ne peut du jour au lendemain abandonner le pétrole, le gaz et les minéraux pour créer une économie verte. Par contre, elle peut les utiliser pour développer une économie propre et durable. Autrement dit, ses richesses naturelles devraient avoir un rôle prépondérant dans sa stratégie d'industrialisation verte.
La demande mondiale en faveur du pétrole est encore relativement importante aujourd'hui, mais elle devrait chuter au cours de la prochaine décennie. Selon l'institut McKinsey, si l'utilisation des véhicules électriques se répand, on fera beaucoup moins appel au pétrole et la demande fléchira avant 2025. La production des pays africains deviendra alors excédentaire.
Mais il existe une alternative. Les pays africains pourraient investir dans leur propre industrie pétrochimique pour absorber leur excès de production de pétrole brut et ouvrir la voie à la production de pièces nécessaires à l'économie verte de demain, qu'il s'agisse de panneaux solaires, des pales d'éoliennes ou d'éléments destinés aux véhicules électriques. Des pays africains producteurs de pétrole comme le Nigeria, l'Angola ou l'Algérie pourraient saisir l'occasion pour suivre l'exemple de l'Arabie saoudite qui diversifie son économie en s'appuyant sur son industrie pétrochimique.
De même, le recours au gaz naturel permettrait de rendre les transports africains moins polluant. Le brûlage des rejets de gaz fossile, ou torchage, est une source majeure de pollution. Il se pratique souvent par indifférence ou en raison d'un manque d'infrastructure pour stocker le gaz afin de l'utiliser par la suite. Le torchage libère énormément de CO2 et se traduit par une perte de revenu de presque 20 milliards de dollars par an au niveau mondial.
Les pays africains où le torchage est très répandu devraient investir dans la commercialisation de leurs abondantes réserves de gaz naturel pour l'utiliser dans les transports. Le gaz naturel n'est peut-être pas source d'énergie renouvelable ou propre, mais sa combustion émet moins de CO2 et 10 fois moins d'oxydes d'azote que le diesel. Par ailleurs, l'effet de serre des oxydes d'azote est bien moins marqué que celui du CO2.
La participation de l'Afrique à la chaîne de valeur de la production de véhicules électriques est un élément crucial pour sa transition verte. En 2030, ces véhicules pourraient compter pour 80% de la demande mondiale concernant les batteries, or l'Afrique détient plus de la moitié des réserves de cobalt et une part non négligeable des terres rares indispensables à leur fabrication.
Si la République démocratique du Congo traitait elle-même ne serait-ce que le dixième de sa production de cobalt au lieu d'en exporter 99% en Chine, elle attirerait une partie des 5 milliards de dollars que brasse le marché mondial des batteries - un marché qui devrait atteindre 46 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Les producteurs africains de lithium et de nickel qui interviennent également dans la fabrication des batteries pourraient eux aussi jouer un rôle important dans l'industrie verte de demain.
Le retard industriel de l'Afrique qui la désavantageait dans le passé pourrait devenir l'un de ses principaux atouts dans la transition vers une industrie verte. Libre d'infrastructures dont elle aurait à se débarrasser, le continent fait figure de pionnier dans l'adoption des énergies renouvelables et des technologies digitales ; c'est en Afrique que l'on trouve certains des projets de centrale solaire parmi les plus importants.
En mettant son industrie service du progrès et en s'appuyant sur ses réserves de pétrole, de gaz et de minéraux, l'Afrique pourrait occuper une place de choix dans l'économie verte de demain et jouer un rôle central dans le combat contre le réchauffement climatique.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Tariye Isoun Gbadegesin est responsable du département Industries lourdes et Télécommunications de l'institution panafricaine Africa Finance Corporation.
© Project Syndicate 1995–2019
Mais l'industrialisation a toujours nécessité le recours à une énorme quantité d'énergie fossile. Par ailleurs, pour la plupart des pays du continent, les hydrocarbures constituent une source de revenus cruciale.
L'Afrique ne peut du jour au lendemain abandonner le pétrole, le gaz et les minéraux pour créer une économie verte. Par contre, elle peut les utiliser pour développer une économie propre et durable. Autrement dit, ses richesses naturelles devraient avoir un rôle prépondérant dans sa stratégie d'industrialisation verte.
La demande mondiale en faveur du pétrole est encore relativement importante aujourd'hui, mais elle devrait chuter au cours de la prochaine décennie. Selon l'institut McKinsey, si l'utilisation des véhicules électriques se répand, on fera beaucoup moins appel au pétrole et la demande fléchira avant 2025. La production des pays africains deviendra alors excédentaire.
Mais il existe une alternative. Les pays africains pourraient investir dans leur propre industrie pétrochimique pour absorber leur excès de production de pétrole brut et ouvrir la voie à la production de pièces nécessaires à l'économie verte de demain, qu'il s'agisse de panneaux solaires, des pales d'éoliennes ou d'éléments destinés aux véhicules électriques. Des pays africains producteurs de pétrole comme le Nigeria, l'Angola ou l'Algérie pourraient saisir l'occasion pour suivre l'exemple de l'Arabie saoudite qui diversifie son économie en s'appuyant sur son industrie pétrochimique.
De même, le recours au gaz naturel permettrait de rendre les transports africains moins polluant. Le brûlage des rejets de gaz fossile, ou torchage, est une source majeure de pollution. Il se pratique souvent par indifférence ou en raison d'un manque d'infrastructure pour stocker le gaz afin de l'utiliser par la suite. Le torchage libère énormément de CO2 et se traduit par une perte de revenu de presque 20 milliards de dollars par an au niveau mondial.
Les pays africains où le torchage est très répandu devraient investir dans la commercialisation de leurs abondantes réserves de gaz naturel pour l'utiliser dans les transports. Le gaz naturel n'est peut-être pas source d'énergie renouvelable ou propre, mais sa combustion émet moins de CO2 et 10 fois moins d'oxydes d'azote que le diesel. Par ailleurs, l'effet de serre des oxydes d'azote est bien moins marqué que celui du CO2.
La participation de l'Afrique à la chaîne de valeur de la production de véhicules électriques est un élément crucial pour sa transition verte. En 2030, ces véhicules pourraient compter pour 80% de la demande mondiale concernant les batteries, or l'Afrique détient plus de la moitié des réserves de cobalt et une part non négligeable des terres rares indispensables à leur fabrication.
Si la République démocratique du Congo traitait elle-même ne serait-ce que le dixième de sa production de cobalt au lieu d'en exporter 99% en Chine, elle attirerait une partie des 5 milliards de dollars que brasse le marché mondial des batteries - un marché qui devrait atteindre 46 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Les producteurs africains de lithium et de nickel qui interviennent également dans la fabrication des batteries pourraient eux aussi jouer un rôle important dans l'industrie verte de demain.
Le retard industriel de l'Afrique qui la désavantageait dans le passé pourrait devenir l'un de ses principaux atouts dans la transition vers une industrie verte. Libre d'infrastructures dont elle aurait à se débarrasser, le continent fait figure de pionnier dans l'adoption des énergies renouvelables et des technologies digitales ; c'est en Afrique que l'on trouve certains des projets de centrale solaire parmi les plus importants.
En mettant son industrie service du progrès et en s'appuyant sur ses réserves de pétrole, de gaz et de minéraux, l'Afrique pourrait occuper une place de choix dans l'économie verte de demain et jouer un rôle central dans le combat contre le réchauffement climatique.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Tariye Isoun Gbadegesin est responsable du département Industries lourdes et Télécommunications de l'institution panafricaine Africa Finance Corporation.
© Project Syndicate 1995–2019