Les États-Unis, comme l’Union européenne, n’ont jamais montré d’enthousiasme pour ce programme, contrairement à la prévention des maladies pour lesquelles ils ont parfois été prêts à investir des sommes importantes pour ralentir ou enrayer des épidémies comme le sida, le paludisme et le virus Ebola, à la fois pour sauver des vies et pour empêcher la propagation de ces maladies dans leurs propres pays. Mais pour ce qui est de l’éducation, de nombreux pays occidentaux préfèrent construire des murs ou des camps de détention que des écoles.
Le GPE effectue un travail remarquable pour fournir une éducation primaire à de nombreux enfants dans le monde et les pays donateurs, tous signataires de longue date de l’EPT, devraient se précipiter pour aider l’une des plus efficaces organisations internationales qui soit à atteindre cet objectif. Les donateurs généreux sont pourtant rares.
Cette situation remonte à l’époque des empires coloniaux. Lorsque la plus grande partie de l’Afrique et certains pays d’Asie étaient régis par les gouvernements européens, les colonisateurs ont peu investi dans l’éducation de base. Jusque dans les années 1950, selon les données des Nations unies, l’analphabétisme prévalait dans les colonies européennes en Afrique et en Asie. A l’époque où l’Inde s’est affranchie de la tutelle britannique, le taux d’analphabétisme s’établissait à 80-85 pour cent, comparable à celui de l’Indonésie au moment de son indépendance à l’égard des Pays-Bas. En Afrique de l’Ouest francophone, le taux d’analphabétisme s’élevait même à 95-99 pour cent en 1950.
Après avoir accédé à l’indépendance, les pays africains et asiatiques ont déployé des efforts massifs, et généralement efficaces, pour relever le niveau de l’éducation de base et de l’alphabétisation. Pourtant, au lieu de saisir l’occasion de compenser le temps perdu, les États-Unis et l’Union européenne n’accordent constamment qu’une aide dérisoire à l’éducation primaire et secondaire des pays en développement, en dépit de leurs engagements solennels en faveur de l’EPT et de l’Objectif de développement durable n°4, qui vise à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, de l’école maternelle à l’enseignement secondaire.
Considérons par exemple les tristes données relatives à l’éducation dans l’aide publique au développement. Les montants décaissés stagnent depuis des années et ont même décliné entre 2010 et 2015. Selon les données les plus récentes de l’OCDE, l’aide totale à l’éducation primaire et secondaire en Afrique s’est élevée à seulement 1,3 milliard de dollars en 2016. Pour mettre ce chiffre en perspective, le budget du Pentagone est de 2 milliards de dollars environ par jour. Avec quelques 420 millions d’enfants en âge d’être scolarisés en Afrique, l’aide totale correspond à près de 3 dollars par enfant, par an.
Les pays occidentaux sont pourtant parfaitement conscients de la nécessité d’une aide bien plus généreuse. Des calculs détaillés récents donnent une estimation crédible du financement extérieur dont ont besoin les pays en développement pour atteindre l’ODD n°4. Une étude de l’UNESCO avance le montant de 39,6 milliards de dollars par an. Un rapport de la Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives dans le monde, dirigée par l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, estime également que les besoins de financement extérieur des pays en développement s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards de dollars par an.
La raison pour laquelle l’aide est indispensable est la suivante : Une année de scolarisation en Afrique coûte environ 300 dollars par étudiant (à noter que les pays riches dépensent plusieurs milliers de dollars par étudiant par an). Étant donné que les enfants en âge d’être scolarisés en Afrique représentent près d’un tiers du total, les besoins de financement, par enfant, sont de 100 dollars environ. Mais pour la plupart des pays africains, cette somme correspond à près de 10 pour cent du revenu national par habitant – bien supérieure à ce que peut couvrir le budget de l’éducation. L’aide extérieure peut et doit combler ce déficit de financement afin que tous les enfants puissent aller à l’école.
Mais ce n’est pas le cas. L’aide accordée à l’éducation des enfants en âge d’être scolarisés en Afrique subsaharienne s’élève à un tiers environ du montant minimum nécessaire. En conséquence, la plupart des enfants ne vont pas au bout de l’enseignement primaire, sans parler du secondaire. Ils sont obligés de quitter prématurément l’école, parce qu’il n’y a pas assez de places dans les écoles publiques et que les frais de scolarité dans les écoles privées sont bien trop élevés pour la plupart des familles. Les filles en particulier sont susceptibles de quitter prématurément l’école, alors que leurs parents savent que tous leurs enfants méritent et ont besoin d’une éducation de qualité.
Sans les compétences acquises grâce à un enseignement secondaire, les enfants dont la scolarisation est interrompue prématurément sont condamnés à la pauvreté. Nombre d’entre eux tentent d’immigrer en Europe, dans leur quête désespérée de moyens de subsistance. Certains se noient en mer, d’autres sont arrêtés par les patrouilles européennes et renvoyés en Afrique.
La conférence de financement du Partenariat mondial pour l’éducation, prévue début février à Dakar, Sénégal, approche à grands pas. Le GPE devrait réunir un montant au moins équivalent à 10 milliards de dollars par an (soit 4 jours de dépenses militaires des pays de l’OTAN) pour mettre l’Afrique sur la voie d’une éducation secondaire pour tous. Il semble pourtant que le GPE soit encore obligé de quémander moins d’un milliard de dollars par an auprès des pays donateurs pour financer ses programmes dans le monde. Au lieu de remédier à la crise du financement de l’éducation, les chefs d’État et de gouvernement des pays riches répètent, discours après discours, réunion après réunion, leur fervent engagement en faveur d’une éducation universelle.
Dans l’ensemble du continent africain, les dirigeants politiques, religieux et de la société civile font ce qu’ils peuvent. Le Ghana vient d’annoncer l’accès de tous à l’enseignement supérieur gratuit, montrant la voie au reste du continent. Alors que les pays africains peinent à financer leurs engagements ambitieux, de nouveaux partenaires, dont des entreprises privées et des particuliers fortunés, devraient leur venir en aide. Les donateurs traditionnels ont de leur côté l’obligation de rattraper des décennies de temps perdu. La quête pour une éducation universelle ne saurait être bridée et l’histoire jugera sévèrement ceux qui auront tourné leur dos à des enfants en détresse.
Jeffrey D. Sachs, professeur de développement durable et professeur en politique et gestion de la santé de l’université Columbia, est le directeur du Centre de développement durable de Columbia. Il est également directeur du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies.
Le GPE effectue un travail remarquable pour fournir une éducation primaire à de nombreux enfants dans le monde et les pays donateurs, tous signataires de longue date de l’EPT, devraient se précipiter pour aider l’une des plus efficaces organisations internationales qui soit à atteindre cet objectif. Les donateurs généreux sont pourtant rares.
Cette situation remonte à l’époque des empires coloniaux. Lorsque la plus grande partie de l’Afrique et certains pays d’Asie étaient régis par les gouvernements européens, les colonisateurs ont peu investi dans l’éducation de base. Jusque dans les années 1950, selon les données des Nations unies, l’analphabétisme prévalait dans les colonies européennes en Afrique et en Asie. A l’époque où l’Inde s’est affranchie de la tutelle britannique, le taux d’analphabétisme s’établissait à 80-85 pour cent, comparable à celui de l’Indonésie au moment de son indépendance à l’égard des Pays-Bas. En Afrique de l’Ouest francophone, le taux d’analphabétisme s’élevait même à 95-99 pour cent en 1950.
Après avoir accédé à l’indépendance, les pays africains et asiatiques ont déployé des efforts massifs, et généralement efficaces, pour relever le niveau de l’éducation de base et de l’alphabétisation. Pourtant, au lieu de saisir l’occasion de compenser le temps perdu, les États-Unis et l’Union européenne n’accordent constamment qu’une aide dérisoire à l’éducation primaire et secondaire des pays en développement, en dépit de leurs engagements solennels en faveur de l’EPT et de l’Objectif de développement durable n°4, qui vise à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, de l’école maternelle à l’enseignement secondaire.
Considérons par exemple les tristes données relatives à l’éducation dans l’aide publique au développement. Les montants décaissés stagnent depuis des années et ont même décliné entre 2010 et 2015. Selon les données les plus récentes de l’OCDE, l’aide totale à l’éducation primaire et secondaire en Afrique s’est élevée à seulement 1,3 milliard de dollars en 2016. Pour mettre ce chiffre en perspective, le budget du Pentagone est de 2 milliards de dollars environ par jour. Avec quelques 420 millions d’enfants en âge d’être scolarisés en Afrique, l’aide totale correspond à près de 3 dollars par enfant, par an.
Les pays occidentaux sont pourtant parfaitement conscients de la nécessité d’une aide bien plus généreuse. Des calculs détaillés récents donnent une estimation crédible du financement extérieur dont ont besoin les pays en développement pour atteindre l’ODD n°4. Une étude de l’UNESCO avance le montant de 39,6 milliards de dollars par an. Un rapport de la Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives dans le monde, dirigée par l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, estime également que les besoins de financement extérieur des pays en développement s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards de dollars par an.
La raison pour laquelle l’aide est indispensable est la suivante : Une année de scolarisation en Afrique coûte environ 300 dollars par étudiant (à noter que les pays riches dépensent plusieurs milliers de dollars par étudiant par an). Étant donné que les enfants en âge d’être scolarisés en Afrique représentent près d’un tiers du total, les besoins de financement, par enfant, sont de 100 dollars environ. Mais pour la plupart des pays africains, cette somme correspond à près de 10 pour cent du revenu national par habitant – bien supérieure à ce que peut couvrir le budget de l’éducation. L’aide extérieure peut et doit combler ce déficit de financement afin que tous les enfants puissent aller à l’école.
Mais ce n’est pas le cas. L’aide accordée à l’éducation des enfants en âge d’être scolarisés en Afrique subsaharienne s’élève à un tiers environ du montant minimum nécessaire. En conséquence, la plupart des enfants ne vont pas au bout de l’enseignement primaire, sans parler du secondaire. Ils sont obligés de quitter prématurément l’école, parce qu’il n’y a pas assez de places dans les écoles publiques et que les frais de scolarité dans les écoles privées sont bien trop élevés pour la plupart des familles. Les filles en particulier sont susceptibles de quitter prématurément l’école, alors que leurs parents savent que tous leurs enfants méritent et ont besoin d’une éducation de qualité.
Sans les compétences acquises grâce à un enseignement secondaire, les enfants dont la scolarisation est interrompue prématurément sont condamnés à la pauvreté. Nombre d’entre eux tentent d’immigrer en Europe, dans leur quête désespérée de moyens de subsistance. Certains se noient en mer, d’autres sont arrêtés par les patrouilles européennes et renvoyés en Afrique.
La conférence de financement du Partenariat mondial pour l’éducation, prévue début février à Dakar, Sénégal, approche à grands pas. Le GPE devrait réunir un montant au moins équivalent à 10 milliards de dollars par an (soit 4 jours de dépenses militaires des pays de l’OTAN) pour mettre l’Afrique sur la voie d’une éducation secondaire pour tous. Il semble pourtant que le GPE soit encore obligé de quémander moins d’un milliard de dollars par an auprès des pays donateurs pour financer ses programmes dans le monde. Au lieu de remédier à la crise du financement de l’éducation, les chefs d’État et de gouvernement des pays riches répètent, discours après discours, réunion après réunion, leur fervent engagement en faveur d’une éducation universelle.
Dans l’ensemble du continent africain, les dirigeants politiques, religieux et de la société civile font ce qu’ils peuvent. Le Ghana vient d’annoncer l’accès de tous à l’enseignement supérieur gratuit, montrant la voie au reste du continent. Alors que les pays africains peinent à financer leurs engagements ambitieux, de nouveaux partenaires, dont des entreprises privées et des particuliers fortunés, devraient leur venir en aide. Les donateurs traditionnels ont de leur côté l’obligation de rattraper des décennies de temps perdu. La quête pour une éducation universelle ne saurait être bridée et l’histoire jugera sévèrement ceux qui auront tourné leur dos à des enfants en détresse.
Jeffrey D. Sachs, professeur de développement durable et professeur en politique et gestion de la santé de l’université Columbia, est le directeur du Centre de développement durable de Columbia. Il est également directeur du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies.