Ayant fait partie pendant une longue période de la Communauté du renseignement des États-Unis, je pense que le FBI a déjà accès à l'iPhone de Syed Rizwan Farook. C'est un ancien modèle d'Apple utilisant une technologie qui a déjà été mise en défaut dans d'autres contextes.
Pourtant la demande du FBI à Apple a un autre aspect étrange : pour quelle raison le gouvernement des États-Unis doit-il s'abaisser à ouvrir un débat public sur cette question ? Le FBI est la plus puissante organisation de police du pays et Apple sera en fin de compte obligé de se plier à sa demande. (Pour dissiper toute ambiguïté, je détiens des actions Apple.)
Le FBI a déjà déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un seul téléphone. Mais peu de gens comprennent qu'il ne s'agit pas d'un simple conflit d'intérêts, opposant la sécurité publique au droit individuel à la vie privée.
Pour mieux comprendre la demande du FBI, nous devons examiner la dernière gamme de téléphones d'Apple, qui diffère de celle du téléphone de Farook sur un point crucial : ils contiennent une nouvelle puce conçue en utilisant une technique développée par l'Agence Nationale de la Sécurité américaine (NSA) et qui a ensuite été partagée avec les Israéliens. On retrouve à présent cette technologie dans les produits Apple, par l'intermédiaire de l'entreprise israélienne qui a mis au point cette puce.
Chacune de ces nouvelles puces possède une signature unique utilisée pour le chiffrement, qui est associée à l'empreinte digitale de son utilisateur. Sans cette signature, il est impossible de décrypter un téléphone Apple sans accès physique aux éléments internes de sa puce, qui est elle-même impénétrable. Ce cryptage s'applique également à toute information communiquée par le téléphone à un service apparié, comme système de messagerie d'Apple.
Dans le passé, l'accès immédiat aux périphériques de téléphonie était non pertinent pour le FBI, parce que les autorités disposaient d'un libre accès aux communications entrantes et sortantes de tout téléphone. Mais avec ses nouvelles améliorations de sécurité, Apple vient de fermer cet accès. L'entreprise ne refuse pas simplement un nouvel accès : elle retirera bientôt l'accès existant.
Cela dérange le FBI, dont le travail consiste à recueillir des preuves. Il est intéressant de noter que la NSA a pris une position différente. Les portes dérobées (backdoors), ont été reconnues comme dangereuses par le Directeur de la NSA, l'Amiral Mike Rogers, qui estime que « le cryptage est fondamental pour l'avenir. » Si l'accès aux communications privées est possible, n'importe qui peut alors l'utiliser dans n'importe quel but.
Ceci vient compliquer la querelle du FBI relative à la sécurité publique. Par exemple, voulons-nous vraiment qu'un groupe terroriste puisse accéder à certaines informations privées d'un Président ou d'un Premier ministre ? Si un téléphone a une porte dérobée, il peut être ouvert par toutes les personnes ayant une motivation suffisante : criminels, extrémistes ou gouvernements.
Les autorités chinoises, par exemple, seraient ravies si Apple devait se conformer aux demandes du FBI. Cela fait des années que le FBI demande une porte dérobée à Apple. La position actuelle d'Apple pourrait lui causer un tort énorme sur le marché chinois, ou au contraire pourrait lui faire réaliser un profit colossal, si Apple choisissait de se conformer aux demandes du FBI.
La demande du FBI indique une nouvelle tentative de prise contrôle. Il s'agit d'une organisation qui soumet en général ses demandes sous le sceau du secret. Dans cette affaire, le FBI a fait ce choix inhabituel de formuler sa demande publiquement, afin de soumettre le problème aux médias en prononçant le mot-clé « terrorisme. » L'intention du FBI consiste apparemment à inciter le législateur à répondre à l'indignation du public.
La plupart des arguments juridiques contre le « déverrouillage » de ce téléphone particulier font référence au droit à la liberté d'expression, protégé par la Constitution. Mais un meilleur parallèle est celui du droit de détention d'armes aux États-Unis et aux dispositions constitutionnelles dans ce sens.
Par le passé, la technologie aux États-Unis s'est développée principalement dans un contexte militaire et s'est justifiée en temps de guerre, mais également dans le but de maintenir l'ordre public. À la fin du XVIIIème siècle, les armes à feu représentaient le summum de cette technologie. Aucune autre technologie n'étant aussi avancée, la Constitution américaine a donc précisé que les armes à feu ne serviraient pas à limiter les discours (Premier Amendement), qu'elles ne pourraient pas être refusées aux citoyens (Deuxième Amendement) et que les soldats détenteurs d'armes à feu ne pourraient pas être cantonnés dans les foyers des citoyens (Troisième Amendement). Les Neuvième et Dixième Amendements interdisent l'utilisation d'armes à feu dans le but de compromettre d'autres droits implicites le cas échéant.
Les technologies les plus puissantes à l'heure actuelle concernent l'information relative à nos pensées, à nos associations et à nos organismes. Si les rédacteurs de la Constitution américaine étaient vivants aujourd'hui et aussi bien éduqués qu'ils l'étaient à cette période, leBill of Rights se concentrerait probablement dans ce cas sur l'équilibre de l'accès à l'information, afin de s'assurer que le gouvernement n'outrepasse pas les limites de son pouvoir.
Avec cette demande publique du FBI, l'équilibre entre les citoyens et le maintien de l'ordre est remis en question. Ce débat étant ouvert, nous devons nous demander s'il est pertinent, légalement ou d'un point de vue politique, que tout le monde (forces de l'ordre, pirates informatiques et terroristes), soit en mesure de posséder ou d'accéder à l'information.
L'affaire d'Apple va avoir un effet sur l'équilibre du pouvoir de l'information et la balance penche déjà en la défaveur des citoyens. Pour résoudre cette affaire, une réponse plus réfléchie que l'envoi hystérique de tweets sera nécessaire de la part des politiciens américains. Compte tenu du pouvoir actuel de l'information, ils devront réfléchir aux conséquences juridiques de la demande du FBI.
H.T. Goranson, ancien chercheur principal à l'Agence de Projets de recherche avancée de Défense des États-Unis, construit en ce moment un système d'IA de nouvelle génération.
Pourtant la demande du FBI à Apple a un autre aspect étrange : pour quelle raison le gouvernement des États-Unis doit-il s'abaisser à ouvrir un débat public sur cette question ? Le FBI est la plus puissante organisation de police du pays et Apple sera en fin de compte obligé de se plier à sa demande. (Pour dissiper toute ambiguïté, je détiens des actions Apple.)
Le FBI a déjà déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un seul téléphone. Mais peu de gens comprennent qu'il ne s'agit pas d'un simple conflit d'intérêts, opposant la sécurité publique au droit individuel à la vie privée.
Pour mieux comprendre la demande du FBI, nous devons examiner la dernière gamme de téléphones d'Apple, qui diffère de celle du téléphone de Farook sur un point crucial : ils contiennent une nouvelle puce conçue en utilisant une technique développée par l'Agence Nationale de la Sécurité américaine (NSA) et qui a ensuite été partagée avec les Israéliens. On retrouve à présent cette technologie dans les produits Apple, par l'intermédiaire de l'entreprise israélienne qui a mis au point cette puce.
Chacune de ces nouvelles puces possède une signature unique utilisée pour le chiffrement, qui est associée à l'empreinte digitale de son utilisateur. Sans cette signature, il est impossible de décrypter un téléphone Apple sans accès physique aux éléments internes de sa puce, qui est elle-même impénétrable. Ce cryptage s'applique également à toute information communiquée par le téléphone à un service apparié, comme système de messagerie d'Apple.
Dans le passé, l'accès immédiat aux périphériques de téléphonie était non pertinent pour le FBI, parce que les autorités disposaient d'un libre accès aux communications entrantes et sortantes de tout téléphone. Mais avec ses nouvelles améliorations de sécurité, Apple vient de fermer cet accès. L'entreprise ne refuse pas simplement un nouvel accès : elle retirera bientôt l'accès existant.
Cela dérange le FBI, dont le travail consiste à recueillir des preuves. Il est intéressant de noter que la NSA a pris une position différente. Les portes dérobées (backdoors), ont été reconnues comme dangereuses par le Directeur de la NSA, l'Amiral Mike Rogers, qui estime que « le cryptage est fondamental pour l'avenir. » Si l'accès aux communications privées est possible, n'importe qui peut alors l'utiliser dans n'importe quel but.
Ceci vient compliquer la querelle du FBI relative à la sécurité publique. Par exemple, voulons-nous vraiment qu'un groupe terroriste puisse accéder à certaines informations privées d'un Président ou d'un Premier ministre ? Si un téléphone a une porte dérobée, il peut être ouvert par toutes les personnes ayant une motivation suffisante : criminels, extrémistes ou gouvernements.
Les autorités chinoises, par exemple, seraient ravies si Apple devait se conformer aux demandes du FBI. Cela fait des années que le FBI demande une porte dérobée à Apple. La position actuelle d'Apple pourrait lui causer un tort énorme sur le marché chinois, ou au contraire pourrait lui faire réaliser un profit colossal, si Apple choisissait de se conformer aux demandes du FBI.
La demande du FBI indique une nouvelle tentative de prise contrôle. Il s'agit d'une organisation qui soumet en général ses demandes sous le sceau du secret. Dans cette affaire, le FBI a fait ce choix inhabituel de formuler sa demande publiquement, afin de soumettre le problème aux médias en prononçant le mot-clé « terrorisme. » L'intention du FBI consiste apparemment à inciter le législateur à répondre à l'indignation du public.
La plupart des arguments juridiques contre le « déverrouillage » de ce téléphone particulier font référence au droit à la liberté d'expression, protégé par la Constitution. Mais un meilleur parallèle est celui du droit de détention d'armes aux États-Unis et aux dispositions constitutionnelles dans ce sens.
Par le passé, la technologie aux États-Unis s'est développée principalement dans un contexte militaire et s'est justifiée en temps de guerre, mais également dans le but de maintenir l'ordre public. À la fin du XVIIIème siècle, les armes à feu représentaient le summum de cette technologie. Aucune autre technologie n'étant aussi avancée, la Constitution américaine a donc précisé que les armes à feu ne serviraient pas à limiter les discours (Premier Amendement), qu'elles ne pourraient pas être refusées aux citoyens (Deuxième Amendement) et que les soldats détenteurs d'armes à feu ne pourraient pas être cantonnés dans les foyers des citoyens (Troisième Amendement). Les Neuvième et Dixième Amendements interdisent l'utilisation d'armes à feu dans le but de compromettre d'autres droits implicites le cas échéant.
Les technologies les plus puissantes à l'heure actuelle concernent l'information relative à nos pensées, à nos associations et à nos organismes. Si les rédacteurs de la Constitution américaine étaient vivants aujourd'hui et aussi bien éduqués qu'ils l'étaient à cette période, leBill of Rights se concentrerait probablement dans ce cas sur l'équilibre de l'accès à l'information, afin de s'assurer que le gouvernement n'outrepasse pas les limites de son pouvoir.
Avec cette demande publique du FBI, l'équilibre entre les citoyens et le maintien de l'ordre est remis en question. Ce débat étant ouvert, nous devons nous demander s'il est pertinent, légalement ou d'un point de vue politique, que tout le monde (forces de l'ordre, pirates informatiques et terroristes), soit en mesure de posséder ou d'accéder à l'information.
L'affaire d'Apple va avoir un effet sur l'équilibre du pouvoir de l'information et la balance penche déjà en la défaveur des citoyens. Pour résoudre cette affaire, une réponse plus réfléchie que l'envoi hystérique de tweets sera nécessaire de la part des politiciens américains. Compte tenu du pouvoir actuel de l'information, ils devront réfléchir aux conséquences juridiques de la demande du FBI.
H.T. Goranson, ancien chercheur principal à l'Agence de Projets de recherche avancée de Défense des États-Unis, construit en ce moment un système d'IA de nouvelle génération.