Assurance : Rencontre avec Seybatou AW, ADG de la compagnie Aveni-Ré

Mardi 23 Février 2016

AVENI-RE a célébré il y a quelques semaines son 10e anniversaire à Dakar (Sénégal), en présence de hautes personnalités. Dans le but d’en savoir plus sur la compagnie, notre rédaction a rencontré El Hadj Seybatou AW, initiateur du projet AVENI-RE. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce cadre Hal Pulaar originaire de Walaldé, au Nord du Sénégal, n’est pas moulé dans les grandes écoles internationales d’assurance puisqu’il n’a rejoint la profession que plus tard. Seybatou AW est en effet, un ingénieur électromécanicien de formation, titulaire d’un Master of Science in Engineering et d’un Advanced Management Programme (AMP), d’une filiale du très célèbre IESE (business school) de Barcelone en Espagne. Il a exercé comme professeur de robotique et d’automatisme à l’Université Paris XII avant de rejoindre le barrage hydroélectrique de Manantali au Mali où il a travaillé comme ingénieur, chargé de supervision et du contrôle des travaux d’équipements électromécaniques. Il a été pendant 14 ans chef de département de la réassurance facultative à la Compagnie Commune de réassurance des Etats membres de la CICA (CICA-RE) à Lomé au Togo. Puis, de 2002 à la fin 2004, il a été Directeur Central des Société Le Mans Assurances International (LMAI) Vie et non vie à Abidjan. Il est administrateur Directeur Général d’AVENI-RE depuis sa création en 2004. C’est donc un homme d’expérience pluridisciplinaire qui a accepté de nous recevoir et de répondre à nos questions. Morceaux choisis.


Seybatou AW, ADG de la compagnie Aveni-Ré
Seybatou AW, ADG de la compagnie Aveni-Ré
AVENI-RE vient de fêter ses dix ans. D’où est venue l’idée de création de cette compagnie et quels en ont été les moments clés?
C’est dans ma chambre d’Hôtel à Yaoundé le 05 janvier 2003, quand j’étais venu dans le cadre d’une mission d’enseignement à l’Institut International des Assurances (IIA) que j’ai eu pour la première fois l’idée de création d’une société de réassurance. Et je peux vous assurer que cette nuit-là, je n’ai pas dormi. Nous avons ensuite commencé à réfléchir sur la stratégie à, mettre en place pour la réalisation de ce projet. Cela a duré 02 ans. Et plus tard, dans une de nos causeries, l’un de nos futurs premiers employés a proposé AVENI-RE. Je lui ai demandé pourquoi AVENI-RE. Et il a répondu que « c’est l’avenir de la réassurance en Afrique ». En plus, cela résonnait bien à l’oreille. J’ai demandé qu’on adopte AVENI-RE.
Pendant ces dix années, je puis vous affirmer que deux principaux moments restent inoubliables à l’esprit. Tout d’abord, le jour où on s’est réuni à Paris pour constituer cette société. C’était le 25 octobre 2004. C’était un événement pour moi car le fait de réussir à fédérer tout ce monde, tous ces pays, plus de 60 partenaires dans un Hôtel à Paris pour tenir la première Assemblée Générale Constitutive, était pour moi un exploit.
Le deuxième moment inoubliable, c’est quand nous avons signé l’accord de siège avec le ministère des affaires étrangères en Côte d’Ivoire en 2008, hissant AVENI-RE au rang des organisations internationales accréditées dans le pays.
Quelles sont les évolutions à noter en termes de bilan, de fonds propres, d’engagements et de distribution de dividendes ?
Après une décennie d’activités, je pense que nos chiffres sont assez éloquents. Avec un capital de 02 milliards de FCFA à sa création en 2004 à Paris en France, AVENI-RE dispose depuis 2010 d’un capital social de 08 milliards de CFA et entend le porter à 15 milliards à l’horizon 2016. De même, le chiffre d’affaires de la société a connu une croissance allant de 2,5 milliards en 2005 à plus de 19 milliards en 2014, avec un résultat excédentaire depuis la première année d’activité en 2005. Dans la même lancée, les fonds propres sont passés de 1, 388 milliards de FCFA en 2005 à 10, 177 milliards en 2014. Par ailleurs, les dividendes ont été régulièrement distribués aux actionnaires depuis la troisième année d’activités, à hauteur de 40% du résultat, soit une rentabilité moyenne annuelle de 15%. Ce qui confirme une bonne santé des résultats de la compagnie, bien que beaucoup de choses restent à faire.
Comment les agences de notation qui font autorité en la matière apprécient-elles le risque Aveni-Ré?
La notation financière est un instrument très important pour apprécier la solvabilité d’une entreprise, d’une organisation et même d’un pays. A ce titre, je peux dire qu’AVENI-RE bénéficie d’une confiance sans cesse renouvelée auprès de ses partenaires. Ceci a d’ailleurs été confirmé par les grandes agences de notation. En 2014, la compagnie a obtenu une note A-(excellent) sur le long terme et une note A1- sur le court terme avec des perspectives positives, auprès de l’agence Bloomfield Investment Corporation (BIC). En 2015, elle récoltera une note BBB+ (tripe B plus) sur le plan régional et une note internationale B, plafonnée à la note souveraine de la Côte d’Ivoire, auprès de Global Crédit Rating (GCR). Dans le but de renforcer sa crédibiliser sur son marché de base et sur de nouvelles niches d’opportunités, notre compagnie attend une troisième notation par une agence internationale de rating en 2016.
A son départ, Aveni-ré était une compagnie présente seulement dans la zone CIMA. Votre implantation en Tunisie marque-t-il un changement de cap?
C’est vrai qu’avec le retour de la stabilité en Côte d’Ivoire, plaque tournante de l’économie de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), il existe actuellement une forte concurrence engendrée par le redéploiement des réassureurs dans la zone CIMA, entraînant un fléchissement des parts de marché. Mais notre implantation en Tunisie rentre surtout dans le cadre de la réalisation de notre plan d’expansion défini dans le plan stratégique 2014-2018. En vue de concrétiser cette vision stratégique, AVENI-RE a décidé de s’ouvrir à d’autres niches d’opportunités et d’accentuer ses actions commerciales sur les marchés tels que la COMESA et la zone MENA. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’ouverture du bureau à Tunis. Cette ouverture des bureaux va se poursuivre afin de renforcer notre proximité géographique avec les cédantes désormais présentes non seulement dans la zone CIMA mais aussi en Afrique du Nord, au Maghreb, au Moyen Orient, en Afrique Anglophone et lusophone et même en Amérique.
D’une manière générale, quelles sont les difficultés rencontrées par le secteur des assurances et quelles sont les mesures à prendre pour améliorer les performances du secteur ?
Les difficultés rencontrées par l’industrie d’assurance en Afrique se situent à des niveaux différents. Au niveau de l’assuré, l’on note une faible culture d’assurance, un attachement fort aux traditions et coutumes, une mauvaise perception des populations vis-à-vis de l’assurance moderne, un manque d’adéquation entre les besoins réels des entreprises en assurance et les contrats d’assurance proposés par les assureurs et une forte influence négative du caractère immatériel de l’assurance dans la perception de l’assuré.
Au niveau de l’assureur, l’on dénonce le non-respect des engagements à régler les sinistres à des délais convenables et aussi une complexité des procédures dans leurs règlements. Il est aussi reproché aux assureurs un manque d’innovations afin de couvrir de nouveaux risques émergents et une non-assistance de l’assuré en cas de sinistre.
Au niveau de l’Etat, il est dénoncé le caractère non obligatoire des contrats d’assurance.
Je pense que pour permettre à l’industrie d’assurance de jouer son vrai rôle de catalyseur de développement, les entreprises devraient recruter en leur sein un spécialiste dans l’identification et l’évaluation du risque et la définition du cahier des charges en assurance en fonction des besoins réels en assurance. Elles devraient aussi se faire entourer des assureurs conseils. Les assureurs devraient pour leur part assurer le rôle de conseiller auprès des assurés et, gérer le sinistre avec diligence, conformément à la loi.
Quant à l’Etat, il devrait surtout veiller à la transparence et la bonne gouvernance dans les entreprises d’assurance et accorder des incitations fiscales aux compagnies d’assurance afin d’encourager l’épargne, pendant que les associations professionnelles multiplient les campagnes de sensibilisation pour une meilleure compréhension des enjeux de l’assurance par les populations ou des campagnes de plaidoyer en faveur d’un meilleur cadre de politique publique en matière d’assurance.
Dans les pays développés, ce qui fait la crédibilité de l’industrie des assurances c’est le respect des engagements pris. Mais en Afrique, il est généralement reproché aux compagnies d’assurances le non-respect des engagements lorsque survient le sinistre. Quid d’AVENI-RE?
Je pense que le problème que vous soulevez est pertinent. Car bien que des mesures soient prises au niveau de la CIMA (Conférence Interafricaine des marchés d’Assurances) pour amener les acteurs de l’industrie à honorer leurs engagements, beaucoup d’assurés se plaignent encore du non règlement des sinistres ou d’un règlement non diligent. Cette situation est de nature à ternir l’image de la profession car elle ne travaille pas pour améliorer la perception que les populations ont de l’assurance. En ce qui concerne AVENI-RE, comme compagnie de réassurance, l’une de nos particularités est le respect de nos engagements auprès de nos cédantes. C’est ainsi que dans la décennie 2005-2015, nous avons réglé des sinistres d’un montant cumulés de plus de 23 milliards de FCFA. C’est d’ailleurs cette solvabilité qui est la base de la confiance dont nous jouissons aujourd’hui auprès de nos partenaires. On peut reprocher autre chose à AVENI-RE sauf le non-respect de ses engagements à envers les cédantes. En plus du règlement des sinistres nous accompagnons les cédantes à travers des formations gratuites sur des thèmes variés (Incendie, risques agricoles, etc.). Depuis 2005, AVENI-RE en a organisé près d’une centaine. La dernière formation en date a eu lieu du 31 août au 11 septembre 2015 sur la souscription et tarification des risques d’entreprises. Elle a regroupé plus de 60 participants venus d’une vingtaine de pays. Nous assistons aussi régulièrement nos partenaires dans l’évaluation des risques.
A votre avis, quel doit être le rôle des compagnies d’assurance et de réassurance dans l’émergence des pays africains?
La majorité de pays africains francophones se trouvent aujourd’hui dans un contexte de réalisation des plans d’émergence. Au Cameroun et au Sénégal, elle est fixée à l’horizon 2035. En Côte d’Ivoire et au Gabon, le cap est fixé pour 2020. Dans ce contexte, le rôle de l’assurance est d’apporter une protection financière au patrimoine des entreprises et des personnes. Quant à la réassurance, elle est plus que jamais appelée à jouer son rôle de création d’emplois et de catalyseur de la croissance à travers la mobilisation des ressources pour le financement de l’économie et le soutien qu’elle apporte à l’industrie d’assurance dans ses efforts de développement.
Après dix ans d’existence, quelles sont les perspectives d’AVENI-RE ?
Au moment où nous soufflons sur les 10 bougies d’AVENI-RE, je peux dire que c’est un bébé qui a encore 10 mois. Il reste beaucoup de choses à faire. Puisqu’il est encore fragile, nous devons prendre des dispositions afin de l’encadrer pour qu’il grandisse davantage et dans les bonnes conditions. Je peux dire qu’en 10 ans, nous avons réalisé la fondation d’AVENI-RE mais, il reste à élever les murs. C’est conscient de tout cela que conformément à notre plan stratégique 2015-2018, nos perspectives tournent autour d’une recherche plus accrue d’opportunités d’affaires sur les marchés de base et sur de nouveaux marchés, une politique de recouvrement et d’encaissement plus efficiente, une forte mobilisation du personnel autour de notre culture d’entreprise, une structure organisationnelle plus améliorée, conformément aux normes, règles et usages dans le secteur de la réassurance, avec des compétences clés développées dans chaque domaine et une politique de gestion des ressources humaines plus attractive.
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