Assurance des Risques Spéciaux/Catastrophes: la police encore méconnue

Vendredi 18 Octobre 2024

L’actualité nationale nous pousse à sensibiliser les entreprises sur les couvertures spéciales et la problématique de l’indemnisation des dommages couverts au titre de la garantie GEMP (Grèves, Emeutes et Mouvements populaires).


Rappels et repères historiques sur les conséquences économiques et sociales des mouvements populaires

Les émeutes et mouvements populaires sont consubstantiels à l’évolution historique de nos sociétés modernes, tant et si bien, qu’aucun pays au monde ne peut se targuer d’être totalement à l’abri de tels soubresauts.

A cet égard, les évènements de mai 68 en France sont encore frais dans la mémoire des soixante-huitards et même des septuagénaires de chez-nous, car l’onde de choc s’était propagée jusque dans nos pays qui venaient juste d’accéder à l’indépendance.
En outre, les flambées de violences dont étaient assortis les mouvements de contestations survenus lors du printemps arabe, ont été à l’origine de casses et de pillages généralisés ayant occasionné des dommages matériels se chiffrant à environ 350 millions de dollars rien que pour l’Egypte et la Tunisie.

Par ailleurs, les mouvements de contestation que la Thaïlande a connu, lors des manifestations des chemises rouges contre l’ordre établi, entre mars et mai 2010, ont induit des dommages matériels estimés à 1 milliard de dollars.

La France quant à elle, a connu entre octobre et novembre 2005 les pires émeutes de son histoire, lors desquelles, près de la moitié du pays s’est embrasée, entraînant des dégâts évalués à 500 millions d’Euro, dont une bonne partie a été prise en charge par les assureurs.

Plus proche de chez nous, plusieurs pays africains ont vécu des moments troubles, lors de la période des conférences nationales, marquées par de fortes tensions sociales, exacerbées par la crise économique et les frustrations nées d’entraves institutionnelles militant à l’encontre des aspirations populaires à la démocratie.

 Les émeutes qui ont démarré par le Bénin en 1990, se sont étendues telle une traînée de poudre dans plusieurs autres pays, après le discours de la BAULE, dont entre autres : le Niger, le Congo, le Gabon, le Niger, le Mali et le Togo, pour ne citer que ceux-là.

En effet, avec la recrudescence des mouvements sociaux qui revêtent parfois des aspects insurrectionnels, fortement amplifiés par l’usage devenu très courant des réseaux sociaux. Il s’y ajoute que les législations nationales sont aujourd’hui marquées par une tendance à la généralisation du droit de manifester, largement consacré dans la loi constitutionnelle de la plupart des pays, traversés par ces mouvements sociaux. Enfin, les risques de pertes et dommages matériels découlant desdits mouvements, sont devenus de plus en plus importants et apparaissent de moins en moins soutenables par l’Etat ou ses démembrements.  

Il convient à cet égard de faire remarquer que la responsabilité anciennement dévolue aux communes de faire face aux conséquences dommageables de tels évènements est progressivement transférée à la société civile et aux assureurs, tant il est vrai que les coûts de réparations induits par de tels évènements sont devenus hors de portée des collectivités locales, dont la tendance au désengagement dans ce domaine, s’est généralisée à l’échelle mondiale.

- Quelles garanties appropriées face aux risques GEMP?

Dans ce contexte, les assureurs de la zone CIMA à l’instar de leurs homologues occidentaux, se sont vite acclimatés aux conditions de garantie requises pour assurer la couverture de tels risques, qualifiés de spéciaux, du fait à la fois de leur occurrence et de leur gravité, qui appellent des techniques de mutualisation extrêmement délicates.

Par ailleurs, les réassureurs internationaux qui accompagnent les assureurs locaux dans la couverture de cette catégorie, considèrent que l’Afrique constitue un mauvais risque, d’où leur inclination naturelle à tailler sur mesure les conventions applicables à nos pays, lesquelles se caractérisent par une tendance grandissante au durcissement des conditions de couverture, ce qui les éloigne de plus en plus des spécimens en vigueur en occident.
C’est pour cette raison, que les conventions de garanties dédiées à la couverture de tels risques sont régulièrement remaniées, en fonction de l’évolution du contexte politique et de l’environnement économique.

Le constat qui se dégage à cet égard, c’est le renchérissement progressif des coûts des diverses conventions conçues à cet effet, qui se sont relayées, les unes après les autres, à savoir : la Convention P24 Afrique, la Convention P13, remplacée par la Convention P13 Bis, devenue plus tard par la Clause FANAF 1 qui s’est muée en clause FANAF 2.Il convient de faire remarquer que cette frilosité nettement perceptible, dont font montre les réassureurs à l’égard de la garantie « GEMP» dans la zone CIMA est moins due à la fréquence de survenance jugée plus élevée des troubles redoutés, qu’à la capacité jugée relativement faible des Etats africains à faire face, afin de limiter l’ampleur des pertes et dommages susceptibles d’en découler.

Il convient au préalable de rappeler que, nonobstant les dispositions de l’article 38 du code des assurances en vertu desquelles, les assureurs ne sont pas tenus de couvrir les pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, la guerre civile, ou par des émeutes ou mouvements populaires, il n’en demeure pas moins, qu’ils peuvent octroyer des garanties se rapportant à des dommages occasionnés par des émeutes et mouvements populaires.

S’agissant de ceux résultant de la guerre, qu’elle soit civile ou étrangère, leur couverture est hors de portée de l’assureur. En effet, les risques d’entorse à la règle de mutualisation des risques, qui  ne saurait s’accommoder de dommages généralisés à l’échelle nationale ou internationale, pouvant s’avérer très coûteux, justifient leur exclusion systématique dans tous les contrats d’assurance dommages.

D’ailleurs, les assureurs sénégalais proposent habituellement à leurs clients qui entendent se doter d’une couverture dommages, de la faire toujours compléter par une garantie GEMP (Grèves, Emeutes, Mouvements Populaires).

Ladite garantie peut être étendue aux risques catastrophiques tels que : tremblement de terre, tsunamis, éruptions volcaniques, crash d’un corps d’aéronef, choc d’un véhicule terrestre à moteur, émanation de fumées, etc.

Pour cette raison, les entreprises telles que TOTAL et AUCHAN qui ont été particulièrement affectées par les évènements survenus ces deux dernières années, possèdent à n’en pas douter les couvertures appropriées, en leurs qualité de multinationales. Toutefois, il convient de préciser que l’appréciation de l’étendue des garanties s’appliquant à ces deux entités ne saurait être univoque, d’autant qu’elles sont loin d’être soumises au même mode de gestion, ni à la même structuration des responsabilités en interne.

S’agissant de TOTAL, son contrat Globale Dommage qui doit assurément comporter la garantie GEMP doit lui offrir une garantie adaptée contre les dommages matériels qui pourraient frapper ses installations et biens propres. Cependant, la question qu’il convient de se poser, c’est de savoir si cette garantie est étendue aux gérants des stations-services qui jouissent certainement d’une autonomie de gestion. En tout état de cause, en l’espèce, le problème de leur prise en charge ne saurait se poser dans l’hypothèse où, ils seraient cités comme assurés additionnels dans les contrats de base souscrits par TOTAL.

En revanche, dans l’hypothèse peu probable, où, ils seraient souscripteurs pour leur propre compte de contrats Multirisque Stations, dans lesquels TOTAL n’aurait aucun droit de regard, il serait également, peu improbable que leur conseil en assurance, ne soit pas suffisamment avisé pour manquer de leur proposer la souscription de la garantie GEMP. D’où, le peu d’inquiétude à se faire dans l’aspect souscription. Toutefois, il est nécessaire de scruter l’étendue des garanties et d’examiner particulièrement les franchises pour s’assurer de la part des sinistres qui restent à la charge de TOTAL lors de l’indemnisation à son profit par les assureurs.

Pour cette raison, si l’Etat sénégalais envisage d’initier des actions en compensation des dommages survenus, il doit procéder auparavant à un examen approfondi du contenu des contrats souscrits par ces entreprises impactées , de façon à cerner avec exactitude les pertes réellement subis par ces dernières, préalablement à toute décision d’indemnisation, qui doit en tout état de cause, être postérieure à l’intervention des assureurs.

Par ailleurs , le principe qui doit guider tout souci d’indemnisation, est le même que celui décrit précédemment, à la seule différence que, l’entreprise ne délègue pas la gestion de ses biens à des entités isolées et autonomes. Pour cette raison, il convient d’examiner les contrats souscrits et s’en référer pour pouvoir apprécier et quantifier les pertes résiduelles, qui resteront à la charge de l’entreprise après l’indemnisation due par les porteurs de risques.

Au demeurant, les évènements qui viennent d’être vécus, quoique catastrophiques pour l’économie sénégalaise, auraient dû servir de prétexte aux assureurs et les amener à lancer une vaste campagne de communication sur leurs produits et services dont une bonne part, est encore méconnue du public. Il suffit d’exploiter les coupures de presse traitant de ce sujet pour s’apercevoir que nombre de nos concitoyens ignorent jusqu’aux garanties élémentaires délivrées par les compagnies d’assurances.

Pour cette raison, il serait opportun que l’Association des Assureurs, initie une vaste campagne de vulgarisation et de communication sur la couverture GEMP, dont peuvent être assortis la quasi-totalité des contrats dommages aux biens : Multirisques Habitation, assurance des particuliers ou des entreprises, assurance multirisque professionnelle et assurance perte d’exploitation, etc.
 Lejecos Magazine
 
 
 
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