Le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, face aux députés le 28 novembre dernier en session budgétaire, soutenait de manière formelle que «Notre économie n’est pas extravertie comme on le décrit». Certes, poursuivait-il devant la représentation parlementaire, «nous obtenons des financements bilatéraux à travers Exim Bank qui exigent que 40% soient exécutés par leurs entreprises», en l’occurrence les entreprises étrangères.
Sous ce rapport, le ministre ajoutait : «Nous n’avons pas le choix, si nous voulons leurs investissements. Et c’est ce qui se passe souvent, soit on laisse pour ne pas avoir Ila Touba, pas d’autoroute Mbour-Kaolack, pas de route des Niayes…
Mais, nous leur exigeons que nos entreprises locales participent en tant que co-contractant et quelquefois en qualité de sous-traitant à la hauteur des entreprises étrangères. C’est ça, la réalité», argumentait le ministre.
Et le 7 décembre dernier dans les mêmes travers, il assurait également que «l’économie sénégalaise n’est nullement contrôlée par un secteur privé étranger», arguant que 74% des entreprises ayant un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard de francs CFA sont détenues par les opérateurs économiques locaux».
Se voulant encore plus convaincant, Amadou Hott relevait: «Les entreprises étrangères représentent 26% du secteur privé sénégalais et paient plus de 400 milliards de francs CFA à l’Etat du Sénégal par an, en guise d’impôts et des taxes. Et ce montant n’inclut pas les salaires et les cotisations sociales dont bénéficient les employés des entreprises étrangères».
ARGUMENTAIRE NON VALIDE
Cette sortie du ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération ne reçoit toutefois pas la caution de certains économistes qui battent en brèche l’argumentaire du ministre qui, pour eux, ne tient pas la roue. Déconstruisant le discours du ministre Hott, l’économiste Meissa Babou, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, souligne entre autres remarques, pour lever toute équivoque, l’amalgame consistant à ne pas faire la différence entre des sociétés nationales et des sociétés de capitaux étrangers mais de droit sénégalais et de l’autre côté le code des investissements sénégalais largement favorable aux investisseurs étrangers, leur permettant de capter les grands marchés de l’Etat si ce ne sont des offres spontanées qui profitent au privé national», fait-t-il distinguer. A ses yeux, si l’on fait la revue des grands investissements de l’Etat depuis 2012, on peut apercevoir un fort impact économique des marchés du Bâtiment et travaux publics de l’Etat (Btp), captés par le privé étranger.
Pour s’en convaincre, il liste entre autres grands marchés «les visas biométriques avec l’homme d’affaires et politique ivoirien Adama Bictogo qui, suite à la résiliation à l’amiable du contrat qui les liait depuis février 2013, a chopé environ 14 milliards de francs CFA, l’Université Amadou-Mahtar MBow de Diamniadio avec le même homme d’affaires qui a empoché plus de 30 milliards pour rien du tout, l’arène nationale de Pikine construite dans le cadre de la coopération Chine Afrique, le Centre de conférence international Abdou Diouf à Diamniadio avec les Turcs, le garage de pompiers avec les Marocains à coût de milliards, l’autoroute Ila Touba avec les Chinois, Dakar aréna, le Train express régional (Ter), les ponts de l’émergence, le Bus rapid transit à Dakar (Brt)». Vus sous cet angle, «les choix sont extravertis», constate pour s’en désoler l’économiste. Sous l’angle du tissu économique sénégalais, le schéma est identique.
A ce propos, ajoutera-t-il: «Si l’on regarde le tissu économique sénégalais, on se rend compte que les Industries chimiques du Sénégalais (Ics) sont indiennes, le ciment est partagé entre les Français et le Nigérian Aliko Dangote, la téléphonie (Orange, Free) entre les mains des Français, et Expresso (Soudanais), les banques étrangères et la gestion de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) qui nous échappent».
Relativement à l’obtention des crédits aux entreprises nationales, il note un difficile accès aux crédits de ces banques mais également de la part de l’Etat banque, contrairement aux sociétés étrangères qui sont soutenues par leur Etat. Tout cela «montre à suffisance que les Sénégalais sont en rade par rapport à leur propre économie», déplore-t-il. Aujourd’hui, poursuit-il «le commerce est partagé entre les Chinois qui inondent le marché en produits de tout genre et les Français avec l’agroalimentaire dans les grandes surfaces». Bref, dira-til: «Nous sommes des seconds couteaux». Par conséquent, «le ministre doit comprendre qu’il s’agit aussi de l’occupation de notre espace économique», estime-t-il.
LES SOCIETES NATIONALES JOUENT UN ROLE TRES FAIBLE DANS L’ECONOMIE
Dans le même ordre d’idées, l’économiste Demba Moussa Dembélé et non moins président de l'Africaine de recherche et coopération pour l'appui au développement endogène (Arcade) relèvera d’abord ce que l’on peut retenir d’une économie extravertie pour dérouler son raisonnement : «C'est une économie dont l'essentiel de sa production locale est exportée pour pouvoir importer des produits manufacturiers afin de satisfaire les besoins… ». Il cite entre autres les activités économiques à forte présence étrangère et d’un impact économique considérable, largement occupées par le privé étranger, à l’image du secteur «des Btp, de la téléphonie, des ressources minières, extractives et halieutiques, de l’eau, le Port autonome de Dakar…». Donc, ajoute-t-il: «Dépendance par rapport au marché extérieur du point de vue des exportations de nos produits, dépendance de notre marché du point de vue du financement notamment avec le recours aux eurobonds (euroobligation), dépendance dans les assurances, les transports, l’énergie…».
Bref, «tous ces contrats ficelés avec les entreprises étrangères bénéficient de grandes largesses du pouvoir en place, notamment les Investissements directs étrangers (Ide) et qui ne rapportent pas grand-chose à l’Etat», déplore-t-il. A cette désarticulation de l’économie notoire, il s’ajoute que «L’utilisation du franc CFA pour les pays comme le Sénégal renforce le caractère extraverti de notre économie», souligne-t-il. Parce que «notre politique monétaire est dictée par l’extérieur. Elle est calquée sur la politique de la Banque centrale européenne à cause du taux de change fixe et des garanties de la France. Ensuite, notre politique économique est dictée par les institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale, Fonds monétaire international (Fmi)». Donc, conclut-il, «nos choix de politique économique sont orientés. D’où le caractère extraverti de notre économie».
http://www.sudonline.sn
Sous ce rapport, le ministre ajoutait : «Nous n’avons pas le choix, si nous voulons leurs investissements. Et c’est ce qui se passe souvent, soit on laisse pour ne pas avoir Ila Touba, pas d’autoroute Mbour-Kaolack, pas de route des Niayes…
Mais, nous leur exigeons que nos entreprises locales participent en tant que co-contractant et quelquefois en qualité de sous-traitant à la hauteur des entreprises étrangères. C’est ça, la réalité», argumentait le ministre.
Et le 7 décembre dernier dans les mêmes travers, il assurait également que «l’économie sénégalaise n’est nullement contrôlée par un secteur privé étranger», arguant que 74% des entreprises ayant un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard de francs CFA sont détenues par les opérateurs économiques locaux».
Se voulant encore plus convaincant, Amadou Hott relevait: «Les entreprises étrangères représentent 26% du secteur privé sénégalais et paient plus de 400 milliards de francs CFA à l’Etat du Sénégal par an, en guise d’impôts et des taxes. Et ce montant n’inclut pas les salaires et les cotisations sociales dont bénéficient les employés des entreprises étrangères».
ARGUMENTAIRE NON VALIDE
Cette sortie du ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération ne reçoit toutefois pas la caution de certains économistes qui battent en brèche l’argumentaire du ministre qui, pour eux, ne tient pas la roue. Déconstruisant le discours du ministre Hott, l’économiste Meissa Babou, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, souligne entre autres remarques, pour lever toute équivoque, l’amalgame consistant à ne pas faire la différence entre des sociétés nationales et des sociétés de capitaux étrangers mais de droit sénégalais et de l’autre côté le code des investissements sénégalais largement favorable aux investisseurs étrangers, leur permettant de capter les grands marchés de l’Etat si ce ne sont des offres spontanées qui profitent au privé national», fait-t-il distinguer. A ses yeux, si l’on fait la revue des grands investissements de l’Etat depuis 2012, on peut apercevoir un fort impact économique des marchés du Bâtiment et travaux publics de l’Etat (Btp), captés par le privé étranger.
Pour s’en convaincre, il liste entre autres grands marchés «les visas biométriques avec l’homme d’affaires et politique ivoirien Adama Bictogo qui, suite à la résiliation à l’amiable du contrat qui les liait depuis février 2013, a chopé environ 14 milliards de francs CFA, l’Université Amadou-Mahtar MBow de Diamniadio avec le même homme d’affaires qui a empoché plus de 30 milliards pour rien du tout, l’arène nationale de Pikine construite dans le cadre de la coopération Chine Afrique, le Centre de conférence international Abdou Diouf à Diamniadio avec les Turcs, le garage de pompiers avec les Marocains à coût de milliards, l’autoroute Ila Touba avec les Chinois, Dakar aréna, le Train express régional (Ter), les ponts de l’émergence, le Bus rapid transit à Dakar (Brt)». Vus sous cet angle, «les choix sont extravertis», constate pour s’en désoler l’économiste. Sous l’angle du tissu économique sénégalais, le schéma est identique.
A ce propos, ajoutera-t-il: «Si l’on regarde le tissu économique sénégalais, on se rend compte que les Industries chimiques du Sénégalais (Ics) sont indiennes, le ciment est partagé entre les Français et le Nigérian Aliko Dangote, la téléphonie (Orange, Free) entre les mains des Français, et Expresso (Soudanais), les banques étrangères et la gestion de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) qui nous échappent».
Relativement à l’obtention des crédits aux entreprises nationales, il note un difficile accès aux crédits de ces banques mais également de la part de l’Etat banque, contrairement aux sociétés étrangères qui sont soutenues par leur Etat. Tout cela «montre à suffisance que les Sénégalais sont en rade par rapport à leur propre économie», déplore-t-il. Aujourd’hui, poursuit-il «le commerce est partagé entre les Chinois qui inondent le marché en produits de tout genre et les Français avec l’agroalimentaire dans les grandes surfaces». Bref, dira-til: «Nous sommes des seconds couteaux». Par conséquent, «le ministre doit comprendre qu’il s’agit aussi de l’occupation de notre espace économique», estime-t-il.
LES SOCIETES NATIONALES JOUENT UN ROLE TRES FAIBLE DANS L’ECONOMIE
Dans le même ordre d’idées, l’économiste Demba Moussa Dembélé et non moins président de l'Africaine de recherche et coopération pour l'appui au développement endogène (Arcade) relèvera d’abord ce que l’on peut retenir d’une économie extravertie pour dérouler son raisonnement : «C'est une économie dont l'essentiel de sa production locale est exportée pour pouvoir importer des produits manufacturiers afin de satisfaire les besoins… ». Il cite entre autres les activités économiques à forte présence étrangère et d’un impact économique considérable, largement occupées par le privé étranger, à l’image du secteur «des Btp, de la téléphonie, des ressources minières, extractives et halieutiques, de l’eau, le Port autonome de Dakar…». Donc, ajoute-t-il: «Dépendance par rapport au marché extérieur du point de vue des exportations de nos produits, dépendance de notre marché du point de vue du financement notamment avec le recours aux eurobonds (euroobligation), dépendance dans les assurances, les transports, l’énergie…».
Bref, «tous ces contrats ficelés avec les entreprises étrangères bénéficient de grandes largesses du pouvoir en place, notamment les Investissements directs étrangers (Ide) et qui ne rapportent pas grand-chose à l’Etat», déplore-t-il. A cette désarticulation de l’économie notoire, il s’ajoute que «L’utilisation du franc CFA pour les pays comme le Sénégal renforce le caractère extraverti de notre économie», souligne-t-il. Parce que «notre politique monétaire est dictée par l’extérieur. Elle est calquée sur la politique de la Banque centrale européenne à cause du taux de change fixe et des garanties de la France. Ensuite, notre politique économique est dictée par les institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale, Fonds monétaire international (Fmi)». Donc, conclut-il, «nos choix de politique économique sont orientés. D’où le caractère extraverti de notre économie».
http://www.sudonline.sn